153 - Regardez à Jésus
154 - La nouvelle naissance
155 - Un sermon pour tout le monde
156 - Tel maître, tels disciples
157 - Le premier et grand commandement
158 - Tu aimeras ton prochain
159 - Ce que l'on doit haïr
160 - On ne se joue pas de Christ
161 - L'admirable
162 - Qu'ai-je fait
163 - Souveraineté et salut
164 - Ciel et enfer
165 - Le piège de l'oiseleur
166 - Le destructeur détruit
167 - Achetez
168 - Profits et pertes
169 - Le levain des pharisiens
170 - M'aimes-tu
153 - REGARDEZ À JÉSUS.
L’a-t-on regardé ? On en est illuminé, et leurs faces ne sont point confuses
(Psaume 34:6).
D’après la liaison qui existe entre mon texte et le verset précédent, il est clair que ces mots : L’a-t-on regardé ? se rapportent au Seigneur. « A-t-on regardé l’Éternel ? On en est illuminé » ; telle est donc la déclaration du psalmiste. Et cependant nul homme, j’ose l’affirmer, n’a jamais regardé Jéhovah tel qu’il est en lui-même sans en être troublé. En dehors de Jésus-Christ, la notion d’un Dieu absolu ne saurait procurer aux cœurs angoissés la moindre consolation. Nous pouvons, il est vrai, regarder au Tout-Puissant, mais nous serons aveuglés, car la lumière inaccessible où il habite est trop éblouissante pour que nous puissions la supporter ; et de même que nul œil mortel ne peut fixer impunément l’astre du jour, de même nulle intelligence humaine ne saurait regarder au Créateur sans que l’éclat de la divine essence ne frappe l’œil de son esprit d’une cécité éternelle. La seule manière dont nous puissions contempler le Très-Haut, c’est comme au travers du médiateur Jésus-Christ. Oui, jusqu’à ce que je considère Dieu manifesté en chair, la divinité se voilant sous l’humanité, mon cœur, je le répète, ne peut trouver la paix ; mais dès que j’accepte par la foi le mystère de l’incarnation, oh ! Alors, je puis avec assurance élever mes regards vers Dieu, car il s’est abaissé jusqu’à moi, et ma pauvre intelligence bornée peut le comprendre et le saisir. Je vais donc appliquer les paroles de mon texte à notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Et je crois que cette interprétation est parfaitement légitime ; car, du moment qu’une âme regarde à Dieu tel qu’il s’est montré à nous en Jésus, du moment qu’elle envisage la divinité rendue visible dans la personne de l’Homme, né de la vierge Marie et crucifié sous Ponce Pilate, on peut dire en toute vérité que cette âme est illuminée : son entendement reçoit des flots de lumière, et son cœur des rayons de consolation.
Je me propose, mes chers auditeurs, de vous inviter en premier lieu à regarder à Jésus DANS SA VIE SUR LA TERRE, et j’espère que quelques âmes recevront du bien de cette première contemplation. Je vous exhorterai ensuite successivement à regarder à lui DANS SA MORT, DANS SA RÉSURRECTION, DANS SON ASCENSION, DANS SON OFFICE D’INTERCESSEUR, et enfin DANS SON SECOND AVÈNEMENT. Et veuille le Seigneur que, regardant à lui d’un œil fidèle, mon texte se réalise en chacun de nous, en sorte que nous reconnaissions par une douce expérience la vérité de ces paroles : L’a-t-on regardé ? On en est illuminé.
I.
D’abord, avons-nous dit, nous allons contempler le Seigneur Jésus DANS SA VIE. Et ici, le croyant sous l’épreuve trouvera surtout de précieuses lumières pour éclairer son âme. Dans l’exemple de Jésus, dans sa patience, dans ses douleurs, il y a comme des étoiles resplendissantes, capables de dissiper les épaisses ténèbres de la sombre nuit de l’adversité. Approchez donc, ô vous, enfants de Dieu ; et si seulement le Saint-Esprit daigne dessiller les yeux de votre entendement, quelles que puissent être vos épreuves, soit temporelles soit spirituelles, vous trouverez dans la vie de votre Sauveur et dans ses souffrances d’abondantes sources de consolations et de joie. Peut-être, sans doute même, devrais-je dire, il y a en cet instant devant moi plus d’un infortuné qui se débat dans les abîmes de la misère. Enfant du travail et de la peine, il ne mange son pain qu’au prix de bien des sueurs ; le joug pesant de l’oppression blesse son cou ; le dénuement sous toutes ses formes lui fait sentir son aiguillon. Peut-être, tandis, que je parle, endure-t-il secrètement les tortures de la faim, et, quoique dans la maison de Dieu, il ne peut imposer silence aux besoins impérieux de son corps qui défaille et qui souffre … Ô mon pauvre frère en Jésus, regarde à lui, regarde à lui, et tu seras illuminé ! Comment te plaindrais-tu de ta pauvreté, de ton abandon, de ta grande détresse ? Ton Maître ne t’a-t-il pas prédit que tu aurais des tribulations dans le monde, et ne sais-tu pas que c’est par beaucoup d’afflictions qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu ? (#Ac 14:22). Regarde à Jésus, te dis-je. Vois-le jeûnant pendant quarante jours. Vois-le suivant péniblement un chemin aride, puis accablé de fatigue et de soif, s’asseyant sur le bord du puits de Sichar ; et entends-le, lui le Seigneur de gloire, lui qui tient les nuées dans le creux de sa main, entends-le disant à une femme samaritaine : « Donne-moi à boire ». Et le disciple serait-il donc plus que son maître, ou le serviteur plus que son seigneur ? Si Jésus a souffert la faim, la soif, les privations de toutes sortes, ô déshérité de la terre, porte ton fardeau sans murmures. Dans toutes ces choses, tu es en communion avec ton Sauveur ; ne te laisse donc plus abattre en perdant courage, mais regarde à lui et tu seras illuminé.
Mais peut-être, mon bien-aimé ton épreuve est-elle d’une autre nature. Peut-être es-tu venu ici ce matin, le cœur saignant encore des blessures que t’a infligées la langue venimeuse de cette vipère immonde qu’on nomme la calomnie. Quoique pure et sans tache devant Dieu, ta réputation semble perdue devant les hommes ; tes détracteurs ont cherché à flétrir ce qui t’était plus cher que la vie : ton honneur, ta bonne renommée ; tu as été accusé de crimes dont ton âme a horreur ; c’est pourquoi tu es aujourd’hui rassasié d’amertume et enivré d’absinthe. J’en conviens, ton épreuve est bien lourde, ô enfant de douleurs ; car si la pauvreté est comme le fouet de Salomon, la médisance, on peut le dire, est comme les pointes de Roboam, et si le joug de la misère est pesant, celui de la calomnie est plus pesant encore (allusion à #1R 12:8-14). Cependant, quelque amère que soit ta peine, en Christ tu peux trouver des consolations. Viens, mon frère, regarde à lui et tu seras illuminé. Le Roi des rois fut appelé un Samaritain ; on l’accusa d’avoir un démon, et lui en qui résidait la suprême sagesse fut taxé de folie. Sa vie ne fut-elle pas toujours pure et sainte ? Et pourtant on le traita de mangeur et de buveur, d’ami des péagers et des gens de mauvaise vie. N’était-il pas le Fils bien-aimé du Père ? Ne possédait-il pas toute puissance sur la terre et dans le ciel ? Et pourtant on disait de lui qu’il chassait les démons par Béelzébul, le prince des démons. Courage donc, pauvre victime de la calomnie, essuie cette larme qui mouille ta paupière. S’ils ont appelé le père de famille Béelzébul, combien plus appelleront-ils ainsi ses domestiques ! (#Mt 10:25). Sans doute, si on avait honoré ton Maître, tu aurais pu t’attendre à ce qu’on t’honorât à ton tour ; mais puisqu’on l’a couvert d’injures, puisqu’on a cherché à ternir sa gloire, ne t’étonne point d’être en butte à la malice du monde, et ne rougis point d’être l’objet de ses outrages. Jésus marche à tes côtés dans le dur sentier de l’ignominie ; il porte sa croix devant toi, et cette croix était autrement lourde que la tienne ! Encore une fois, regarde à lui, et tu seras illuminé.
Mais j’entends un autre de mes auditeurs qui s’écrie : « Ah ! Mon affliction est plus grande encore. Je ne suis ni poursuivi par la calomnie, ni oppressé par le besoin, mais la main de Dieu s’est appesantie sur mon âme. Le Seigneur m’a remis en mémoire mes transgressions passées ; il m’a caché la clarté de sa face. Il fut un temps où j’étais assuré de mon salut ; je pouvais en quelque sorte lire mon nom inscrit dans le livre de vie ; mais aujourd’hui, hélas ! Je suis tombé bien bas. Le Seigneur m’a élevé, et puis, il m’a jeté par terre ; comme un lutteur, il m’a élevé, afin de me lancer loin de lui avec d’autant plus de force ; mes os sont épouvantés, et mon esprit s’est fondu d’ennui. Eh bien ! Mon frère angoissé, à toi aussi je dis : regarde à Jésus, et tu seras illuminé ! Ne gémis plus sur tes doutes, sur tes misères, mais viens avec moi et regarde à ton Sauveur. Vois-tu le jardin des Oliviers ? La nuit est froide, le sol crie sous tes pas, car la gelée l’a durci ; et là, au milieu des ténèbres et du silence, ton Sauveur est à genoux. Écoute-le. Comprends-tu le sens de ses gémissements, le langage de ses soupirs ? Sûrement tes angoisses ne sont rien auprès de celles qui devaient peser sur son âme quand des grumeaux de sang découlant de tout son corps, teignaient le sol autour de lui. Et tes combats, oserais-tu les comparer aux siens ? Vois-le en Gethsémané, luttant corps à corps contre les puissances des ténèbres. Écoute, oh ! Écoute surtout le cri déchirant qui sort de ses lèvres au dernier et solennel moment de son agonie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? Et lorsque tu l’auras entendu, ce cri d’une indicible angoisse, ne trouve point étrange, ô mon bien-aimé, si tu es appelé toi aussi à te mesurer parfois avec Satan, et ne murmure point, comme s’il t’arrivait quelque chose d’extraordinaire, alors même que tu devrais te joindre au lama sabachthani de ton Maître, ou suer avec lui quelques gouttes de sa sueur sanglante. L’a-t-on regardé ? On en est illuminé.
Il se peut aussi que j’aie en cet instant devant moi quelque fidèle persécuté pour la justice. « Hélas, s’écrie-t-il, je ne puis pratiquer en paix les commandements de mon Dieu. Mes proches, mes amis sont ligués contre moi ; ils me suscitent mille entraves. Je suis en butte aux sarcasmes, aux moqueries, aux humiliations de toute sorte pour le nom de Christ. » Et que t’importe, enfant de Dieu ? Ne crains rien, mais regarde à ton tour à Jésus, et tu seras illuminé. Souviens-toi des persécutions sans nombre auxquelles ton Sauveur se soumit pour l’amour de ton âme. Pense, oh ! Pense, aux soufflets et aux crachats, aux insultes des soldats et aux huées de la foule. Pense à cette marche terrible à travers les rues de Jérusalem, lorsque tous le bafouaient à l’envie, et que ceux-là même qui allaient être crucifiés avec lui l’accablaient de leurs injures. Dis, mon frère, n’as-tu .jamais été plus maltraité que lui ? N’as-tu jamais subi de plus grands outrages? … Oh ! Il me semble qu’un seul regard jeté sur l’Homme de douleurs, devrait suffire pour ranimer le chrétien le plus timide, et pour lui faire ceindre son armure avec un nouveau courage ! Eh quoi ! Rougirions-nous d’être aussi déshonorés que notre auguste Chef ? C’est en regardant à Jésus persécuté, que les nobles martyrs des temps passés furent rendus capables de braver pour son nom les bûchers et les tortures. Ils savaient, ces vaillants soldats de la croix, qu’au sortir de la terrible mêlée où ils allaient laisser leur vie, une glorieuse couronne les attendait, la sanglante couronne du martyre ! C’est pourquoi ils demeuraient fermes, comme voyant Celui qui est invisible ; et cette vue les fortifiait, au sein même des plus cruelles douleurs. Ils considéraient Celui qui a souffert une si grande contradiction des pécheurs, afin qu’ils ne s’abattissent pas en perdant courage ; ils résistaient jusqu’au sang, combattant contre le péché (#Hé 11:27; 12:3,4) ; et sachant que leur Maître avait fait de même, son exemple soutenait leur constance. Ah ! Mes frères et mes sœurs bien-aimés, si nous regardions plus à Christ, croyez que nos épreuves ne nous paraîtraient plus si sombres. Même par la nuit la plus noire, un regard vers Christ suffit pour éclairer le ciel de ses enfants. Oui, fussions-nous entourés d’une obscurité tellement épaisse, que pareille à celle du pays d’Égypte, on pût la toucher de la main (#Ex 10:21) ; fussions-nous, pour ainsi dire, emprisonnés dans des murailles de ténèbres massives, un simple regard sur Jésus serait encore pour nous comme le brillant éclair qui sillonne la nue, — aussi brillant, mais non aussi fugitif. Que sont en effet les fatigues de la route, pour l’âme qui contemple Christ ? Réjouie par sa voix, fortifiée par sa force, elle est prête à tout faire, à tout souffrir, et pourvu qu’il la soutienne jusqu’à la fin, à obéir, comme lui, jusqu’à la mort.
Ô vous donc, chrétiens travaillés et chargés, quelles que soient vos épreuves, souvenez-vous de regarder à Jésus dans sa vie, et vous serez illuminés.
II.
Et maintenant, mes frères, je vous convie à contempler un spectacle plus lugubre encore ; mais, chose étrange ! À mesure que l’horizon s’assombrit autour de Jésus, pour nous, son éclat augmente. Plus le Sauveur s’enfonce dans les abîmes de la douleur, plus brillantes sont les perles qu’il nous procure : plus amères sont ses angoisses, plus vives sont nos joies, et, plus profondes ses humiliations, plus éclatantes nos gloires. Venez donc, mes chers auditeurs, — et cette fois je m’adresse aux pauvres pécheurs craintifs et tremblants, aussi bien qu’aux âmes croyantes, — venez regarder à Jésus DANS SA MORT. Montons ensemble au Calvaire. Là, sur le sommet de la colline, en dehors des portes de Jérusalem, au lieu où l’on avait coutume d’exécuter les malfaiteurs vulgaires, là, dis-je, sont dressées trois croix. Celle du milieu est réservée pour un homme considéré comme le plus grand des criminels. Voyez ! On l’a cloué à la croix. Et cet homme, c’est le Prince de la vie, c’est le Seigneur de gloire, aux pieds duquel les armées célestes se plaisent à verser nuit et jour des coupes pleines de parfums et de louanges ! Ô mystère des mystères ! … On l’a cloué à la croix ; il est suspendu entre le ciel et la terre, meurtri, sanglant, agonisant. Il a soif et il pousse un cri de détresse. On apporte du vinaigre et on le présente brutalement à ses lèvres. Il souffre, il se meurt, il aurait besoin de sympathie, mais on l’insulte, et on s’écrie avec une cruelle ironie : Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même ! On dénature ses paroles ; on le défie maintenant de détruire le temple et de le rebâtir en trois jours, de sorte qu’au moment même où cette prédiction se réalise, on se moque de son impuissance à l’accomplir. Oh ! Voyez-le, avant que le voile s’abaisse sur une agonie trop poignante pour que l’œil puisse en supporter la vue ! Regardez-le … Y eut-il jamais un visage navré comme son visage ? Y eût-il jamais un cœur aussi gros de souffrances que son cœur ? Et quels yeux ne reflétèrent jamais comme les siens le feu dévorant d’une brûlante angoisse ? Oh ! Venez, approchez, considérez-le ; venez et regardez maintenant à Jésus. Le soleil s’est éclipsé, refusant d’éclairer ce déchirant spectacle. La terre tremble, les morts se lèvent, les horreurs de ses souffrances font tressaillir la nature entière.
Il meurt, il meurt ! Lui, le Saint et le Juste, Lui, l’Ami du pécheur ! …
Mon cher auditeur, qui que tu sois, je t’invite en cet instant à regarder à la croix de Jésus afin que tu sois illuminé. Quels sont les doutes qui assiègent ton âme ? De quelque nature qu’ils puissent être, ils trouveront, sois en certain, une douce et consolante solution au pied de la croix de Christ. Tu es venu peut-être dans ce lieu de culte doutant de la miséricorde de Dieu ; regarde au Sauveur mourant sur le Calvaire, et tu ne pourras en douter encore. Si Dieu n’était pas riche en compassion et abondant en gratuités, aurait-il, je te le demande, envoyé son Fils, son unique, pour souffrir et pour mourir ? Peux-tu supposer qu’un Père qui a arraché son Bien-Aimé de son sein, qui l’a cloué à l’arbre de la croix afin qu’il endurât une mort ignominieuse pour nous sauver, peux-tu, dis-je, supposer que ce Père soit dur, inflexible, sans entrailles et sans pitié ? Arrière de nous cette pensée impie ! Non, il n’y aurait jamais eu de croix sur le Calvaire s’il n’y avait des trésors de compassion dans le cœur de Dieu.
Ou bien doutes-tu que le Seigneur puisse te sauver ? Te dis-tu en ce moment : « Comment le Saint et le Juste pourrait-il bien faire grâce à un être aussi coupable que moi ? » Oh ! Regarde, pécheur, regarde à la grande expiation qui a été faite, à l’inappréciable rançon qui a été payée pour ton âme. Crois-tu que ce sang qui découle du corps meurtri de Jésus n’ait pas la puissance de laver ton âme et de la justifier parfaitement ? Sans la croix, il est vrai, ce problème fût demeuré éternellement insoluble : « Comment Dieu peut-il être juste, tout en justifiant le pécheur ? » Mais vois sur Golgotha le sanglant substitut de l’homme coupable ! Et sache que le Seigneur a accepté ses souffrances comme un équivalent à la peine due à tous ceux qui croiront en lui … Après cela dis encore, si tu l’oses, que le sang de Christ ne suffit point pour acquitter le pécheur, tout en sauvegardant l’inviolable justice de Dieu !
Mais il est des âmes qui me diront : « Nous ne doutons pas de la miséricorde de Dieu en général, non plus que de son pouvoir à pardonner ; mais ce dont nous doutons c’est de sa volonté à nous pardonner, nous, individuellement ». Ah ! Mes chers amis qui tenez ce langage, je vous en conjure par Celui qui est vivant et qui a été mort, ne cherchez point en vous-mêmes la réponse à cette difficulté ; ne vous asseyez point, ainsi que vous l’avez fait tant de fois, pour considérer de nouveau vos péchés. Ils ont tout fait pour vous perdre, — ils ne feront jamais rien pour vous sauver. Le seul lieu où vous puissiez trouver une réponse consolante pour votre âme, c’est au pied de la croix. Allez donc, mes bien-aimés, allez, en rentrant dans vos maisons, vous asseoir, dans le calme et le silence, en face de la croix de Christ. Là, contemplez le Sauveur mourant ; voyez ses plaies, ses douleurs, son agonie ; — et alors je vous défie de me dire encore : « Je doute de son amour pour moi ! » Oui, la contemplation de Christ engendre la foi. On ne peut croire en Christ que tel qu’on le voit ; or, si vous regardez lui vous acquerrez la certitude que sa bonne volonté à vous sauver égale sa puissance ; vous saurez qu’il est plein de charité, de support, de tendre compassion. On ne doute que parce qu’on ne connaît pas Christ. Si le monde entier voulait regarder à Jésus, le monde entier croirait en lui.
Ah ! Si vous connaissiez sa grâce,
Si le doux regard de sa face
Avait rencontré votre cœur,
Ce cœur, délivré de ses chaînes,
Fuyant la source de ses peines,
S’égaierait en son Sauveur !
Chants chrétiens.
Essayez, essayez, mes chers amis, de regarder à Christ, tout de suite, en ce moment même, et vous sentirez tous vos doutes se dissiper comme par enchantement ; car en vérité je vous le dis, il n’est rien qui tue plus vite toute sorte d’incrédulité et de méfiance qu’un regard fixé sur l’œil doux et aimant du Sauveur crucifié.
« Quant à moi, objecte encore quelqu’un, si je doute de mon salut c’est parce que je ne puis être aussi saint que je le voudrais. J’ai essayé de me débarrasser de mes péchés, mais sans succès. J’ai cherché à ne plus nourrir de mauvaises pensées, à ne plus commettre de mauvaises actions, mais, hélas ! Je sens encore que mon cœur est rusé par-dessus toutes choses, et que j’erre constamment loin de Dieu. Sûrement il est impossible que je sois sauvé, tant que je serai dans cet état… » Arrête, mon cher auditeur ! Regarde à Jésus, toi aussi, et tu seras illuminé. Qu’as-tu besoin, je te prie, de toujours te contempler toi-même ? La grande affaire du pécheur est, non avec lui-même, mais avec Christ. Ton affaire à toi c’est d’aller à lui, malade dans ton âme, travaillé dans ta conscience, souillé dans ta vie, et de lui demander la guérison. Il ne faut pas que tu sois d’abord ton propre médecin, et ensuite que tu aies recours à Christ ; non, tu dois aller à lui tel que tu es. Ta seule chance de salut est de te confier simplement, implicitement, exclusivement en Christ. Que Christ soit le seul pilier de ton espérance, et ne cherche jamais à l’étayer par les fragiles arcs-boutants de ta propre justice. Souviens-toi que Jésus peut et veut te sauver. Tout ce qu’il demande de toi c’est que tu te confies en lui. Quant aux bonnes œuvres, elles viendront plus tard : ce sont les fruits de l’Esprit, — fruits de l’arrière-saison, si l’on peut ainsi dire ; mais pour le moment ton premier devoir n’est pas de faire, mais de croire. Regarde donc à Jésus, et repose-toi uniquement sur lui.
« Mais, reprend un autre, je crains que je ne sente pas comme je le devrais le besoin d’un Sauveur. » — Eh ! C’est toujours la même ruse de Satan, mon frère. Toi aussi, tu regardes à toi-même : de là vient tout le mal. On peut dire que nos doutes et nos craintes n’ont qu’une seule et même cause : notre obstination à tourner nos yeux dans une mauvaise direction. Que ne regardes-tu à la croix, mon cher auditeur ? Que ne regardes-tu à Jésus, comme le pauvre brigand qui était crucifié à côté de lui ? Tu le sais, il s’écria simplement : Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras entré dans ton règne ! Fais de même. Rien ne t’empêche assurément de dire à Jésus que tu ne sens pas assez le besoin que tu as de lui ; tu peux, si tu le veux, en lui énumérant tes nombreux manquements, lui avouer que tu n’as pas une conviction assez forte de ta profonde indignité, et à toutes tes confessions ajouter cette requête : « Seigneur, aide-moi à mieux te confesser mes péchés, aide-moi à éprouver une componction plus sincère ». Mais tout en faisant cela rappelle-toi que jamais ta repentance ne te sauvera, le salut ne s’obtient, — je ne me lasse pas de le redire, — que par le sang de Christ, par ce sang qui s’échappe de ses mains, de ses pieds, de son côté percé. Oh ! Je vous en supplie, mes chers amis, au nom de Celui devant la face de qui je me tiens et lequel je sers, — je vous en supplie, tournez en ce moment vos yeux vers la croix de Christ. La voilà. Je la dresse aujourd’hui au milieu de vous. Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi le Fils de l’Homme est élevé à cette heure sous vos yeux, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.
Un mot maintenant à vous, enfants de Dieu, car vous avez aussi vos doutes. Voulez-vous en être affranchis ? Voulez-vous vous réjouir dans le Seigneur, avec une foi ferme et une confiance inébranlable ? Regardez à Jésus, regardez comme tout de nouveau à lui, et vous serez illuminés. Je ne sais ce qui en est de mes chers frères en la foi, mais pour ma part, je l’avoue, mon âme est souvent assaillie par de pénibles perplexités, à tel point que je me demande avec inquiétude si je possède, oui ou non, le moindre amour pour le Sauveur. Et bien que certaines personnes qui jouissent, disent-elles, sans interruption, de l’assurance de leur salut, se moquent du cantique commençant par ces mots :
Hélas ! Mon cœur tremblant se demande sans cesse :
Suis-je au monde ou suis-je au Seigneur ?
Je déclare que, quant à moi, je suis souvent obligé de le chanter. Bien plus, j’ai la conviction que tout enfant de Dieu a ses moments de doute, et que les gens qui ne sont jamais inquiets sur leur état sont justement ceux qui auraient le plus raison de l’être. Je rencontrai un jour un homme qui se vanta devant moi de ne point avoir éprouvé un seul instant de doute, depuis trente ans. « Je connais une personne, répondis-je, qui de son côté n’a jamais eu le plus léger doute sur votre compte… » Il prit ces paroles pour un compliment. « Comment cela ? » me dit-il d’un air satisfait ; « cette personne me connaît donc très particulièrement ? » — « Oui, répliquai-je ; aussi n’a-t-elle jamais douté que vous ne soyez le plus insigne hypocrite qu’elle ait jamais rencontré. » Tel était, en effet, le cas de cet infortuné. Et pourtant il jouissait, disait-il, depuis trente ans, de la ferme assurance de son salut ; à l’entendre, il se sentait choisi de Dieu. Il était, pour ainsi dire, son enfant gâté ; la doctrine de l’élection ne l’effrayait point ; il se plaisait au contraire à la proclamer et l’aurait volontiers inscrite sur son front ; mais en même temps il était, le maître le plus dur, l’oppresseur le plus cruel des pauvres, et lorsque plus tard, il devint pauvre lui-même, il tomba au dernier échelon de la dégradation et du vice. Je vous cite cet exemple, mes chers amis, pour vous prouver que les chrétiens qui parlent le plus de leur assurance ne sont pas toujours les plus solides. Il est de pauvres âmes timorées qui en réalité touchent aux portes du ciel, et qui néanmoins tremblent parfois encore d’être jetées en enfer ; tandis que tel orgueilleux pharisien marchera le front haut et le cœur tranquille, sans s’apercevoir qu’il chemine sur la grande route de la perdition. — Quoi qu’il en soit, mes bien-aimés, il n’en est pas moins de votre devoir de chercher à surmonter au plus tôt ces défaillances de votre foi, et pour cela, je vous le dis encore, regardez à Jésus. Prenez pour votre devise ces paroles qu’un chrétien éminent — le docteur Carey, célèbre théologien écossais — choisit sur son lit de mort pour être gravées sur sa tombe :
Misérable et perdu, sans force et sans défense,
Je me jette, ô Christ, dans tes bras !
J’attends de toi pardon, salut et délivrance
Tu l’as promis, tu le feras !
On raconte qu’au moment d’expirer ce même chrétien, interrogé par un de ses amis, lui répondit : « Je suis à rassembler toutes mes bonnes œuvres, à les jeter à la mer, et à me cramponner de toutes mes forces à la planche du salut gratuit, sur laquelle j’espère bientôt aborder à la gloire ». Faites de même, ô chrétiens ! Tenez vos regards constamment fixés sur Christ seul, et aussi longtemps que votre œil sera sain, certainement tout votre corps sera éclairé ; mais si vous laissez errer les yeux de votre âme, si vous regardez d’abord à vous-mêmes et ensuite, à Christ, oh ! Alors, votre corps tout entier sera dans les ténèbres. À la croix, enfants de Dieu, à la croix ! Car c’est de là que vous viendra le secours. Lorsque Satan, ce lion rugissant, rôdera autour de vous, cherchant à vous dévorer, fuyez, fuyez vers la croix ! Allez où vont les brebis, poursuivies par quelque bête sauvage, — allez auprès de votre berger : les bêtes sauvages craignent sa houlette ; mais pour vous, elle n’est pas à craindre ; au contraire, elle vous consolera. À la croix, mes frères, à la croix, vous dis-je, si vous voulez que votre foi s’affermisse. Ah ! Si nous vivions plus près de Jésus, si nous ressemblions davantage à Jésus, si nous nous reposions sur Jésus avec plus d’abandon, je suis assuré que les doutes et les craintes seraient choses inconnues parmi nous ; alors notre vie chrétienne ressemblerait à un sentier doux et uni, sans ronces ni épines ; mais du moment que nous voudrons, en quelque mesure, vivre à nos propres dépens, soyons assurés que les épines et les ronces naîtront en abondance sous nos pas. — L’a-t-on regardé ? On en est illuminé …
Mais il est temps, mes chers amis, que nous tournions nos regards vers une scène glorieuse entre toutes : LA RÉSURRECTION DE CHRIST. Venez et admirons tous ensemble. Le serpent ancien vient de blesser au talon la sainte postérité de la femme. Le Fils de Dieu, le Rédempteur des hommes, vient d’exhaler le dernier soupir, et les filles de Jérusalem se lamentent au pied de la croix. On enveloppe son corps dans un linceul, on le dépose dans le sépulcre, et là il sommeille trois jours et trois nuits. Mais, ô prodige ! Le premier jour de la semaine, Celui que ne pouvaient retenir les cordeaux de la mort, Celui dont la chair ne devait point sentir la corruption ni l’âme rester prisonnière dans le lieu du silence, — Jésus lui-même se relève triomphant ! En vain l’a-t-on lié de bandes : il les déploie par sa puissance, puis, les range de côté dans un ordre parfait. En vain a-t-on scellé la pierre qui ferme le sépulcre : un ange descend du ciel, la roule, et incontinent le Seigneur sort. En vain les soldats et les gardes veillent-ils auprès de la grotte : saisis d’épouvante, tous s’enfuient, et il paraît, le Prince de la vie, le vainqueur de la mort, le premier-né de la tombe ; il paraît, ayant repris la vie par le seul effet de sa volonté souveraine !
Mes bien-aimés, je vois parmi vous un grand nombre de personnes revêtues des tristes insignes du deuil. Elles ont perdu peut-être les objets les plus chers de leurs affections. J’ai aussi devant moi, je n’en puis douter, bien des âmes qui sont constamment travaillées par la crainte de la mort. Elles sont toute leur vie assujetties à la servitude (#Hé 2:15), en songeant aux dernières angoisses, à la lutte suprême que tout enfant d’Adam doit soutenir en traversant le Jourdain. À ces deux classes d’affligés, je m’adresse en ce moment. Ô vous âmes en deuil et ô mes timides, venez, je vous en supplie, venez contempler Jésus sortant du tombeau ; mettez-vous bien dans l’esprit que ces paroles si pleines d’espérances sont littéralement vraies : Maintenant, Christ est ressuscité, et il est devenu les prémices de ceux qui sont morts (#1Co 15:20). Aussi quoique notre chair mortelle, souillée par le péché, doive retourner en poussière, nous pouvons dès à présent entonner ce chant de triomphe :
Ô mort ! Où donc est ta victoire ? Comme Jésus nous revivrons, Comme lui nous refleurirons, Parés de jeunesse et de gloire !
Prends donc courage, pauvre veuve ! Si ton mari est mort en Jésus, ne pleure plus à cause de lui, car Jésus te le rendra. Regarde ! Le Maître est ressuscité. Il n’est point un fantôme, car en présence de ses disciples, il mange du poisson rôti et d’un rayon de miel ; il n’est point un esprit, car il dit lui-même : « Touchez-moi et regardez-moi, car un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’ai. » Sa résurrection a été une palpable réalité. — Enfants de Dieu, apprenez tous à modérer votre douleur. Les êtres aimés que vous avez perdus revivront certainement. Non seulement leurs esprits, mais leurs corps vivront. Le tombeau, la poudre, la corruption ne font qu’épurer notre chair ; au son de la trompette de l’archange, nous la revêtirons de nouveau. Oh ! Ne croyez point, mes bien-aimés, que le ver du sépulcre ait englouti vos enfants, votre époux, vos amis, vos vieux parents ! À vues humaines, il est vrai, il semble qu’il, en soit ainsi ; mais qu’est-ce que le ver du sépulcre, après tout, si ce n’est le creuset par lequel doit passer notre pauvre chair souillée, afin que ses impuretés soient consumées ? Oui, dans un moment, dans un clin d’œil, au son de la dernière trompette, les morts ressusciteront incorruptibles et les vivants seront changés. Et alors, ô bonheur ! Ces yeux que la mort vient de fermer, vous les rencontrerez de nouveau ! Cette main que vous avez vue retomber inerte sur la couche funèbre, vous la presserez de nouveau ! Ces lèvres qui naguère étaient blanches et froides, vous les baiserez encore, et vous entendrez cette voix aimée, qui maintenant est silencieuse dans le tombeau ! … Ô bienheureuse espérance ! Comme notre Maître est ressuscité, ainsi ressusciterons-nous.
Et quant à vous, âmes craintives qui tremblez au seul nom de mort, dites, pourquoi ces terreurs, pourquoi ces alarmes ? Jésus est mort avant vous. Avant vous il a franchi les portes de fer du sépulcre, et quand vous devrez les franchir à votre tour, il viendra à votre rencontre. Ne craignez donc rien :
Un seul mot de Jésus peut, du lit de la mort,
Faire un doux oreiller où son enfant s’endort.
Encore une fois, pourquoi trembler ? Puisque Jésus est ressuscité, vous ressusciterez aussi. Que votre cœur ne se trouble point et confiez-vous en lui. Quand on vous déposera dans la tombe, tout ne sera pas fini pour vous ; oh ! Non, votre dépouille mortelle sera comme une semence mise en terre en vue de l’éternelle moisson. Votre esprit retournera vers Dieu, et votre corps, après avoir sommeillé un peu de temps dans la poussière, se réveillera pour l’immortalité. Il faut qu’il meure premièrement pour être ensuite vivifié, mais lorsqu’il aura connu la mort, il recevra une nouvelle vie. Oh ! Quelle chose précieuse que de pouvoir contempler par la foi un Sauveur ressuscité ! L’a-t-on regardé ? On en est illuminé. Je ne connais rien d’aussi propre à élever nos esprits vers le ciel qu’une vue claire de la résurrection de Jésus-Christ. Alors nos amis ne sont point perdus pour nous, ils nous ont simplement devancés ; nous ne mourrons point nous-mêmes ; nous semblerons mourir, mais en réalité nous commencerons à vivre, car il est écrit : Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. Dieu veuille que tel soit le partage de chacun de nous !
IV.
Et maintenant, mes frères, aussi brièvement que possible, je veux vous inviter à regarder à Jésus dans SA GLORIEUSE ASCENSION. Vous le savez, quarante jours après sa résurrection il conduisit ses disciples sur une montagne, et tandis qu’il leur parlait, tout à coup, il se sépara d’avec eux ; il s’éleva dans les airs, et une nuée l’emporta dans la gloire. Essayons de le suivre par l’imagination, dans son vol magnifique vers les cieux. Quel éclat, quelle majesté l’environne !
Son char pompeux est précédé des anges,
Qui, publiant ses merveilleux exploits,
Font retentir dans les airs ses louanges.
Et vers le ciel poussent leurs mille voix.
Cantique de l’Ascension.
Voyez-le montant, avec un triomphe incomparable, les collines éternelles ; il approche de la sainte cité, de la grande métropole de l’univers, et soudain les anges qui ouvrent le cortège s’écrient tous d’une voix : Portes, élevez vos têtes, portes éternelles, haussez-vous, et le Roi de gloire entrera ! Alors les esprits radieux qui se tiennent sur les créneaux de lumière crient à leur tour : Qui est ce Roi de gloire ? Et les premiers de répondre : C’est l’Éternel fort et puissant dans les combats, c’est l’Éternel des armées, c’est lui qui est ce roi de gloire ! (#Ps 24). Puis, tous ensemble, ceux qui gardent les murailles, et ceux qui précèdent le vainqueur, entonnent l’hymne du triomphe ; et au milieu de cet océan d’harmonie dont les vagues mélodieuses arrivent jusqu’aux portes du ciel, se détachent encore ces notes sublimes : « Portes, élevez vos têtes, portes éternelles, haussez-vous, et le Roi de gloire entrera ! » Et il entre ! Et sous ses pas l’armée céleste sème des palmes sans nombre ; et la multitude des rachetés sort à sa rencontre, jetant à ses pieds, non des fleurs d’un jour, comme nous en donnons aux conquérants de la terre, mais des fleurs immortelles, des couronnes impérissables de gloire. Et pendant ce temps, les voûtes des cieux retentissent d’une suave mélodie : À Celui qui nous a aimés, qui nous a lavés de nos péchés par son sang, et qui nous a faits rois et sacrificateurs de Dieu son Père, à lui soit la gloire et la force aux siècles des siècles (#Ap 1:5,6). Et tous les saints, et tous les anges répondent : Amen ! Amen !
Ô chrétien, mon frère, regarde à ces scènes glorieuses, car elles sont riches pour toi en consolations. Jésus a remporté la victoire et il s’est assis de nouveau sur son trône. Aujourd’hui, hélas, ta vie est un train de guerre continuel ; tu as à combattre, non contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances. Peut-être que ce matin même, l’adversaire t’a serré de près, en sorte que tu as été sur le point de tomber. En vérité, c’est un sujet d’étonnement pour toi que tu n’aies pas tourné le dos au jour de la bataille, car souvent tu as craint de fuir comme un lâche devant l’ennemi. Toutefois, ne tremble point : ton Maître a été plus que vainqueur, et tu le seras aussi. Le jour approche où, avec une splendeur moindre, il est vrai, que la sienne, mais de même nature, toi aussi tu entreras dans le séjour de la béatitude. Quand tu mourras, les anges viendront à ta rencontre au milieu des eaux profondes, et à mesure que le froid courant de la mort glacera ton sang dans tes veines, ton cœur sera réchauffé par un autre courant, courant de lumière et de chaleur, émanant de la grande source de toute joie. Et lorsqu’enfin tu seras parvenu au-delà du Jourdain des esprits angéliques, vêtus de leurs robes immaculées, te souhaiteront la bienvenue ; ils t’accompagneront vers la sainte cité en chantant les louanges de Jésus et en te saluant comme un nouveau trophée de sa puissance. Puis les portes du ciel s’ouvriront devant toi, et Christ, ton Maître, viendra à ta rencontre et te dira : Cela va bien, bon et fidèle serviteur ; entre dans la joie de ton Seigneur. Alors tu sentiras que tu partages son triomphe comme tu partageas, ici-bas, ses luttes et ses douleurs. Que ces pensées te raniment, ô chrétien ! Ton illustre capitaine a remporté une éclatante victoire, et par cette victoire il t’a assuré un glorieux étendard, qui jamais ne fut terni par la défaite, quoique souvent trempé dans le sang de ses défenseurs.
V.
Un cinquième aspect sous lequel je vous exhorte, mes frères, à regarder à Jésus, c’est dans SON OFFICE D’INTERCESSEUR. Voyez-le assis dans le ciel, à la droite du Père ; il est monté en haut ; il a mené captifs les prisonniers ; et maintenant il prie sans cesse pour nous. Semblable au souverain sacrificateur des anciens temps, il se tient debout, et étend les bras vers le trône de Dieu. Son, attitude est pleine de majesté, car il n’est point un timide et servile suppliant. Il ne se frappe point la poitrine et ne tient point ses yeux baissés vers la terre, mais avec autorité il prie pour nous. Sur sa tête brille l’éclatante tiare, insigne de la sacrificature, et sur sa poitrine étincellent les pierres précieuses où sont éternellement gravés les noms de ses élus. Écoutez-le tandis qu’il prie. Ne reconnaissez-vous point la requête qu’il présente en cet instant à son Père? … Ô merveilleuse charité ! C’est celle-là même que vous venez de faire monter vers lui ! Oui, mes bien-aimés, la prière qui ce matin s’est élevée de votre cœur, Christ l’offre à cette heure devant le trône de grâce. Le vœu qui s’est échappé de vos lèvres, il n’y a qu’un moment, alors que vous vous êtes écrié : « Seigneur, aie pitié de moi ! Seigneur, sois apaisé envers moi ! » — Ce vœu, Christ le répète maintenant dans le ciel ; il est à la fois l’autel et le pontife, et avec son propre sacrifice, il parfume nos prières. Et cependant, pauvre âme suppliante, il est possible que tu aies crié à Dieu jour après jour sans recevoir aucune réponse. Il est possible que tu aies recherché le Seigneur et qu’il ne t’ait pas entendue, ou du moins qu’il ne t’ait point exaucée selon le désir de ton cœur : dans ta profonde détresse, tu as crié à lui, mais les cieux t’ont paru d’airain et il semble que le Très-Haut ait rejeté ta demande ; c’est pourquoi, tu es pleine de ténèbres et d’abattement. Regarde à Jésus, pauvre âme, à Jésus intercédant pour toi, et tu seras illuminée ! Si tu n’es pas exaucée, lui le sera ; si Dieu ne prend pas garde à tes supplications, il prendra garde aux siennes ; si tes prières, comme tu le penses, sont pareilles à de l’eau qu’on répandrait sur un rocher, les siennes n’auront pas le même sort. Il est le Fils de Dieu, et ce qu’il demande, il l’obtient. Dieu ne peut rien refuser à son Fils, puisque ce Fils a acquis à l’avance les grâces qu’il sollicite au prix de son sang. Oh ! Reprends donc courage, persévère clans tes supplications ; regarde à Christ, et tu seras illuminée.
VI.
Enfin, pour terminer, regardons à Jésus dans SON SECOND AVÈNEMENT. Je m’adresse surtout à vous, ô chrétiens, mes compagnons de service, qui êtes fatigués du bruit et du tumulte de ce monde, des vices et des iniquités du présent siècle. Vous avez usé votre vie en luttant fidèlement contre le règne du péché ; mais parfois il vous semble, hélas, que tous vos efforts ont été vains. Les piliers de l’enfer sont aussi solides que jamais, le noir palais de Satan est aussi ferme sur sa base. Vous avez eu beau diriger contre cette redoutable forteresse toutes les batteries de la prière, toute la puissance de Dieu : c’est à peine si vous pouvez y distinguer une seule brèche. Le monde continue à pécher ; ses fleuves roulent encore du sang ; ses plaines sont encore souillées par des danses lascives, et ses échos répètent encore la chanson impure ou le serment profane. Dieu n’est point honoré, l’homme est toujours vil ; aussi vous dites-vous avec tristesse : « C’est en vain que nous continuerions à combattre ; nous avons entrepris une tâche qui ne saurait être accomplie ; jamais les royaumes de la terre ne deviendront les royaumes du Seigneur et de son Christ… » Oh ! Mes frères en Jésus, pourquoi ces défaillances, pourquoi ce découragement ? Regardez à Jésus, et vous serez illuminés. Voici, il vient, il vient, il vient bientôt ! Et ce que nous n’avons pas su faire en six mille ans, lui le fera en un clin d’œil. Voici, il vient, il vient pour régner ! Jamais nous ne parviendrons, il est vrai, à construire son trône ; mais lorsqu’il apparaîtra, il l’élèvera lui-même sur des colonnes de lumière, et il s’assiéra dans sa gloire, entouré de ses saints, pour juger tous les peuples au milieu de Jérusalem. Peut-être aujourd’hui, avant que ce culte soit terminé, Christ viendra, car, pour ce qui est du jour et de l’heure, nul ne le sait, non pas même les anges qui sont dans le ciel. Oui, au moment où je parle, le Seigneur Jésus peut paraître sur les nuées. Il ne nous servirait de rien de nous livrer à de vaines conjectures quant à l’époque précise de son avènement ; il viendra comme un larron dans la nuit, est-il écrit, mais sera-ce le soir, ou à minuit, ou à l’heure que le coq chante, ou le matin, c’est ce qu’il ne nous est pas permis de savoir ; l’Écriture laisse ce point complètement dans l’ombre, et tous les calculs de la science humaine, toutes les interprétations apocalyptiques ne parviendront jamais à l’éclaircir. Mais quoi qu’il en soit à cet égard, le fait en lui-même n’en est pas moins certain : Christ viendra. Oh ! C’est ma joyeuse espérance qu’il viendra pendant que je serai encore sur la terre ! Peut-être plusieurs de ceux qui sont ici en ce moment vivront encore à la venue du Fils de l’homme. Oh ! Glorieuse perspective ! Nous ne serons pas tous morts, mais nous serons tous changés ; et nous qui vivrons et qui serons restés sur la terre, nous serons enlevés tous ensemble au-devant du Seigneur, en l’air, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur (#1Co 15:51 ; #1Th 4:17). Mais si tu dois mourir avant cet heureux jour, voici, ô chrétien, quelle est ton espérance : Je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin qu’où je serai vous y soyez aussi. Et voici quel est ton devoir : Veillez donc, car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas (#Jn 14:3 ; #Mt 24:44). Oh ! Comment ne me mettrais-je pas à l’œuvre avec une nouvelle ardeur, puisque Christ est à la porte ? Oh ! Comment pourrais-je reculer devant les plus durs labeurs, puisque mon Maître vient, que son salaire est avec lui, et que sa récompense marche devant lui pour rendre à chacun selon ses œuvres ? Oh ! Je ne veux point .mettre bas les armes, je ne veux point me livrer à un lâche désespoir, car j’entends déjà retentir au loin le son avant-coureur de la dernière trompette. J’entends comme le bruit d’une grande armée qui s’avance ; ce sont les phalanges conquérantes, les derniers héros du Seigneur. Ce temps de glorieux réveil est le moment décisif de la bataille ; acharnée a été la lutte, chaude et furieuse la mêlée ; mais la trompette du vainqueur commence à vibrer dans les airs ; l’ange l’a déjà portée à sa bouche. Ses premiers sons ont retenti de l’autre côté de l’Atlantique, et ils se répéteront au milieu de nous, soyons en sûrs ; ou bien, si nous ne les entendons pas de nos jours, nos successeurs les entendront, nous en avons la ferme confiance. Oui, il vient, et tout œil le verra ! Et ceux qui l’ont crucifié pleureront et se lamenteront devant lui ; mais le juste se réjouira et exaltera son nom. L’a-t-on regardé ? On en est illuminé.
Il me souvient que je terminai, il y a quelque temps, une série de prédications par ces trois mots : « Jésus, — Jésus, — Jésus » ; et je crois que je ne puis mieux faire que de terminer ce discours de la même manière. Mais auparavant, je tiens à adresser quelques paroles à une pauvre âme abattue qui peut-être se trouve dans cet auditoire, et qui se demande avec anxiété s’il y a grâce pour elle auprès de Dieu. « Ah ! Ministre de l’Évangile, pense-t-elle, c’est bel et bon de nous dire : « Regardez à Jésus, regardez à Jésus » ; mais encore faut-il pouvoir regarder. Si l’on est aveugle … que faire alors ? » Ce qu’il faut faire, mon bien-aimé ? Le voici : Tourne tes orbites éteintes vers la croix, car cette même clarté qui illumine ceux qui voient donne la vue à ceux qui sont aveugles. Oh ! Si encore tu ne peux croire, du moins regarde, considère, pèse mûrement les choses, et en regardant et en réfléchissant tu seras rendu capable de croire. Jésus n’exige rien de toi ; il t’invite simplement à croire qu’il est mort pour te sauver. Si aujourd’hui tu te sens un pécheur coupable et perdu, tout ce qu’il te demande, c’est de vouloir bien croire en lui, te reposer sur lui, te confier à lui. N’est-ce pas bien peu qu’il te demande, mon frère ? Et pourtant, je te le dis, c’est plus que toi ou aucun homme vivant puissiez lui donner, à moins que votre cœur n’ait été touché par l’Esprit de Dieu. Allons, pauvre âme, jette-toi dans les bras de Jésus ; empare-toi de ses promesses ; abandonne-toi entièrement entre ses mains miséricordieuses ; et tu ne saurais comprendre la joie qui inondera ton cœur dès l’instant où tu croiras en lui.
Oh ! Pécheurs tremblants et angoissés, Dieu veuille que je vous aie apporté en ce jour un message de paix ! Écoutez la voix de Jésus qui vous crie en cet instant même : Vous tous les bouts de la terre, REGARDEZ VERS MOI et soyez sauvés, car je suis Dieu, et il n’y en a point d’autre ! Regardez, regardez, et en regardant vous vivrez ! Puissent toutes les bénédictions du Seigneur reposer sur chacun de vous, mes chers auditeurs, et puissiez-vous désormais contempler sans cesse par la foi l’Être adorable que nous aimons et que nous voudrions vous faire aimer, savoir, Jésus, — Jésus, — Jésus !
154 - LA NOUVELLE NAISSANCE.
Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu
(Jean 3:3).
Dans la vie ordinaire, l’homme se préoccupe naturellement le plus des choses qui sont les plus nécessaires à son existence. C’est ainsi que dans un temps de grande disette, personne ne trouve mauvais que le prix du pain fasse le sujet de toutes les conversations ; chacun sent que c’est là une question d’un intérêt vital pour les masses ; aussi ne songe-t-on pas à se plaindre, bien qu’on doive écouter de continuelles déclamations et lire dans les journaux d’interminables articles sur la matière. J’ai une excuse de la même nature à vous présenter, mes chers auditeurs, pour venir vous entretenir aujourd’hui du sujet si souvent traité de la nouvelle naissance. C’est là, en effet, un sujet d’une importance sans égale ; c’est la clef de voûte de l’Évangile ; c’est un point sur lequel s’accordent tous les chrétiens vrais et sincères sans exception. Dans un sens, on peut dire que la régénération ou la nouvelle naissance (ce qui désigne une seule et même chose) est le fondement même du salut ; sur elle reposent nos espérances pour le ciel ; et de même qu’un architecte ne saurait veiller avec trop de soin à ce que l’édifice qu’il construit soit solidement assis sur sa base, de même nous devons tous examiner diligemment si nous sommes réellement nés de nouveau et si, par conséquent, nous sommes en sûreté pour l’éternité. Beaucoup d’âmes se flattent d’être régénérées, et qui, en réalité, ne le sont point. Il convient donc à chacun de s’examiner fréquemment sous ce rapport, et il est du devoir de tout ministre de l’Évangile de revenir souvent sur un sujet, si propre à porter les enfants des hommes à s’éprouver sérieusement eux-mêmes, si propre à leur faire sonder leurs cœurs et leurs voies.
J’entre de suite en matière.
Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Avant tout, je donnerai QUELQUES EXPLICATIONS SUR LA NOUVELLE NAISSANCE ; en second lieu, je dirai ce QU’IL FAUT ENTENDRE PAR LE ROYAUME DE DIEU ; j’examinerai ensuite avec vous POURQUOI UN HOMME QUI N’EST POINT NÉ DE NOUVEAU NE SAURAIT ENTRER DANS LE ROYAUME DE DIEU ; enfin avant de terminer, et en ma qualité d’ambassadeur de Christ, JE PLAIDERAI CONTRE VOUS-MÊMES LA CAUSE DE VOS ÂMES IMMORTELLES.
I.
En premier lieu, je voudrais vous faire bien comprendre, mes chers amis, ce qu’est LA NOUVELLE NAISSANCE. Observez la figure qui est employée dans mon texte ; il est dit qu’un homme doit naître de nouveau. Évidemment, il est ici question de toute autre chose que de ces réformes extérieures et incomplètes dont la vie de presque tous les hommes nous offre des exemples. Pour mieux faire ressortir la différence essentielle qui existe entre un changement de cette espèce et le changement radical de la nouvelle naissance, permettez-moi d’avoir recours à une sorte de parabole : si vous la suivez avec soin, je crois que vous saisirez parfaitement ce que j’ai à cœur de vous démontrer.
Supposons que dans une contrée de l’Europe, en Angleterre, par exemple, il existe une loi stipulant que nul ne pourra être admis à la cour, occuper les emplois publics ou jouir des privilèges appartenant à la nation, s’il n’a reçu le jour sur le sol anglais. Supposons que ce soit là une condition sine qua non, une condition que rien ne saurait remplacer, en sorte que si un homme n’est point né sur le territoire britannique, possédât-il d’ailleurs tous les avantages et toutes les qualités imaginables, il est par cela seul privé à tout jamais du titre et des droits de citoyen anglais. Supposons maintenant qu’un étranger, un indien rouge, si vous voulez, arrive en Angleterre et qu’il veuille à tout prix se faire naturaliser. Il connaît pourtant la loi du royaume ; il sait qu’elle est formelle, absolue, immuable ; n’importe, il cherche à l’éluder. Il dit : « Je suis prêt à faire toutes sortes de concessions. Et d’abord je changerai de nom. Dans ma tribu, je portais un nom sonore ; on m’appelait Fils du vent d’orient, ou quelque chose de semblable ; mais désormais je me ferai appeler comme l’un de vous, je porterai un nom chrétien, je veux être sujet anglais. » Cet homme réussira-t-il ainsi à échapper aux exigences de la loi ? Voyez-le s’approchant de la porte du palais et demandant d’être admis à la cour. — « Es-tu né sur le sol anglais ? » Telle est la première question qu’on lui adresse. « Non, répond-il, mais j’ai pris un nom anglais. » — « Que nous importe, lui réplique-t-on ; la loi est positive ; puisque tu n’es point né dans ce pays, quand même tu porterais le nom des princes du sang, tu ne seras jamais admis ici. »
Mes chers auditeurs, ceci s’applique à chacun de vous. Tous ou presque tous du moins, vous faites profession de christianisme. Vivant dans une contrée soi-disant chrétienne, vous considéreriez comme un déshonneur de ne pas vous dire chrétiens. Vous n’êtes ni païens ni infidèles ; vous n’êtes ni juifs ni mahométans. Vous estimez que le nom de chrétien est un nom, recommandable ; en conséquence, vous le portez. Toutefois, ne vous y trompez point : on n’est pas chrétien par le simple fait qu’on s’intitule tel ; et le fait que vous vous rattachez, extérieurement à la religion de l’Évangile parce qu’elle est la religion dominante de votre pays, ne vous servira absolument de rien, si vous ne remplissez la condition sans laquelle nul, ne verra le royaume de Dieu, en d’autres termes, si par la nouvelle naissance vous n’avez été faits les sujets de Jésus-Christ.
Mais, continue notre Indien rouge, je suis prêt à renoncer aussi au costume de ma race ; j’adopterai les vêtements européens ; je me soumettrai s’il le faut, aux exigences les plus capricieuses de la mode ; l’œil le plus exercé ne découvrira rien en moi qui trahisse mon origine. Voyez : ces plumes, je les jette au vent ; cette hache d’armes, je ne la brandirai plus ; ce mocassin, je l’abandonne pour toujours, Désormais, je suis anglais par mon costume aussi bien que par mon nom. Ainsi paré d’habits de cour et vêtu selon toutes les règles de l’étiquette, ne puis-je point me présenter devant Sa Majesté ? » En parlant ainsi, notre Indien frappe de nouveau à la porte du palais ; mais, vain espoir ! L’accès lui en est encore interdit ; car la loi exige que ceux qui y entrent soient anglais de naissance, et toute la recherche, toute l’élégance de son costume ne saurait racheter l’absence de cette condition.
Ainsi en est-il d’un grand nombre de ceux qui m’écoutent. Vous ne portez pas simplement le nom de chrétiens : vous vous conformez aussi aux coutumes chrétiennes, Vous fréquentez assidûment la maison de Dieu ; vous allez le dimanche à vos églises ou à vos chapelles ; vous veillez à ce que certaines formes de la religion soient observées dans votre famille ; peut-être même vos enfants vous entendent-ils quelquefois prononcer le saint nom de Jésus. Jusque-là, c’est bien, c’est très bien, et à Dieu ne plaise que je vous blâme à ce sujet ; toutefois, souvenez-vous que ces choses, bonnes en elles-mêmes, deviennent mauvaises si vous n’allez pas plus loin. Souvenez-vous que malgré tous ces dehors de piété, vous serez exclus du royaume de Dieu, à moins que vous n’y ajoutiez la chose essentielle, la chose qui donne du prix à tout le reste, c’est-à-dire la nouvelle naissance. Oui, mon cher auditeur, drapez-vous tant qu’il vous plaira dans les robes magnifiques d’une dévotion extérieure ; ornez votre front des brillantes fleurs de l’appartenance et faites de l’intégrité la ceinture de vos reins ; mettez à vos pieds la chaussure de la persévérance et traversez la vie en homme loyal et droit. Mais sachez-le, sans la nouvelle naissance, tout cela aux yeux de Dieu est comme rien : ce qui est né de la chair est chair, et si vous êtes demeuré étranger à l’opération régénératrice du Saint-Esprit, en vérité, je vous le dis, les portes du ciel resteront à jamais fermées pour vous.
« Mais, reprend notre indien, je ferai plus que changer de nom et d’habits, j’apprendrai votre langage. Je renonce au dialecte de mes pères. Les sons étranges dont je faisais naguère retentir la forêt vierge ou la sauvage prairie ne passeront plus mes lèvres. J’oublierai le ShuShuhgah et tous ces noms bizarres par lesquels je désignais mes oiseaux ou mon cerf. Je parlerai comme vous parlez, j’agirai comme vous agissez, Non seulement j’emprunterai votre costume, mais je m’appliquerai soigneusement à reproduire vos manières, votre ton, votre accent, votre voix. Je parlerai votre langue avec une correction, une pureté sans égales ; en un mot, je ressemblerai à s’y méprendre à un Anglais de naissance ; ne pourrai-je point alors me présenter à la cour ? » — « Jamais, répond le garde du palais, quoi que tu fasses, ton admission ici est impossible ; car si un homme n’est pas né dans ce pays, il ne peut franchir le seuil de cette porte. »
Tel est le cas de plus d’un d’entre vous, mes chers auditeurs. Vous parlez absolument comme les chrétiens, vous avez à la vérité un peu trop de faconde religieuse ; vous, vous êtes étudiés à copier si minutieusement les gens pieux, que vous avez fini par exagérer votre modèle ; et vos moindres paroles sont tellement confites en dévotion qu’un œil clairvoyant ne tardera pas à y découvrir une contrefaçon. Toutefois, en général, on vous considère comme un chrétien de bon aloi. Vous avez lu des biographies de croyants distingués, et parfois vous empruntez à ces ouvrages de longues tirades sur les expériences de l’enfant de Dieu, que l’on pense être de vous. Vous avez vécu avec des chrétiens, et vous avez appris à parler comme eux ; il se peut même que vous ayez adopté certaines formules consacrées, certaine phraséologie puritaine auxquelles les âmes simples se laissent prendre. Par le fait, il semble que vous ne différiez en rien de la masse des croyants. Vous êtes membres de l’Église ; vous avez été baptisés ; vous participez à la cène du Seigneur ; peut-être êtes-vous anciens ou diacres. En somme, vous avez tout du vrai chrétien, tout, sauf le cœur. Ah ! Sépulcres blanchis, bien ornés au-dehors, mais pleins au-dedans de toute sorte de pourriture, prenez garde ! Prenez garde ! Il est surprenant de voir à quel point un peintre habile peut donner l’expression de la vie à une toile insensible et inanimée ; mais il est une chose plus surprenante encore : c’est qu’une âme irrégénérée puisse reproduire aussi fidèlement l’image du chrétien. Quoi qu’il en soit, la règle contenue dans mon texte demeure inflexible : si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu ; et malgré ses grands airs de dévotion, malgré les vains oripeaux de sa prétendue piétée, malgré le pompeux étalage de ses soi-disant expériences personnelles, tout homme qui ne remplira point cette condition sera repoussé sans miséricorde des portes du ciel.
Mais j’entends des voix qui me crient : « Prédicateur de l’Évangile, tu manques de charité ! » Peu m’importe, mes amis, ce que vous pensez à ce sujet ; je n’ai aucun désir d’être plus charitable que Christ. Je n’ai rien dit de mon chef ; Christ a parlé et je répète ses paroles. Si vous les trouvez dures, allez en demander raison à mon Maître ; quant à moi, je ne suis pas l’auteur de cette vérité ; j’en suis simplement l’interprète.
Il est écrit en toutes lettres : si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Supposez que votre domestique ayant transmis mot pour mot un message dont vous l’aviez chargé, s’entende apostropher et accabler d’injures par la personne à qui ce message était adressé. Son premier mouvement ne serait-il pas de se récrier : « Mais, monsieur, ne m’insultez pas, je suis innocent ; je ne puis que vous rapporter ce que mon maître m’a dit ; s’il y a faute, elle est à lui et non à moi ». Il en est exactement de même du serviteur de Dieu qui vous parle. Si vous trouvez qu’il manque de charité, ce n’est pas lui que vous accusez : c’est Christ. Ce n’est pas au messager que vous devez vous en prendre : c’est au message. Encore une fois, il est écrit : si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu … Je n’ai ni le temps ni le désir de discuter avec vous ; je me bornerai à vous redire que cette déclaration vient de Dieu. Rejetez-la ou acceptez-la, à votre choix ! Mais souvenez-vous que si vous la rejetez c’est à vos risques et périls, car ce n’est point impunément qu’on refuse de croire à une parole sortie de la bouche du Très-Haut.
Mais de quelle manière la nouvelle naissance peut-elle s’obtenir ? C’est là une question qu’il importe de résoudre. Je me flatte qu’il n’est dans cette assemblée personne d’assez ignorant ou d’assez aveugle pour croire à la vertu régénératrice du baptême. Je penserais en vérité faire injure à mes auditeurs en supposant qu’il pût y avoir parmi eux un seul homme assez peu éclairé pour ajouter foi à une semblable doctrine. Cependant, comme cette doctrine, aussi contraire au plus simple bon sens qu’aux enseignements de l’Écriture, n’est que trop répandue dans le monde, je ne puis me dispenser d’en dire quelques mots.
Il y a des gens qui soutiennent fort gravement que les quelques gouttes d’eau répandues sur le front d’un enfant par un ministre du culte font de cet enfant un être nouveau, un être Régénéré … eh bien, je vous l’accorde.
Mettons qu’il en soit ainsi ; mettons que par je ne sais quelle influence magique, la cérémonie du baptême produise nécessairement la nouvelle naissance. Mais, en retour de cette concession, permettez-moi de vous montrer vos soi-disant régénérés quelque vingt ans plus tard.
Voyez-vous ce jeune homme qui dissipe les meilleures années de sa vie dans les plus coupables débordements ? … C’est un de vos régénérés, car il a reçu les eaux du baptême : or, si le baptême régénère, ce jeune homme est régénéré tout comme un autre. Tendez-lui donc une main sympathique et recevez-le comme un frère dans le Seigneur. — Entendez-vous cet impie qui jure et blasphème contre Dieu ? Son langage profane vous indigne et cependant qui le croirait ? Il est régénéré ; le ministre de la religion a versé sur son front les eaux sacramentelles : reconnaissez donc en lui un homme nouveau et un héritier du royaume de Dieu. Regardez cet ivrogne qui chancelle dans nos rues ; il est une plaie pour ses alentours ; il se querelle avec tous ses voisins ; il maltraite ; sa malheureuse compagne ; il est pire que la brute. Toutefois, ô prodige ! Cet homme, ce misérable auquel vous rougiriez d’adresser la parole, il est régénéré ! Oui, vous dis-je, il l’est tout autant que vous pouvez l’être, car il a été baptisé en bonnes formes. — Un dernier exemple. Voyez-vous cette foule qui se presse dans les rues ? La potence est dressée. Un grand coupable, un assassin, un empoisonneur, dont le nom restera dans les fastes du crime comme un type de la perversité la plus noire, va subir sa sentence (allusion au Dr Palmer, médecin anglais, qui fut exécuté à Londres en 1856 pour avoir empoisonné sa femme, en lui administrant pendant plusieurs mois de la strychnine en petites doses). Eh bien, voilà encore un de vos régénérés ! À moins d’être en désaccord avec vous-mêmes, vous ne pouvez lui refuser ce titre, car lui aussi a été baptisé dans son enfance. Il était régénéré quand il préparait la coupe empoisonnée ; régénéré, quand il l’administrait jour après jour à sa victime ; régénéré, quand il la voyait se débattre dans l’agonie et mourir dans les tortures ! … Régénéré, vraiment ! Mais, à ce compte, qui voudrait, je vous prie, de votre régénération ? Si telle était la régénération de l’Évangile, en vérité je serais le premier à dire que l’Évangile encourage le vice et la licence ! Si l’Écriture enseignait que des hommes qui vivent dans le péché, sont régénérés, et par conséquent en état de grâce, j’affirme qu’il serait du devoir de tous les honnêtes gens de réunir leurs efforts pour faire disparaître au plus tôt de ce monde un livre aussi pernicieux ; car il renverserait les principes les plus élémentaires de la morale publique, et prouverait par là qu’il vient, non de Dieu mais du diable.
Et ce que je dis du baptême des enfants, je le dis également du baptême des adultes. Pas plus que le premier, le second ne peut, nous faire naître de nouveau. S’il est ici des personnes qui pensent autrement, je n’y puis rien : si elles veulent garder leur opinion, qu’elles la gardent. En tous cas il me semble que l’histoire de Simon le magicien doit déranger singulièrement leur système. En effet, Simon fut baptisé dans les circonstances les plus favorables ; il fut baptisé en pleine connaissance de cause, après avoir fait une profession publique de sa foi ; et pourtant, bien loin d’avoir été régénéré par son baptême, il s’attire presque aussitôt, de la part de l’apôtre Pierre, cette sévère censure : je vois que tu es dans un fiel très amer et dans les liens de l’iniquité (#Ac 8:23). Mais à quoi bon prendre la peine de réfuter une erreur aussi manifeste ? Il devrait suffire, semble-t-il, d’énoncer une pareille doctrine pour que tout homme intelligent la rejetât avec mépris ; toutefois, l’on comprend sans peine que les amateurs d’une religiosité élégante et frivole, qui veulent une piété toute de formes et d’apparat, et qui n’apprécient un culte qu’au point de vue de l’art et de la poésie, se fassent les défenseurs de cette doctrine. Car ils ont cultivé leur goût aux dépens de leur cerveau, et ils ont oublié que ce qui n’est pas en accord avec la saine raison d’un homme impartial et droit, ne peut être d’accord non plus avec la Parole de Dieu (ce paragraphe et le précédent s’appliquent surtout, dans la pensée de l’auteur, aux puseyistes d’Angleterre. Néanmoins nous avons cru utile de les reproduire, car sans parler d’une communion étrangère à la nôtre, où la doctrine de la régénération par le baptême est pour ainsi dire un article de foi, n’y a-t-il point, au sein même de nos Églises évangéliques, beaucoup de personnes qui, à, leur insu peut-être, partagent à quelque degré les vues et les tendances combattues ici par l’auteur ? — note du traducteur).
L’homme ne saurait obtenir la nouvelle naissance par le baptême : voilà donc un premier point établi. Examinons maintenant s’il pourra l’obtenir par ses propres efforts. J’affirme que non. Sans doute, un homme peut réformer sa vie, et il est très bon qu’il le fasse : plût à Dieu que tous travaillassent dans ce sens ! C’est ainsi que l’on peut se corriger de certains vices, renoncer à certaines convoitises et triompher de certaines habitudes mauvaises qui vous maîtrisaient autrefois ; mais quant à se régénérer, c’est absolument impossible. On aurait beau lutter, combattre, s’efforcer : jamais on n’y parviendra, par la raison toute simple que c’est là une chose au-dessus du pouvoir de l’homme.
Et en supposant même (ce qui est une absurdité) que quelqu’un pût réussir d’une manière ou d’une autre à se faire naître de nouveau, observez qu’il ne serait pas encore propre à entrer dans le ciel, car il y aurait toujours une condition qu’il ne saurait remplir, Si un homme ne naît DE L’ESPRIT, est-il dit expressément dans un des versets qui suivent mon texte, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Or, je le demande, tous les efforts de la chair ne sont-ils pas frappés d’impuissance en face de ce grand but à atteindre : la nouvelle naissance par le Saint-Esprit ?
Comment donc un homme peut-il naître de nouveau ? Le voici, mes bien-aimés. Il faut que Dieu le Saint-Esprit, par une action surnaturelle, c’est-à-dire plus que naturelle — (car remarquez que je prends ce mot dans son acception à la fois la plus simple et la plus absolue) — il faut, dis-je, que le Saint Esprit opère sur le cœur des hommes, et par ce travail divin, les hommes sont régénérés. Mais si Dieu le Saint-Esprit, qui produit en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir, n’agit point ; s’il n’opère point sur notre volonté et sur notre conscience, la nouvelle naissance, je le dis hardiment, est une impossibilité, et par conséquent le salut l’est aussi. — « Comment, s’écrie quelqu’un, voudriez-vous réellement nous faire accroire qu’une intervention directe, de la Providence soit nécessaire pour qu’un homme naisse de nouveau ? » Oui, mon cher auditeur, je l’ai dit et je le maintiens. Pour qu’une âme soit sauvée, il ne faut rien moins qu’une manifestation de la puissance divine, qui vivifie le pécheur, dompte la volonté rebelle, attendrit la conscience endurcie, de telle sorte que celui qui naguères méprisait Dieu et repoussait Christ, est conduit à se jeter, contrit et humilié, aux pieds de Jésus. On dira peut être que cette doctrine est du fanatisme, du mysticisme, de l’illuminisme ; peu m’importe : c’est une doctrine scripturaire, et cela me suffit. Si un homme ne naît de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu, ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Si ces déclarations ne sont pas de votre goût, je vous l’ai déjà dit, prenez-vous en à mon Maître et non à moi. En affirmant que pour entrer dans le royaume de Dieu, il vous faut quelque chose que vous n’obtiendrez jamais par vous-mêmes, j’expose simplement une vérité révélée par le Seigneur. Je le répète, une opération divine est indispensable pour produire la nouvelle naissance : appelez cette opération miraculeuse, si vous voulez ; elle l’est en effet, dans un certain sens. Il faut que Dieu intervienne en votre faveur ; il faut qu’un travail divin s’accomplisse dans votre âme. Que vous soyez placé sous une divine influence, sans quoi, mon cher auditeur (faites d’ailleurs ce qui vous plaira), — vous périrez infailliblement. Si un homme ne naît de nouveau. Il ne peut voir le royaume de Dieu : c’est là une règle qui ne souffre point d’exception. Et notez bien que cette nouvelle naissance est une transformation radicale ; elle nous donne une nouvelle nature, nous fait aimer ce que nous haïssions et haïr ce que nous aimions ; elle ouvre devant nous un chemin nouveau, de nouvelles perspectives ; elle rend nos habitudes différentes, nos pensées différentes, nos paroles différentes. Elle nous rend différents en particulier, différents en public, en sorte que cette parole de l’Apôtre est accomplie en nous : si quelqu’un est en, Christ, il est une nouvelle créature, les choses anciennes sont passées, voici, toutes choses sont devenues nouvelles (#2Co 5:17).
II.
Passons au second point de notre sujet. J’espère avoir expliqué ce que l’on doit entendre par régénération ou nouvelle naissance, de manière à être compris par tout le monde. Demandons-nous maintenant ce que signifie cette expression : VOIR LE ROYAUME DE DIEU.
Elle signifie deux choses, mes bien-aimés.
Voir le royaume de Dieu sur la terre, c’est être membre de l’Église mystique de Jésus-Christ ; c’est jouir des privilèges et de la liberté des enfants de Dieu ; c’est pouvoir répandre avec confiance son âme dans la prière, vivre en communion avec Christ, recevoir les communications du Saint-Esprit et porter, à la gloire de Dieu, ces fruits excellents et bénis qui sont les effets de la nouvelle naissance. Voir le royaume de Dieu dans la vie à venir, c’est être admis dans le ciel ; c’est contempler le Seigneur face à face, c’est être fait participant de ces rassasiements de joie qui sont à la droite de Dieu pour jamais. Ainsi, lorsque Jésus-Christ déclare dans les paroles de mon texte, que si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu, il veut dire que cet homme ne peut ni goûter les dons célestes ici-bas, ni jouir des biens célestes dans l’éternité.
III.
Je crois qu’il n’est pas nécessaire que je m’étende davantage sur ce point. Je vais donc passer outre et rechercher avec vous POURQUOI UN HOMME QUI N’EST POINT NÉ DE NOUVEAU NE SAURAIT VOIR LE ROYAUME DE DIEU.
Pour être plus bref, je restreindrai mes remarques au royaume de Dieu dans le monde à venir.
Et d’abord, un homme irrégénéré ne saurait voir le royaume de Dieu, par la raison bien simple qu’il serait hors de sa place dans le ciel. Il y a dans sa nature une incompatibilité complète avec les joies du paradis. Vous pensez peut-être, mes chers amis, que le ciel consiste simplement en ces murailles de pierres précieuses, en ces portes de perles et en ces rues pavées d’or fin dont nous parle l’Apocalypse. Détrompez-vous. Toutes ces magnificences ne sont, pour ainsi dire, que l’enveloppe extérieure du ciel. Le ciel proprement dit est toute autre chose. C’est un état d’âme qui doit commencer ici-bas, que l’Esprit de Dieu peut seul produire en nous, et à moins que cet Esprit n’ait entièrement renouvelé notre être moral en nous faisant naître de nouveau, il est impossible que nous jouissions des choses du ciel. Qui de nous ne voudrait jamais croire qu’un pourceau pût faire un cours d’astronomie ou qu’un limaçon pût bâtir une ville ? Évidemment, il y a dans ces deux cas impossibilité physique, impossibilité absolue : or, j’affirme qu’il y a impossibilité tout aussi grande à ce qu’un pécheur irrégénéré ne jouisse jamais du ciel. Et il ne faut pas un grand effort d’esprit pour le comprendre. Aucun des goûts de l’homme naturel ne serait satisfait dans le ciel ; il n’y trouverait rien de ce qu’il aime. Si on le transportait au milieu des délices de la sainte Jérusalem, il y serait profondément malheureux. Il s’écrierait : « De grâce, de grâce, laissez-moi, sortir ! Je ne puis supporter l’ennui de ce lieu. » J’en appelle à vous-mêmes, mes auditeurs inconvertis : n’est-il pas vrai que bien souvent le sermon vous semble trop long, le chant des louanges de Dieu fatigant et insipide, et l’obligation de venir chaque dimanche à la maison de Dieu un fardeau insupportable ? Que feriez-vous donc, je vous le demande, si vous étiez tout d’un coup transporté dans un lieu où le Seigneur est loué nuit et jour ? Puisqu’une courte prédication suffit aujourd’hui pour vous ennuyer, qu’éprouveriez-vous, en entendant les éternels entretiens des rachetés, discourant de siècle en siècle des insondables merveilles de l’amour rédempteur ? Puisque la compagnie des justes vous est antipathique ici-bas, comment pourriez-vous passer l’éternité avec eux ? …
Ah ! Mes amis, il y en a beaucoup parmi vous, je le crains, qui préfèrent chanter toute autre chose que des psaumes, qui trouvent la Bible mortellement ennuyeuse et qui ne prennent aucun intérêt aux choses d’en haut. Qu’on donne aux uns la coupe enivrante, aux autres les voluptés de la vie, à ceux-ci les folies et les joies du siècle : voilà leur ciel. Mais un tel ciel n’existe pas encore que je sache. Le seul qui existe, c’est le ciel des êtres spirituels, le ciel de la louange, le ciel de l’adoration, le ciel de l’adoption par le Bien-Aimé, le ciel de la communion avec Christ. Or, vous ne comprenez rien à ces choses ; vous traitez de visionnaires ceux qui vous en parlent ; il y a plus : si vous les possédiez, vous n’y prendriez aucun plaisir, car la faculté de les apprécier vous manque.
Ainsi, par le seul fait que vous n’êtes point nés de nouveau, vous êtes vous-mêmes le premier obstacle à votre admission dans le ciel ; et en supposant que Dieu vous ouvrît la porte toute grande et qu’il vous criât : « Entrez ! », je le répète, vous ne pourriez pas, vous ne voudriez pas y habiter, car si un homme ne naît de nouveau, il est impossible, moralement impossible qu’il puisse voir le royaume de Dieu. S’il y avait ici des personnes complètement sourdes et que je disse qu’elles ne peuvent jouir de nos chants sacrés, avancerais-je une chose étrange, ou malveillante, ou cruelle ? Eh ! Non, sans doute : je constaterais leur inaptitude à entendre, voilà tout. De même, quand Dieu vous dit que vous ne pourrez voir son royaume, il constate votre entière inaptitude à jouir du ciel, et par conséquent à y entrer.
Mais ce n’est pas tout ; il y a d’autres raisons qui ferment les saintes portes du paradis à l’homme irrégénéré. Interrogeons les intelligences célestes qui sont devant le trône de Dieu. — « Ô vous esprits bienheureux et purs, anges, principautés et puissances, dites-nous, je vous prie, si des âmes qui n’aiment point Dieu, qui ne croient point en Christ, qui ne sont point nées de nouveau, seraient les bienvenues parmi vous ?… » Il me semble voir des milliers de lances s’élever par-dessus les murailles du paradis et des milliers de chérubins, au visage flamboyant, nous regarder avec surprise du haut du ciel. « Non, jamais ! » s’écrient-ils tous d’une voix ; « jadis nous avons combattu le dragon et nous l’avons précipité dans l’abîme parce qu’il nous incitait à la révolte ; et maintenant comment admettrions-nous le méchant au milieu de nous ? Non, non ! Ces murs d’albâtre ne doivent pas être ternis par le contact de doigts impurs et pleins de convoitise ; ces rues pavées d’or ne doivent pas être foulées par les pieds des profanes et des ouvriers d’iniquité ; et aussi longtemps que ces bras auront de la force et ces ailes de la puissance, le pêché n’entrera point ici ! » — Repoussé par les anges, je m’adresse aux élus glorifiés, aux esprits des justes rachetés par la grâce souveraine. « Enfants de Dieu, consentiriez-vous à ce que les pécheurs entrassent dans le ciel tels qu’ils sont, sans être nés de nouveau ? Vous aimez les hommes ; vous êtes amour comme votre Dieu : dites, dites, dites, voudriez-vous que les enfants du monde fussent confondus avec vous ?… » Je vois le saint homme Lot qui se lève et qui s’écrie d’une voix frémissante : « Quoi ? N’ai-je point été assez longtemps affligé de la conduite des abominables ?… » Je vois Abraham qui s’avance à son tour et qui dit : « Non, nous ne voulons point que les méchants habitent parmi nous. Pendant mon séjour sur la terre, je n’ai que trop vécu dans leur compagnie ; leurs mauvaises paroles et leurs railleries, leurs discours profanes et leur vaine manière de vivre ont cruellement attristé mon âme. Jamais nous ne souffrions qu’ils entrent ici. » Et tout célestes qu’ils sont, tout remplis d’amour que sont leurs esprits, il n’est pas un seul des saints glorifiés qui ne repoussât avec une juste indignation le pécheur assez téméraire pour oser se présenter à la porte du ciel sans que son âme ait été entièrement renouvelée au moyen de la nouvelle naissance.
Mais tout cela ne serait encore rien. Si les remparts du ciel n’étaient défendus que par des anges, nous pourrions peut-être les prendre d’assaut, et si les portes du paradis n’étaient gardées que par des saints, nous pourrions peut-être les ouvrir de vive force. Mais le Tout-Puissant a dit : si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Quoi, pécheur ? Oserais-tu tenter d’escalader les créneaux du ciel quand DIEU lui-même est prêt à te précipiter en enfer ? Aurais-tu l’inconcevable insolence de vouloir lui résister ? Dieu l’a dit, de cette voix qui fait trembler la terre :
« Vous ne verrez point mon royaume ! » Peux-tu lutter avec le Souverain ? Peux-tu combattre la toute-puissance ? Donneras-tu le démenti au Très-Haut ? Ver de la poudre ! T’élèveras-tu contre ton Créateur ? Insecte d’un jour, qui tremble lorsque l’éclair sillonne la nue, feras-tu la guerre au Dieu fort ? Essaieras-tu de lui tenir tête ? Ah ! Pauvre insensé, comme l’Éternel se rirait de toi ! De même que la neige se fond au soleil et que la cire se fond au feu, ainsi te fondrais-tu en sa présence, si seulement sa fureur s’enflammait tant soit peu ! Ne te berce donc point d’une vaine espérance. Dieu a scellé contre toi les portes du paradis, et jamais tu n’y entreras tel que tu es. « Je ne récompenserai point le méchant avec le juste », a dit le Dieu de la justice ; « je ne souffrirai point que rien de souillé ternisse la pureté sans tache de mon saint paradis. Si le pécheur se convertit, j’aurai compassion de lui, mais s’il ne se convertit pas, je suis vivant, dit l’Éternel, que je le mettrai en pièces comme le vase d’un potier, et il n’y aura personne qui le délivre ! » Eh bien ! Pécheur, que comptes-tu faire ? Veux-tu t’élancer contre le bouclier du Roi des rois ? Veux-tu à toute force pénétrer dans son ciel, alors que son arc est tendu contre toi et que sa flèche va percer ton cœur ? Quoi ! Lorsque son épée est déjà levée sur ta tête, oseras-tu bien le braver en face ? … Va, infime pot de terre, va, si bon te semble, contester avec tes pareils ! Chétive sauterelle, va guerroyer contre des sauterelles comme toi ; mais de grâce, ne songe pas à te mesurer avec le Tout-Puissant ! Il l’a dit, et jamais — non jamais — aucune âme vivante n’entrera dans son royaume, à moins d’être née de nouveau. — Si cette doctrine vous déplaît, mes chers auditeurs, je vous le dis encore, accusez mon Maître et non pas moi, car je ne fais que répéter ses enseignements ; et si je vous parle aujourd’hui en son nom, oh ! Croyez-le, c’est par amour pour vos âmes immortelles ; c’est de peur que, faute d’avoir connu la vérité, vous ne périssiez dans les ténèbres et que vous ne couriez, les yeux bandés, à votre perdition éternelle.
IV.
Et maintenant, je désire en finissant PLAIDER CONTRE VOUS LA CAUSE DE VOS ÂMES.
J’entends une personne qui se dit : « Oui, c’est vrai ; la nouvelle naissance est nécessaire pour entrer au ciel ; aussi j’espère qu’après ma mort, je naîtrai de nouveau ». Oh ! Pécheur qui te tranquillise de la sorte, laisse-moi te dire que tu es le plus insensé des hommes ! Une fois morte ne sais-tu pas que le sort des humains est irrévocablement fixé ? Au-delà de la tombe, la conversion n’est plus possible : il est trop tard. Notre vie est comme de la cire qui s’amollit à la chaleur du feu ; la mort y pose son funèbre cachet ; puis la cire se refroidit et l’empreinte ne peut être changée. Chacune de nos âmes est semblable à du métal en ébullition qui se précipite de la chaudière dans des moules : la mort refroidira ce métal bouillant et nous serons moulés pour l’éternité. J’entends la voix inflexible du destin qui crie sur les morts : que celui qui est saint se sanctifie encore davantage, que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore ! (#Ap 22:11). Les damnés sont perdus sans retour ; ils ne sauraient naître de nouveau. Toujours maudits et toujours maudissant ; toujours luttant contre Dieu et toujours écrasés sous ses pieds ; toujours blasphémant son nom et toujours couverts d’un opprobre éternel ; toujours se révoltant contre sa puissance et toujours torturés par les pointes aiguës du remords, ils n’ont d’autre perspective que de voir se renouveler d’âge en âge leurs péchés et leurs tourments. Non, de l’autre côté du tombeau, il n’est plus de régénération possible.
« Quant à moi, dira un autre, je ferai en sorte d’être régénéré lorsque je serai à l’article de la mort. » Et toi aussi, ô homme, tu n’es qu’un misérable insensé ! Comment sais-tu, je te prie, que tu vivras un jour de plus ? As-tu donc pris un bail pour ta vie comme tu l’as fait pour ta maison ? Peux-tu assurer le souffle de tes narines, comme tu assures tes meubles ou tes récoltes ? Peux-tu dire avec certitude qu’un autre rayon de lumière n’atteindra jamais ton œil ? Et sais-tu bien si ton cœur dont les battements sont comme la marche funèbre qui t’accompagne vers le sépulcre, n’en battra pas bientôt la dernière note ? … Si tes os étaient de fer, tes muscles d’airain et tes poumons d’acier, alors je concevrais, ô homme, que tu comptasses sur l’avenir. Mais tu es formé de la poudre de la terre ; tu es pareil à la fleur des champs ; ta vie est vacillante comme une lampe qui s’éteint ; tu peux mourir d’un instant à l’autre … Ô mort ! Je te vois au milieu de cette grande assemblée, aiguisant ta faux sur la pierre du temps. Aujourd’hui — aujourd’hui tu vas la lever sur quelques-uns de nous ; et demain — demain — le jour suivant, tu continueras ton œuvre de destruction ; tu faucheras l’herbe de la terre et nous tomberons les uns après les autres ! Il faut, IL FAUT mourir : telle est la loi fatale qui pèse sur les enfants d’Adam. Comme un torrent impétueux, comme un navire entraîné par un tourbillon, comme une pièce de bois descendant le courant et se précipitant vers une cataracte, ainsi nos jours se précipitent vers l’éternité. Il n’est pas de puissance capable d’arrêter aucun de nous dans sa course rapide. En cet instant même, nous mourons, nous sommes en voie de mourir ! Et cependant, ô inconcevable folie ! Tu oses dire, mon cher auditeur, que tu prendras soin de naître de nouveau au moment de comparaître devant Dieu ! Ah ! Ce n’est point du temps à venir qu’il s’agit : es-tu régénéré maintenant ? Voilà la question. Si tu ne l’es pas aujourd’hui, demain il peut être trop tard ; demain tu peux être en enfer, demain tu peux être perdu sans retour ! …
Mais j’entends une autre voix qui s’écrie dédaigneusement : « Pour ma part, il m’importe fort peu de naître de nouveau, car je ne crois pas que je perde beaucoup en étant exclu du paradis ». Ah ! Pécheur, tu parles de la sorte parce que tu ne comprends rien à ces choses. Maintenant les vérités les plus solennelles te font sourire, mais un jour viendra, sache-le, où ta conscience sera tendre, ta mémoire fidèle, ton jugement éclairé, et tes idées bien différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. En enfer, les pécheurs ont beaucoup plus de sens commun qu’ils n’en ont sur la terre ; en enfer, ils ne rient plus des flammes éternelles ; ils ne méprisent plus la fournaise ardente de feu et de soufre. Dès que le ver qui ne meurt point commence à leur ronger le cœur, ils perdent à l’instant même leur verve et leur audace. Aujourd’hui vous pouvez à votre aise vous moquer du serviteur de Dieu qui vous parle en son nom, mais, soyez-en sûrs, la mort mettra fin à vos moqueries. Oh ! Mes chers auditeurs, s’il ne fallait qu’encourir voire mépris, Dieu sait que je m’y soumettrais de bon cœur ! Méprisez-moi, oui, méprisez-moi tant qu’il vous plaira ; mais, je vous en conjure, au nom de vos intérêts éternels, ne vous méprisez pas vous mêmes ! Oh ! Ne soyez point assez stupides, assez dépourvus d’intelligence pour courir en sifflant au feu éternel et en riant à la perdition ! Lorsque vous serez en enfer vous reconnaîtrez, mais trop tard, que c’est un lieu dont on ne doit point se jouer. Lorsque vous verrez les portes du ciel se fermer devant vous, il ne vous sera plus aussi indifférent d’être exclu du paradis. Vous êtes venus pour la plupart m’entendre prêcher aujourd’hui, comme vous, seriez allés à l’opéra ou au concert : vous espériez, sinon que je vous amuserais, du moins, que je vous procurerais quelques distractions. Ah ! Dieu m’est témoin que tel n’a point été mon but. Je suis venu ici ce matin résolu, s’il le fallait, à faire usage de paroles dures, à ne point ménager le pécheur, et cela dans son propre intérêt, afin qu’il ne périsse pas, mais qu’il vive. Je suis venu aussi pénétré du sentiment de ma responsabilité, et pressé de vous avertir solennellement, afin qu’au dernier jour je sois trouvé net du sang de vous tous. Et maintenant, s’il est une seule âme parmi vous qui se perde, ce ne sera point faute d’avoir connu la vérité. Hommes et femmes qui m’écoutez, souvenez-vous que si vous périssez, mes mains sont lavées dans l’innocence, car je ne vous ai point caché le sort qui vous attend. Encore une fois, je vous crie : repentez-vous, repentez-vous, repentez-vous, car si vous ne vous repentez, vous périrez tous sans exception ! Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.
Mais ici je prévois une nouvelle interruption. « Naître de nouveau ? Naître de nouveau ? Dira quelqu’un ; quel mystère ! Je ne puis le comprendre. Ministre de l’Évangile, explique-le moi, je te prie. » — Mon frère, mon frère, tu es fou, complètement fou ! … Vois-tu ce feu ?
Il est minuit, nous sommes réveillés en sursaut ; nous nous élançons hors de nos lits ; une lueur sinistre illumine nos fenêtres ; nous nous précipitons dans la rue. Elle est déjà envahie par la foule. On va, on vient, on se heurte, on se presse ; c’est à qui atteindra le plus tôt le foyer de l’incendie. Les pompiers sont à l’œuvre ; des torrents d’eau sont lancés sur la maison enflammée. Mais écoutez, écoutez ! Dans cette maison il y a un homme ; il est à l’étage supérieur, il n’a que tout juste le temps de s’échapper. On lui crie de toutes parts : « Au feu ! Au feu ! Vite, descendez ! » Mais il ne donne pas signe de vie. Voyez : une échelle est placée contre le mur, elle atteint le rebord de la fenêtre, une main vigoureuse enfonce le Châssis … et le malheureux, que fait-il pendant tout ce temps ? Est-il attaché à son lit ? Est il infirme, ou bien quelque mauvais esprit l’étreint-il de sa main de fer et l’a-t-il cloué au plancher ? Non, non, non, rien de tout cela. Il sent les planches s’échauffer sous ses pieds ; la fumée le suffoque, les flammes envahissent sa chambre ; il sait qu’il n’y a pour lui d’autre moyen de salut que cette échelle qui est là sous sa fenêtre. Et il ne bouge pas ! Et il ne s’émeut pas ! Mais au nom du ciel, que fait donc cet homme ? — Ce qu’il fait ? J’ose à peine vous le dire, car vous ne pourrez croire à tant de Folie … il est tranquillement assis au milieu de la chambre et se parle ainsi à lui-même : « L’origine de ce feu est bien mystérieuse ; je ne puis me l’expliquer ; comment faire pour la découvrir ? » Tu ris de ce malheureux, mon cher auditeur, et tu as raison, mais en riant de lui, sache que tu ris de toi-même. Oui, ta folie est non moins grande que celle de cet homme. Tu cherches une réponse à telle question et encore à telle autre, et cela tandis que ton âme est menacée de la mort éternelle ! Oh ! Quand tu seras sauvé, tu pourras à ton aise poser toutes les questions qu’il te plaira ; mais tant que tu es dans la maison embrasée, en danger de périr d’un moment à l’autre, est-ce bien le temps, je te le demande, de chercher à sonder les mystères, de t’embarrasser du libre arbitre, de l’élection de grâce, de la prédestination absolue ou d’autres sujets du même genre ? Toutes ces questions sont fort bonnes à leur place, et ceux qui sont déjà sauvés font très bien de s’en occuper. Qu’après l’incendie et lorsqu’on est en lieu sûr, l’on se mette à discuter sur la cause probable du sinistre, rien de mieux ; mais quant à présent, ô pécheur irrégénéré, l’unique question qui doit te préoccuper est celle-ci : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? Comment échapperai-je à la grande condamnation qui pèse sur moi ? »
Mais, hélas ! Mes amis, je ne puis vous parler comme je le voudrais ! … Il me semble que j’éprouve en ce moment quelque chose de pareil à ce que dut éprouver le Dante en écrivant son Enfer. Les contemporains du grand poète disaient de lui que sûrement il avait visité les régions infernales, tant il les décrivait avec solennité et puissance. Ah ! Plût à Dieu que je pusse vous parler ainsi ! Encore quelques jours, quelques années tout au plus, et nous nous rencontrerons face à face devant le tribunal de Dieu. « Sentinelle, sentinelle, dira une voix, as-tu averti ces âmes de fuir la colère à venir ? » Que répondrez-vous ? Pourrez-vous dire que je ne l’ai point fait ? Non, je sais que vous ne le pourrez pas. Je sais que tous, même le plus impie d’entre vous, serez contraints dans ce grand jour de répondre au souverain Juge : « Oh ! Seigneur, nous nous sommes ris de ton ministre, nous nous sommes égayés à ses dépens, nous n’avons point pris garde à ses paroles ; mais nous ne pouvons le nier, il nous a parlé avec sérieux, il nous a avertis de notre danger, il nous a exposé clairement toute la vérité ; il a fait son devoir à l’égard de nos âmes ! »
Une dernière remarque et je vous quitte.
Plusieurs de vous ont des parents au ciel, n’est-il pas vrai ? Peut-être des êtres aimés vous ont-ils dit, en pressant votre main dans leur main défaillante : « Adieu ! Au revoir là-haut ! » Mais, ne vous y trompez point : si vous ne naissez de nouveau, vous ne les reverrez jamais, car vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu. « Quoi, s’écriera l’un, ma mère dort là-bas dans le cimetière ; je visite souvent sa tombe et je me plais à l’orner de fleurs, en souvenir de celle qui me porta. Oh ! C’était une sainte femme que ma mère ; elle mourut en priant pour moi. Et dois-je donc renoncer à toute espérance de la revoir ? » Oui, mon frère, oui, te dis-je, à moins que tu ne naisses de nouveau. — Pauvres mères affligées, vos petits enfants sont maintenant dans le ciel ; vous chérissez la pensée de les retrouver un jour devant le trône de Dieu ; toutefois, je vous le déclare, jamais, non, jamais vous ne les reverrez si vous ne naissez de nouveau. — Oh ! Mes bien-aimés, voulez-vous donc à cette heure dire un éternel adieu aux esprits des justes parvenus à la perfection ? Vous résignerez-vous à être séparés pour toujours de ceux de vos amis qui sont maintenant dans la gloire ? Il le faut, à moins que vous ne vous convertissiez, il n’y a point d’autre alternative. Ou bien il faut que vous couriez à Christ, que vous vous confiez en lui, que vous le suppliez de vous renouveler par la vertu de son Saint-Esprit, ou bien il faut qu’élevant les yeux vers le ciel, vous disiez : « Chœur des bienheureux, je n’entendrai jamais vos célestes accents ! Parents vénérés, tendres soutiens de mon enfance, vous qui m’entourâtes de tant de soins et de tant d’amour, je chéris votre mémoire ; mais entre vous et moi, il y a un abîme ! Vous êtes sauvés et je suis perdu… »
Oh ! Je vous en supplie, mes chers amis, réfléchissez à ces choses, et ne soyez point de ces auditeurs oublieux qui écoutent toujours et ne retiennent jamais. Si ce que je viens de vous dire a produit sur vos âmes la moindre impression, gardez-vous d’étouffer cette impression : c’est peut-être le dernier appel que Dieu vous adressera. Oh ! Que votre responsabilité sera grande si vous périssez après avoir entendu annoncer la vérité ! Que votre sort sera terrible si vous êtes perdus avec les sons de l’Évangile retentissant encore à vos oreilles ! …
155 - UN SERMON POUR TOUT LE MONDE.
Je multiplierai les visions et je proposerai des similitudes
(Osée 12:11).
Lorsque le Seigneur voulait amener son peuple d’Israël à la repentance, il ne négligeait aucun moyen propre à le faire réfléchir. Selon l’expression d’un prophète, il lui donnait précepte après précepte, et ligne après ligne, un peu ici et un peu là. Tantôt c’était la verge à la main qu’il instruisait ses enfants rebelles, et alors il les visitait par la peste, la guerre ou la disette. D’autres fois, au contraire, il semblait vouloir les gagner à force de bienfaits ; car il multipliait extrêmement leur froment, leur huile et leur vin, et ne leur envoyait plus la famine. Mais le plus souvent, hélas, les enseignements de sa providence restaient sans effet, et alors même que sa main était étendue, soit pour châtier soit pour bénir, Israël continuait à se révolter contre le Très-Haut. En vain leur envoyait-il messager sur messager ; en vain leur parlait-il tour à tour par le sublime Ésaïe, par le plaintif Jérémie et par cette rapide succession de prophètes au coup d’œil inspiré, à la voix de tonnerre, qui répétaient à l’envi les brûlants appels de Jéhovah : tout était inutile : le peuple refusait d’écouter ces répréhensions ; il endurcissait son cœur et persévérait dans ses iniquités. Parmi les nombreux moyens que Dieu employait pour captiver son attention et toucher sa conscience, l’usage des similitudes doit être mis au premier rang. Souvent les prophètes étaient appelés non seulement à prêcher, mais à être eux-mêmes des signes et comme de vivantes paraboles au milieu de leur génération. C’est ainsi, par exemple, que l’Éternel commanda à Ésaïe d’appeler son fils Maher-Sçalal-Hascbaz, c’est-à-dire : « Qu’on se dépêche de butiner », car avant que l’enfant sache crier : mon père et ma mère, on enlèvera la puissance de Damas et le butin de Samarie, en la présence du roi d’Assyrie (#Esa 8:3,4). C’est ainsi encore que, dans une autre occasion, le Seigneur dit au même prophète : « Va, et délie le sac de dessus tes reins, et déchausse les souliers de tes pieds » ; ce qu’il fit, allant nu et déchaussé. Puis l’Éternel dit : « Comme mon serviteur Ésaïe a marché nu et déchaussé, ce qui est un signe et un prodige contre l’Égypte et contre Cus pour trois années ; ainsi le roi d’Assyrie amènera d’Égypte et de Cus, prisonniers et captifs, les jeunes et les vieux, nus et déchaussés, ce qui sera l’opprobre de l’Égypte » (#Esa 20:2-4). Osée, le prophète aux écrits duquel j’ai emprunté mon texte, eut également à enseigner le peuple par plusieurs similitudes remarquables. Les noms de ses enfants avaient un sens emblématique. L’Éternel lui ordonna d’appeler son fils Jizréhel, car dans peu de temps, lui dit-il, je ferai venir sur la maison de Jéhu la punition du sang de Jizréhel, et quant à sa fille, le prophète dut la nommer Lo-ruhama, car, lui dit le Seigneur, je ne continuerai plus à faire miséricorde à la maison d’Israël (#Os 1:4-6). Ainsi, par diverses images significatives, Dieu contraignait son peuple à entendre sa voix. Les prophètes devaient faire des choses étranges, afin que leurs contemporains étonnés s’entretinssent de ce qu’ils avaient fait, et afin que l’enseignement divin qui ressortait de ces signes s’emparât avec plus de force de leurs consciences et de leurs cœurs.
Une pensée m’a frappé ces jours derniers, mes chers auditeurs, et cette pensée, la voici : c’est que Dieu nous parle encore en similitudes.
Lorsque le Seigneur Jésus était sur la terre, il se plaisait à enseigner le peuple par des paraboles, et maintenant qu’il est au ciel, il fait de même. La Providence est le sermon de Dieu. Les objets qui nous environnent, les événements qui se passent autour de nous, sont comme autant de voix par lesquelles Dieu cherche à nous instruire, et pour peu que nous fussions sages, nous trouverions à chaque pas des leçons pleines d’importance. Ô fils des hommes ! Le Seigneur vous avertit chaque jour par sa Parole ; il s’adresse à vous par la bouche de ses serviteurs, de ses ministres ; mais outre cela, sachez-le, il vous parle sans cesse en similitudes. Il ne néglige aucun moyen pour ramener ses enfants coupables, pour faire retourner à la bergerie les brebis perdues de la maison d’Israël. Je me propose aujourd’hui, mes bien-aimés, de vous démontrer successivement que le Seigneur vous instruit par des similitudes, TOUS LES JOURS, EN TOUTES SAISONS, EN TOUS LIEUX, et QUELLE QUE SOIT VOTRE VOCATION.
I.
Et d’abord, ai-je dit, il vous instruit TOUS LES JOURS par des similitudes. Commençons aux premières heures de la journée. Vous vous êtes réveillés ce matin, et en vous levant, votre premier soin, n’est-il pas vrai, a été de couvrir votre corps, de vous vêtir de vos habits. Est-ce que la voix de Dieu ne vous a point alors parlé ? Est-ce qu’elle n’a pas dit à chacun de vous, si du moins vous avez voulu l’écouter : « Pécheur ! Quand les vains songes de la vie auront pris fin, quand le grand jour de l’éternité aura lui pour toi, que sera-ce si tu n’as rien pour te couvrir ? Avec quoi cacheras-tu la nudité de ton âme ? Si pendant cette vie tu méprises la robe de noce, la justice parfaite de Jésus-Christ, que feras-tu, je te le demande, quand la trompette de l’archange, pénétrant jusqu’aux profondeurs du sépulcre, te réveillera soudain dans ta couche glacée, quand les cieux embrasés seront dissous et que les colonnes du globe trembleront de terreur au son du tonnerre de Jéhovah ? Où trouveras-tu alors de quoi te vêtir ?
Pourras-tu aller à la rencontre de ton Créateur sans une couverture pour voiler la honte ? Adam ne l’osa point : et toi, l’oseras-tu ? Mais en admettant même que tu aies cette audace, le Seigneur ne te repoussera-t-il pas dans sa juste colère ? Ne t’enverra-t-il pas dans le séjour de tourments, afin que tu sois brûlé au feu qui ne s’éteint point, parce que tu auras négligé de vêtir ton âme, tandis que tu étais encore dans ce lieu de préparation ? »
Mais vous voilà habillés ; vous vous réunissez avec les divers membres de vos familles ; vos enfants s’assemblent autour de votre table ; ils prennent part au repas du matin. — Si vous avez été intelligents, mes chers auditeurs, en ce moment encore, vous avez sûrement entendu la voix de Dieu. « Pécheur, semblait vous dire ce Dieu de miséricorde, pécheur ! À qui un enfant irait-il, si ce n’est à l’auteur de ses jours ? Où pourrait-il chercher son pain quotidien, si ce n’est à la table de son père ? » Et tandis que vous donniez à vos enfants la nourriture dont ils avaient besoin, le Seigneur ne vous apparaissait-il pas sous les traits touchants d’un père de famille et ne murmurait-il pas dans le silence de votre cœur : « Mon enfant, combien je serais heureux de nourrir ton âme ! Combien je prendrais plaisir à te donner le pain du ciel et à te rassasier de la nourriture des anges ! Mais tu as dépensé ton argent pour ce qui ne nourrit point et ton travail pour ce qui ne rassasie point. Écoute-moi attentivement et tu mangeras ce qui est bon et ton âme jouira de ce qu’il y a de meilleur. Viens, mon enfant, viens à ma table. Le précieux sang de mon Fils a été versé pour être ton breuvage, et sa chair a été rompue pour te servir d’aliment. Pour quoi donc errerais-tu toujours loin de moi, affamé et altéré ? Viens à ma table, ô mon enfant, car j’aime que mes fils et mes filles s’y assoient sans crainte et y savourent les choses excellentes que je leur ai préparées. »
Ensuite, mes chers amis vous avez sans doute quitté votre demeure et vous êtes allés au travail jusqu’au soir. J’ignore quelle est votre profession ou comment votre temps est employé : d’ailleurs, je me réserve de revenir plus tard sur ce point. Mais quelles que puissent être vos occupations, sûrement, bien-aimés, tandis que vos doigts travaillaient, Dieu parlait à vos cœurs ; et à moins que les oreilles de vos âmes n’aient été complètement bouchées, à moins que vos esprits n’aient été pesants et engourdis, vous avez dû discerner ses appels. Quand, par exemple, le soleil brillait au-dessus de vos têtes et que l’heure de midi avait sonné, le Seigneur ne vous rappelait-il point que le sentier du juste est comme la lumière resplendissante qui augmente son éclat jusqu’à ce que le jour soit en sa perfection ? Ne vous disait-il point : « Voilà, j’ai tiré le soleil des ténèbres de l’orient ; je l’ai conduit par ma puissance ; je l’ai aidé à gravir les incommensurables hauteurs des cieux ; et maintenant, comme un homme vaillant qui a fait sa course, comme un géant qui a atteint le but, il est parvenu à son zénith. Ce que je fais pour le soleil, je suis prêt, ô pécheur, à le faire pour toi, remets ta voie à l’Éternel et il éclairera ton sentier. Ta vie sera comme la lumière et ton chemin comme le midi, ton soleil ne se couchera point pendant qu’il est encore jour, mais les jours de ton deuil seront finis ; car l’Éternel sera pour toi une lumière éternelle et ton Dieu sera ta gloire. »
Mais le soleil s’est abaissé vers l’occident, ses rayons ont perdu de leur vif éclat, et à mesure que les ombres du soir enveloppaient la nature, le Seigneur ne te parlait-il point, ô mon frère, de la fin qui avance à grands pas ? « Les soleils ont leurs couchers et les hommes ont leurs tombeaux », semblait te dire la sagesse éternelle.
« Prends garde, ô mortel, de bien employer le soir de ta vie, car la lumière du soleil ne subsistera point à jamais. Il y a douze heures au jour, mais dans la nuit du sépulcre où tu vas, il n’y a ni œuvre, ni discours, ni science, ni sagesse. Hâte-toi donc ; fais selon ton pouvoir tout ce que tu auras moyen de faire, travaille pendant qu’il fait jour, car la nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler. » — Et lorsque le soleil se couche dans sa gloire, admire, ô homme, les teintes splendides dont il revêt l’étendue des cieux ; observe combien son disque paraît grandir à mesure qu’il s’approche de l’horizon ; et en contemplant ce sublime spectacle, fléchis le genou devant ton Dieu et fais monter vers lui cette humble prière : « Seigneur, que ma mort soit semblable au coucher du soleil ! Si à cette heure suprême, je suis environné de nuages ou de ténèbres, aide-moi à les dissiper par la splendeur de ma foi. Entoure-moi, ô mon Dieu, de plus de lumière sur mon lit de mort que je n’en ai eu pendant toute ma vie. Si un grabat doit être ma couche funèbre, si je dois expirer dans quelque réduit solitaire, que du moins, ô mon Dieu, ma pauvreté soit illuminée par l’éclat que tu me donneras, en sorte que mon exemple fasse briller à tous les yeux la grandeur d’une mort chrétienne. » — C’est ainsi, ô homme, que Dieu te parle en similitudes depuis le lever jusqu’au coucher du soleil.
Et maintenant la nuit est venue ; tu allumes ton flambeau ; tu t’assieds entouré de tes enfants, et le Seigneur t’envoie un petit prédicateur qui à sa manière te prêche un solennel sermon. Ce prédicateur, c’est un moucheron qui tournoie et tournoie autour de ta chandelle. Il se délecte à sa clarté, il se baigne dans sa lumière, jusqu’a ce qu’enfin ébloui, fasciné, saisi de vertige, il brûle ses ailes délicates. Tu cherches à le sauver, mais vaines tentatives ! Immobile un moment, le fol insecte rassemble bientôt ses forces ; il se précipite tête baissée dans la flamme et trouve ainsi la mort et la destruction. Est-ce que le Seigneur ne t’a point dit alors : « Pécheur, voilà ton image ! Tu aimes l’éclat fascinateur des folies du siècle. Oh ! Que n’es-tu assez sage pour craindre et pour fuir le péché, car celui qui prend plaisir à sa lumière, sera consumé par ses flammes ! » Est-ce que ta main ne te paraissait pas comme l’image de la main du Tout-Puissant, qui voudrait t’éloigner de ta propre ruine, qui te reprend par sa providence, qui semble te crier continuellement : « Pauvre insensé ! Ne te perds pas toi-même ! » Et tandis que la mort du chétif insecte te faisait peut-être éprouver quelque tristesse, une voix solennelle ne se faisait-elle pas entendre au fond de ton cœur, t’avertissant du sort terrible qui deviendra ton partage, quand, après t’être laissé emporter par le tourbillon étourdissant des joies du monde, tu tomberas, à la fin, dans le feu éternel, — ayant sacrifié ton âme (ô comble de la folie !) pour des jouissances aussi trompeuses qu’éphémères ! … ne te rappelle-t-il pas cette parole du Maître : quand le père de famille sera entré et qu’il aura fermé la porte, et que vous étant dehors, vous vous mettrez à frapper à la porte et à dire : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous, il vous répondra : je ne sais d’où vous êtes ? Ah ! Pécheur, vains seront tes coups, lorsque les verrous de l’éternelle justice auront irrévocablement fermé pour le genre humain les portes de la grâce ; lorsque la main du Père tout-puissant aura recueilli ses enfants bien-aimés dans l’heureuse enceinte du paradis, laissant les ouvriers d’iniquité dans les ténèbres glacées du dehors, dans ces ténèbres où il y a des pleurs et des grincements de dents …
Dis, pécheur, Dieu ne t’a-t-il point parlé de cette manière ? Et lorsque ton doigt était sur la serrure de ta porte, le sien n’était-il pas sur ton cœur ? Tu t’es endormi, mais bientôt tu as été réveillé en sursaut. La voix lugubre du garde de nuit répétant les heures, ou son pas lourd et mesuré retentissant sous ta fenêtre, t’on fait tressaillir. Ô homme ! Si tu as eu alors des oreilles pour ouïr, n’as-tu pas entendu dans ton âme ce cri saisissant : « Voici l’époux qui vient ; sortez au devant de lui ! » Et chaque son qui à l’heure de minuit a interrompu ton sommeil n’aurait-il pas dû te faire ressouvenir de la trompette de l’archange qui annoncera la venue du Fils de l’homme, au jour où il jugera les vivants et les morts selon mon Évangile ? — Oh ! Mes chers auditeurs, si vous étiez sages ! Si vous compreniez ces choses ! Si vous vouliez prêter l’oreille à la voix de Dieu ! Car, en vérité, je vous le dis, tous les jours et à chaque heure du jour, depuis les premières lueurs de l’aurore jusqu’aux ombres du crépuscule et aux profondes ténèbres de minuit, Dieu parle à l’homme : il lui parle en similitudes.
II.
Changeons maintenant le cours de nos pensées, et observons que le Seigneur nous parle en similitudes non seulement tous les jours, mais EN TOUTES SAISONS.
Il n’y a que peu de temps que nous ensemencions nos jardins et que nous répandions le froment dans nos larges sillons. Dieu nous a donné le temps des semailles, pour nous rappeler que nous sommes comme la terre, et qu’il répand sans cesse du bon grain dans nos cœurs. « Prends garde, ô homme, semble-t-il nous dire, prends garde de ne pas ressembler à ce chemin sur lequel la semence étant tombée, les oiseaux du ciel vinrent et la mangèrent toute. Prends garde de ne pas ressembler non plus à un endroit aride et pierreux, de peur que la semence ne germe incontinent, et que le soleil étant levé, elle ne soit brûlée, parce qu’elle n’entrait point profondément dans la terre. Et prends garde aussi, ô fils de l’homme, de ne pas être comme ce terrain où les épines crûrent et étouffèrent la semence, mais efforce-toi plutôt d’être semblable à la bonne terre dans laquelle la semence porte du fruit, un grain trente, un autre soixante, et un autre cent. »
Mais ce n’est pas tout. En déposant notre semence dans la terre, nous savions qu’elle germerait et croîtrait. N’y a-t-il pas là une leçon pour nous ? Est-ce que toutes nos actions ne sont pas comme autant de grains de semence ? Nos moindres paroles elles-mêmes ne sont-elles pas comme des graines de sénevé ? Et ne pourrait-on pas comparer nos conversations journalières à une poignée de semence que nous répandrions sur le sol ? Oh ! Qu’elle est sérieuse la pensée que chaque mot qui sort de notre bouche vivra indéfiniment, que nos actes sont immortels comme nous-mêmes, et qu’après être restés quelque temps ensevelis dans la poussière pour être mûris, ils reparaîtront infailliblement sur la scène du monde ! Les semences amères du péché auront pour fruit terrible la mort éternelle ; et le bien que la grâce de Dieu nous aura permis de faire, portera, par sa pure miséricorde et non par aucun mérite qui nous soit propre, une abondante moisson de gloire, en ce jour béni où ceux qui auront semé avec larmes moissonneront avec chants de triomphe.
Écoute donc le temps des semailles qui te crie, ô mon frère : « Prends garde de semer la bonne semence dans ton champ ».
Mais lorsque cette saison de l’année a fait place à une autre, Dieu a-t-il pour cela cessé de parler ? Oh ! Non. Premièrement l’herbe, ensuite l’épi, et puis le grain tout formé dans l’épi t’adressent tour à tour une homélie. Quelle puissante prédication en particulier le Seigneur ne nous fait-il pas entendre au temps de la moisson ! « Ô Israël, nous crie-t-il, souviens-toi que l’éternelle moisson approche ! Ce que l’homme aura semé, c’est ce qu’il moissonnera aussi. Celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption, mais celui qui sème pour l’esprit moissonnera de l’esprit la vie éternelle. » Allez, mes bien-aimés, allez parcourir nos campagnes alors que le soleil d’été a doré nos guérets, et pour peu que vos cœurs soient susceptibles d’impressions sérieuses, vous trouverez dans ce spectacle une source intarissable d’instructions. En vérité, je n’oserais essayer d’explorer les riches mines de sagesse renfermées dans un champ de blé. Pensez, mes chers amis, aux sentiments de joie avec lesquels on salue l’époque de la moisson : n’est-ce pas là un emblème de la joie qu’il y aura dans le ciel lorsque les rachetés seront recueillis, comme des épis mûrs, dans le céleste grenier ? Puis considérez l’épi de blé quand il a atteint une parfaite maturité : voyez comme sa tête se penche vers le sol. Autrefois, il la tenait droite et fière, mais maintenant, comme il paraît humble ! Est-ce que le Seigneur ne te dit rien par cette similitude, ô chrétien ? Est-ce qu’il ne dit pas à tous les pécheurs sans distinction que s’ils veulent être prêts pour le jour de la grande moisson, ils doivent eux aussi courber le front jusque dans la poudre, en criant comme le péager : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis pécheur » ? Et lorsque nous voyons les mauvaises herbes croître parmi le froment, ne semble-t-il pas que nous entendions notre Maître redire la parabole de l’ivraie ? Ne sommes-nous pas comme transportés par la pensée au jour du grand triage, alors que le Père de famille dira aux moissonneurs : cueillez premièrement l’ivraie et liez-la en faisceaux pour la brûler, mais assemblez le froment dans mon grenier ? Et à moi en particulier, ministre de l’Évangile, tu prêches à ta manière, ô moisson jaunissante ! J’entends ta voix qui me crie : « lève tes yeux et regarde les campagnes, voici, elles sont déjà blanches et prêtes à être moissonnées. Travaille donc toi même et prie le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson. » — Elle te parle aussi, ô homme chargé d’années ! Elle te rappelle que la faucille de la mort est déjà aiguisée et que tu seras bientôt retranché ; mais en même temps, elle te console par la douce pensée que le froment sera mis en sûreté, et que, si tu es chrétien, tu seras recueilli dans le grenier de ton Maître, pour faire sa joie et ses délices pendant toute l’éternité. — Écoutez donc, ô fils des hommes, le bruissement harmonieux des épis qui se balancent dans la plaine, et comprenez les sérieuses leçons qu’il vous donne !
Dans peu de temps, mes bien-aimés, vous verrez des nuées d’oiseaux s’assembler sur les toits de nos demeures. Ils s’élèveront dans les airs en tournant, tournant, tournant toujours, comme pour dire un dernier adieu à notre vieille Europe ; puis ils se formeront en colonnes serrées, ayant chacune un chef à sa tête ; et tandis que l’hiver, de sa main glacée, s’apprêtera à dépouiller les bois qui les ont vus naître, ils s’élanceront au-dessus des vagues bleues de l’Océan pour aller au loin chercher des cieux plus doux. Est-ce que le Tout-Puissant ne t’enseigne rien par là, ô pécheur ? Ne te souviens-tu pas qu’il ait dit dans sa Parole : la cigogne même a connu dans les cieux ses saisons ; la tourterelle, l’hirondelle et la grue observent le temps où elles doivent venir, mais mon peuple n’a point connu le droit de l’Éternel ? Ne semble-t-il pas aussi nous avertir tous qu’un froid et sombre hiver va venir sur le monde ; un temps de détresse tel qu’il n’y en a point eu et qu’il n’y en aura jamais de semblable ; un temps où toutes les joies du péché se flétriront comme se flétrissent les fleurs à l’approche des frimas ; un temps où le beau soleil de la prospérité sera remplacé pour le pécheur par les tristes nuages du désenchantement ? « Mortels, mortels, hâtez-vous ! » semble nous dire la voix de Dieu. « Prenez votre essor vers ce pays fortuné où Jésus habite ! Fuyez le péché qui est en vous et le péché qui vous entoure ! Fuyez la ville de la destruction ! Fuyez le tourbillon des plaisirs et les orages des passions ! Envolez-vous comme des oiseaux à leurs nids ! Traversez sans crainte l’océan de la repentance et de la foi, pour aller chercher un refuge dans la terre de la miséricorde, afin que lorsque le grand jour de la vengeance divine passera sur le monde, vous soyez à l’abri dans les fentes du rocher. »
Je me souviens d’une circonstance de ma vie où Dieu parla à ma conscience d’une manière bien frappante, au moyen d’une similitude. On était en plein hiver. La campagne était noire et désolée ; à peine pouvait-on découvrir le moindre vestige de verdure. Des haies dégarnies, des arbres dépouillés, et puis la terre, sombre et froide, qui s’étendait jusqu’à l’horizon : voilà tout ce que l’œil rencontrait. Mais tout à coup Dieu parla ; il ouvrit les trésors de la neige, et des flocons éblouissants descendirent des cieux, jusqu’à ce qu’enfin toute la nature fût devenue une masse d’étincelante blancheur. Depuis quelque temps je cherchais mon Sauveur, et ce fut justement vers cette époque que je le trouvai ; aussi n’oublierai-je jamais avec quelle force ces paroles se présentèrent à mon esprit : venez maintenant, dit l’Éternel, et débattons nos droits. Quand vos péchés seraient comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige, et quand ils seraient rouges comme le vermillon, ils deviendront blancs comme la laine. « Pécheur, sembla me dire une voix divine, pécheur ! Tu es semblable à cette terre noire et aride. Ton âme est pareille à ces arbres desséchés, à ces buissons sans fleurs ni feuillage. Mais la grâce de Dieu est comme la neige : elle tombera sur toi jusqu’à ce que ton cœur incrédule resplendisse de la blancheur du pardon, jusqu’à ce que ta pauvre âme souillée soit entièrement couverte de la pureté sans tache du Fils de Dieu. » Et à chacun de vous, mes bien-aimés, le Seigneur tient le même langage. Il vous crie en cet instant même : « Pécheur ! Tu es noir, mais je suis prêt à te blanchir. J’envelopperai ton cœur dans la justice immaculée de mon Fils, et revêtu des vêtements de ce Fils de mon amour, tu seras saint comme je suis saint. »
Et quand le vent mugit à travers les arbres, quand il renverse tout sur son passage, souvenons-nous de l’Esprit du Seigneur qui souffle où il veut et quand il lui plaît. Soupirons avec plus d’ardeur après cette divine et mystérieuse influence qui peut seule nous faire avancer dans notre voyage vers les cieux, renverser les cimes altières de notre orgueil naturel, déraciner les cèdres magnifiques de notre justice propre, et ébranler jusque dans ses fondements les refuges de néant où nous nous croyons en sûreté, pour nous faire regarder à Celui qui est le seul abri contre la tempête, le seul refuge assuré quand le souffle des vents impétueux est comme un tourbillon qui abattrait une muraille.
Enfin, lorsqu’oppressé par la chaleur du jour, tu te mets à couvert à l’ombre d’un arbre, l’ange de l’Éternel, ô mon frère, ne se tient-il pas à côté de toi, murmurant à ton oreille : « Pécheur, élève tes yeux en haut. De même que cet arbre te garantit des rayons brûlants du soleil, de même il est un Être tout bon, qui est comme le pommier parmi les arbres des forêts et qui t’invite à venir t’asseoir sous son ombrage. Va donc à lui. Il te garantira de l’éternelle vengeance de son Père. Il te couvrira de son ombre, alors que les ardeurs dévorantes de la colère divine darderont en plein sur la tête des ouvriers d’iniquité. »
III.
Mais si le Seigneur nous parle en tout temps, observons qu’il nous parle aussi EN TOUS LIEUX. Où que nous allions et quelles que soient les scènes que nous ayons sous les yeux, il nous parle en similitudes. Va à ton étable, ô mon frère, et ton bœuf et ton âne t’instruiront : le bœuf connaît son possesseur et l’âne la crèche de son maître ; mais Israël n’a point de connaissance, mon peuple n’a point d’intelligence. Il n’est pas jusqu’au chien qui te suit comme ton ombre dont tu ne puisses recevoir de sérieux avertissements. Le chien suit son maître ; il ne suivra point un étranger, car il ne connaît point la voix de l’étranger ; mais toi, tu oublies ton Dieu et tu te détournes dans des sentiers obliques. — Regarde aussi ces poussins qui boivent dans la mare, et que leur exemple te reprenne à cause de ton ingratitude. Ils boivent, et à chaque gorgée, ils lèvent leurs petites têtes vers le ciel, comme pour remercier Celui qui envoie la pluie de la goutte d’eau qui les désaltère ; tandis que toi, créature intelligente, comblée des dons de Dieu, tu bois et tu manges sans penser à le bénir pour les aliments qu’il te donne, sans faire monter des actions de grâce vers le tendre Père qui te nourrit ! Le fouet est pour le cheval et le licol est pour l’âne, et tous les deux obéissent à leurs conducteurs ; mais c’est en vain, ô homme, que Dieu t’a châtié par sa providence et qu’il t’a bridé par ses commandements : tu es plus obstiné que l’âne ou que le mulet ; tu ne veux pas courir dans la voie de la justice ; tu te détournes pour suivre volontairement la perversité de ton méchant cœur. — Mes chers amis, ce que je dis n’est-il point vrai ? Si vous êtes encore sans Dieu et sans Christ, vos consciences ne sont-elles point forcées de reconnaître que ces choses s’appliquent à vous ? Ah ! Plaise à Dieu que quelqu’une de mes paroles pénétrant jusqu’au fond de vos âmes vous amène à trembler devant le Très-Haut, et à le supplier de vous accorder aujourd’hui même un nouveau cœur et un esprit droit, afin que vous ne soyez plus semblables aux bêtes des champs, mais que vous deveniez des hommes pleins du Saint-Esprit, vivant dans l’obéissance à leur Créateur !
Mais poursuivons notre examen. — Si vous avez voyagé, vous avez certainement dû observer qu’en quelques endroits la route était jonchée de pierres ; peut-être même avez-vous murmuré parce que la voie que vous deviez suivre était rude et raboteuse. Mais, d’un autre côté, n’avez-vous point réfléchi que ces cailloux dont vous vous plaigniez, étaient destinés à améliorer la route, et qu’il n’est pas jusqu’aux chemins les plus impraticables qui ne deviennent à la longue faciles et pléniers si on a soin de les couvrir de pierres ? Or, ceci ne vous a-t-il point conduit à penser à tout ce que Dieu a fait pour amender vos âmes ? Que de fois n’a-t-il pas jeté sur vous les lourdes pierres de l’affliction ! Qui pourrait dire le nombre des avertissements qu’il a étendus sur vos consciences ? Et cependant, vous n’êtes pas meilleurs ; au contraire, vous empirez de jour en jour. Ah ! Prenez garde que lorsque le souverain Juge viendra constater par lui-même si le chemin de votre conduite morale est devenu, en quelque mesure, conforme au chemin royal de la sainteté, il n’ait lieu de s’écrier : « Hélas ! J’ai réparé cette route, mais elle ne vaut pas mieux. Qu’elle reste donc telle qu’elle est, couverte d’ornières et de fange, jusqu’à ce que celui qui l’entretient si mal, y trouve la mort. »
Et quand tu es allé au bord de la mer, mon cher auditeur, la grande voix de l’Océan ne t’a-t-elle point parlé ? Inconstant comme les vagues, tu ne sais point obéir comme elles. Dieu tient en bride la vaste mer ; il a environné ses flots écumants d’une ceinture de sable ; il leur a assigné des limites qu’ils ne peuvent franchir. Ne me craindrez-vous point, dit l’Éternel, et ne serez-vous point épouvantés devant ma face ? Moi, qui ai mis le sable pour borne à la mer, par une ordonnance perpétuelle, et qu’elle ne passera point ; ses vagues s’émeuvent, mais elles ne seront pas les plus fortes ; et elles bruirent, mais elles ne la passeront point. Que ta conscience te reprenne, ô homme. D’un rivage à l’autre rivage, la mer obéit à son Créateur ; mais toi, tu ne veux point le reconnaître comme ton Dieu, et tu dis dans ton fol orgueil : « Qui est l’Éternel afin que je le craigne ? Qui est Jéhovah afin que je reconnaisse sa puissance ? »
Écoute aussi les montagnes et les collines, car elles t’instruisent à leur tour. Tu vois en elles un emblème de la stabilité de Dieu. Il subsistera d’âge en âge. Ses attributs sont éternels, ses perfections immuables. Ne crois pas qu’il puisse changer.
Et maintenant, pécheur, je t’en supplie, en retournant chez toi aujourd’hui, ouvre tes yeux, et si rien de ce que j’ai dit n’a atteint ta conscience, peut-être que Dieu placera sur ton chemin quelque objet qui te fournira un texte sur lequel tu te prêcheras à toi-même un sermon que tu n’oublieras jamais. Oh ! Si j’avais plus de temps, plus de pensées et plus de paroles, je ferais comparaître successivement en ta présence les choses qui sont là-haut au ciel, et ici-bas sur la terre et dans les eaux qui sont sous la terre ; et à mesure qu’elles défileraient devant toi, je sais qu’elles te diraient d’un commun accord : « Souviens-toi de l’Éternel, ton Créateur, pour le craindre et pour le servir, car c’est lui qui t’a fait et tu ne t’es point fait toi-même ». Nous lui obéissons, et notre obéissance fait notre gloire : obéis comme nous, et comme nous tu l’en trouveras bien. Ô homme, garde-toi de fermer l’oreille à cette voix d’exhortation qui t’arrive de toutes parts. Obéis tandis que tu le peux encore, de peur que lorsque ta vie sera terminée, toutes ces choses qui t’avertissent aujourd’hui ne s’élèvent alors en témoignage contre toi ; de peur que le caillou du chemin ou la pierre de la muraille ne prenne une voix pour te condamner ; que les vallées et les coteaux ne te maudissent et que les bêtes des champs ne soient tes accusateurs. Ô homme, sache-le, la création tout entière est ton censeur. Dieu désire que tu sois sauvé ; c’est pourquoi il a placé dans la nature et dans la providence des signaux indicateurs, afin de te montrer le chemin qui mène à la ville de refuge (#No 35:10-28). Pour peu que tu sois intelligent, tu ne saurais donc t’égarer, et si tu le fais, souviens-toi que ton ignorance volontaire ou ta coupable négligence seront la seule cause de ta perle, car Dieu a tracé ton chemin devant toi, et t’encourage de toutes manières à y demeurer.
IV.
Je crains de vous fatiguer, mes chers amis ; toutefois, je remarquerai, avant de terminer, que l’homme, quelle que soit SA VOCATION, peut recevoir instruction de cette vocation même.
Et d’abord, l’agriculteur peut entendre chaque jour mille sermons. J’en ai déjà indiqué quelques-uns ; qu’il ouvre seulement les yeux, et il en découvrira d’autres. À chaque pas il peut discerner la voix des anges et le murmure des esprits célestes, l’invitant à se tourner vers Dieu, car pour qui sait écouter, la nature entière, je le répète, a une langue toujours prête à rendre hommage à son Créateur.
Mais il est des hommes dont la vocation ne leur permet que rarement de contempler la nature, et pourtant à ceux-là même, Dieu parle constamment en similitudes. Voyez le boulanger qui nous fournit notre pain. Il remplit son four de combustible, il lui donne le degré de chaleur nécessaire ; après quoi, il y met sa pâte. Or, tandis qu’il est là, debout à l’entrée de son four, bien insensible serait sa conscience si elle ne tremblait pas, car il est un passage de l’Écriture qu’il doit comprendre mieux que personne : « Voici, un jour vient, embrasé comme une fournaise, et tous les orgueilleux, et tous ceux qui commettent la méchanceté seront comme du chaume, et ce jour-là qui vient les embrasera, a dit l’Éternel des armées, et ne leur laissera ni racine ni rameau ! » Oui, de la bouche du four sort un brûlant et terrible appel, et si l’homme inconverti voulait y prendre garde, sûrement son cœur fondrait comme de la cire au dedans de lui.
Voyez encore le boucher : l’animal qu’il va égorger ne lui dit-il rien ? En voyant la brebis lécher, pour ainsi dire, son couteau, et le bœuf marcher à la tuerie sans se douter de ce qui l’attend, ne devrait-il pas faire un sérieux retour sur lui-même ? Vous tous qui êtes sans Christ, ne ressemblez-vous pas en effet à des bêtes qu’on engraisse pour la boucherie ? Bien plus vous êtes même plus insensés que le taureau, car vous courez au-devant de votre exécuteur, et vous suivez bénévolement le grand destructeur des âmes jusque dans les profondeurs de l’enfer. Est-ce que l’intempérant qui se plonge tête baissée dans ses honteux excès, ou le voluptueux qui se livre résolument à ses débauches, ne sont pas à la lettre comme le bœuf qui s’en va à la boucherie jusqu’à ce qu’un dard lui perce le cœur ? Dieu n’a-t-il point aiguisé son épée et préparé le glaive de sa justice afin de mettre à mort les bêtes grasses de la terre, au jour où il dira aux oiseaux de toutes espèces, et à toutes les bêtes des champs : « Assemblez-vous et venez ! Amassez-vous de toutes parts pour mon sacrifice, et vous mangerez de la chair, et vous boirez du sang jusqu’à en être ivres » ? Oui, boucher, ton métier te fournit de solennels enseignements : puisses-tu en profiter !
Et vous dont l’art consiste à confectionner des chaussures pour nos pieds, vous avez aussi une sérieuse leçon à apprendre. La pierre sur laquelle vous battez votre cuir vous accuse, car votre âme est peut-être aussi dure qu’elle. Le Seigneur ne vous a-t-il pas frappé presque aussi souvent que vous frappiez cette pierre ? Et pourtant votre cœur n’est ni brisé ni attendri. Oh ! Que ferez-vous, je vous le demande, lorsque au dernier jour le souverain Juge, voyant que vous portez encore au dedans de vous un cœur de pierre, vous jettera dans les ténèbres du dehors, parce que vous aurez méprisé ses répréhensions et fermé l’oreille à la voix de ses châtiments ? …
Que le brasseur n’oublie point que s’il prépare de la boisson pour les outres, l’Éternel prépare aussi une coupe mixtionnée, dont tous les méchants suceront les lies. — Que le potier tremble, de peur qu’il ne soit trouvé semblable à un vase gâté. — Que l’imprimeur veille à ce que sa vie soit composée de types célestes, et non des noirs caractères du péché. — Peintre, prends garde ! Celui qui sonde les cœurs et les reins ne se contentera pas de la plus belle peinture ; des réalités sans apprêt ni vernis, voilà ce qu’il exigera de toi.
D’autres parmi vous se livrent à un commerce qui les oblige à faire usage de poids et de mesures. Qu’ils n’oublient pas, en pesant leurs marchandises, de se peser aussi eux-mêmes. Qu’ils se représentent le grand Juge la balance de l’éternelle justice à la main, plaçant son Évangile dans un plateau et leurs âmes dans l’autre, puis prononçant ces solennelles paroles : « Mene, Mene, Tekel : tu as été pesé dans la balance et tu as été trouvé léger » (#Da 5:25-27). Et quand vous mesurez vos étoffes et que vous coupez la quantité dont vos chalands ont besoin, pensez à la mesure de vos jours ; réfléchissez de combien petite durée vous êtes. Votre vie, vous le savez, ne doit pas dépasser une certaine longueur, et chaque année la mesure avance, elle avance toujours, jusqu’à ce qu’enfin les ciseaux de la mort en trancheront le fil. Et que sais-tu, ô pécheur, si le temps qui te reste à vivre n’est pas réduit à la mesure de quatre doigts ? Qu’est ce que ce malaise qui te mine, si ce n’est le premier coup de ciseau ? Qu’est ce que ce tremblement dans tes membres, cet affaiblissement de ta vue, cette perte de ta mémoire, ce déclin de ta vigueur, si ce n’est la première déchirure ? Ah ! Souviens-toi que bientôt, oui, bientôt, le fragile tissu de ta vie sera déchiré en deux, que le nombre de tes jours sera accompli, que tes années seront dissipées, finies, perdues sans retour !
Mais peut-être, mon frère, es-tu en service et tes occupations sont-elles de nature très diverse. Dans ce cas, diverses également sont les instructions que Dieu te donne. L’ouvrier attend son salaire et le mercenaire achève sa journée : voilà une similitude qui s’adresse tout particulièrement à toi. Lorsque tu auras achevé ta journée ici-bas, toi aussi tu recevras ton salaire. Qui donc est ton Maître ? Sers-tu Satan, le monde, les convoitises de la chair, et tes gages te seront-ils comptés dans la monnaie brûlante de l’enfer ? Ou bien es-tu au service du Prince de la paix, du doux Emmanuel, et recevras-tu pour prix de ta journée une couronne d’or dans le ciel ? Oh ! Bienheureux es-tu si tu sers un bon maître ! Car tel qu’est ton maître, tel sera ton salaire, et tel qu’est ton travail, telle sera ta récompense.
Ou bien es-tu de ceux qui travaillent avec la plume, qui jour après jour écrivent sans relâche ? S’il en est ainsi, rappelle-toi, ô homme, que ta vie tout entière est une écriture. Même lorsque ta main ne manie pas la plume, tu écris : tu enregistres sur les pages de l’éternité, soit tes péchés, soit ta sainte confiance en Celui qui t’a aimé. Heureux seras-tu, ô écrivain, si au dernier jour ton nom se trouve inscrit sur le livre de vie de l’agneau, si les sombres caractères qui retracent l’histoire de ton pèlerinage ici-bas, sont effacés par le sang de Jésus, et si tu portes gravé sur ton front, en traits indélébiles, le saint nom de Jéhovah.
Ou bien, tu es peut-être médecin ou pharmacien ; tu prescris ou tu prépares des remèdes pour guérir le corps de l’homme. Dans l’un et l’autre cas, Dieu te parle en similitudes. Il se tient à côté du mortier où tu mélanges tes drogues, ou près de la table sur laquelle tu écris tes ordonnances, et il te dit : « Ô homme, toi aussi tu es malade, mais je puis t’indiquer un remède souverain. Le sang et la justice de Christ, saisis par la foi et appliqués par l’Esprit, guériront ton âme souffrante. Je puis te composer une potion qui te délivrera de tous les maux et te fera parvenir à cet heureux séjour dont les habitants ne diront plus : « Je suis malade » (#Esa 33:24). Veux-tu prendre le remède que je te prescris ou veux-tu le rejeter ? Te semble-t-il amer et en détournes-tu tes lèvres ? Allons, bois, mon enfant ; bois sans hésiter, car il y va de ta vie. Comment échapperas-tu, en effet, si tu négliges un si grand salut ?
Moules-tu le fer, fonds-tu le plomb ou travailles-tu quelque autre métal arraché aux entrailles de la terre ? Alors prie le Seigneur de fondre ton cœur et de le jeter dans le moule de son Évangile. — Fais-tu des vêtements pour tes semblables ? Oh ! Prends garde d’être toi même couvert d’un vêtement qui subsistera aux siècles des siècles.
Ou bien ton art est-il celui de construire ? Es-tu occupé tout le jour à placer pierre sur pierre, et à remplir les interstices avec du mortier ? Souviens-toi, ô mon frère, que tu bâtis pour l’éternité. Oh ! Puisses-tu toi-même être assis sur le seul fondement solide qui est Christ. Et puisses-tu bâtir sur ce fondement non du bois, du foin, du chaume, mais de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, afin que ton ouvrage résiste à l’épreuve du feu. Prends garde, ô homme, de ne pas être un simple échafaudage dont le Seigneur se sert pour bâtir son Église, mais qui ensuite doit être abattu et brûlé au feu qui ne s’éteint point. Prends garde de construire l’édifice de ton salut sur le roc et non sur le sable. Prends garde enfin que le précieux ciment du sang de Jésus t’unisse à la maîtresse pierre de l’angle, ainsi qu’à chacune des pierres qui composent la maison spirituelle du Seigneur.
Es-tu joaillier ou lapidaire ? Tailles-tu le diamant et donnes-tu à la pierre précieuse l’éclat qui en fait le prix ? Plût à Dieu que tu voulusses profiter du contraste qui existe entre ton âme et le joyau sur lequel tu exerces ton art ! Plus tu le tailles, plus il brille ; mais toi, ô homme, quoique tu aies été taillé, battu, pulvérisé, dirai-je, par les coups de l’affliction ; quoique la mort, tantôt sous la forme du choléra, tantôt sous celle de la fièvre ou de quelque autre maladie, ait souvent frappé à ta porte, tu n’en es pas plus brillant ; au contraire, tu sembles plus terne. Et comment s’en étonner ? Tu n’es pas, hélas, un diamant ; tu n’es qu’un caillou sans valeur ; aussi quand l’Éternel mettra à part ses plus précieux joyaux, il ne te serrera pas dans la cassette de ses trésors, car tu n’es point au nombre des chers enfants de Sion qui sont estimés comme le meilleur or.
Tu le vois, mon cher auditeur, quelle que puisse être ta position, quel que soit l’étal que tu exerces, Dieu parle incessamment à la conscience. Oh ! Puisses-tu, dès aujourd’hui, ouvrir tes yeux et tes oreilles, afin que tu voies et que tu entendes les choses excellentes que ton Père céleste veut t’enseigner.
Et maintenant quittons les similitudes et résumons nettement et clairement ce qu’il importe à chacun de savoir. Pécheur ! Tu es encore sans Dieu et sans Christ. D’un moment à l’autre tu peux mourir. Tu ne saurais affirmer qu’aujourd’hui même, avant que l’aiguille de l’horloge ait achevé le tour du cadran, tu ne sois au milieu des flammes de l’enfer … Bien plus : tu es déjà condamné, parce que tu ne crois pas au nom du Fils unique de Dieu. Mais voici, Jésus-Christ te dit en ce jour : oh ! Si tu voulais être sage ! Si tu voulais considérer ta dernière fin ! Il crie en cet instant à tous ceux qui m’écoutent : combien de fois ai-je voulu vous rassembler comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! Je vous en conjure, mes chers auditeurs, rentrez en vous-mêmes, considérez vos voies. S’il vaut la peine de vous préparer un lit dans les flammes éternelles, faites-le ! Si les plaisirs de ce monde méritent qu’on perde son âme pour en jouir, si le ciel est un mensonge et l’enfer une imposture, persévérez dans vos iniquités ! Mais s’il est vrai qu’il y ait un enfer pour les pécheurs et un ciel pour les âmes qui se repentent ; si toi-même, ô mon frère, tu dois passer toute une éternité dans l’un ou l’autre de ces lieux, — je te le demande sans détour, sans similitude, aussi simplement que possible : es-tu sage de vivre comme tu le fais ? Es-tu sage de vivre sans sa simplicité : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé » ? Jésus est mort, il est ressuscité, et maintenant il faut que tu l’acceptes comme TON Sauveur. Il faut que tu croies fermement qu’il peut sauver à plein tous ceux qui s’approchent de Dieu par lui ; plus encore : il faut que croyant cela de tout ton cœur, tu te jettes, sans hésiter, corps et âme, dans les bras de Jésus.
Esprit de Dieu ! Aide-nous tous à faire ces choses ! Que par le moyen de similitudes, ou par les dispensations de ta providence, ou par la voix de tes prophètes, nous soyons tous amenés à toi ! Oui, Seigneur, sauve-nous pour l’éternité, et qu’à toi en soit toute la gloire !
156 - TEL MAÎTRE, TELS DISCIPLES.
Eux, voyant la hardiesse de Pierre et de Jean, et sachant que c’étaient des hommes sans lettres et du commun peuple, ils étaient dans l’étonnement, et ils reconnaissaient qu’ils avaient été avec Jésus
(Actes 4:13).
Admirez, mes frères, la puissance de la grâce divine. Quelle merveilleuse et rapide transformation n’accomplit-elle pas dans l’homme ! Ce même Pierre, qui, hier encore, suivait son Maître de loin et niait avec imprécations de le connaître, nous le voyons aujourd’hui déclarant hardiment, de concert avec le disciple bien-aimé, que le nom de Jésus est le seul nom par lequel les hommes puissent être sauvés, et prêchant la résurrection des morts par le sacrifice de son Seigneur crucifié. Comme on devait s’y attendre, les scribes et les pharisiens ne tardèrent pas à se demander d’où leur venait cette mâle assurance. Évidemment elle ne prenait sa source ni dans le prestige de la science, ni dans celui du génie, car Pierre et Jean étaient des hommes sans lettres. Élevés au rude métier de pécheurs, leur unique étude avait été celle de la mer, et le seul art qu’ils eussent cultivé, était celui de jeter ou de retirer leurs filets ; à cela se bornait tout leur savoir : on ne pouvait donc attribuer au sentiment de leur valeur personnelle la hardiesse dont ils faisaient preuve.
La position qu’ils occupaient dans le monde n’était pas de nature non plus à expliquer celle hardiesse. En général le rang confère à l’homme une sorte de dignité native, et alors même qu’il est dépourvu de tout mérite propre, il lui communique un certain ton d’autorité qui en impose à bien des gens. Mais les disciples de Jésus n’étaient point dans ce cas. C’étaient, au contraire, nous dit notre texte, des hommes du commun peuple ; leur naissance était humble, leur condition obscure ; ils n’étaient revêtus d’aucunes fonctions propres à les mettre en évidence. Or, les scribes et les pharisiens savaient tout cela ; aussi éprouvèrent-ils d’abord un profond étonnement en voyant la conduite des apôtres ; mais bientôt ils furent obligés d’arriver à la seule conclusion qui pût jeter du jour sur ce mystère : ils reconnurent qu’ils avaient été avec Jésus. Tel était, en effet, le secret de la manière d’être des apôtres. Le saint et doux commerce qu’ils avaient entretenu avec le Prince de lumière et de gloire, fécondé, si je puis dire, par l’influence de l’Esprit du Dieu vivant, sans laquelle ce parfait exemple lui-même aurait été vain, les avait remplis d’élan, d’ardeur et de courage pour la cause de leur Maître.
Oh ! Mes frères en Jésus-Christ, plussent à Dieu que ce beau témoignage rendu aux apôtres par la bouche même de leurs ennemis, pût être rendu à chacun de nous ! Ah ! Si nous vivions comme Pierre et Jean ; si notre conduite était comme la leur, une épître vivante, lue et connue de tous les hommes, si, en nous voyant agir, le monde était forcé de reconnaître que nous avons été avec Jésus, quel bonheur pour nous-mêmes et quelle bénédiction pour nos alentours !
C’est sur ce sujet que j’ai à cœur, mes bien-aimés, de vous parler aujourd’hui. Selon la grâce que Dieu me donnera, je chercherai à réveiller, par mes avertissements, les sentiments purs que vous avez, exhortant chacun de vous à imiter Jésus-Christ, le divin Modèle, de telle sorte que tous ceux qui vous voient discernent en vous les vrais disciples du Fils adorable de Dieu.
Avant tout, j’exposerai CE QU’UN CHRÉTIEN DOIT ÊTRE. Ensuite je rechercherai successivement QUAND ET POURQUOI IL DOIT ÊTRE TEL ; en fin je dirai COMMENT IL PEUT DEVENIR TEL.
I.
Et d’abord : QU’EST CE QU’UN CHRÉTIEN DOIT ÊTRE ?
À cette question, je réponds : tout chrétien doit être une fidèle reproduction de Jésus-Christ. Vous avez souvent lu, je n’en doute pas, des récits éloquents de la vie de Jésus et vous avez admiré le talent des pieux auteurs qui les ont écrits ; mais la meilleure vue de Jésus c’est sa vivante biographie, écrite dans les paroles et les actions de son peuple. Oui, mes chers amis, si nous étions en réalité ce que nous sommes en apparence ; si l’Esprit du Seigneur remplissait le cœur de tous ses enfants, et si l’Église, au lieu de compter, parmi ses membres, tant de formalistes, ne se composait que d’âmes vraiment animées de la vie de Dieu, tous, tant que nous sommes, nous refléterions la glorieuse image de notre Maître. Nous serions des portraits de Christ, et des portraits tellement conformes à l’original, que pour saisir la ressemblance, le monde n’aurait pas besoin de nous considérer longtemps et attentivement, mais qu’au premier coup d’œil jeté sur nous, il serait contraint de s’écrier : « Cet homme a été avec Jésus ! Il lui ressemble ; c’est un de ses disciples ; dans ses actes de tous les jours, dans sa vie tout entière, on reconnaît les traits divins du saint Homme de Nazareth. »
Mais avant d’aller plus loin, je crois utile de présenter une observation. En exposant ce que l’homme est appelé à devenir, je m’adresse spécialement aux enfants de Dieu. Non pas que je désire leur faire entendre le langage de la légalité. Grâces à Dieu, nous ne sommes pas sous la loi, mais sous la grâce. Les vrais chrétiens se considèrent comme moralement obligés d’observer les préceptes du Seigneur ; toutefois, ce n’est point parce que la loi les tient courbés sous son joug de fer : c’est parce que l’amour de Christ les presse. Ils estiment qu’ayant été rachetés par un sang divin, ayant été acquis par Jésus-Christ, ils sont tenus de garder ses commandements infiniment plus qu’ils ne le seraient, s’ils étaient encore sous la loi. Ils se considèrent comme redevables à Dieu, dix mille fois autant qu’ils n’auraient jamais pu l’être sous la dispensation mosaïque. Non point par force ou par nécessité, ou par crainte du fouet, ou dans un esprit de servile obéissance, mais par amour et par gratitude envers son Père céleste, le racheté de Jésus s’offre à lui tout entier, heureux de se dépenser à son service et de travailler sans relâche à devenir un véritable Israélite, en qui il n’y a point de fraude. — J’ai tenu à m’expliquer nettement sur ce point, afin que personne ne puisse s’imaginer que je prêche les œuvres, comme moyen de salut. Nous sommes sauvés par grâce, par la foi, ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie (#Ep 2:8,9) : voilà ce que je maintiendrai toujours, envers et contre tous. Mais d’un autre côté, il est de mon devoir d’enseigner, avec non moins de force, que la grâce reçue dans le cœur doit nécessairement produire la sainteté dans la vie. Nous sommes tenus, mes bien-aimés, moi, de vous exhorter incessamment aux bonnes œuvres, et vous, de vous y appliquer pour les usages nécessaires (#Tit 3:14).
Encore un mot d’explication. Lorsque je dis que l’enfant de Dieu doit être une copie frappante de Jésus, je ne prétends pas assurément qu’il puisse parfaitement reproduire tous les traits de notre Seigneur et Sauveur. Néanmoins, de ce que la perfection est au-dessus de notre portée, s’ensuit-il que nous devions y tendre avec moins d’ardeur ? À Dieu ne plaise ! Sans doute, quand il peint, l’artiste n’ignore pas qu’il ne deviendra jamais un Appelles ; mais cela le décourage-t-il ? Nullement. Il manie le pinceau avec d’autant plus de soins, afin de parvenir à ressembler au grand maître dans quelque humble mesure. Il en est de même du sculpteur. Quoique certain à l’avance qu’il n’éclipsera jamais Praxitèle, abandonnera-t-il pour cela le ciseau ? Non ; il taillera le marbre avec toujours plus d’ardeur, cherchant à se rapprocher autant que possible du sublime modèle qu’il a devant lui. Ainsi doit-il en être du chrétien. Quoiqu’il ne sente que trop bien, hélas, qu’il ne saurait s’élever jusqu’aux hauteurs d’une excellence accomplie, et que sur cette terre il n’offrira jamais qu’une bien faible copie de son Maître, cependant, il doit tenir ses yeux constamment fixés sur cette grande image, et mesurer ses propres imperfections par la distance qui le sépare de Jésus. « Excelsior ! (Plus haut) en avant ! » Telle est la devise qui convient au chrétien ; et oubliant, comme saint Paul, les choses qui sont derrière lui, il doit s’avancer vers le but, jaloux d’être transformé de plus en plus à la glorieuse ressemblance de son Seigneur.
En premier lieu, le chrétien doit s’efforcer de ressembler à Christ, dans sa hardiesse. Il faut le dire, la hardiesse est une vertu fort peu goûtée de nos jours. On la flétrit volontiers du nom d’intolérance, d’opiniâtreté, de fanatisme. Mais quelle que soit le nom qu’on lui donne, cette vertu n’en est pas moins précieuse. Si les scribes avaient dû définir ce qu’étaient Pierre et Jean, nul doute qu’ils ne les eussent qualifiés d’audacieux fanatiques …
Quoi qu’il en soit, Jésus-Christ et ses disciples étaient remarquables par leur courage. Voyant la hardiesse de Pierre et de Jean, les juifs reconnaissaient qu’ils avaient été avec Jésus, dit mon texte. Jésus ne courtisa jamais le riche ; jamais il ne courba le front devant les grands ou les nobles de la terre. Vrai homme aussi bien que vrai Dieu, il marcha au milieu de ses semblables la tête haute, dans le sentiment de sa dignité d’homme : prophète envoyé de Dieu, il dit librement et hardiment ce qu’il avait à dire. N’avez-vous jamais admiré, mes frères, le beau trait de courage par lequel le Sauveur commença son ministère ? Il se trouvait dans la ville où il avait été élevé. Il entre dans la synagogue ; le livre de la loi est mis entre ses mains ; il sait que nul prophète n’est honoré dans son pays, mais que lui importe ? Il déroule sans crainte le volume sacré, il lit, puis il explique ce qu’il a lu. Et quelle est la doctrine que Jésus expose ainsi en pleine synagogue, devant un auditoire composé en grande partie de scribes et de pharisiens, tout pleins de leur propre justice et tout fiers de pouvoir se dire « les enfants d’Abraham ? » Sûrement, il a choisi un sujet adapté au goût de ses compatriotes, un sujet qui lui fournira l’occasion de se concilier leur bienveillance. Non, tout au contraire. Jésus prêche une doctrine qui de tout temps a été méprisée et haïe : la doctrine de l’élection. Écoutez-le : je vous dis, en vérité, qu’il y avait plusieurs veuves en Israël au temps d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, tellement qu’il y eut une grande famine par tout le pays, néanmoins Élie ne fut envoyé chez aucune d’elles, mais chez une femme veuve de SAREPTA, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi plusieurs lépreux en Israël, au temps d’Élisée le prophète, toutefois aucun d’eux ne fut guéri ; seul Naman qui était syrien le fut (#Lu 4:25-27). En d’autres termes, Jésus déclare ouvertement que Dieu fait miséricorde à qui il veut, et sauve qui il lui plaît. Ah ! Comme ses auditeurs grincèrent des dents contre lui ! Avec quelle fureur ils le traînèrent hors de la ville pour le précipiter du sommet de la montagne ! N’admirez-vous pas son héroïsme ?
Il sait que leurs cœurs sont pleins de haine ; il entend leurs menaces ; il voit leurs bouches écumant de rage, mais il ne les craint point ; il se tient au milieu d’eux, calme et ferme, comme l’ange qui ferma la gueule du lion. Il annonce fidèlement ce qu’il sait être la vérité de Dieu, et en dépit de leurs colères, leur fait entendre cette vérité jusqu’au bout. — Tel fut Jésus durant toute sa vie. Voit-il un scribe ou un pharisien dans la foule ? Il ne se laisse point intimider par leur présence, mais les montrant du doigt, il s’écrie : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » Et lorsqu’un docteur de la loi l’interrompt en disant : « Maître, en disant ces choses, tu nous outrages aussi », il se retourne et ajoute avec une nouvelle énergie : « Malheur aussi à vous, docteurs de la loi ! Parce que vous chargez les hommes de fardeaux qu’ils ne peuvent porter, et vous-mêmes n’y touchez pas d’un de vos doigts » (#Lu 11:44-47). Oui, en toutes occasions, Jésus agit avec droiture et courage. Jamais il ne connut la crainte de l’homme ; jamais il ne trembla devant personne. Insoucieux de gagner l’estime du monde, il traversa la vie comme l’élu de Dieu, comme Celui que le Père avait oint au-dessus de tous ses semblables. Mes chers amis, imitez Christ sous ce rapport. Tel fut le Maître, tels doivent être les disciples. Ne vous contentez pas, je vous en supplie, de cette religion si fort en vogue aujourd’hui, qui se modifie suivant les circonstances, qui a besoin pour s’épanouir d’une atmosphère de serre chaude, qui s’étale complaisamment dans les salons évangéliques, mais dont on ne soupçonne pas même l’existence en dehors d’une certaine société. Non, si vous êtes des serviteurs de Dieu, soyez comme Jésus-Christ : pleins d’une sainte audace pour la cause de votre Maître. Ne rougissez point de confesser votre foi. Jamais le nom de chrétien ne vous déshonorera : prenez garde de ne point déshonorer ce nom. L’amour de Christ n’a jamais nui à personne ; il peut, il est vrai, vous attirer quelques froissements temporaires de la part de vos amis et quelques propos calomnieux de la part de vos ennemis ; mais prenez patience, et vous triompherez de tout. Prenez patience ; car au jour où votre Maître apparaîtra dans la gloire de ses anges, pour être admiré de tous ceux qui l’aiment, vous aussi vous serez glorifiés, et ceux-là même qui vous auront méprisés, haïs, insultés ici-bas, seront contraints de vous rendre hommage. Soyez donc comme Jésus, mes bien-aimés, sans peur et sans reproche, vaillants pour votre Dieu, en sorte que, voyant votre hardiesse, le monde soit forcé de dire : « Ils ont été avec Jésus ».
Mais de même qu’un seul trait ne rend pas la physionomie d’un homme, de même la seule vertu du courage ne vous fera pas ressembler à Christ. Il y a eu des chrétiens qui ont été de nobles cœurs, de grands caractères, mais qui ont porté la hardiesse à l’excès : ils ont été, non le portrait de Christ, mais sa caricature. À notre courage, il faut que nous amalgamions, pour ainsi dire, la douceur de Jésus. Que le courage soit l’airain, que l’amour soit l’or ; et du mélange de ces deux éléments sortira un riche métal, digne de servir à la construction du temple de Dieu. Que la douceur et la hardiesse soient fondues ensemble dans votre cœur. Le chrétien courageux peut assurément accomplir des merveilles. John Knox (célèbre réformateur écossais, ami de Calvin, remarquable surtout par la fermeté de ses principes, par l’austérité de son caractère et par son courage à toute épreuve) fit beaucoup pour la cause de son Maître, mais peut-être aurait-il fait davantage si, à son admirable intrépidité, il avait joint un peu plus d’amour. Luther fut un conquérant — honneur à sa mémoire et paix à ses cendres ! … Toutefois, il semble, à nous qui le contemplons d’une certaine distance, que s’il avait parfois mêlé un peu d’aménité à son indomptable énergie, que si, tout en poursuivant l’erreur jusque dans ses derniers retranchements, il avait parlé avec un peu plus de mesure, il semble, dis-je, que Luther lui-même aurait pu faire plus encore qu’il n’a fait. Appliquons-nous donc, mes bien-aimés, à imiter Jésus, non seulement dans son courage, mais aussi dans son aimable douceur. Voyez-le pendant son séjour sur la terre. Un enfant vient-il à lui ? Il le prend dans ses bras en disant : « Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empêchez point ». Une veuve qui a perdu son fils unique se trouve-t-elle sur son passage ? Il la regarde avec une tendre sympathie, lui dit : « Ne pleure point » et d’un mot lui rend son enfant. Rencontre-t-il un aveugle, un lépreux, un paralytique ? Il leur parle avec bonté, les touches et les guérit. Il vécut pour les autres, non pour lui-même. Ses travaux incessants n’avaient qu’un but : le bien de ceux qui l’entouraient. Et pour couronner sa vie de dévouement, vous savez l’étonnant sacrifice qu’il daigna offrir à son Père. Ô prodige de miséricorde ! Il donna sa vie pour l’homme coupable. Sur l’arbre de la croix, au milieu des angoisses d’une lente agonie, en proie à des souffrances indicibles, il consentit à mourir à notre place, ainsi, mes bien-aimés, imitez Christ dans sa bonté, dans son abnégation, dans son amour. Qu’il n’y ait en vous ni aigreur ni rudesse.
Parlez avec bonté, agissez avec bonté, conduisez-vous avec bonté. Alors le monde pourra dire de vous ce que les Juifs disaient autrefois des apôtres : « Ils ont été avec Jésus ! »
Un autre grand trait du caractère de Jésus, c’était sa profonde et sincère humilité. À cet égard aussi, soyons tels que notre Maître. À Dieu ne plaise que nous soyons ou rampants ou serviles ! Loin de là ; nous sommes libres ; la vérité nous a affranchis ; nous sommes donc égaux à tous, inférieurs à personne. Toutefois nous devons être humbles de cœur, comme Jésus. Ô toi, chrétien orgueilleux, — (car, quelque paradoxal que cela puisse paraître, il y a des chrétiens de cette espèce, on n’en saurait douter : je ne suis pas assez peu charitable pour refuser absolument le titre de frère à tout homme qui est entaché d’orgueil) — ô toi, dis-je, chrétien orgueilleux, regarde à ton Maître, je t’en supplie. Vois-le se dépouillant de la majesté divine et daignant converser avec le genre humain ; vois-le parlant à des enfants, habitant au milieu des paysans de la Galilée, et enfin — ô profondeur incomparable de condescendance ! — lavant les pieds de ses disciples et les essuyant avec un linge. Voilà, ô chrétiens, le Maître que vous prétendez servir ! Voilà le Seigneur que vous faites profession d’adorer ! Et cependant, j’en appelle à vos consciences, combien parmi vous qui rougiraient de tendre la main à un de leurs semblables, vêtu autrement qu’eux-mêmes ou moins favorisé en biens de ce monde ? … On l’a dit avec raison : dans la société actuelle, l’or ne fraternise que difficilement avec l’argent, et l’argent à son tour regarde la monnaie de cuivre du haut de sa grandeur ; mais dans l’Église il n’en doit pas être ainsi. En devenant membres de la grande famille de Christ, il faut que nous nous dépouillions de ces préjugés de caste, de rang et de fortune. Rappelle-toi, croyant, quel était ton Maître. Enfant de la pauvreté, il naquit, il vécut au milieu des pauvres, il mangea avec eux. Et tu oserais, toi, vermisseau d’un jour, marcher l’air hautain et le regard superbe, te détournant avec mépris des vermisseaux, tes frères, qui marchent à tes côtés ? …
Qu’es-tu donc toi-même, je te le demande, qu’es-tu, si ce n’est le plus misérable d’entre eux, puisque ton or, ou ton élévation, ou tes vêtements somptueux te rendent vain ? Va, pauvre âme, tu es bien petite aux yeux de Dieu !
Christ était humble ; il n’avait ni fierté ni arrogance ; il savait s’abaisser pour servir les autres ; il n’avait point égard à l’apparence des personnes. Ami des péagers et des gens de mauvaise vie, il ne rougissait point d’être vu avec eux. Chrétien, sois tel que ton Maître. Comme lui sache t’abaisser. Bien plus : sois une de ces âmes qui estimant les autres comme plus excellentes qu’elles-mêmes, ne croient pas s’abaisser en se mettant toujours au dernier rang, qui considèrent comme un honneur de s’asseoir avec les plus chétifs des enfants de Dieu, et qui disent dans la sincérité de leur cœur : « Si mon nom est seulement écrit à la dernière page du livre de vie, c’en est assez pour une créature aussi indigne que moi ». Oui, applique-toi, ô mon frère, à ressembler à Christ par ton humilité.
Je pourrais continuer ainsi, mes chers amis, passant pour ainsi dire en revue les divers traits qui caractérisent la sainte et parfaite figure du Fils de Dieu ; toutefois, je crois inutile de poursuivre cette étude, car chacun de vous peut la faire aussi bien que moi. Pour cela, il lui suffira de contempler l’image du Sauveur telle qu’elle est peinte d’après nature dans son Évangile. D’ailleurs, le temps me manquerait si je voulais vous présenter une esquisse tant soit peu complète du caractère de Jésus. Je n’ajouterai donc qu’un seul mot : imitez Christ dans sa sainteté. Était-il dévoré de zèle pour le service de son Maître ! Soyez-le vous aussi. Allez de lieu en lieu en faisant le bien. Ne gaspillez point votre temps : il est trop précieux pour le perdre. — Jésus était-il animé d’un esprit de renoncement, ne recherchant jamais son propre intérêt, mais ayant égard à celui des autres ? Comme lui, renoncez à vous-mêmes. — Était-il fervent d’esprit ? Comme lui, priez sans cesse. — Avait-il une déférence sans bornes pour la volonté de son Père ? Comme lui, soumettez-vous sans murmure. — Était-il patient ? Comme lui, apprenez à souffrir. — Par-dessus tout, ô croyant, pardonne à tes ennemis comme Christ pardonna aux siens. Que cette sublime, parole de ton Maître : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ! » retentisse toujours à tes oreilles. Quand tu es disposé à te venger toi-même, quand tu sens l’indignation bouillonner dans ton cœur, mets de suite un frein au fougueux coursier de la colère et ne permets pas qu’il t’emporte dans son impétueux élan. Souviens-toi que l’emportement n’est autre chose qu’une folie temporaire. Pardonne comme tu espères être pardonné. Amasse des charbons de feu sur la tête de ton ennemi par ta bonté à son égard. Qui rend le bien pour le mal ressemble à Dieu : cherche donc à ressembler à ce Dieu d’amour et en toutes choses efforce-toi, de te conduire de telle manière que tes ennemis eux-mêmes soient contraints de dire : « Cet homme a été avec Jésus ».
II.
Mais il ne suffit pas de savoir ce que le chrétien doit être ; il faut encore savoir QUAND IL DOIT ÊTRE TEL.
Dans le monde on pense généralement qu’il est très convenable d’être pieux le dimanche, mais qu’il importe peu ce qu’on est le lundi. Que de soi-disant ministres de l’Évangile sont de très fervents prédicateurs le jour du sabbat, et des prédicateurs d’impiété pendant le reste de la semaine ! Que de personnes qui se rendent à la maison de Dieu, l’air solennel, le maintien grave, qui se joignent au chant et font semblant de prier, mais qui en réalité n’ont point de part ni rien à prétendre en cette affaire, étant encore dans un fiel très amer et dans les liens de l’iniquité ! Posons-nous donc sérieusement cette question, mes chers auditeurs : quand est ce que le chrétien doit, ressembler à son Maître ? Y a-t-il un temps, où le soldat de Christ puisse dépouiller son uniforme, déboucler son armure et devenir semblable aux autres hommes ? Oh ! Non, mille fois non ! En tous temps et en tous lieux, il faut que le chrétien soit en réalité ce qu’il fait profession d’être. Je me souviens d’une conversation que j’ai eue il y a quelque temps avec une personne du monde. « Je n’aime pas, me disait-elle, que mes visiteurs abordent des sujets religieux ; sans doute la religion est bonne le dimanche et lorsqu’on est dans la maison de Dieu ; mais dans un salon, je la trouve fort déplacée. » À cela je répondis que si la religion devait être bannie de partout à l’exception des lieux de culte, nos temples et nos chapelles se trouveraient bientôt transformés en vastes dortoirs. « Pourquoi cela ? » demanda mon interlocuteur avec surprise. « Eh ! C’est bien simple », répliquai-je. « Tous, nous aurons besoin de la religion pour mourir : or, comme la mort peut nous surprendre d’un instant à l’autre, qui voudrait s’éloigner du seul lieu où la religion serait admise ?… » Oui, à l’heure suprême, chacun de nous aura besoin des consolations de l’Évangile ; mais comment pourrions-nous espérer d’en jouir, si, pendant notre vie, nous n’obéissons point aux préceptes de ce même Évangile ? Imitez donc Christ en tout temps, mes bien-aimés. Imitez-le dans votre vie publique. Plusieurs d’entre nous sont peut-être appelés à vivre dans une sorte de monde officiel ; le rang que nous occupons, les fonctions dont nous sommes investis, nous donnent peut-être quelque relief sur nos semblables. Oh ! S’il en est ainsi, prenons garde. Nous sommes épiés ; n’en doutons pas. Nos paroles sont relevées, nos actes commentés ; notre conduite tout entière est examinée, analysée, mise en pièces. Le monde, au regard d’aigle, aux yeux d’Argus, le monde ne nous perd pas de vue ; il nous surveille, nous observe et de sévères critiques sont toujours prêtes à fondre sur nous. Voulons-nous, mes chers amis, réduire au silence nos adversaires ? Efforçons-nous de vivre de la vie de Christ dans nos relations avec les hommes. Appliquons-nous à copier si fidèlement notre Maître dans notre conduite publique que nous puissions toujours dire : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est Christ qui vit en moi ». — Et vous, en particulier, membres de nos Églises, qui êtes appelés à les diriger, à veiller à leurs intérêts, à délibérer sur leurs affaires, soyez animés de ce même esprit, je vous en supplie. Combien parmi vous qui, semblables à Diotrèphe, aiment à être les premiers ! (#3Jn 1:9). Combien qui aspirent à primer et à dominer sur ceux qui les entourent, oubliant que, d’après l’Évangile, tous les chrétiens sont égaux devant Dieu, qu’ils sont tous frères, et que, par conséquent, ils ont tous droit aux mêmes privilèges ! Je vous le dis donc : cherchez à vous pénétrer de l’esprit de votre Maître dans vos rapports avec vos Églises respectives, en sorte que les membres de ces Églises puissent vous rendre d’un commun accord ce beau témoignage : « Ils ont été avec Jésus ».
Mais par-dessus tout, ressemblez à Christ dans vos maisons. Une maison où l’on respire une atmosphère chrétienne est la meilleure preuve d’une piété vivante. Pour savoir ce que je suis, ce n’est point dans mon lieu de culte qu’il faut aller, mais dans mon intérieur ; ce n’est point mon pasteur qu’il faut consulter ; c’est la personne qui me voit de plus près. C’est la servante, l’enfant, l’épouse, l’ami qui peuvent le mieux juger de ce que vaut mon christianisme. Un homme pieux doit nécessairement exercer une bonne influence sur ses alentours. « Jamais je ne croirai qu’un homme soit un vrai chrétien, disait un prédicateur célèbre (Rowland Hill), si sa femme, ses enfants, ses domestiques, voire même le chien qui vit sous son toit, ne ressentent les heureux effets de sa piété. »
Telle est la religion de la Bible. Ce n’est point au langage, ce n’est point aux dehors, c’est à la vie qu’on reconnaît l’enfant de Dieu. Si votre entourage ne gagne rien à votre christianisme, si en vous voyant au milieu de votre famille, les mondains ne sont pas contraints de dire : « Voilà une maison mieux dirigée, mieux gouvernée que les nôtres », — ne vous y trompez point : vous êtes encore étrangers à la piété seule digne de ce nom. Que vos serviteurs, en vous quittant, ne puissent pas dire : « Singuliers chrétiens que ceux-là, vraiment ! Point de culte le matin, point de culte le soir. Le dimanche, il est vrai, ils allaient à la maison de Dieu ; ils y entendaient annoncer le saint Évangile ; mais quant à moi, on me laissait travailler tout le jour ; ou si, par extraordinaire, on me permettait de sortir, ce n’était que le soir, à la hâte, lorsque j’étais exténué de fatigue. » Non, mes frères, qu’on ne puisse pas dire ces choses de vous. Que votre piété influe au contraire jusque sur les moindres détails de votre vie domestique. Montrez à tous ceux qui vous entourent que votre religion est avant tout une religion pratique. Qu’elle soit lue et connue dans votre cercle intime aussi bien et mieux encore que dans le monde. Je dis : mieux encore, car ce que vous êtes chez vous, vous l’êtes en réalité. Trop souvent notre vie extérieure n’est qu’un rôle d’emprunt, et tous nous sommes plus ou moins des acteurs ; mais dans la vie privée, le masque tombe, et nous nous montrons tels que nous sommes. Prenons donc garde de ne pas négliger la piété du chez soi, les devoirs de tous les jours. Imitons Christ dans nos maisons.
Enfin, mes bien-aimés, avant de quitter cette partie de mon sujet, je vous dirai encore : imitez Jésus en secret. Oui, quand aucun œil ne vous voit, si ce n’est l’œil de Dieu ; quand les ténèbres vous enveloppent, quand vous n’êtes pas exposés à l’observation de vos semblables, même alors, soyez tels que Jésus-Christ. Rappelez-vous son ardente piété sa dévotion intérieure. Rappelez-vous comment, après avoir laborieusement instruit la multitude pendant le jour, il se retirait au milieu des ombres de la nuit pour implorer le secours de son Père. Rappelez-vous comment la vie de son âme fut sans cesse alimentée par de nouvelles communions du Saint-Esprit qu’il puisait dans la prière. Chrétiens, à cet égard comme à tous les autres, suivez l’exemple de votre Sauveur. Ayez toujours l’œil ouvert sur votre vie secrète : que cette vie soit telle que vous n’ayez pas honte de la lire devant tous au grand jour du jugement. Ah ! Si les secrets des cœurs étaient dévoilés en ce moment afin que nous pussions être sauvés. Christ est l’amour incarné. En lui nous voyons la plus touchante, la plus parfaite personnification de la bienveillance et de la charité. Comme Dieu est amour, Christ est amour. Ô chrétiens ! Soyez donc amour, vous aussi. Que votre bon vouloir, votre compassion, votre bienfaisance rayonne sur tout ce qui vous entoure. Ne dites pas à ceux qui souffrent : « Allez en paix, chauffez-vous et rassasiez-vous », mais faites part de votre pain à sept et même à huit (#Ja 2:16 ; #Ec 11:2). Si vous ne pouvez imiter Howard (philanthrope anglais du siècle dernier, bien connu par son dévouement à visiter les prisons, non seulement dans sa patrie, mais dans toute l’Europe) et comme lui ouvrir les portes des cachots pour faire entendre aux prisonniers un message d’espérance ; si vous ne pouvez pénétrer dans les tristes demeures de la misère et du vice, faites du moins ce que vous pouvez, chacun dans la sphère qui lui est propre. Que vos paroles, que vos actions respirent l’amour.
Que Christ revive pour ainsi dire en vous, par la douceur et la bonté. S’il est une vertu qui, plus que toute autre, convient au disciple de Jésus, assurément c’est cet esprit de mansuétude et de bienveillance, cet esprit qui le porte à aimer le peuple de Dieu, à aimer l’Église, à aimer le monde, à aimer tous les hommes. Et pourtant que de chrétiens, à l’humeur difficile et chagrine, n’y a-t-il pas dans nos Églises, qui semblent avoir dans leurs tempéraments une si forte mesure de vinaigre et de fiel, qu’en vérité c’est à peine si l’on peut obtenir d’eux une bonne parole ! Ils s’imaginent qu’il n’est possible de défendre la religion autrement que par des paroles acerbes ; aussi ne plaident-ils jamais la cause de leur Maître sans se laisser aller à des accès d’emportement, et si dans leur famille, dans l’Église ou ailleurs tout ne marche pas au gré de leurs désirs, ils considèrent comme un devoir de rendre leur face semblable à un caillou (#Esa 50:7) et de défier tout le genre humain. De tels chrétiens ressemblent à des glaçons isolés ; personne ne se soucie de s’approcher d’eux ; on les évite, on redoute leur contact. Solitaires et oubliés, ils flottent sur les vagues de la vie, jusqu’à ce que le courant les ait emportés. Et quoique sans doute, les chères âmes, nous serons fort heureux de les rencontrer dans le ciel, leurs esprits ont toujours été si mal tournés, que franchement nous ne sommes pas fâchés de vivre loin d’eux sur la terre … Ne soyez point comme ils le seront au dernier jour, on verrait, hélas, que la vie intérieure du plus grand nombre n’est pas une vie, mais une mort. Il est même de vrais chrétiens dont on peut dire que leur vie est à peine une vie. C’est une sorte de demi-existence. Ils se traînent péniblement dans le chemin du ciel. Une ou deux fois par jour, ils élèvent en hâte vers Dieu une prière, une aspiration, un soupir tout juste ce qu’il faut pour conserver dans leur âme une étincelle de vie, mais rien de plus. Oh ! Mes frères en Christ, je vous en supplie, ne vous contentez point d’un aussi déplorable état. Faites tous vos efforts pour ressembler davantage à Jésus dans votre vie intime. Surtout, vaquez avec soin à vos dévotions particulières. Vous le dirai-je ? Je crains que même parmi ceux d’entre vous qui sont le plus avancés dans la piété, la prière individuelle ne soit trop négligé (nous avons cru devoir supprimer ici quelques détails se rapportant exclusivement à M. Spurgeon et à son troupeau, et donner à ce passage une application plus étendue, tout en ne nous écartant pas de la pensée de l’auteur — note du traducteur).
Et pourtant, le Seigneur ne vous a-t-il pas encouragés de toutes manières à lui exposer vos besoins ? N’a-t-il pas répondu mille et mille fois à vos supplications ? Voudriez-vous donc vous ralentir dans vos prières ? Voudriez-vous cesser de crier au Seigneur ?
Oh ! Non, mes bien-aimés, qu’il n’en soit point ainsi. Allez dans vos maisons, tombez à genoux, intercédez avec une nouvelle ardeur auprès de votre Père céleste, lui demandant ses bénédictions et pour vous-mêmes, et pour vos amis, et pour le monde entier. Souvenez-vous spécialement de vos pasteurs, afin qu’ils soient soutenus dans l’œuvre si difficile de leur ministère. Suppliez Dieu de vous rendre capables de tenir vos mains élevées en haut, comme autrefois Moïse sur la montagne, afin que les Josué qui sont dans la plaine puissent combattre et vaincre les Amalécites (#Ex 17:8-13). C’est maintenant le moment décisif : perdrons-nous la bataille par notre faute ? C’est ici l’heure de la marée montante : n’en profiterons-nous pas pour entrer dans le port ? Hâtons-nous donc ! Faisons force de rames, déployons les voiles de la prière et supplions le Seigneur de les enfler lui-même par le souffle puissant de son Esprit. Oui, vous tous qui aimez l’Éternel, de tout pays et de toute dénomination, unissez-vous tous ensemble pour demander à Dieu de répandre cet Esprit par toute la terre, de nous accorder un temps de nouvelle Pentecôte, de ranimer, pour l’amour de son Fils, sa faible et languissante Église. Oh ! Mes chers amis, si nous faisions ainsi ; si, comme un seul homme, nous tombions aux pieds de notre Père céleste, c’est alors que le monde reconnaîtrait que véritablement nous avons été avec Jésus !
III.
Mais une autre question se présente : POURQUOI LES CHRÉTIENS DOIVENT-ILS IMITER CHRIST ?
La réponse est facile. En premier lieu, ils doivent le faire dans leur propre intérêt. S’ils tiennent à leur honneur et à l’estime de leurs semblables, qu’ils se conduisent de manière à ne pas être trouvés menteurs devant Dieu et devant les hommes. S’ils tiennent à la santé de leurs âmes, s’ils désirent être préservés de chutes et se maintenir dans le droit chemin, qu’ils s’appliquent à ressembler toujours plus à Jésus. S’ils tiennent à leur bonheur personnel ; s’ils veulent que leurs âmes soient nourries de choses grasses et de vins bien purifiés (#Esa 25:6) ; s’ils souhaitent jouir d’une sainte et douce communion avec Jésus, et pouvoir planer au-dessus des peines et des soucis de la vie, qu’ils marchent sur les traces de leur Maître. Oui, croyez-le, mes chers auditeurs, rien n’est plus à votre avantage ; rien ne vous procurera tant de prospérité, tant de paix, tant de force ; rien ne vous aidera si efficacement à avancer vers le ciel, à traverser la vie, le front serein et les yeux brillants de gloire ; en un mot, rien ne contribuera davantage à vos jouissances spirituelles que de vivre dans une constante imitation de Jésus. C’est lorsque vous serez rendus capables, par la puissance du Saint-Esprit, de placer, pour ainsi dire, vos pas dans l’empreinte de ses pas, que vous serez le plus heureux. C’est alors aussi qu’on reconnaîtra en vous de véritables, de sincères enfants de Dieu. Ô chrétiens, je vous le dis encore : dans votre propre intérêt, imitez Christ.
Imitez-le aussi dans l’intérêt de la religion. Ah ! Pauvre religion, tu as été assaillie par de cruels adversaires ; mais que sont les blessures qu’ils t’ont faites, comparées à celles que tu as reçues de la main de tes prétendus amis ? Personne, ô Évangile de Christ, ne t’a causé tant de dommage que ceux qui font profession d’être tes disciples ! Personne, ô sainte et aimable piété, ne t’a porté de plus rudes coups que le soi-disant chrétien qui vit d’une manière indigne de sa vocation, que l’homme à double face, qui s’introduit dans la bergerie de l’Église, comme un loup en habits de brebis ! Plus que le moqueur, plus que l’incrédule, plus que le sceptique, ils font tort à la cause de Christ, tous ceux qui prétendent la servir, mais dont les actes démentent les paroles. Chrétien, aimes-tu cette cause ? Voudrais-tu voir l’Évangile apprécié, honoré, glorifié ? Le nom du cher Rédempteur est-il précieux à ton âme ? Soupires-tu après le temps où les royaumes de la terre seront soumis au Seigneur et à son Christ ? Désires-tu voir les forteresses renversées, et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu détruite ? La vue des pécheurs qui périssent autour de toi te pénètre-t-elle de douleur, et brûles-tu de les gagner à Jésus, de sauver leurs âmes du feu éternel ? Voudrais-tu les empêcher à tout prix de tomber dans les demeures des réprouvés ? Ton cœur est-il ému de compassion à cause de tes compagnons d’immortalité ? Souhaites-tu ardemment que Christ jouisse enfin du travail de son âme et qu’il en soit rassasié ? S’il en est ainsi, ô mon frère, que ta vie soit en accord avec tes principes. Marche devant Dieu dans la terre des vivants. Conduis-toi en toute rencontre comme il convient à un élu. Souviens-toi quels nous devons être par une sainte conduite et par des œuvres de piété. Voilà le meilleur moyen de travailler à la conversion du monde. Oui, j’en suis convaincu, une telle conduite ferait plus pour l’évangélisation de la société que tous les efforts des œuvres de missions, quelques excellentes que soient ces œuvres. Montrons aux incrédules que notre vie est supérieure à la leur : alors, ils ne pourront se refuser à croire que la religion est une réalité. Mais s’ils nous voient agir dans un sens et parler dans un autre, savez-vous ce qu’ils diront ? Ils diront : « Ces gens soi-disant pieux ne valent pas mieux que le commun des hommes ! Pourquoi donc deviendrions-nous des leurs ! Pourquoi renoncerions-nous à nos habitudes ? » Et en parlant ainsi, le monde serait dans son droit ; son langage serait celui du plus simple bon sens. C’est pourquoi, mes chers amis, je vous en conjure, si vous aimez la religion, par égard pour elle, au nom de ses intérêts les plus sacrés, soyez conséquents avec vous-mêmes. Vivez dans la sainteté ; ayez en horreur le mal et attachez-vous fortement au bien. En un mot, imitez le Seigneur Jésus.
Mais l’argument le plus fort, le plus puissant qu’il me soit possible de vous présenter est celui-ci : Pour l’amour de Christ, efforcez-vous de lui ressembler. Oh ! Que ne puis-je, mes bien-aimés, dresser en cet instant devant vous la croix de mon Sauveur, vous placer en présence de Jésus mourant pour vos péchés, et lui laisser le soin de plaider sa propre cause ! Je sens que ma langue est comme attachée à mon palais ; les paroles me manquent ; je suis incapable de toucher vos cœurs ; mais ses plaies, ses blessures, son côté percé trouveraient des accents capables de vous émouvoir. Pauvres lèvres muettes et sanglantes, avec quelle éloquence ne nous parleriez-vous pas ! « Mes amis, nous dirait Jésus de sa douce voix, en nous montrant ses mains meurtries, mes amis, voyez mes mains : elles ont été percées à cause de vous. Voyez mon côté : il a été ouvert pour être la source de votre salut. Voyez mes pieds : là est la marque des clous. Chacun de ces membres a été rompu pour vous. De ces yeux se sont échappés des torrents de larmes. Ce front fut couronné d’épines. Ce visage a reçu des soufflets, ces cheveux ont été arrachés ; mon corps tout entier est devenu un foyer d’inexprimables souffrances. Pendant de longues heures, je suis resté suspendu au bois, exposé aux ardeurs d’un soleil brûlant — et tout cela, ô mes disciples, je l’ai enduré pour l’amour de vous ! Ne voulez-vous donc pas m’aimer à votre tour ? Ce que je vous commande, c’est de suivre mes traces, y a-t-il aucun crime, aucun défaut en moi ? Oh non ! Vous le savez, je suis plus beau que les plus beaux d’entre les fils des hommes, plus aimable que les plus aimables. Dites, mes amis : vous ai-je fait quelque tort ? N’ai-je pas au contraire tout fait pour votre salut ? Et à présent encore, ne suis-je pas assis à la droite de mon Père afin d’intercéder pour vous ? Maintenant donc, ô mes disciples, si vous m’aimez … (Chrétien ! Sois attentif. Que ces douces paroles de ton Sauveur retentissent toujours à tes oreilles comme la lointaine harmonie de clochettes d’argent … ) si vous m’aimez, dit Jésus, gardez mes commandements. » Oh ! Chrétien, puissent ces mots pénétrer jusqu’au fond de ton cœur !
« Si vous m’aimez, si vous m’aimez, » Mais ai-je bien entendu ? Glorieux Rédempteur ! Pour quoi dis-tu : Si ? Cher Agneau de Dieu, immolé pour nos offenses, se pourrait-il donc qu’il y eût un si à notre amour pour toi ? Quoi ? Lorsque je suis témoin de tes souffrances, lorsque je vois ton sang couler goutte à goutte pour le salut de mon âme, serait-il possible que je ne t’aimasse point ? Et cependant, hélas, je l’avoue en gémissant, trop souvent tu as sujet de douter de mon amour. Trop souvent mes pensées, ou mes paroles, ou ma conduite te donnent le droit de me dire : « Si vous m’aimez ! » Toutefois, malgré mes chutes et ma tiédeur, il me semble, ô mon Sauveur, que mon amour pour toi est une réalité. Il me semble que tu es plus précieux à mon âme que la lumière du jour ne l’est à mes yeux, Oui, je t’aime — je sens que je t’aime ! Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime ! — Voilà le langage que peut tenir du fond du cœur tout véritable croyant ; et à celui qui lui parle de la sorte, Jésus répond, en abaissant vers lui un regard de tendre approbation : « Puisque tu m’aimes, ô mon disciple, puisque tu m’aimes, garde mes commandements ». Oh ! Mes bien-aimés, je vous le demande, quel motif plus puissant que celui là pourrais-je invoquer pour vous porter à imiter Jésus ? Où trouver un argument plus irrésistible que celui de l’affection et de l’amour ? La gratitude produit l’obéissance : soyez donc tels que votre Maître ; et ainsi le monde connaîtra que vous avez été avec Jésus.
IV.
Mais vous êtes émus, vous pleurez peut-être, et vous vous demandez avec anxiété : « Comment pouvons-nous imiter Celui qui est mort pour nous ? » Je vais, pour finir, m’efforcer de répondre à cette question ; en d’autres termes je vais vous dire COMMENT L’HOMME PEUT DEVENIR SEMBLABLE À CHRIST et être transformé à son Image.
Et d’abord, mes chers amis, je vous dirai ceci : il faut que vous connaissiez Christ comme votre Rédempteur, avant que vous puissiez le suivre comme votre modèle. On parle beaucoup aujourd’hui de l’exemple de Jésus, et c’est à peine si l’on trouverait une personne dans le monde qui ne fût disposée à reconnaître la beauté morale et l’excellence incomparable de son caractère. Toutefois, je vous le dis, quelque excellent que soit l’exemple de Christ, il eût été absolument impossible à aucun enfant d’Adam de suivre cet exemple, si, en même temps qu’il était notre Modèle, Jésus n’avait été aussi notre sacrifice. Croyez-vous donc, mes chers auditeurs, que son sang a été répandu pour vous ? Pouvez-vous vous associer à ces paroles d’un cantique :
Tu m’as aimé, moi, vile créature,
Jusqu’à t’offrir en victime pour moi ;
Ton propre sang a lavé ma souillure,
Et par ta mort, je suis vivant pour toi ?
(Chants chrétiens)
S’il en est ainsi, vous êtes en bonne voie de devenir conformes à l’image de Christ. Mais aussi longtemps que vous n’avez pas été baignés dans cette Source abondante qu’Emmanuel remplit de son sang précieux, il est inutile que vous cherchiez à lui ressembler. Vous perdriez votre temps, croyez-le. Vos passions sont trop fortes, vos âmes trop corrompues et vous construiriez un édifice qui, dépourvu de fondement, aurait à peu près la solidité d’un rêve. Je le répète : vous ne pouvez mouler votre vie sur celle de Christ, tant que vous n’aurez pas reçu son pardon et revêtu sa justice.
« Grâces à Dieu, diront quelques uns, nous en sommes arrivés là ; nous savons que nous avons part au salut, mais, hélas ! Nous savons aussi qu’il existe en nous des imperfections en grand nombre. Nous voudrions ressembler à Christ, mais nous ne pouvons y par venir. Que nous faut-il donc faire ? » À ceux-là, je réponds : mes chers amis, étudiez attentivement le caractère de Jésus. C’est une chose triste à dire, mais c’est un fait : aujourd’hui la Bible est traitée, en quelque sorte, comme un livre suranné, même par beaucoup de chrétiens. Il y a tant de feuilles religieuses, de publications périodiques et autres productions éphémères, qu’en vérité, le devoir de sonder les Écritures est en danger d’être négligé. Chrétien, veux-tu ressembler à ton Maître ? Contemple-le. Il y a dans la personne de Christ une merveilleuse puissance qui fait que plus on le contemple plus on lui devient conforme. Je me regarde dans un miroir, puis je m’en vais, et j’oublie aussitôt ce que je suis. Mais quand je contemple Christ, je deviens tel que Christ. Regarde donc à lui, ô croyant. Étudie son image dans les Évangiles ; pénètre-toi bien de ses traits augustes.
« Mais, dites-vous peut-être encore, nous avons souvent contemplé notre divin Modèle et pourtant nous ne voyons pas que nous ayons fait de grands progrès. » Eh bien, mes amis, savez-vous ce qu’il vous faut faire encore ? Il faut corriger chaque jour votre pâle et faible copie. Le soir repassez dans votre souvenir les actions des vingt-quatre heures qui viennent de s’écouler et examinez les scrupuleusement devant Dieu. Lorsqu’on me soumet les épreuves de quelques-uns de mes ouvrages, je dois marquer à la marge les corrections à faire. J’aurai beau lire et relire une épreuve, que si je n’indiquais pas les fautes qui s’y trouvent, l’imprimeur les laisserait toutes subsister. Ainsi devez-vous faire, mes bien-aimés. Marquez le soir, à la marge de votre journée, les fautes que vous avez commises, afin de vous les rappeler et de n’y point retomber le lendemain. Faites cela, jour après jour, avec simplicité, avec persévérance, notant vos manquements un à un, afin que vous puissiez les éviter à l’avenir. Certains philosophes de l’antiquité ont dit qu’il est du devoir de l’homme de rentrer en lui-même trois fois le jour et d’examiner ses actes. Cette maxime est excellente : suivons-la. Ne soyons point légers et oublieux, mais plutôt éprouvons-nous soigneusement nous-mêmes ; constatons nos chutes, et nos misères, et travaillons ainsi à sanctifier notre vie.
Enfin (et c’est le meilleur conseil que je puisse vous donner), — si vous voulez ressembler à Christ, recherchez une mesure toujours plus abondante de l’Esprit de Dieu. Vains sont tous vos efforts pour imiter Jésus, si vous ne recherchez pas son Esprit. Prenez un morceau de fer, essayez de le courber, vous n’y réussirez jamais.
Placez-le sur l’enclume saisissez le marteau du forgeron, frappez à coups redoublés, et vous n’aurez rien fait. Tordez-le, tournez-le en tous sens, ayez recours à toute sorte d’engins, vous ne le façonnerez jamais à votre guise. Mais placez-le dans le feu, qu’il se ramollisse et devienne malléable ; puis mettez-le sur l’enclume et chacun de vos coups aura un si puissant effet que vous pourrez lui donner la forme qui vous convient. Il en est de même du cœur de l’homme. Ne cherchez pas à façonner votre cœur, froid et dur comme il l’est par nature, mais plongez- le tout d’abord dans la fournaise de la grâce divine ; là laissez-le s’échauffer et se fondre ; après quoi il sera comme de la cire molle et pourra reproduire fidèlement l’empreinte du Seigneur Jésus.
Oh ! Mes frères, qu’ajouterai-je pour vous porter à donner à ce sujet toute votre attention ? Pensez, oh ! Pensez, je vous en supplie, que si vous ressemblez à Christ sur la terre, vous lui ressemblerez dans le ciel ; que si, par la puissance de l’Esprit, vous devenez des disciples de Jésus ici-bas, vous deviendrez ci-après participants de sa gloire ! À la porte du paradis se tient un ange, qui n’admet dans le séjour de délices que ceux-là seuls dont les traits présentent une frappante analogie avec ceux de notre adorable Rédempteur. Voici un homme qui s’avance, le front ceint d’une couronne royale. « Tu as une couronne, il est vrai, dit l’ange, mais ici, les couronnes ne servent de rien. » Un autre approche revêtu des insignes du pouvoir ou des robes de la science. « Tout cela était bon en son temps, dit l’ange, mais ni les honneurs ni la science ne donnent accès au ciel. » Un troisième paraît, rayonnant de jeunesse, de charmes et de grâce. « Tu pouvais plaire sur la terre, dit l’ange, mais dans la nouvelle Jérusalem, la beauté extérieure n’a aucun prix. » Un autre encore avance, ayant pour héraut la renommée, et pour avant-coureur les applaudissements du genre humain, mais l’ange le repousse lui aussi, en disant : « Toutes les gloires humaines sont ici de nulle valeur ». Enfin, un autre se présente : peut-être a-t-il été pauvre, ignorant, méprisé des hommes ; n’importe ! En le regardant l’ange sourit : « Voici une image du Seigneur Jésus, s’écrie-t-il avec joie, un reflet de sa sainteté, une empreinte de sa personne ! C’est le Seigneur lui-même qui vient sous la forme d’un de ses disciples. Sois le bienvenu, ô racheté ! Tu as été avec Jésus, tu as été fait semblable à lui, la gloire éternelle l’appartient ; entre dans la joie de ton Seigneur. »
Mes frères, mes chers frères, pour l’amour de vos âmes, réfléchissez à ces choses. Qui est tel que Christ entrera dans le ciel, mais qui n’est pas tel que Christ sera précipité en enfer !
Le jour vient où les choses de même espèce seront rassemblées et liées ensemble : l’ivraie avec l’ivraie ; le froment avec le froment. Si vous êtes tombés avec Adam et que vous quittiez la vie étant morts dans vos fautes et dans vos péchés, votre portion pour l’éternité sera avec ceux qui sont morts spirituellement ; mais si dès ici-bas vous ressuscitez avec Christ en nouveauté de vie, alors vous régnerez avec lui aux siècles des siècles. Le froment avec le froment, l’ivraie avec l’ivraie. Ne vous abusez point : on ne se joue point de Dieu ; ce que l’homme aura semé, c’est ce qu’il moissonnera aussi. Emportez donc cette pensée dans vos cœurs, mes bien-aimés, que vous pouvez juger de votre état spirituel en vous comparant à Christ. Si vous êtes tels que votre Maître, si, malgré vos misères et vos infidélités, vous lui ressemblez en quelque mesure par votre courage, votre douceur, votre humilité, votre amour, alors vous êtes à Christ et vous serez pour toujours avec lui, Si au contraire vous n’êtes pas conformes à la glorieuse image de Christ, vous n’avez aucune part ni rien à prétendre au salut qui est en lui.
Puissent mes faibles paroles contribuer à nettoyer l’aire de l’Église de la balle qui l’encombre ! Puissent-elles surtout conduire plusieurs âmes à chercher à devenir participantes de l’héritage des saints dans la lumière, par la foi en Jésus-Christ, à la louange de sa grâce ! Qu’à lui soit rendu tout honneur, dès maintenant et à jamais ! Amen.
157 - LE PREMIER ET GRAND COMMANDEMENT.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force … C’est là le premier et grand commandement (#Mr 12:30 ; #Mt 22:38).
Le Sauveur a dit en parlant de mon texte : « C’est là le premier et grand commandement ». Et en effet, il est « le premier », — le premier tout d’abord par rang d’ancienneté, car il est antérieur aux dix commandements de la loi écrite. Avant que l’Éternel eût dit : « Tu ne commettras point adultère, tu ne déroberas point », les paroles de mon texte étaient une des lois qui régissaient l’univers. Les intelligences célestes s’inclinaient déjà devant elle, alors que l’homme n’avait pas encore été créé.
Il n’était pas nécessaire que Dieu dise aux anges : « Vous ne tuerez point, vous ne déroberez point », car le meurtre et le larcin étaient probablement impossibles pour eux ; mais assurément il dut leur dire : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu » ; et dès que Gabriel, enfanté à l’existence par le souffle du Très-Haut, se fut élancé hors du néant, le grand principe de l’amour de Dieu lui fut sans nul doute inculqué. Ce commandement est donc « le premier » par son ancienneté. Dans le jardin d’Éden, Adam y était soumis ; même avant la création d’Ève sa femme, il lui avait été donné ; et lorsque encore tout autre précepte eût été superflu, celui-ci était gravé sur la table de son cœur : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ».
Mais le commandement qui nous occupe n’est pas seulement « le premier » par son antiquité : il l’est aussi par son importance. Un précepte qui regarde directement le Dieu tout-puissant doit, sans contredit, avoir la priorité sur tous les autres. La plupart des articles de la loi morale traitent des rapports d’homme à homme ; mais ici, il ne s’agit de rien moins que des rapports de l’homme avec son Créateur. Les règlements de la loi cérémonielle n’entraînaient pour celui qui les violait, que des conséquences d’une portée secondaire ; mais la désobéissance à cet ordre fondamental provoque la colère de l’Éternel et attire sa malédiction sur la tête du transgresseur. Celui qui tue ou qui dérobe commet un forfait d’autant plus grave qu’en péchant contre son prochain, il viole du même coup l’injonction de mon texte ; mais en supposant que le vol ou l’homicide, ou tout autre péché n’impliquât pas nécessairement la violation du premier commandement, cette violation constituerait à elle seule la plus grave, la plus énorme des offenses. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu c’est le prince des commandements, le souverain de la loi ; à lui appartient la préséance sur toutes ces règles augustes que Dieu jugea bon plus tard de donner à ses créatures.
Observons encore que ce commandement est « le premier » par sa justice. Si l’on ne peut toujours saisir l’équité de ce précepte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ; s’il m’est parfois malaisé de comprendre pourquoi je suis tenu d’aimer l’homme qui me hait et qui m’insulte, ici, nulle difficulté de ce genre ne saurait exister. L’ordre d’aimer le Seigneur notre Dieu s’adresse à nous avec une autorité si puissante ; il est tellement corroboré par les instincts de la nature et par la voix de la conscience, qu’en vérité il faut avoir perdu tout vestige de sens moral pour oser contester sa parfaite justice. Souviens-toi donc, ô homme, que c’est ici le premier commandement. À quelque loi que tu désobéisses, prends garde du moins d’observer celle-ci. Si tu avais enfreint les ordonnances de la loi cérémonielle, le sacrificateur aurait pu faire propitiation pour toi, mais comment échapperas-tu si tu pèches contre ce premier commandement ? L’ordre est formel, précis, inflexible. Tu peux violer les lois humaines, quitte à subir la peine prononcée contre ceux qui les violent, mais si tu foules aux pieds celle-ci, ta punition, sache-le, sera trop lourde pour que ton âme puisse la porter. Elle te précipitera, ô pécheur, elle te précipitera comme une meule de moulin, jusques aux plus bas fonds des enfers ! Prends donc garde à ce commandement plus qu’à tout autre ; tremble en sa présence, et applique-toi à lui obéir, car c’est le premier de tous les commandements.
Le Sauveur dit aussi que c’est le grand commandement, et cela est vrai. Il est « grand » par son étendue, ou, pour mieux dire, par son ampleur, car il renferme dans ses entrailles tous les autres. Quand Dieu dit : « Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier » ; quand il dit : « Tu ne te feras point d’images taillées et tu ne te prosterneras point devant elles », ou bien encore : « Tu ne prendras point le nom de l’Éternel ton Dieu en vain », il n’a fait que développer, à un point de vue particulier, l’idée générale contenue dans mon texte. C’est le sommaire et la substance de la loi. Il n’y a pas jusqu’au second commandement lui-même qui ne se trouve comme enveloppé dans les vastes plis du premier. Qui dit : « Tu aimeras ton prochain », sous-entend, par le fait : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », car l’amour du prochain ne saurait exister sans l’amour de Dieu, et l’amour de Dieu à son tour produit nécessairement l’amour du prochain.
De plus, le premier commandement est « grand » par ses exigences : exigences parfaitement justes, parfaitement légitimes, mais qui n’en sont pas moins d’une rigidité effrayante. Que nous demande-t-il, en effet ? Il nous demande nos pensées, notre force, notre cœur, notre vie ; en d’autres termes, il exige que nous concentrions dans l’amour de Dieu toutes les facultés de notre âme, toutes les puissances de notre être ! — Et celui qui désobéira jusqu’à la fin à ce commandement reconnaîtra, pour son éternel malheur, qu’il est « grand » encore dans un autre sens : grand dans sa puissance de condamnation, car il sera comme un glaive à deux tranchants pour frapper le transgresseur, comme une foudre vengeresse qui éclatera sur sa tête rebelle et qui le détruira entièrement. Écoutez donc, ô vous Gentils, et vous aussi, ô maison d’Israël, écoutez ce premier et grand commandement que je viens vous répéter de la part de mon Maître : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.
Je diviserai mon discours en deux parties, ou plutôt j’examinerai avec vous deux simples questions : la première : QUE NOUS DIT CE COMMANDEMENT ? La seconde : QU’AVONS-NOUS À LUI RÉPONDRE ?
I.
Et d’abord constatons que les premiers mots de mon texte nous imposent un devoir, le devoir d’aimer Dieu : tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Il y a bien des manières de manquer à ce devoir. Il est une classe d’hommes qui le méprisent sciemment et audacieusement, car ils haïssent Dieu. Ici, c’est l’incrédule sans pudeur qui grince des dents contre le Très-Haut ; là, c’est le sceptique plus raffiné qui lance le venin de ses blasphèmes contre la personne de son Créateur. Il ne manque pas de gens dans le monde qui se posent ouvertement en athées, et quoique, au fond de leurs consciences, ils sachent très bien qu’il y a un Dieu, néanmoins, de leurs lèvres, ils nient effrontément son existence. De tels hommes nient qu’il y ait un Dieu, parce qu’ils donneraient tout au monde pour qu’il n’y en eût point. La pensée est fille du désir ; mais il faut que le cœur soit parvenu à la dernière phase de l’endurcissement et de la corruption avant que cette pensée n’ose se traduire par des paroles, avant surtout que le malheureux qui prononce une impiété aussi monstrueuse, puisse le faire sans un certain sentiment de honte et de remords. Ai-je besoin de le dire ? Mon texte concerne en première ligne tous ceux qui haïssent, qui méprisent, qui insultent l’Éternel leur Dieu, qui mettent en doute son existence ou qui dénaturent son caractère. Oh ! Incrédule ! Dieu t’ordonne de l’aimer de tout ton cœur ; donc puisque tu le hais, tu te places toi-même volontairement sous le coup de la sentence de condamnation qui fondra au dernier jour sur les transgresseurs de cette loi.
D’autres hommes savent qu’il y a un Dieu, mais ils le négligent. Ils traversent la vie avec indifférence, sans se mettre en peine des choses qui regardent l’éternité. « Après tout, disent-ils (si ce n’est par leurs paroles, du moins par leur conduite), après tout, peu nous importe qu’il y ait un Dieu ou qu’il n’y en ait point. » Ils ne se soucient nullement de connaître leur Créateur, et ses commandements ne leur inspirent pas la dixième partie du respect qu’ils éprouveraient pour une proclamation de leur souverain. Ils sont tout prêts à se soumettre aux puissances établies (#Ro 13:5), mais quant à Celui par qui ces puissances subsistent, ils le mettent de côté et ils l’oublient. Trop prudents ou trop timides pour oser déclarer ouvertement qu’ils ne croient pas en Dieu, ces hommes n’ont aucun scrupule de vivre comme s’il n’y en avait pas. S’ils ne sont point athées en théorie, ils le sont en pratique. Aucune place dans leurs pensées n’est réservée au Seigneur. Ils se lèvent, le matin, sans songer à fléchir le genou devant lui ; ils se couchent, le soir, sans murmurer une prière. Jour après jour, semaine après semaine, ils s’occupent des affaires de la vie sans jamais avoir l’idée d’élever leurs âmes vers Dieu. Quelquefois, vous les entendrez parler de « chance », de « hasard », de « bonne ou de mauvaise fortune », étranges divinités conçues dans leur cerveau ; mais Dieu, le Dieu tout-puissant, le Dieu de la providence, le Dieu vivant et vrai, jamais ils ne parlent de lui, si ce n’est quand ils prononcent son nom avec légèreté et inconvenance, ajoutant ainsi un péché de plus à la masse de leurs iniquités. — Ô vous, pécheurs, qui vivez ainsi dans l’oubli de Dieu, qui n’avez pour lui qu’une froide et dédaigneuse indifférence, sachez que ce commandement s’adresse aussi à vous : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme.
Mais ici, j’entends quelqu’un me dire : « Il est vrai, ministre de l’Évangile, que je n’ai aucune prétention à la piété, mais, à mon sens, je n’en vaux pas moins pour cela. Je suis tout aussi intègre, tout aussi moral, tout aussi charitable que les soi-disant dévots. Rarement, j’en conviens, je franchis le seuil d’un lieu de culte ; je ne pense pas que ce soit là un devoir de la première importance ; mais, à tout prendre, je le répète, je vaux autant que mes voisins : je suis un honnête homme ; personne n’a rien à me reprocher. D’ailleurs, s’il faut le dire, parmi vos gens d’église, il y a tant et tant d’hypocrites, que franchement je n’ai aucune envie de devenir des leurs. »
Arrête, mon cher auditeur, et permets-moi de te faire une simple observation. Que t’importe, je te prie, ce que font les autres ? La religion est une affaire toute personnelle, qui ne regarde que Dieu et toi. Or, ton Créateur t’a dit, à toi individuellement : « Tu m’aimes de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force ». Qu’as-tu donc besoin de montrer du doigt tel pasteur dont la conduite n’honore pas toujours sa profession, ou tel ancien de l’Église qui marche avec la multitude pour mal faire, ou telle autre personne ayant l’apparence de la piété, mais dont la vie est en contradiction avec les principes ? Rien de tout cela ne te regarde. Quand ton Créateur te donne un ordre, il entend que tu t’en fasses l’application, et si tu lui objectais : « Seigneur, je ne veux pas t’aimer, parce qu’il y a des hypocrites », est-ce que ta propre conscience, quelque faussée qu’elle soit par le péché, ne protesterait pas contre l’absurdité de ce raisonnement ? Est-ce que ton bon sens lui-même ne te dirait pas, ô homme : « Puisqu’il y a tant d’hypocrites, prends d’autant plus garde de n’en être pas un ; et puisqu’il y a tant de prétendus chrétiens qui déshonorent la cause du Seigneur par leur profession mensongère, à plus forte raison dois-tu t’efforcer d’être vrai, sincère, loyal et en édification à l’Église ? »
Mais, hélas, où sont-ils les hommes qui se donnent la peine de réfléchir à ces choses ? … L’oubli du Seigneur est général. Les industriels de nos cités, les commerçants de nos rues, nos artisans et nos ouvriers vivent pour la plupart sans Dieu dans le monde. Je ne pense pas que la masse du peuple soit incrédule : je crois au contraire que les athées, et même peut-être les déistes, sont plus rares aujourd’hui qu’on ne pense. La grande plaie de notre époque, c’est l’indifférence. On ne se soucie point de savoir si la religion est vraie ou fausse. On est satisfait de rester dans le vague à cet égard. On n’a pas le temps de s’occuper des intérêts de son âme, on plaint la peine d’examiner où réside la vérité, et on ne songe même pas à cet Être puissant et bon par qui l’on subsiste. Quant au premier et grand commandement, on n’en tient absolument aucun compte, et ainsi on frustre, le Seigneur de ce qui lui appartient. À vous donc, masses de la population ; à vous, âmes immortelles qui vivez sans Dieu et sans espérance, s’adresse la voix sévère et accusatrice de mon texte : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute la pensée et de toute ta force ».
Mais il y a une classe d’hommes qu’il serait injuste de confondre avec la multitude d’esprits étroits et vulgaires qui, absorbés par la recherche des jouissances sensuelles, permettent aux mesquins intérêts de la vie présente de leur voiler les sublimes profondeurs de la divinité. Oui, je me plais à le reconnaître : il y a des hommes aux instincts plus nobles, aux aspirations plus relevées. Ceux-là du moins n’oublient pas qu’il y a un Dieu. Oh ! Non, loin de là. Peut-être sont-ils versés dans la merveilleuse science de l’astronomie, et quand ils élèvent leurs regards vers la voûte des cieux, quand ils contemplent les étoiles semées dans l’étendue, ils admirent en eux-mêmes la majesté du Créateur. Ou bien, ils fouillent dans les entrailles de la terre, et ils sont frappés d’étonnement en voyant la magnificence des œuvres anciennes de Dieu. Ou bien encore, ils examinent le corps de l’animal, et ils rendent hommage à la suprême sagesse qui a présidé à sa structure anatomique. Chaque fois qu’ils pensent à Dieu, ces hommes sont pénétrés d’une solennelle admiration, d’une crainte respectueuse. Jamais vous ne les entendrez blasphémer ou prononcer le nom du Seigneur à la légère : il est aisé de voir que leurs âmes sont animées d’une profonde vénération pour le Créateur de l’univers. C’est beaucoup, sans doute, — mais, est-ce assez ? Non, mes chers auditeurs, non, ce n’est point assez !
Le premier et grand commandement demande autre chose. Dieu ne te dit point, ô homme : « Tu admireras ma puissance, tu vénéreras ma grandeur ». Il exige plus de toi ; il te dit : « Tu M’AIMERAS ! » Ô toi qui suis du regard les globes célestes flottant dans l’immensité de l’espace, c’est quelque chose assurément que tu t’écries dans un transport d’enthousiasme : Oh ! Que tes cieux sont grands ! Et que l’esprit de l’homme plie et tombe de haut, mon Dieu, quand il te nomme ! … Oh ! Que suis-je, Seigneur, devant tes cieux et toi ?
De ton immensité le poids pèse sur moi ;
Il m’égale au néant, il m’efface, il m’accable,
Et je m’estime moins qu’un de ces grains de sable !
(Lamartine)
Ces beaux vers rendent à peu près le sens des lignes de Milton citées dans l’original.
Oui, c’est quelque chose, ô mon frère, que tu adores ainsi le puissant Créateur, mais cela ne suffit point. Oh ! Plût à Dieu que tu pusses ajouter : « Celui qui a créé l’armée des cieux, Celui qui appelle les étoiles par leur nom, Celui-là est mon Père, et mon cœur bat d’affection pour lui ! » Alors, mais alors seulement tu aurais obéi au commandement de mon texte, car ce que Dieu demande de toi, ce n’est pas ton admiration, mais ton amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur ».
Enfin, il y a des hommes qui vont encore plus loin. Non contents d’admirer Dieu dans ses œuvres, ils prennent plaisir à s’élever vers lui par la contemplation. Ils croient au Père, au Fils et au Saint-Esprit, ils croient qu’il n’y a qu’un seul Dieu, et que ces trois personnes ne sont qu’un. Ils aiment à parcourir les pages de la révélation, tout comme ils parcourent les pages de l’histoire. La divinité est pour eux un sujet de curieuse étude, d’intéressantes recherches. Ils prennent plaisir à méditer sur son essence, sur ses attributs, sur ses perfections.
Ils pourraient sans fatigue entendre exposer tout le jour les doctrines de sa Parole. Souvent même ces hommes sont d’une orthodoxie irréprochable ; personne n’a un credo plus pur que le leur, et en fait de matières religieuses, nul ne pourrait leur en apprendre. Aussi bien que qui que ce soit, ils défendraient au besoin telle vérité de l’Évangile, et entreraient avec feu dans les discussions les plus approfondies sur les choses divines. Mais, hélas ! Leur religion a un défaut : elle ressemble à un poisson mort ; elle est froide et raide comme lui, et pour peu que vous veniez en contact avec elle, vous sentez qu’elle n’a pas de vie. Jamais les croyances de ces hommes ne les ont remués jusqu’au fond de l’âme ; leurs cœurs y sont restés complètement étrangers. L’œil de leur esprit peut contempler Dieu, mais ils sont incapables de l’aimer ; ils peuvent méditer, mais non sentir ; penser à Dieu, mais non se jeter dans le sein de sa miséricorde et le serrer dans les bras d’une affection filiale. Ah ! Froids penseurs, savants théoriciens à la vaste intelligence mais au cœur de glace, qui discourez si bien sur votre Créateur, mais qui ne savez pas l’aimer, puissiez-vous recevoir en ce jour instruction de mon texte : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ! »
Mais il me semble voir un homme qui se lève dans cette assemblée, et qui me dit d’un air satisfait : « Quant à moi, ce commandement ne m’effraie point, car je le mets en pratique. J’assiste au service divin deux fois chaque dimanche ; je fais le culte domestique avec ma famille ; j’ai soin, tous les matins en me levant, de répéter une prière ; enfin, je lis ma Bible quelquefois et je souscris à beaucoup d’œuvres de bienfaisance. » Ah ! Mon cher auditeur, ne t’abuse point : tu peux faire tout cela, tu peux faire plus encore, et pourtant ne pas aimer Dieu. Autre chose est de servir Dieu comme un mercenaire, autre chose est de l’aimer comme un fils. Que de personnes qui se rendent à leur lieu de culte à peu près avec le même entrain que si elles marchaient au supplice ! C’est pour elles un pénible devoir, une tâche mortellement ennuyeuse. Elles observent extérieurement le sabbat, mais si elles l’osaient, elles s’affranchiraient de cette obligation. Elles assistent aux saintes assemblées, mais si ce n’était une affaire de convention, d’habitude ou de bienséance, elles préféreraient mille fois être partout ailleurs que dans la maison de Dieu. Pour ce qui est de la prière, il va sans dire que ces personnes n’en font pas leurs délices : elles prient, parce qu’elles croient ne pouvoir se dispenser de prier. Je ne sais quel vague sentiment de devoir les contraint parfois à fléchir le genou devant Dieu, mais elles n’y prennent aucun plaisir. Peut-être parlent-elles de Dieu avec convenance, mais jamais avec amour : jamais leurs cœurs ne bondissent à l’ouïe de son nom ; jamais leurs yeux n’étincellent à la pensée de ses attributs ; jamais leurs âmes ne tressaillent en méditant sur ses ouvrages, car la grâce de Dieu ne les a point touchées. C’est pourquoi, tandis qu’elles honorent Dieu de leurs lèvres, leur cœur est bien éloigné de lui, et ainsi, malgré leur vain formalisme, elles désobéissent, tout comme les incrédules, à ce commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ».
Mes chers auditeurs, comprenez-vous maintenant toute la portée de mon texte ? Hélas ! Je crains que plusieurs d’entre vous ne cherchent encore des faux-fuyants pour échapper à sa condamnation. Je crains que beaucoup d’âmes ici présentes, au lieu de se reconnaître coupables, ne s’efforcent de faire une brèche à cette divine muraille, qui enserre dans ses vastes contours l’humanité tout entière. L’un de vous dit peut-être : « Mais je ne fais rien pour offenser Dieu ». Là n’est pas la question, mon ami. Il ne s’agit point de ce que tu ne fais pas ; il s’agit simplement de ceci : aimes-tu Dieu ? — « Mais, reprend un autre, j’observe scrupuleusement tous les devoirs extérieurs de la religion. » Soit ! Mais mon texte ne se contente pas de cela ; il dit expressément : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ».
« Mais, ajoute un troisième, je fais beaucoup de choses pour le Seigneur ; je visite les pauvres, je suis moniteur dans une école du dimanche, etc. » Je t’en félicite, mon frère ; toutefois, j’en reviens à ma question : aimes-tu Dieu ? C’est ton cœur que Dieu demande, et sans ton cœur, il ne saurait être satisfait. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu. Voilà le commandement ; et bien qu’aucun homme depuis la chute ne soit capable de l’observer, il n’est pas moins obligatoire pour tous les enfants d’Adam que lorsque l’Éternel le prononça pour la première fois, Mais ce commandement ne nous impose pas seulement le devoir d’aimer Dieu, il nous dit encore qu’elle doit être la mesure de cet amour. Combien dois-je aimer Dieu ? Où fixerai-je la limite le mon affection pour lui ? Je dois aimer mon prochain comme moi-même : dois-je aimer mon Dieu plus encore ? Oui, les paroles de mon texte ne laissent aucun doute à cet égard : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force ». Or, il ne nous est commandé nulle part de nous aimer nous-mêmes ou d’aimer notre prochain de cette manière ; donc, la mesure de l’amour que nous devons à Dieu est infiniment supérieure à celle de tout amour humain.
De là, nous induisons tout naturellement que Dieu veut être aimé par nous en première ligne. Mari, tu dois aimer ta femme ; tu ne saurais trop l’aimer, sauf dans un seul cas, — celui où tu l’aimerais plus que Dieu, où tu chercherais à lui plaire plutôt qu’à ton Créateur, où tu lui accorderais une préférence idolâtre. — Enfant, tu es tenu d’aimer tes parents ; tu ne saurais trop aimer le père qui t’engendra ou la mère qui te donna le jour ; toutefois, n’oublie point que ton affection pour eux ne doit être que secondaire. Plus que ton père ou ta mère, tu dois aimer le Seigneur ton Dieu. L’affection qu’il réclame de toi est une affection suprême. Sans doute il nous est permis d’aimer tous nos proches ; bien plus : cela nous est expressément ordonné. Celui qui n’aime pas ceux de sa famille est pire qu’un païen et qu’un péager : mais gardons-nous d’aimer autant que Dieu ces chers objets de nos affections. Vous pouvez dresser de petits trônes dans votre cœur pour les êtres chéris qui ont droit à votre tendresse, mais le trône de Dieu doit dominer tous les autres. Vous pouvez placer vos bien-aimés sur les degrés de l’autel, mais il faut que le Seigneur soit assis sur l’autel lui-même. Il doit être le monarque de vos affections, le souverain de votre cœur. — Dis, ô mon frère, as-tu observé ce commandement ? Pour ma part, je sais que je ne l’ai point fait ; je me reconnais coupable devant Dieu ; je ne puis que me jeter à ses pieds et confesser mes transgressions … Quoi qu’il en soit, le commandement subsiste dans toute son inflexible rigueur : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, c’est-à-dire, tu l’aimeras en première ligne ». — Une seconde induction qui découle de mon texte, est que nous devons aimer Dieu cordialement. Oui, il doit y avoir dans nos rapports avec Dieu cette chaleur, cette vie, cette puissance de sentiment qui sont les caractères de toute véritable affection. Il faut que nous nous donnions à lui tout entier et de tout cœur. Oh ! De grâce, n’aimons pas Dieu comme beaucoup de gens aiment leur prochain, de cette étrange espèce d’amour qui fait bien dire à l’occasion : « Allez en paix, chauffez-vous et soyez rassasiés », mais qui à ces froides paroles n’ajoute rien. Non, le Seigneur ne veut pas d’un amour de ce genre. Il faut que toutes les fibres de notre cœur palpitent d’affection pour lui, que nous nous absorbions pour ainsi dire en Dieu, en sorte qu’il devienne le grand objet de notre existence, le glorieux centre de notre tendresse. Le don libre et volontaire de nous mêmes, le joyeux élan de toutes nos facultés aimantes vers un but suprême, voilà ce que doit être notre amour pour Dieu. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. »
Mais ce n’est pas tout : Nous devons aussi aimer Dieu de toute notre âme, ou plutôt de toute notre vie, car c’est là le véritable sens de cette expression. En d’autres termes, nous devons aimer Dieu jusqu’à la mort. Si nous sommes appelés à verser notre sang pour la cause de notre Maître, il faut que, sans hésiter, nous lui sacrifiions notre vie. Nous n’atteindrons jamais la plénitude de l’obéissance à ce commandement, à moins que, comme les martyrs, nous ne soyons prêts à nous laisser jeter dans les bûchers ou dévorer par les bêtes féroces plutôt que de désobéir à Dieu. Patrie, famille, liberté, fortune, bien-être, joie et vie, le chrétien doit tout sacrifier au moindre appel de son Maître, sans quoi il n’accomplit point les paroles de mon texte : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme ».
Il y a plus encore : nous devons aimer Dieu de toute notre pensée. Notre intelligence doit aimer Dieu. Beaucoup de gens croient à l’existence du Créateur, mais sans aimer cette croyance. Ils savent qu’il y a un Dieu, mais ils voudraient de tout leur cœur qu’il n’y en eût point. S’ils pouvaient réussir à se persuader que Dieu est une vaine imagination, oh ! Comme ils tressailleraient de joie ! Alors ils pourraient, sans scrupule, marcher comme leur cœur les mène ; ils pourraient sans trouble et sans remords se plonger dans toute sorte de débordements. Oui, ce serait pour bien des âmes la meilleure, la plus réjouissante des nouvelles, si on venait leur annoncer aujourd’hui que l’Éternel Dieu avait cessé d’exister. Quelle différence avec les sentiments du chrétien ! La pensée qu’il y a un Dieu est comme le soleil de sa vie. Son intelligence s’incline devant le Très-Haut, non comme l’esclave qui courbe le front devant son maître parce qu’il ne peut faire autrement, mais comme l’ange qui se prosterne devant son Créateur parce qu’il se plait à lui rendre hommage. « Oh ! Mon Dieu, s’écrie l’âme croyante dans un transport d’adoration, oh ! Mon Dieu, je te rends grâces de ce que tu existes ; car tu es mon plus précieux trésor, ma plus riche et ma plus douce joie ! Je t’aime de toutes les puissances de mon esprit, de toutes les facultés de mon intelligence : raison, pensée, jugement, imagination, je dépose tout à tes pieds et le consacre à ta gloire. »
Enfin, l’amour que Dieu nous demande doit être caractérisé par l’activité ; car si nous devons l’aimer de tout notre cœur, c’est-à-dire cordialement, de toute notre âme, c’est-à-dire jusqu’à la mort, de toute notre pensée, c’est-à-dire avec nos facultés intellectuelles, nous devons aussi l’aimer de toute notre force, c’est-à-dire d’un amour actif et dévoué. Je dois mettre au service de mon Dieu tout ce que mon corps et mon âme renferment de forces vives. Je ne dois lui refuser ni une seule heure de mon temps, ni un seul denier de ma fortune, ni un seul talent de mon esprit, ni un seul atome de mon activité physique ou de mon énergie morale. En un mot, je dois l’aimer de toute ma force, Mes chers auditeurs, je le demande, quel est l’homme qui ait obéi à l’ordre de mon texte ? Assurément, il n’en est aucun, et il ne saurait jamais y en avoir. De là résulte donc la nécessité d’un Sauveur. Oh ! Si cette loi divine pouvait en ce jour nous faire tomber la face contre terre comme de misérables pécheurs ! Si notre propre justice pouvait être mise en pièces par ce puissant marteau qui a nom « le premier et grand commandement ! », et surtout, oh ! Surtout si nous pouvions parvenir à l’observer désormais ! L’homme qui ne violerait en aucune manière, ce commandement, jouirait sur la terre d’un ciel anticipé, car les plus heureuses des créatures sont celles qui sont les plus saintes, et les plus saintes sont celles qui aiment Dieu de l’amour le plus pur.
Mais mon texte ouvre encore devant nous un autre ordre d’idées que je tiens à vous indiquer. Non seulement il dit à l’homme qu’il doit aimer Dieu et comment il doit l’aimer, mais il énumère pour ainsi dire les titres du Créateur à l’amour de sa créature. « Tu l’aimeras de tout ton cœur de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force » ; et pourquoi ? D’abord, parce qu’il est le Seigneur, — c’est-à-dire l’Éternel, le Tout-Puissant, Jéhovah, — et ensuite parce qu’il est ton Dieu.
Ô homme, créature d’un jour, tu dois aimer Jéhovah, par cela seul qu’il est Jéhovah. Transporte-toi par la pensée en présence de l’Être insondable qui échappe à ton regard. Élève tes yeux jusqu’au septième ciel. Vois-le, Celui dont la redoutable majesté, dont la splendeur sans égale force les anges eux-mêmes à se voiler la face, de peur qu’éblouis par tant d’éclat, ils ne soient frappés d’une cécité éternelle. Contemple-le, Celui qui a étendu les cieux comme un pavillon et qui a brodé sur leurs riches tentures, avec une aiguille d’or, les étoiles sans nombre qui scintillent dans les ténèbres. Considère-le, Celui qui fit sortir la terre du néant et qui créa l’homme pour y habiter. Et écoute ce qu’il est. Il est JÉHOVAH, l’Être des êtres, incréé, éternel, immuable, tout sage, tout puissant. Il sait tout, il voit tout, il suffit à tout. Comment donc lui refuserais-tu ton hommage ? Comment ne te prosternerais-tu pas devant lui ? Il est bon, il est plein d’amour, il est miséricordieux, il est pitoyable. Vois les richesses de sa Providence ; admire la plénitude de sa grâce. Ô homme ! Comment n’aimerais-tu point Jéhovah, parce qu’il est Jéhovah ?
Mais il y a plus : tu dois l’aimer aussi et surtout parce qu’il est ton Dieu. Et d’abord, il est ton Dieu par droit de création. C’est lui qui t’a fait ; tu ne t’es point fait toi-même. Quoiqu’il lui eût été facile de se servir d’intermédiaire, le Dieu tout-puissant voulut être le seul Créateur du premier homme, et maintenant même qu’il lui plaît de nous appeler à l’existence par le moyen de nos parents, il n’est pas moins notre Créateur qu’il ne fut le Créateur d’Adam, alors qu’il le forma du limon de la terre et qu’il souffla en lui une âme vivante. Et observe, je te prie, ô homme, la merveilleuse structure de ton corps. Considère l’ingénieux agencement de tes os que Dieu a placés de la manière la plus propre à ce qu’ils te rendent le plus de services possible. Vois comment il a étendu tes nerfs et fait circuler ton sang dans des vaisseaux. Admire l’étonnant mécanisme qu’il a mis en jeu pour te conserver la vie. Ô dis, vermisseau d’un jour, ne veux-tu point aimer Celui qui te créa ? Serait-il possible que tu n’éprouvasses ni reconnaissance ni amour à la pensée du grand Être qui te forma de sa main et qui te façonna par sa volonté ?
Et Dieu n’est pas seulement ton Créateur ; il est aussi ton conservateur, et à ce titre encore, on peut dire qu’il est ton Dieu. Chaque jour ta table est dressée devant toi : or, qui est-ce qui la dresse, si ce n’est Dieu ? L’air que tu respires, est un don de sa charité ; les vêtements qui te couvrent sont des gages de sa munificence ; la santé dont tu jouis est un bienfait de son amour ; ta vie dépend entièrement de lui. Je te vois devant moi plein de force et de vigueur, mais un simple vœu de sa volonté souveraine aurait suffi pour te coucher depuis longtemps dans le sépulcre et pour livrer ton corps à la corruption.
La trame de tes jours est entre ses mains. Tu peux mourir sur-le-champ, ici même ; et si aujourd’hui tu n’es pas en enfer, si à l’instant où je te parle tu n’es point à te débattre dans les flammes éternelles, sache, ô homme, que c’est uniquement par un effet de sa pure miséricorde.
Oui, tu as beau t’insurger contre la Providence, tu as beau haïr ton Sauveur et mépriser sa croix, Dieu n’en est pas moins ton Dieu, à ce double titre : qu’il t’a donné la vie et qu’il te la conserve. Et n’est-ce pas en vérité un prodige de condescendance que Dieu daigne te bénir, tandis que toi tu refuses de l’aimer ?
Garderais-tu dans ta maison un cheval qui ne te serait bon à rien ? Retiendrais-tu à ton service un mercenaire qui t’insulterait sans cesse ?
Continuerais-tu à fournir le pain et le vêtement à ton serviteur, si au lieu de faire ta volonté et d’obéir à tes ordres, il se posait en maître et contrariait tes désirs ? Oh ! Non sûrement, tu ne le ferais point ! Et cependant, pécheur, c’est là ce que Dieu fait pour toi. Il te nourrit, il te protège, et tu te révoltes contre lui. Cette bouche impie, qui vient peut-être d’outrager le Créateur, est alimentée par sa main bienfaisante. Il n’est pas jusqu’à ces poumons dont tu te sers pour exhaler ta haine contre lui, qui ne reçoivent de sa bonté le souffle de vie nécessaire à ton existence. Ô étranges contradictions du cœur humain, que nous mangions ainsi le pain de Dieu, et puis que nous levions le talon contre lui ! Ô comble de l’ingratitude, que nous nous asseyions au banquet de sa Providence, que nous nous parions de la livrée de sa libéralité, et en même temps que nous nous retournions pour insulter le ciel et pour menacer de notre faible main notre suprême bienfaiteur !
Ah ! Si au lieu d’avoir affaire à notre bon Dieu, nous avions affaire à une créature telle que nous, n’est-il pas vrai, mes chers auditeurs, qu’en moins d’une heure nous lasserions sa patience ? Pour ma part, lorsque je réfléchis à ces choses, je suis confondu de la longanimité de mon Dieu. Quoi ? Voici un blasphémateur qui, dans son cynisme, maudit ouvertement celui qui le créa. Et tu le supportes, ô Seigneur ! Et tu ne réduis pas en poussière l’insolent vermisseau qui te brave ! Mais si un moucheron m’importunait, ne l’écraserais-je pas en un moment ? Or, qu’est-ce que l’homme auprès de toi, mon Dieu ? N’est-il pas infiniment plus petit, comparé à ta grandeur, que ne l’est le plus chétif insecte comparé à l’homme ? Oh ! Mes frères, mes chers frères, nous avons véritablement lieu de nous étonner que Dieu use encore de compassion envers nous après nos révoltes sans nombre, après nos violations sans cesse réitérées du premier et grand commandement. Et pourtant ne croyons pas que ce commandement soit une lettre morte ; il fait partie de cette divine Parole qui ne passera point, et nul ne l’enfreindra impunément. C’est pourquoi, je viens encore une fois, moi le serviteur de Dieu, réclamer solennellement pour mon Maître, de chacun de vous comme de moi-même, les affections de nos cœurs, l’obéissance de nos âmes, l’adhésion de nos esprits et la consécration de nos forces.
Ah peuple de Dieu, ai-je besoin de m’adresser à vous ? Vous savez que le Seigneur est votre Dieu dans un sens spécial ; c’est pourquoi vous lui devez un amour spécial. Vous savez qu’il est votre Père en Jésus ; c’est pourquoi vous devez l’aimer comme des fils et des filles.
II.
Voilà, mes chers auditeurs, ce que nous disent les paroles de mon texte. Voyons maintenant, très brièvement, CE QUE NOUS AVONS À LEUR DIRE.
Parle, Ô homme, mon frère ! Qu’as-tu à dire en face de ce commandement ? Y a-t-il ici quelque pauvre âme assez abusée, assez aveuglée par sa propre justice, pour me répondre : « J’ai la ferme intention de l’accomplir ; je me sens capable de le faire, et je crois que par mon obéissance j’arriverai au ciel ». Oh ! Que tu es à plaindre, pauvre âme ! Ou bien ton esprit lui même est encore plongé dans une nuit profonde, ou bien tu te complais dans ton ignorance, car pour peu que tu connusses ton propre cœur et que tu comprisses ce commandement, tu l’écrierais bien plutôt avec désespoir : « Misérable que je suis ! Jamais je ne pourrai obéir pleinement à ces paroles ! Jamais une créature aussi souillée que moi ne pourra aimer Dieu comme il veut être aimé ! » Autant vaudrait-il, en vérité, que tu essayasses de t’élever jusques au ciel par les montagnes de la terre et que tu prisses les cimes de l’Himalaya pour ton premier échelon, que de chercher à parvenir au bonheur éternel par l’obéissance à ce premier et grand commandement. Et quand même tu réussirais à escalader les sommets les plus inaccessibles, encore devrais-tu désespérer, ô homme, de jamais t’élever à la hauteur infinie de ces simples paroles : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Or, souviens-toi que jamais tu ne seras sauvé par tes propres mérites, si tu n’as tout d’abord obéi à cette loi fondamentale qui est à la base de toutes les autres, et si tu n’y as obéi complètement, constamment, parfaitement.
« Mais sûrement, dit un autre, si je fais mon possible pour observer ce commandement, cela suffira… » Non, pécheur, non ! Cela ne suffira point. Dieu t’ordonne de l’aimer d’un amour parfait, et si tu ne l’aimes pas ainsi, il te condamnera. « Mais alors, t’écries-tu, qui peut donc être sauvé ? » Ah ! Voilà justement, mes chers auditeurs, la conclusion à laquelle je voulais vous amener. Et en effet, qui pourrait être sauvé par ce commandement ? Personne au monde, c’est de toute évidence. Le salut par les œuvres de la loi est, et sera toujours pour l’homme, une impossibilité absolue. Qu’aucun de vous ne dise donc plus qu’il s’efforcera d’accomplir cette loi, afin d’être sauvé par elle, car une telle prétention est à la fois une folie et un mensonge.
Et que dit le chrétien, le meilleur, le plus fidèle des chrétiens en face des paroles de mon texte ? Écoutez les plaintes et les gémissements qui s’échappent de ses lèvres. « Ô mon Dieu, soupire-t-il dans la tristesse de son âme, ô mon Dieu, je suis coupable, je le sais, et si tu me précipitais en enfer, ce ne serait que justice ! J’ai violé ton premier et grand commandement dès ma jeunesse ; je l’ai violé même depuis ma conversion ; je le viole encore tous les jours. Je reconnais que si tu entrais en compte avec moi, que si tu voulais mettre le jugement à l’équerre et la justice au niveau (#Esa 28:17), je ne saurais subsister un seul instant devant ta face. Seigneur, je ne place aucune confiance dans la loi, car je sais que par elle je ne serais point justifié auprès de toi ni admis en ta présence. »
Mais écoutez, encore ! J’entends le chrétien dire autre chose. Je l’entends s’écrier en s’adressant à mon texte : « Commandement ! Je ne puis t’observer, mais mon Sauveur t’a observé dans ta plénitude, et ce que mon Sauveur a fait, il l’a fait pour tous ceux qui croient en lui. Ainsi donc, ô loi, ce que Jésus a fait est à moi. Que pourrais-tu exiger encore ? Tu me demandes une obéissance parfaite : or, mon Sauveur a parfaitement obéi pour moi ; il est mon représentant, mon substitut ; ce que je n’ai point fait moi-même, il l’a fait à ma place. Et tu ne peux pas rejeter l’œuvre de mon substitut, car Dieu l’a solennellement reconnu comme tel le jour où il le ressuscita des morts. N’essaie donc plus de me troubler, ô commandement ! Jamais tu ne pourras me condamner. Quoique je t’aie transgressé mille fois, je me confie simplement et uniquement en Jésus. Sa justice est la mienne, et avec elle, je puis solder ma dette et satisfaire toutes tes exigences. »
Voilà le langage triomphant que peut tenir tout racheté de Jésus. — « Ah, s’écrie peut être quelqu’un dans cette assemblée, plût à Dieu que je pusse le tenir, moi aussi ! Plût à Dieu que je pusse échapper à la juste colère de la loi ! Plût à Dieu que Christ voulût être mon substitut ! » Si tu es sincère dans ton désir, mon cher auditeur, écoute-moi. Te sens-tu en cet instant misérable, perdu, condamné ? Reconnais-tu avec larmes que Jésus peut seul te sauver ? Es-tu prêt à renoncer à toute confiance terrestre et à te jeter aux pieds de Celui qui est mort sur la croix ? Élèves-tu un regard de foi vers le Calvaire, et là, en présence du divin Crucifié, en face de son corps meurtri et de ses plaies sanglantes, t’écries-tu avec componction :
Tel que je suis, sans aucune défense,
N’espérant qu’en ton sang versé pour mon offense,
Vaincu par tes appels, qui font mon assurance,
Agneau de Dieu, je viens !
Peux-tu dire cela, mon frère ? Alors ne crains point ; Jésus a accompli la loi à ta place, et la loi ne peut condamner une âme que Christ a absoute. Si donc la loi te crie d’une voix menaçante : « Tu seras damné parce que tu as violé mes préceptes ! », dis-lui qu’elle n’a pas le droit de toucher un cheveu de ta tête, car si tu ne lui as pas obéi, Christ l’a fait, et l’obéissance de Christ est à toi. Dis-lui que l’œuvre de Christ est ta rançon, que cette rançon, lui-même en a frappé la monnaie, et qu’ainsi, puisque tu lui paies ce qu’elle exigeait de toi, elle n’a plus rien à te réclamer. Tu es libre, car Christ a satisfait la loi.
Mais après cela, ô enfant de Dieu, — après que tu auras contemplé Jésus subissant, lui juste, la peine due aux transgresseurs de la loi, n’ajouteras-tu rien ? Oh ! Si, je sais ce que tu ajouteras. Tu tomberas à genoux et tu diras du fond du cœur : « Seigneur, je te rends grâces de ce que je suis affranchi de la condamnation de la loi, car je crois en Jésus. Mais désormais, Seigneur, aide-moi à accomplir cette loi sainte, juste et bonne ; aide-moi en particulier à accomplir ton premier et grand commandement. Seigneur ! Donne-moi un cœur nouveau, car ce vieux cœur de pierre ne saurait jamais t’aimer. Seigneur ! Donne-moi une vie nouvelle, car ma vie passée est trop vile. Seigneur ! Donne-moi une nouvelle intelligence ; lave mon entendement dans l’eau pure de ton Esprit ; viens habiter dans ma raison, dans ma mémoire, dans ma pensée. Enfin, mon Dieu, donne-moi une force nouvelle, la force de ton Esprit ; et alors toutes les puissances de mon nouveau cœur, de ma nouvelle vie, de mon intelligence renouvelée, de ma force spirituelle seront consacrées à t’aimer, dès maintenant et à toujours ! »
Mes chers auditeurs, puisse le Seigneur vous convaincre de péché, par l’énergie de son divin Esprit, et puisse-toi bénir ce simple discours pour l’amour de Jésus ! Amen !
158 - TU AIMERAS TON PROCHAIN.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même
(#Mt 19:19).
Très souvent le Sauveur prenait pour texte de ses discours les préceptes de la loi morale. Plusieurs de ses sermons — (et quels sermons pourraient se comparer aux siens ?) — ne contiennent absolument rien de cet assemblage de vérités capitales que de nos jours l’on désigne communément sous le nom d’« Évangile ». Chaque fois qu’il se levait pour prêcher à la multitude, il ne revenait point sur les doctrines de l’élection, de l’expiation, du salut gratuit ou de la persévérance finale. Non, il parlait tout aussi fréquemment des grands devoirs de la vie humaine, de ces précieux fruits de l’Esprit que la grâce de Dieu peut nous faire produire. Ce que j’avance là vous étonne peut-être, mes chers auditeurs ; mais relisez avec attention les quatre Évangiles, et jugez vous-mêmes si je me hasarde trop en affirmant qu’une très grande partie du ministère de notre Sauveur fut employée à dire clairement aux hommes comment ils devaient se conduire les uns envers les autres. Il est même tel discours de Jésus, qui, fût-il prononcé aujourd’hui pour la première fois, risquerait fort de ne point être classé par certains critiques de notre époque au nombre des discours « pleins de saveur et d’onction ». Non pas toutefois qu’aucune parole de Jésus manque de saveur ; mais on comprend que sa morale sévère ne convienne que médiocrement, à ce christianisme fade et sentimental qui n’embrasse la religion que par son côté abstrait, et fait bon marché de son côté pratique. Mes bien-aimés, à l’exemple de leur Maître, les ministres de l’Évangile sont tenus d’avertir les hommes de leurs devoirs pas moins que de proclamer le salut qui est en Christ. S’ils négligent de prêcher le devoir, je ne pense pas que le Seigneur leur accorde jamais la grâce d’amener des âmes à reconnaître la suprême beauté de la doctrine de l’expiation. Et s’ils ne font jamais retentir aux oreilles de leurs auditeurs les tonnerres de la loi, réclamant pour leur Maître l’obéissance qui lui est due, je doute qu’ils puissent parvenir à convaincre les hommes de leur état de péché — du moins de cette conviction profonde et sérieuse qui mène à la conversion. Je sais d’avance que mon discours d’aujourd’hui sera condamné comme manquant de saveur et de vie par ceux d’entre vous qui voudraient que le prédicateur tournât éternellement dans le même cercle de doctrines ; mais peu m’importe. Ce méchant monde à quelquefois besoin d’être repris, et quand l’occasion s’en présente, nous ne devons pas lui épargner les censures. D’ailleurs, si jamais il y eut un temps où le ministre de l’Évangile ait eu besoin de rappeler le précepte contenu dans mon texte, sans contredit ce temps est bien le nôtre. À quelle époque, en effet, a-t-on plus souvent oublié, plus rarement pratiqué cette parole de Jésus-Christ : tu aimeras ton prochain comme toi-même ?
Nous examinerons, en premier lieu, LE COMMANDEMENT POSITIF que nous donne mon texte. Puis j’essaierai de vous indiquer QUELQUES-UNS DES MOTIFS QUI DOIVENT VOUS PORTER À Y OBÉIR ; enfin je terminerai en appelant votre attention sur QUELQUES IMPORTANTES VÉRITÉS QUI RESSORTENT DE MON TEXTE.
I.
Avant tout, occupons-nous DU COMMANDEMENT. Jésus-Christ l’a appelé, vous le savez, le second commandement. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force », ce qui revient à dire : « Tu aimeras ton Dieu plus que toi-même », — voilà le premier commandement. Et voici le second dont les exigences sont, à la vérité, un peu moindres, mais qui n’en est pas moins d’une prodigieuse élévation : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Et d’abord, qui dois-je aimer ? — Mon prochain.
Par le mot de prochain, nous devons entendre premièrement toute personne qui vit près de nous, et par extension, tout membre, quel qu’il soit, de la grande famille humaine. Dans son sens propre, ce mot signifie voisin ou proche, en sorte que celui-là est essentiellement mon prochain qui vit, demeure ou se trouve près de moi. Ainsi, par exemple, le pauvre blessé, gisant à demi-mort sur le chemin de Jéricho, était le prochain du bon Samaritain et avait, droit à sa compassion, par le seul fait qu’il se trouvait sur sa route. Aime donc ton prochain, ô mon frère. Peut-être est-il riche, tandis que tu es pauvre. Peut-être son habitation seigneuriale s’élève-t-elle à côté de ton humble chaumière. Tu vois ses vastes domaines, son fin lin, ses habits magnifiques. Le même Dieu qui lui a donné ces biens a jugé bon de te les refuser ; c’est pourquoi ne convoite pas ses richesses, et ne nourris dans ton cœur aucune pensée amère à son égard. Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, il y aura toujours inégalité de fortune parmi les hommes ; soumets-toi donc sans murmures à cette loi de la société. Sois content de ton sort si tu ne peux l’améliorer ; surtout ne regarde pas ton prochain d’un œil d’envie ; ne souhaite pas de le voir réduit, comme toi, à la pauvreté. Et si des gens sans principes ni conscience cherchaient à lui ravir ses biens, fût-ce même à ton profit, garde-toi de les aider ou de les soutenir en aucune manière. Aime ton prochain, et alors tu ne saurais lui porter envie. — Et toi, riche de ce monde, ne méprise point ton voisin parce qu’il est d’une condition autre que la tienne. Peut être auprès de toi vit un pauvre : ne rougis point de l’appeler ton prochain ; ne rougis point de reconnaître que tout pauvre qu’il est, il a droit à ton amour. Le monde l’appelle ton inférieur : mais, je te prie, en quoi consiste celle infériorité ? S’il n’est pas ton égal en position, il l’est en réalité. Dieu a fait naître d’un seul sang tout le genre humain (#Ac 17:26). Ne te persuade donc pas que tu vailles plus que lui. Il est homme : et toi, qu’es-tu de plus ? Il peut être un homme en haillons, mais un homme en haillons est toujours un homme, c’est-à-dire un être créé à l’image de Dieu ; et quand même tu serais un homme vêtu de pourpre, encore ne serais-tu, après tout, qu’un homme. Ne manque donc pas d’aimer ton prochain, ô mon frère, quelle que soit sa pauvreté, et garde-toi de le mépriser, fût-il même tombé au dernier degré de l’échelle sociale.
Aime aussi ton prochain, quelles que puissent être ses convictions religieuses. Tu crois que la fraction de l’Église à laquelle tu appartiens est la plus près de la vérité, et tu ne doutes ni de ton salut ni de celui de tes amis qui pensent comme toi. Ton prochain, lui, pense différemment. Sa religion, selon toi, est erronée et mensongère : aime-le malgré cela. Que les divergences qui séparent vos opinions ne séparent point vos cœurs. Peut-être a-t-il tort, peut être a-t-il raison, je ne prétends point décider entre vous ; quoi qu’il en soit, je sais une chose : c’est que celui-là pratique le mieux l’Évangile, qui aime le plus son prochain. Mais il se peut que tu aies affaire à un homme qui n’ait pas de religion du tout. Il insulte ton Dieu, il viole ses sabbats, il est sceptique et il s’en fait gloire. N’importe ; tu dois l’aimer. Des paroles hautaines ne pourraient que l’éloigner davantage de la piété ; une conduite dure à son égard ne le disposerait pas à devenir chrétien. Aime-le, malgré son impiété. Aussi bien, son péché n’est pas contre toi ; il est contre ton Dieu. Or, ce Dieu, tu le sais se charge lui-même de tirer vengeance des péchés commis contre lui : laisse donc ton prochain entre les mains du juste Juge ; mais en attendant, si tu peux lui rendre service, lui témoigner de l’intérêt ou de la bienveillance, fais-le sans hésiter, fais-le de nuit ou de jour. Et si tu établis quelque distinction entre lui et un autre, qu’elle soit plutôt en sa faveur qu’à son préjudice. Que ta conduite tout entière lui dise clairement : « Parce que tu n’es pas de ma religion, parce que mon Dieu n’est pas ton Dieu, je veux chercher d’autant plus à t’être agréable, afin de te gagner, si je le puis, à la bonne cause. Quoique tu sois un samaritain hérétique et moi un Israélite orthodoxe, je te considère pourtant comme mon prochain, et je veux t’aimer, dans l’espérance que bientôt tu ne monteras plus à ton faux temple de Garizim, mais que tu viendras adorer Dieu avec moi dans son sanctuaire de Jérusalem. » Oui, mon cher auditeur, aime ton prochain, je le répète, quoique sa religion soit autre que la tienne, tu dois l’aimer également, quoiqu’il te fasse concurrence et que ses intérêts soient opposés aux tiens. C’est là une maxime qu’il serait difficile, je le sais, d’introduire à la Bourse ou dans les affaires ; néanmoins, c’est une maxime, industriels et commerçants, qu’il est de mon devoir de vous faire entendre. Un jeune homme vient peut-être de se lancer dans une entreprise et vous craignez que, s’il réussit, il ne vous cause du dommage. Gardez-vous de lui désirer du mal. Gardez-vous surtout de rien faire ou de rien dire qui puisse porter atteinte à son honneur ou à son crédit. Votre devoir est de l’aimer ; car bien qu’il soit votre compétiteur en affaires, il n’en est pas moins votre prochain. — Peut être aussi un de vos confrères est-il votre débiteur. Si vous exigez le paiement de sa dette, vous le ruinez du coup ; si, au contraire, vous lui laissez la somme qu’il a entre ses mains, il pourra faire face à l’orage et sortir heureusement de la crise qu’il traverse. Quel est votre devoir envers lui ? Vous devez l’aimer comme vous vous aimez vous-mêmes et agir à son égard comme vous voudriez qu’on agisse pour vous, fussiez-vous placé dans les mêmes circonstances. Quel que soit celui avec lequel tu entretiens des relations commerciales, souviens-toi donc, ô homme, qu’il est ton prochain. Quel que soit celui avec lequel tu es en affaires, qu’il soit plus grand ou plus petit que toi, il est ton prochain, et la loi chrétienne te commande d’avoir de l’affection pour lui. Elle ne t’exhorte pas simplement à ne le point haïr : elle t’ordonne de l’aimer ; et quand même il entraverait tes projets, quand même il t’empêcherait d’acquérir des richesses, quand même il t’enlèverait ta clientèle, ton crédit, ou, ce qui est mille fois pire, ta réputation — encore serais-tu obligé de l’aimer comme toi-même.
Cette loi n’admet point d’exception : Tu aimeras ton prochain.
Tu dois encore aimer ton prochain, ô mon frère, quoi qu’il t’afflige par son péché. Souvent, n’est-il pas vrai, nos esprits se soulèvent, nos cœurs se serrent au dedans de nous, en voyant les iniquités qui s’accomplissent dans les rues de nos grandes villes. Nous voudrions pouvoir mettre au ban de la société, comme des malédictions vivantes, le pécheur scandaleux, le débauché, la femme de mauvaise vie … Ce sentiment n’est pas bon, il n’est pas chrétien. Nous devons aimer les plus grands pécheurs, et loin de n’en bannir aucun de la douce région de l’espérance, nous devons faire tous nos efforts pour les ramener au bien. Mon prochain est-il un brigand, un menteur, un scélérat ?
Évidemment je ne puis aimer sa scélératesse, autrement je serais un scélérat moi-même. Je ne puis aimer son mensonge, autrement je serais moi-même un homme faux. Néanmoins, je suis tenu de l’aimer, lui, personnellement, et s’il m’a fait du mal, je ne dois nourrir à son égard aucun désir de vengeance, aucune pensée de ressentiment, mais comme je souhaite que Dieu me pardonne, ainsi dois-je lui pardonner. Bien plus : si, ayant violé les lois du pays, mon prochain doit subir la peine de son forfait — (et il est de toute justice qu’il le fasse) — je dois l’aimer jusque dans son châtiment. Magistrat, tu dois le condamner, non point dans un esprit de haine ou de colère, mais pour son bien, et avec l’espoir que sa punition le conduira au repentir. Tu dois le punir de la manière et dans la mesure qui te paraissent les plus propres, non à expier son crime, mais à lui en faire sentir l’odieux, et à le porter à ne plus le commettre. Mais condamne-le, je t’en supplie, les yeux humides, avec regret, avec compassion ; condamne-le en l’aimant encore. Et quand il est jeté dans un cachot, veille à ce que ses geôliers ne lui fassent pas subir de traitements inhumains, car souviens-toi que si la fermeté et la sévérité sont indispensables dans la discipline des prisons, il ne faut pas qu’elles soient excessives, de peur qu’elles ne dégénèrent en cruauté, et qu’au lieu d’être utiles, elles ne deviennent criminelles. Oui, je dois aimer mon semblable, alors même qu’il est enfoncé dans la boue et dégradé par le vice ! Le commandement ne me laisse aucune échappatoire : il réclame mon amour en faveur de mon prochain, quel qu’il soit. Sans doute, je ne suis point tenu de le recevoir dans ma maison, ni de le traiter comme un membre de ma famille. Il y a tel acte de bonté qui serait un acte d’imprudence, car en l’accomplissant, je pourrais causer la ruine de cœurs honnêtes et récompenser le vice. Il est des cas où la justice exige que je me pose en adversaire déclaré de mon prochain, mais dans ces cas mêmes la charité veut que mon cœur ne lui soit point fermé. Car, si grande que soit son indignité, il est mon semblable, il est mon frère ; et quoique le démon ait souillé son front de fange ; quoiqu’il ait fait rejaillir son venin jusque dans son âme, tellement que lorsqu’il parle, sa bouche vomit des blasphèmes, et lorsqu’il court, ses pieds sont légers pour répandre le sang. Cependant le Créateur l’a revêtu, comme moi, de la dignité d’homme : or, en tant qu’homme, il est mon frère, et en cette qualité, il a droit à mon affection. Si donc, en me baissant vers lui, je puis espérer de le relever en quelque mesure et de réveiller dans son âme ne fût-ce qu’une faible lueur de dignité morale, je pèche si je ne le fais point, car le Seigneur m’ordonne de l’aimer comme je m’aime moi-même. — Oh ! Plût à Dieu que ce grand principe fût pleinement mis en pratique ! Plût à Dieu que du moins ceux qui m’écoutent en ce moment le prennent pour règle de leur conduite ! Mais je vous le demande, mes chers auditeurs, en est-il ainsi ? Non, vous n’aimez pas votre prochain — vous savez que vous ne l’aimez pas ! C’est à peine si vous aimez les personnes qui viennent tous les dimanches invoquer le Seigneur avec vous dans le même lieu de culte : comment donc pourriez-vous songer à aimer ceux qui ne partagent pas vos croyances ? Que dis-je ? C’est à peine (ô humiliant aveu !), c’est à peine si vous aimez ceux qui vous sont unis par les liens du sang, qui ont sucé le même lait que vous, ont grandi sous le même toit, ont eu part aux mêmes tendresses. Si donc vous n’aimez pas vos amis eux-mêmes, est-il surprenant que vous n’aimiez pas vos ennemis ? Que de familles, en effet, qui sont déchirées par des divisions intestines ! Que de frères en guerre contre leurs frères, de proches contre leurs proches ! Peut-être y a-t-il un homme dans cet auditoire qui ce matin, avant de venir dans la maison de Dieu, a échangé des paroles amères avec un des siens. Ah ! Mes chers auditeurs, si vous n’aimez pas ceux de votre famille, vous êtes pires que des païens et que des infidèles ! Comment donc, encore une fois, pourrait-on s’attendre à ce que vous pratiquiez dans toute son étendue ce grand et solennel commandement : tu aimeras ton prochain ? Mais que vous le pratiquiez ou non, mon devoir est de le prêcher hautement sans ménager les oreilles susceptibles de cette génération rebelle et contredisante. Aussi je tiens à le redire en termes aussi clairs que possible : mon texte nous impose l’obligation, d’abord, d’honorer et d’aimer tous les hommes, simplement parce qu’ils sont hommes ; puis d’aimer d’une façon particulière nos voisins, nos connaissances, toute personne en un mot avec laquelle nous sommes en rapport et cela non point à cause de sa position sociale ou en raison de ses qualités, mais simplement parce qu’elle est notre prochain, et parce que Dieu nous a dit : tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Mais quoi ? Est-il bien vrai que je doive AIMER mon prochain ? Oui, je dois l’AIMER. Le mot est fort, j’en conviens, mais c’est celui dont le Sauveur a fait usage ; par conséquent, on ne saurait le remplacer.
« Eh bien, dira quelqu’un, à tout prendre, je crois que j’obéis à ce commandement. Je ne parle de personne en termes malveillants. Je n’ai jamais nui, que je sache, à la réputation de qui que ce soit. J’évite soigneusement de faire du tort à mes voisins. Même dans les affaires d’intérêt, je veille à ce que l’esprit mercantile n’étouffe pas en moi l’esprit de charité. Je cherche à être juste et poli envers tout le monde. » — Mon cher auditeur, jusque-là, c’est très bien, mais ce n’est point assez. Il ne suffit pas que tu puisses dire : « Je ne hais point mon prochain » ; il faut que tu l’aimes.
Il ne suffit pas, quand tu le rencontres sur ton chemin, que tu t’abstiennes de lui courir sus, ou quand il est retiré dans sa maison pour la nuit, que tu respectes son repos. Le commandement de mon texte n’est pas négatif : il est positif. Il nous dit, non ce qu’il ne faut pas faire, mais ce qu’il faut faire. Il va sans dire que tu ne dois nuire en aucune façon à ton prochain ; mais parce que tu as accompli cette partie de ton devoir, ne te persuade pas avoir tout fait. Tu dois l’aimer : voilà ce que Dieu demande de loi.
« Mais, dit un autre, non seulement je ne fais pas de mal à mon prochain, mais je cherche à lui faire du bien. Lorsque mes voisins sont malades, je leur donne des marques d’intérêt ; s’ils sont pauvres, je leur envoie des mets de ma table, afin qu’ils mangent et qu’ils reprennent des forces ; s’ils sont dénués de toute ressource, je donne mon argent, afin qu’ils soient convenablement soignés. » — Tu fais bien, mon cher auditeur ; on ne peut assurément qu’approuver ta conduite ; toutefois, sache-le, tu peux donner, et pourtant ne pas aimer. Souvent j’ai vu une aumône jetée à un malheureux, à peu près comme un os est jeté à un chien, sans un seul atome de vraie charité. J’ai vu de l’argent donné à un pauvre avec beaucoup moins de civilité qu’on n’en met d’ordinaire pour présenter du foin à un cheval.
« Allons ! Prenez cela, et allez-vous-en. Je suis bien fâché que vous soyez venu chez moi. Pourquoi ne vous adressez-vous pas à d’autres ? Vraiment, je ne sais où cela finira ; je suis assailli par des mendiants ! » Voilà de quelles paroles la plupart des aumônes sont accompagnées ; puis, on ajoute à part soi : « Il faut bien que je lui donne, je suppose, sans quoi on dirait que je suis avare !… » Oh ! Mes amis, je vous le demande, est-ce là aimer son prochain ? Est-ce là le moyen de s’en faire aimer ?
Lui eussiez-vous parlé avec bonté tout en lui refusant votre argent, il vous en aurait su plus de gré que de votre aumône donnée d’une façon si blessante. — Ô toi qui nourris le pauvre et qui visites le malade, non, tu n’as point obéi au commandement de mon texte, à moins que ton cœur n’ait donné l’impulsion à ta main, et que la bienfaisance de ta vie ne soit que la fidèle expression de l’intime charité de ton âme. « Tu aimeras ton prochain. »
Mais ici je prévois une interruption d’un autre genre. « Prédicateur, me dira-t-on, avec la meilleure volonté du monde, je ne puis pas aimer mon prochain. Peut-être pouvez-vous aimer le vôtre, parce qu’il est meilleur que le mien ; mais les personnes avec lesquelles j’ai affaire ont l’esprit si mal tourné, qu’en vérité on perd son temps à vouloir les aimer. J’ai souvent essayé ; mais à tous mes témoignages de bon vouloir et d’affection, elles n’ont répondu que par l’ingratitude, la froideur et l’insulte. »
Eh bien ! Mon frère, ne te décourage pas ; aime-les toujours, et tu n’en seras que plus héroïque. Soldat efféminé, voudrais-tu donc n’avoir rien à souffrir dans la sainte guerre de l’amour ? Sur ce terrain, sache-le, la victoire reste toujours au plus vaillant ; c’est pourquoi, quelques rudes que soient tes premiers pas dans la carrière, avance hardiment, avance sans te laisser rebuter par les obstacles, avance en aimant ton prochain envers et contre tous, en l’aimant, s’il le faut, malgré lui-même. Amasse des charbons de feu sur sa tête. Que s’il est de sa nature difficile à contenter, ne t’en mets point en peine ; cherche, non à lui plaire, mais à plaire à ton Maître. Et si ton affection est méprisée par les hommes, souviens-toi que ton Maître, lui, ne la méprise pas, mais que tout acte de charité et de dévouement, quoique méconnu par celui qui en est l’objet, n’en est pas moins agréable à ton miséricordieux Sauveur. Tu aimeras ton prochain.
Du jour où ce commandement serait mis en pratique, toute colère, toute violence et toute animosité disparaîtrait évidemment de la terre. Qui n’est jamais en colère contre lui-même ? Sans doute, dans un certain sens, tout homme sage l’est quelquefois : pour ma part, j’avoue que je ferais bien peu de cas de celui qui, en présence, soit du mal qu’il sent dans son cœur, soit du mal qui se commet autour de lui, pourrait toujours conserver son sang-froid. Mais souviens-toi, ô homme, que tu n’as pas le droit de t’irriter contre ton frère plus que tu ne t’irrites contre toi-même. Tu es parfois indigné de ta propre conduite, et tu peux t’indigner également de la sienne, s’il commet une mauvaise action. Mais ta colère contre toi est de très courte durée, n’est-il pas vrai ? Tu pardonnes bientôt, je n’en doute pas, à ta chère personne : eh bien, tu dois, tout aussitôt, pardonner à ton prochain. Si tu lui as dit quelques paroles trop vives, va et retire-les sur-le-champ, et si tu n’as fait que le reprendre selon la vérité, n’ajoute rien qui pourrait augmenter sa confusion. Quand tu y es appelé, proteste hardiment contre le péché, mais fais-le avec toute la charité possible. Ne sois pas plus raide qu’il ne faut. Agis envers autrui comme tu agirais envers toi-même. Surtout, ne conserve aucune rancune. Que le soleil ne se couche jamais sur ta colère. Ce n’est qu’à ces conditions que tu pourras aimer ton prochain, car il est absolument impossible d’obéir aux paroles de mon texte en nourrissant dans son cœur la moindre pensée de ressentiment ou de vengeance.
Mais il y a plus. Tu es tenu d’aimer ton prochain : prends donc garde de ne pas le traiter avec indifférence. Ne le néglige pas ; intéresse-toi à ce qui le concerne. Peut-être est-il triste, ou malade, ou abattu ; une simple visite de ta part pourrait lui faire du bien ; mais quoiqu’il habite près de ta demeure, il ne t’envoie pas chercher, car, dit-il, « je ne veux importuner personne ». C’est donc à toi, mon cher auditeur, qu’il appartient de rechercher les douleurs de ton frère. Les personnes les plus dignes d’égards sont celles qui en sollicitent le moins. La pauvreté la plus digne de respect est celle qui ne demande pas la pitié. N’attends pas qu’on vienne t’informer de la détresse de tes voisins, mais sois le premier à la découvrir, et, autant qu’il te sera possible, viens en aide à chacun selon ses besoins. Et lorsque tu vas voir le pauvre dans sa demeure, ne prends pas, je t’en supplie, cet air de condescendance hautaine que revêt trop souvent la charité ; vas-y, non comme si tu étais quelque créature d’un ordre supérieur qui se prépare à octroyer un bienfait, mais comme un frère qui vient s’acquitter envers son frère d’une dette à laquelle la nature et l’Évangile lui donnent des droits sacrés. Assieds-toi à son côté, parle-lui, témoigne-lui de l’affection. Et si tu as affaire à un homme aux sentiments fiers et élevés, agis à son égard avec beaucoup de prudence ; garde-toi bien de lui donner ouvertement une aumône, mais assiste-le d’une manière détournée, de peur que tu n’affliges son esprit en voulant le soulager, et que tu ne le blesses avec la boîte même de parfum dont tu avais l’intention d’oindre sa tête. Ne lui fais pas de la peine par ta maladresse ; respecte sa susceptibilité. Laisse ton offrande sans rien dire, et il oubliera bientôt ce qu’il y a de pénible à recevoir, mais il se souviendra toujours de ta bonté et de ta sympathie.
Il me serait impossible, vous le comprenez, mes chers amis, d’entrer dans tous les développements qu’exigerait le vaste sujet qui nous occupe. Je me bornerai donc à observer que l’amour du prochain réduit aussi à néant tout péché qui ressemble à la convoitise, à l’envie ou à la malveillance. Il nous dispose en tout temps à rendre à nos semblables toutes sortes de bons offices, à leur pardonner tout le mal qu’ils peuvent nous faire, et à consentir même à leur servir en quelque sorte de marchepied, si par là nous pouvons leur prouver que nous sommes de vrais disciples du Seigneur Jésus.
« Mais, en fin de compte, objectera peut-être quelqu’un, je ne vois pas que je sois tenu de toujours pardonner. Il y a chez toute créature vivante un irrésistible instinct qui la porte à se révolter contre celui qui l’opprime. Voyez le ver lui-même : ne se redresse-t-il pas sous le pied qui l’écrase ? » Et prends-tu donc un ver pour ton modèle, mon cher auditeur ? Oui, un ver se redresse, mais un chrétien supporte.
Amère dérision, en vérité, de me proposer un ver pour exemple, tandis que j’ai Christ pour modèle ! Christ a supporté. Quand on lui disait des outrages, il n’en rendait point. Quand on le crucifia, quand on le cloua au bois maudit, il s’écria : « Père, pardonne-leur ! » Oh ! Chrétien, imite ton Sauveur dans son incomparable charité. Qu’un amour invincible, un amour à toute épreuve, un amour si puissant que beaucoup d’eaux ne pourraient l’éteindre et que les fleuves mêmes ne pourraient le noyer (#Ca 8:7), qu’un tel amour habite dans ton cœur. Tu aimeras ton prochain.
Et maintenant, il nous reste à examiner quelle doit être la mesure de cet amour. Plût au ciel que telle grande dame aimât son prochain autant qu’elle aime son épagneul ! Plût au ciel que certains riches propriétaires s’intéressassent autant à leurs semblables qu’à leurs chevaux ou à leur meute de chiens ! Très sérieusement, mes chers amis, je crois que l’amour fraternel serait en grand progrès parmi nous si chacun voulait consentir à accorder à ses voisins une aussi grande part dans son affection que celle qu’il accorde à un animal favori. Mais quoi ? N’est-ce pas ravaler l’amour du prochain que de le réduire à un tel niveau ? Oui, sans doute, et pourtant, je le crains fort, ce niveau est bien supérieur à celui que la plupart d’entre vous lui avez donné jusqu’ici.
N’est-il pas vrai que vous aimez vos frères beaucoup moins que vos champs, votre maison ou votre bourse ? Qu’elle est donc élevée, qu’elle est donc sublime la règle d’or de l’Évangile : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » Ici, une question se présente : combien les hommes s’aiment-ils eux-mêmes ? Je réponds : aucun, trop peu ; la plupart, trop. Tu peux t’aimer autant qu’il te plaira, mon cher auditeur, mais à la condition que tu aimes ton prochain dans la même mesure. Je suis assuré qu’il n’est nullement nécessaire de t’exhorter à t’aimer toi-même. Ton bien-être, tes affaires, ta santé, forment, je n’en doute pas, le principal objet de ta sollicitude, Tu ne négligeras rien, j’en suis parfaitement sûr, pour garnir ton nid d’un moelleux duvet, afin de le rendre aussi doux que possible. Il serait superflu, je le répète, de t’exhorter à chérir ta propre personne : tu n’as rien à apprendre à cet égard. Comme donc tu t’aimes toi-même, ainsi aime ton prochain. Et n’oublie pas que ce mot de prochain est, d’une largeur infinie ; n’oublie pas qu’il embrasse tous les rangs de la société, qu’il comprend même ton compétiteur, ton ennemi, celui dont tu as le plus à te plaindre.
Oh ! Quelle révolution radicale s’accomplirait dans le monde si ce grand principe de l’amour fraternel avait force de loi parmi les hommes ! Quel puissant levier serait cette simple parole du Sauveur : tu aimeras ton prochain comme toi-même, pour renverser de fond en comble une foule d’abus et de préjugés qui sont passés dans nos mœurs ! Dans nos sociétés civilisées, quoi qu’on en dise, il règne un esprit de caste presque aussi tranché qu’en Indoustan. Le noble regarde avec dédain quiconque n’est pas son égal en dignité, et celui qui le suit dans la hiérarchie sociale considère l’industriel ou le commerçant comme des êtres d’un ordre subalterne. Le commerçant à son tour regarde le travailleur comme infiniment au-dessous de lui, et il n’est pas jusqu’aux diverses catégories d’ouvriers qui ne se piquent d’une certaine supériorité les uns sur les autres. Oh ! Quand donc luira le jour où ces absurdes préjugés s’écrouleront tous ensemble ; où l’humanité, sentant enfin qu’un même sang circule dans ses veines, ne formera plus qu’une grande famille ; où chacun aimera son frère, et où toutes les classes de la société comprendront qu’elles sont dépendantes les unes des autres !
Mais en attendant ce jour béni, travaillons chacun pour son propre compte à nous pénétrer de l’esprit de mon texte, et à nous dépouiller de plus en plus de ce misérable orgueil dont les meilleurs mêmes ne sont pas exempts. Ô vous, ma sœur, tout enveloppée de soie et de velours, depuis des années vous vous asseyez peut-être dans la maison de Dieu côte à côte avec une pauvre femme, vêtue, il est vrai, d’un habit grossier, mais qui n’en est pas moins une enfant de Dieu aussi sincère que vous pouvez l’être. Lui aviez-vous jamais parlé ? Non, jamais. Et pourquoi cela ? Voulez-vous que je vous le dise ? Parce qu’il se trouve que vous avez plus de francs (euros) à dépenser par jour qu’elle, la pauvre âme, n’a de centimes ! …
Et vous, M. le comte, vous entrez dans le sanctuaire, la tête haute, vous attendant à ce que chacun vous témoigne le plus grand respect. Et en effet, vous avez droit à notre respect, car vous êtes homme ; or, le même passage qui nous dit : « Honorez le roi », nous dit aussi : « Rendez l’honneur à tout le monde » (#1P 2:17). Nous sommes donc tenus de nous honorer mutuellement. Mais quant à vous, tout en croyant que plus que personne vous êtes digne de la vénération publique, vous vous dispensez fort bien d’user de condescendance envers qui que ce soit. Que votre seigneurie me permette de le lui dire : elle serait bien plus grande aux yeux des autres, si elle l’était un peu moins à ses propres yeux. — Oh ! Que béni soit notre Père céleste, que béni soit le Seigneur Jésus de nous avoir donné ce commandement, car, je le répète, une ère de bonheur se lèvera sur le monde quand ces paroles seront accomplies à la lettre : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
II.
Et maintenant, mes chers auditeurs, je désire vous indiquer. QUELQUES-UNS DES MOTIFS. QUI DOIVENT VOUS PORTER À OBÉIR À CE COMMANDEMENT.
Le premier, le plus puissant de ces motifs est celui-ci : nous devons aimer notre prochain, parce que Dieu nous le commande, Pour le chrétien, il n’est pas d’argument aussi fort que ces simples mots : « Dieu l’a dit ». La volonté de Dieu est la loi du croyant. Il ne demande pas : « Que gagnerai-je en agissant ainsi ? Que dira l’Église ? Que dira le monde ? » Il se demande simplement : « Est-ce la volonté de mon Père ? » Puis, cette question une fois résolue, il s’écrie : « Ô Esprit Saint ! Donne-moi d’obéir, non à cause des avantages qui peuvent résulter de mon obéissance, mais uniquement parce que tu as parlé ! » — Oui, c’est le privilège, c’est la gloire du chrétien de faire la volonté de Dieu, en obéissant à la voix de sa Parole (#Ps 103:20).
Mais, je le sais, ce motif, tout-puissant pour le chrétien, n’est de nulle valeur pour les gens du monde. En voici un autre, d’une nature toute différente, qui aura probablement plus de poids auprès d’eux. Nous devons aimer notre prochain dans notre propre intérêt. Au premier abord, il faut en convenir, ceci a l’air d’un paradoxe. Ne semble-t-il pas, en effet, qu’en nous encourageant à aimer les autres, l’égoïsme se donnerait, pour ainsi dire, la mort de ses propres mains ? Et cependant, pour peu qu’il fût intelligent, je soutiens que l’égoïsme lui même nous tiendrait ce langage : « MOI, aime ton prochain, car alors ton prochain t’aimera. MOI, aide ton prochain, car alors ton prochain t’aidera. Fais-toi des amis, ô MOI, avec tes richesses iniques, afin que lorsque tu viendras à manquer, ils te reçoivent dans les tabernacles éternels (allusion à #Lu 14:12). MOI, tu recherches tes aises : le meilleur moyen de te les procurer, c’est de bien traiter ceux avec qui tu as affaire. MOI, tu recherches le plaisir, les jouissances : tu ne pourras jouir de rien si ceux qui t’entourent te haïssent. Efforce-toi donc de te concilier leurs bonnes grâces, et ainsi, ô cher MOI, tu seras heureux. » — Égoïstes ! Profitez de ces sages conseils de votre maître, et puissiez-vous devenir assez logiquement, assez judicieusement égoïstes pour témoigner à vos alentours des égards et de la bonté !
Le plus court chemin pour arriver au bonheur, c’est de rendre les autres heureux. Le monde est bien mauvais, mais il ne l’est pas assez pour être complètement insensible à la puissance de la bonté et de l’amour. Maîtres, soyez bons envers vos domestiques, et sauf quelques rares exceptions, soyez sûrs qu’ils seront bons pour vous. Serviteurs, servez vos maîtres avec affection. Il en est bon nombre, j’en conviens, qui sont durs et exigeants, mais soyez persuadés qu’ils n’en apprécient pas moins les bons services, et que si vous avez un peu de patience, finiront par vous bien traiter. Pour ma part, si je désirais obtenir la plus grande somme de bonheur possible, je ne demanderais point à la terre son luxe et ses richesses, ni aux plaisirs des sens, leurs joies et leurs voluptés : toute mon ambition consisterait à me sentir entouré d’êtres aimés et aimants, et à pouvoir me dire que partout où je vais je répands l’allégresse. Oui, c’est là le vrai moyen d’être heureux soi-même. — Ainsi donc, mon cher auditeur, tu vois que ton intérêt bien entendu doit te porter à aimer les antres, car, par le fait, en les aimant, tu travailles à ton propre bonheur : tant il est vrai qu’entre ton prochain et toi il existe une si étroite solidarité, que le courant d’affection qui s’écoule de ton cœur vers lui, refluera tôt ou tard vers toi
Mais je ne me suis arrêté que trop longtemps à un motif aussi misérable que celui-là. Il est indigne d’un chrétien, il est indigne même de tout homme généreux ! — Aimez votre prochain, vous dirai-je encore, parce que c’est le moyen de faire du bien dans le monde. Vous êtes philanthropes ; vous vous intéressez à tout ce qui se fait pour soulager ou améliorer l’humanité ; vous souscrivez aux sociétés de missions, aux établissements d’orphelins et autres institutions charitables. Sans doute, toutes ces œuvres sont excellentes : Dieu me garde de les déprécier en aucune manière ! Mais tout excellentes qu’elles sont, je me demande souvent si elles ne nuisent pas en quelque mesure aux efforts individuels des chrétiens, et si elles n’encouragent point notre paresse naturelle, dans ce sens que nous nous croyons autorisés à nous décharger sur elles, moyennant une légère contribution, du devoir de faire du bien à nos semblables. Encore une fois, qu’on ne se méprenne point sur le sens de mes paroles. Je ne médis nullement de nos sociétés religieuses ; je vous exhorte, au contraire, à les soutenir autant qu’il vous sera possible ; seulement, voici ce que je vous dis, mes bien-aimés : si vous désirez réellement le bien de l’humanité, ne vous contentez pas d’y concourir, en quelque sorte, par procuration, mais mettez vous-mêmes la main à l’œuvre. N’ayez pas constamment recours à des intermédiaires pour témoigner à votre prochain que vous l’aimez. Soyez vous-mêmes les distributeurs de vos aumônes ; nourrissez le pauvre, visitez le malade, habillez l’indigent, recueillez même l’orphelin dans vos maisons. De la sorte, n’en doutez pas, vous travaillerez efficacement au bien de la société.
Chers amis, souvenez-vous qu’il n’est pas de plus sûr moyen d’améliorer le monde, que d’être bon soi-même. Êtes-vous ministre de l’Évangile ? Annoncez la vérité d’un ton bourru et grondeur ? Vous aurez bientôt une Église où l’on haïra la religion. — Êtes-vous moniteur dans une école du dimanche ? Instruisez vos élèves en fronçant le sourcil ? Vous verrez quel profit ils retireront de vos leçons. — Êtes-vous chef de famille et célébrez-vous le culte domestique ? Mettez-vous, en colère contre vos serviteurs et après cela, dites : « Prions Dieu » ? Quelle grande somme de dévotion vous développerez en eux ! — Êtes-vous geôlier d’une prison, et avez-vous des détenus à surveiller ? Rudoyez-les, maltraitez-les, puis, conduisez-leur le chapelain : comme ils seront bien préparés à recevoir la Parole de Dieu ! — Vous avez des pauvres autour de vous ; vous voudriez les relever, les éclairer, les moraliser. Allez de maison en maison, et tancez-les vertement sur la malpropreté de leurs demeures, sur la grossièreté de leurs goûts, sur l’état d’abaissement moral dans lequel ils sont plongés : bon moyen, en vérité, de les engager à profiter de vos conseils ! Mais essayez un tout autre système. Laissez là, croyez-moi, le front dur et le regard sévère ; soignez votre visage de l’huile parfumée de la bienveillance, et, le sourire aux lèvres, allez vers votre prochain en lui disant : « Je vous aime. Je ne fais pas de grandes phrases sur la fraternité, mais vous pouvez compter sur moi, et autant qu’il me sera possible, je vous prouverai mon affection. Voyons : que puis-je faire pour vous ? Quel service puis-je vous rendre ? Dois-je vous aider à franchir un fossé ? Vous secourir dans un moment difficile ? Vous encourager quand vous êtes abattu ? Il me semble que je pourrais m’occuper de votre petite fille ou envoyer le médecin à votre femme qui est malade. » Pratiqué sur une large échelle, un tel système de bienveillance et de bons procédés ferait plus, j’en suis convaincu, pour le relèvement moral des masses, que tout ce grand déploiement de rigueur par lequel on cherche à les contenir. Vos gibets et vos échafauds n’ont point amélioré le monde. Pendez les hommes aussi longtemps qu’il vous plaira : vous n’en serez pas plus avancés. La corde n’a jamais moralisé personne, et elle ne le fera jamais. La peine de mort n’est point une nécessité (l’auteur exprime ici son opinion personnelle, dont nous lui laissons toute la responsabilité ; car quelles que puissent être, comme individus, nos sympathies pour cette opinion, nous croyons devoir comme éditeurs nous imposer une grande réserve sur une question aussi grave et aussi délicate que celle de la peine de mort. — Note des Éditeurs).
Encore une fois, traitez votre prochain avec compassion, traitez-le avec miséricorde, traitez-le avec amour ; et, moyennant la bénédiction de Dieu, vous verrez qu’il n’est pas de loup, sous les traits d’un homme, dont le cœur ne s’amollisse à la sainte flamme de la charité ; pas de tigresse, sous la forme d’une femme, qui ne soit bientôt vaincue par la voix sympathique et tendre d’une amie chrétienne. — Je vous le dis donc, mes bien-aimés, dans l’intérêt de l’humanité, aimez votre prochain.
Aimez-le aussi, vous souvenant que par votre manque d’affection, vous pouvez augmenter sa part de douleurs. Il est dans le monde bien des misères dont nous ne soupçonnons pas l’existence. Souvent, nous avons adressé de dures paroles à de pauvres âmes désolées ; nous ne l’aurions point fait si nous avions connu leurs douleurs, mais notre ignorance ne nous excuse pas, car nous aurions dû les connaître. Te rappellerai-je, mon cher auditeur, que pas plus tard qu’hier, tu as expulsé de la maison une pauvre femme, mère de trois enfants ? Cette femme, veuve et délaissée, te devait quelques semaines de loyer, la dernière fois qu’elle te paya, elle vendit la montre de son mari et son anneau de mariage : c’étaient les seuls objets qui fussent chers à son cœur ; néanmoins, elle les vendit et te paya. Cette fois-ci, elle n’avait plus rien à vendre. Elle te pria de patienter quelques jours ; tu l’as fait, et tu crois avoir agi d’une manière exemplaire en le faisant. Mais ce délai expiré, tu t’es dit : « Cette femme ne m’inspire pas une grande confiance ; en tous cas, je sais qu’elle est mauvaise payeuse. Elle a trois enfants, c’est vrai, mais finalement cela ne me regarde pas, où en seraient les propriétaires s’ils devaient s’occuper de ces détails ? Les affaires sont les affaires. » Et là-dessus, tu as fait signifier à la pauvre veuve qu’elle eût à déloger sur-le-champ. Ah ! Si tu avais pu voir ce qui se passait dans son cœur brisé, alors que sans argent et sans abri elle franchissait le seuil de ta maison, se demandant avec effroi où ses enfants trouveraient un gîte pour la nuit, sûrement tu aurais eu pitié d’elle, et une voix intérieure t’aurait dit : « Non, tu ne peux pas jeter ainsi à la rue la veuve et l’orphelin ! »
Mais tu n’as pas connu son angoisse ; tu n’as pas même voulu voir l’infortunée, et tu as commis une mauvaise action. Les lois humaines, je le sais, te donnent droit, mais la loi de Dieu te condamne, car cette loi te dit : tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Un mot aussi à vous, mon riche auditeur. Un jeune homme s’est présenté chez vous l’autre jour. Il vous a dit : « Vous connaissez mon petit commerce. Les temps sont difficiles, ma clientèle n’est pas encore bien établie ; j’ai beaucoup à lutter pour me maintenir à flot. Cependant, je suis loin de désespérer. Je crois, au contraire, que mon avenir serait assuré et que d’ici quelques mois, j’aurais acquis une bonne position, si seulement vous pouviez me faire quelques avances. » — « Jeune homme, avez-vous répondu d’un ton froid, j’ai eu beaucoup de mauvaises dettes dernièrement. D’ailleurs, vous ne pouvez offrir aucune garantie sérieuse. Il m’est impossible de vous prêter. » Le jeune homme s’est incliné en silence et s’est retiré. — Voilà ce que vous savez, ô mon frère ; mais ce que vous ignorez, c’est que ce jeune homme, intègre et honnête autant que vous, vous a quitté la mort dans l’âme. Ce que vous ignorez, c’est qu’unique soutien d’une mère âgée et de deux sœurs incapables de subvenir à leurs besoins, il a entrepris son commerce dans le but de leur donner du pain. Ce que vous ignorez encore, c’est que depuis un mois la pauvre famille s’impose toutes sortes de privations, afin de faire honneur à ses affaires. Eussiez-vous aidé ce jeune homme, vous n’auriez probablement rien perdu, et vous auriez assuré le sort de toute une famille, Mais maintenant le malheureux ne sait que devenir. Son cœur se gonfle, son âme défaille en songeant à sa vieille mère, à ses jeunes sœurs, qui, selon toute apparence, sont à la veille de se trouver sans ressources « Si j’avais su tout cela, me dites-vous peut-être, je l’aurais aidé. » Et qui est responsable de votre ignorance, si ce n’est vous-même, mon cher auditeur ? Votre devoir n’était-il pas, avant de prendre une décision, de questionner celui qui vous demandait un service, et de prendre des renseignements sur son compte ? — « Ce n’est point ainsi que se traitent les affaires », me répondez-vous. C’est possible, mais c’est ainsi qu’un chrétien devrait les traiter. Que périssent vos affaires si elles vous obligent à vous conduire en enfant du diable et non en enfant de Dieu ! Si vous faites profession de piété, cherchez à servir Dieu, même dans vos affaires, et n’oubliez pas qu’il vous a dit : tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Un dernier exemple. Il y a ici une grande dame, à qui Dieu a donné non seulement l’abondance, mais aussi le superflu, et pour qui l’argent n’a guère plus de valeur que les épingles n’en ont pour d’autres. Elle va parfois visiter les pauvres. Dès qu’elle entre, on s’empresse de lui avancer un siège, et quand elle est assise, elle commence à discourir fort doctement sur le devoir de la modération et de l’économie. Les pauvres gens qui l’écoutent se demandent tout surpris, comment il serait possible d’économiser plus qu’ils ne font, car souvent ils ne mangent que du pain, et ils ne voient pas ce qu’ils pourraient retrancher à ce maigre ordinaire, Ensuite, la dame leur fait un cours complet d’ordre et de propreté, et se permet, à ce sujet, une infinité de remarques impertinentes sur les vêtements des enfants, qui, hélas, n’en possèdent pas de rechange … Puis, elle se lève, et dit à la mère de famille : « Ma bonne femme, voici un petit livre dont je veux vous faire cadeau : il traite de l’ivrognerie ; je vous engage à le donner à votre mari ». (Pauvre créature ! si elle le fait, elle sera battue, n’en doutez pas … ) « Tenez, ajoute enfin la visiteuse, je vous donne encore ceci » ; et elle lui met dans la main une pièce d’argent. Après cela, la dame s’en va, en se disant avec satisfaction : « J’aime mon prochain ». — Vous l’aimez, ma sœur ? Avez-vous donc traité cette femme avec affection ? « Non. » — Lui avez-vous parlé comme une amie parle à son amie ? -« Non, sans doute ; elle est mon inférieure. » — Alors ne vous flattez point d’avoir obéi à cette loi divine : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et vous dirai-je chère sœur, ce qui est arrivé après que vous fûtes partie ? La mère de famille fondit en larmes, et courut chez son pasteur afin d’être consolée. « Oh ! Monsieur, s’écria-t-elle, je suis bien reconnaissante envers Dieu du petit secours qu’il vient de m’envoyer, mais j’ai cru que mon cœur allait se briser ! Une dame est venue me voir, elle m’a donné quelque argent, mais elle m’a parlé d’une manière si offensante, qu’en vérité j’ai eu envie de refuser son aumône. Elle m’a fait affront en présence des enfants, elle m’a humiliée de mille manières, elle m’a tenu les propos les plus pénibles ! Oh ! Qu’il est dur de se voir ainsi traitée, surtout lorsque, comme moi, l’on a connu de meilleurs jours ! » — Voilà, ma sœur, quel a été le résultat de votre visite. Non, vous n’aimez pas votre prochain, sans quoi vous n’auriez pas ajouté une nouvelle douleur aux douleurs de votre pauvre sœur. Vous lui avez donné de l’argent, c’est vrai, mais qu’est-ce que de l’argent sans un peu d’amour ? La valeur de votre offrande eût été décuplée si vous y aviez joint la moindre parcelle de vraie charité. Tu aimeras ton prochain. Oh ! Plût à Dieu que je pratiquasse toujours moi-même ce saint commandement, et que je parvinsse à le faire pénétrer dans le cœur de tous ceux qui m’écoutent !
Le dernier argument dont je ferai usage s’applique exclusivement aux enfants de Dieu. Chrétiens, mes frères, leur dirai-je, vous devez aimer votre prochain, parce que Christ vous a aimés. Il vous a aimés le premier. Il vous a aimés quand il n’y avait rien en vous qui fût aimable. Il vous a aimés quoique vous l’eussiez méconnu, méprisé, insulté. Il vous a aimés avec persévérance, il vous aime d’un amour éternel. Il vous a aimés dans vos chutes, il vous a aimés dans vos relèvements. Il vous a aimés malgré vos péchés, vos ingratitudes et vos folies. Son cœur aimant n’a jamais changé, et il a répandu tout le sang de ses veines pour vous prouver son amour. Il vous donne ici-bas tout ce dont vous avez besoin, et vous, prépare dans les cieux une habitation éternelle. Ô chrétiens, la religion que vous professez exige que vous aimiez comme, votre Maître a aimé. Il vous a dit, vous le savez : je vous laisse un exemple, afin que vous suiviez mes traces. Or, comment pourriez-vous suivre ses traces, à moins que vous n’aimiez ? Laissez au mahométan, au juif et au païen, la dureté de cœur et l’insensibilité de leur part, ces sentiments, sont à quelque degré, excusables ; mais en vous, rachetés de Christ, ils seraient la plus étrange des anomalies, la plus choquante des contradictions et si vous n’aimiez pas votre prochain en vérité, je ne sais comment il serait possible que vous fussiez les vrais disciples du Seigneur Jésus.
III.
Et maintenant, il ne me reste plus qu’à vous faire remarquer, très sommairement, quelques-unes DES IMPORTANTES VÉRITÉS QUI RESSORTENT DE MON TEXTE.
La première, c’est que nous sommes tous coupables. En effet, mes bien-aimés, devant ce commandement, qui de nous ne se sent condamné par sa conscience ? Puisque la loi de Dieu m’ordonne d’aimer mon prochain, du haut de cette chaire, moi, tout le premier, je dois confesser mon péché ! Hier soir, vous le dirai-je ? En méditant sur ce texte, j’ai versé des larmes amères, au souvenir de tant de parole dures qui se sont échappées de mes lèvres, de tant d’occasions de faire le bien dont je n’ai pas profité. J’ai cherché à m’humilier sincèrement devant Dieu, et je suis assuré qu’il n’est personne dans cet auditoire qui ne sentît le besoin de s’humilier avec moi, si la parole de mon texte était appliquée à son âme, par la puissance de l’Esprit de Dieu.
Oui, nous sommes tous coupables ! Ô vous les plus tendres des cœurs, les plus charitables des âmes, dites, n’êtes-vous par forcés, chacun pour son propre compte, de vous joindre à ce triste aveu ? Et ceci nous suggère naturellement une seconde remarque. Si tout le monde a violé ce commandement, qui peut espérer être sauvé par ses propres mérites ? Y a-t-il ici quelqu’un qui pendant toute sa vie, ait aimé son prochain de tout son cœur ? Si un tel homme existe, il sera certainement sauvé par ses œuvres, à condition toutefois qu’il n’ait pas enfreint non plus les autres commandements. Mais si vous n’avez pas aimé vos semblables — (et vous savez que vous ne l’avez point fait) — écoutez la sentence de la loi : l’âme qui péchera sera celle qui mourra. N’espérez donc pas être sauvé par les ordonnances de la loi. Quiconque se confie dans la loi périra par la loi. Oh ! Combien ceci est propre à me faire aimer l’Évangile ! Si j’ai transgressé le commandement de mon texte, — et je l’ai fait ; si d’un autre côté, je ne puis entrer au ciel sans y avoir parfaitement obéi, précieux à mon âme est ce Sauveur plein d’amour qui peut laver tous mes péchés dans son sang ! Cher à mon cœur est celui qui veut bien me pardonner mon manque de charité, mon peu de dévouement, ma rudesse et mon égoïsme ; jeter un voile sur toutes mes paroles acerbes, sur mes médisances, sur mon étroitesse, sur ma dureté, et qui, malgré tous mes péchés, me donnera enfin une place dans le ciel, grâce à son sacrifice expiatoire !
Mes chers amis, vous êtes tous pécheurs : si vous l’aviez ignoré jusqu’à ce jour, l’examen que nous venons de faire a sûrement dû vous convaincre de cette triste vérité. C’est donc comme, à des pécheurs que je viens vous annoncer l’Évangile. Quiconque croira au Seigneur Jésus sera sauvé. Et non seulement Dieu pardonnera le pécheur, mais il mettra en lui un nouveau cœur et un esprit droit, en sorte qu’il sera rendu capable à l’avenir d’observer à quelque degré la loi de son Père céleste, et qu’il recevra un jour dans la vie éternelle la couronne incorruptible de gloire.
Plus qu’un mot. Je ne sais si dans quelques parties de mon discours j’ai paru m’adresser personnellement à l’un de vous. Je l’espère. En tout cas, c’était mon désir et mon intention. Je sais qu’il y a beaucoup de gens dans le monde, qui à moins qu’on ne fasse des habits tout exprès pour eux, ne veulent pas les porter : j’ai donc essayé de leur en tailler exactement à leur mesure, afin qu’ils n’aient aucune excuse pour ne pas s’en vêtir. Si au lieu de vous écrier : « Comme ce sermon s’appliquait bien à mon voisin ! », vous consentez à vous dire : « Comme il s’appliquait bien à moi ! » J’espère qu’avec l’aide de Dieu mes exhortations ne resteront pas sans fruit. — Et si quelque personne, aux tendances antinomiennes, disait avec dédain, en sortant de cette enceinte : « On ne nous a prêché aujourd’hui que la légalité », que cette personne reçoive l’assurance de mon affection mais qu’elle me permette en même temps de lui dire que son opinion me touche peu. Mon Sauveur a prêché la morale et je veux suivre son exemple. Je crois qu’il est bon de souvent rappeler aux chrétiens que leur foi doit se montrer par leurs œuvres, et aux mondains, que les œuvres sont la conséquence de la foi. Je crois que le ministre de Christ est tenu d’élever devant tout le plus parfait idéal de l’amour, de la bonté et de la sainteté, et de ne jamais souffrir que cet idéal soit rabaissé ou amoindri.
Que Dieu vous bénisse tous, mes bien-aimés, et qu’il soit avec vous pour l’amour de Jésus !
159 - CE QUE L’ON DOIT HAÏR.
Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal (Psaume 97:10).
La religion chrétienne est une chaîne d’or qui enlace le cœur de l’homme et le rend inaccessible à la haine. L’esprit de Christ est un esprit d’amour. Partout où Christ règne, là règne aussi l’amour. Il n’est permis au chrétien de ne haïr personne. « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous maudissent, et priez pour ceux qui vous persécutent. » Tel est le langage du Maître. À moins qu’il ne soit pris dans un sens unique, dans le sens que lui donnent les paroles de mon texte, le mot haïr doit être rayé du vocabulaire chrétien. Tu n’as pas le droit, ô disciple de Christ, de tolérer dans ton sein aucun sentiment d’inimitié, de rancune, de malice, d’aigreur ou de malveillance envers aucune créature que la main de Dieu a formée. Tout en haïssant les péchés d’un homme, souviens-toi que tu ne dois point le haïr lui-même ; mais que comme Christ a aimé les pécheurs, ainsi tu dois les aimer. Tout en détestant les fausses doctrines, souviens-toi que tu dois aimer celui qui les professe ; bien plus, tu es tenu de haïr l’hérésie par amour pour l’âme de l’hérétique, et avec l’ardent désir qu’il revienne de son égarement. Non, tu n’as le droit de haïr personne, pas même les êtres les plus dégradés et les plus avilis, pas même ceux qui irritent ton humeur, nuisent à ta fortune ou portent atteinte à ta réputation. Et pourtant la haine, on ne saurait le nier, est une puissance de l’âme humaine ; or, pour ma part, je crois fermement que toutes les puissances de nos âmes nous ont été données par le Créateur, afin que nous les exercions, et qu’il n’en est aucune dont nous ne puissions faire un légitime usage. Il est possible de se mettre en colère, et cependant de ne point pécher (#Ep 4:26) ; il est possible également d’éprouver de la haine, non seulement sans offenser Dieu, mais en accomplissant un devoir positif. Oui, tu peux haïr, ô chrétien, à condition que ta haine se concentre sur un seul objet ; alors, bien loin d’être répréhensible, elle sera, au contraire, digne de louange : vous qui aimez l’Éternel, haïssez LE MAL. Autant le vindicatif hait son ennemi, autant tu peux haïr la corruption de ton cœur. Autant de cruels despotes en guerre l’un contre l’autre se haïssent mutuellement, autant tu peux abhorrer tes ennemis spirituels. Autant l’enfer hait le ciel, et le ciel, l’enfer, autant il t’est permis de détester le mal. Cette passion de la haine, qui, dans son état de nature, ressemble à un lion furieux altéré de sang, tu dois la dompter et t’en rendre maître, jusqu’à ce qu’elle devienne à l’égard de tes semblables, comme un noble lion qui a perdu ses instincts féroces ; mais tu peux et tu dois la laisser assouvir toute sa fureur sur le grand ennemi de l’Éternel ton Dieu, c’est-à-dire, sur le péché. Montrez-moi un homme qui ne se mette jamais en colère : cet homme, je vous l’affirme, n’est point animé d’un zèle véritable pour le Seigneur. Il est bon que nous soyons parfois en colère contre le péché. Quand nous nous trouvons en présence du vice, nous devons être irrités contre lui, quoique pleins de charité envers ceux qui le commettent. L’iniquité, sous toutes ses formes, doit toujours nous être odieuse. David ne s’écrie-t-il point, après avoir énuméré les crimes qu’il voyait autour de lui : « Je les ai haïs d’une parfaite haine ; je les tiens pour mes ennemis » (#Ps 139:22) ? Nous devons aimer nos propres ennemis, mais haïr les ennemis de Dieu ; aimer l’âme pécheresse, mais haïr son péché. Autant qu’il est en la puissance de l’homme de haïr, ainsi devons-nous haïr le mal, quel qu’il soit et sous quelque aspect qu’il se présente à nous.
Ceci nous amène à observer le caractère absolu de mon texte. Il s’adresse à tous les enfants de Dieu, et il embrasse, non tels ou tels péchés particuliers, mais le mal dans son ensemble. On a dit, vous le savez, de certains prétendus dévots « qu’ils rachetaient leurs propres faiblesses en condamnant sans miséricorde celles du prochain ». Cela est vrai pour beaucoup de gens. Plus d’un de mes auditeurs, je n’en doute pas, considère les autres comme très coupables, parce qu’ils commettent des péchés que lui-même ne se soucie pas de commettre, tandis qu’il se montre plein d’indulgence à l’endroit de ses propres défauts.
Ô chrétien, souviens-toi que nul mauvais penchant, nulle habitude coupable ne doit trouver grâce devant tes yeux. Ne tends jamais au mal une main bienveillante ; ne le touche qu’avec un gantelet d’acier. Ne parle jamais de lui avec ménagement, mais hais-le partout et toujours. S’il vient à toi comme un petit renard, tiens-toi sur tes gardes, autrement il gâtera tes raisins. S’il fond sur toi comme un lion rugissant, cherchant à te dévorer, ou s’il avance traîtreusement comme l’ours, feignant de vouloir t’embrasser, frappe-le, car son attouchement est la mort, et son étreinte la destruction. Tu dois combattre indistinctement tout péché de langue, de main ou de cœur. Qu’il soit doré par l’intérêt et le gain, ou voilé sous un semblant de moralité ; qu’il soit adulé par les grands ou encensé par la foule, le mal doit toujours être de ta part l’objet d’une haine implacable, d’une haine de tous les instants et de tous les lieux. Oui, guerre à outrance, guerre à mort contre le péché ! À toutes tes légions, ô enfer ! À tous tes rejetons, ô Satan ! Nous devons jurer une inimitié éternelle ! Pas une seule convoitise ne doit être épargnée, mais contre le mal tout entier, nous devons poursuivre une guerre sans relâche, une guerre d’extermination. Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal !
En essayant de traiter ce sujet, mes chers auditeurs, je me propose de diviser mes exhortations en deux parties. Premièrement, je vous dirai : HAÏSSEZ LE MAL EN VOUS-MÊMES ; et en second lieu : HAÏSSEZ LE MAL CHEZ AUTRUI.
I.
Et d’abord, occupons-nous de ce qui nous touche de plus près. Chrétien, ai-je dit, TU DOIS HAÏR LE MAL EN TOI-MÊME.
Et en vérité, tu as de bonnes raisons pour le haïr, — des raisons bien autrement puissantes que celles dont jamais opprimé n’a pu se servir pour excuser sa haine contre son oppresseur. Considère quel immense préjudice le péché t’a déjà causé. Oh ! Quel monde de misères n’a-t-il pas créé dans ton cœur ! C’est le péché qui avait plâtré tes yeux, en sorte que tu ne pouvais voir la beauté de ton Sauveur ; c’est lui qui avait bouché tes oreilles, en sorte que tu ne pouvais entendre les douces invitations de Jésus.
C’est le péché qui a guidé tes pas dans le sentier du mal et qui a rempli tes mains de souillures ; c’est lui qui a empoisonné la source même de ta vie, qui a vicié ton cœur, et l’a rendu rusé et désespérément malin par-dessus toutes choses. Ô croyant, songe à ce que tu étais, alors que le péché régnait sur toi et que la grâce de Dieu ne t’avait pas encore renouvelé. Tu étais un enfant de colère comme les autres ; tu courais avec la multitude pour mal faire ; ta bouche était un sépulcre ouvert, tu flattais de ta langue, et tout ce qu’on peut dire aujourd’hui de tes semblables qui vivent loin de Dieu, s’appliquait autrefois à toi. Chrétiens, mes frères en la foi, j’en appelle à votre expérience : n’est-il pas vrai que vous ne différiez en rien du reste des hommes ? Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés, au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu (#1Co 6:11). Oh ! Que de sujets n’avez-vous pas de haïr le mal, pour peu, que vous regardiez au rocher duquel vous avez été taillés et au creux de la carrière dont vous avez été tirés ! (#Esa 51:1). Si grands étaient les ravages que le péché avait faits dans vos âmes, que ces âmes eussent été éternellement perdues si un tout-puissant amour n’était intervenu pour les racheter. Enfants de Dieu, haïssez donc le mal. Il a été votre meurtrier ; il a plongé le poignard dans votre cœur ; il a mis du poison dans votre bouche ; il a tout fait pour vous précipiter en enfer ; il vous a causé un tel dommage, qu’une ruine éternelle en eût été l’inévitable conséquence sans la grâce du Seigneur Jésus. Voilà une première raison qui doit vous porter à haïr le mal.
Vous devez encore le haïr, ô disciples de Christ, vu le rang élevé que vous occupez dans le monde. Dans les veines d’un chrétien coule le sang royal de l’univers. Que les fils de mendiants errent çà et là, déguenillés et les cheveux en désordre, à la bonne heure ; mais convient-il à des princes du sang de courir les rues comme de jeunes vagabonds ? Ne serait-ce pas, je le demande, un spectacle de la plus haute inconvenance que de voir les enfants d’un monarque vêtus de haillons et se vautrant dans la boue ? Et toi, chrétien, tu fais partie de l’aristocratie du ciel ; tu es un prince de sang royal, ami des anges que dis-je ? Ami de Dieu lui-même ! Par respect pour ta haute position, aie donc le mal en horreur. Souviens-toi que noblesse oblige, tu es un nazaréen consacré à Dieu, mis à part pour son service. Or, tu sais que la loi de Moïse défendait au nazaréen, sous peine d’être tenu pour souillé, non seulement de boire aucune liqueur faite avec du raisin, mais même de goûter à rien de tout ce que la vigne rapporte, depuis les pépins jusqu’à l’écorce (voir #No 6). Ainsi dois-tu agir à l’égard du péché.
Tu es le nazaréen du Seigneur : c’est pourquoi, balaie soigneusement le chemin de tes pieds. Évite jusqu’à l’apparence du mal. Détourne-toi de tout sentier oblique : ce serait déroger à ta propre dignité que de marcher comme le commun des hommes. Tu n’es pas tel que les autres ; tu es de plus noble race. Ta généalogie remonte en ligne directe au Fils de Dieu, car celui-là même qui est le Prince de paix est ton Père de toute éternité. Je t’en conjure, ne déshonore donc pas le nom illustre que tu portes, et conduis-toi d’une manière digne de ta royale filiation. Tu fais partie de la race élue, du peuple acquis, de la nation sainte : comment pourrais-tu donc souiller tes vêtements dans la fange de ce monde ? Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal !
Un autre motif qui doit porter le croyant à haïr le péché, c’est que le péché l’affaiblit. En voulez-vous des preuves ? Allez, quand vous avez commis quelque acte de désobéissance envers Dieu, allez dans votre cabinet, et mettez-vous à genoux. Avant d’avoir péché, votre prière s’élevait, joyeuse et facile, vers le Seigneur, et les bénédictions que vous lui demandiez descendaient sur vous, rapides comme l’éclair. Mais maintenant vos genoux sont relâchés et vos mains sont languissantes ; votre cœur est impuissant à désirer et votre langue se refuse à exprimer les faibles désirs que vous essayez de former. Vous cherchez la face de Dieu, mais en vain ; vous gémissez, mais le ciel semble fermé à votre cri ; vous pleurez, mais vous sentez que vos larmes ne tombent point sur le sein de Dieu. Vous portez vos besoins devant le Trône de Grâce, mais, hélas, vous les remportez avec vous. Au lieu d’être pour vous le plus excellent, le plus doux des privilèges, la prière devient un pénible devoir. Tel est le résultat du péché. De deux choses l’une : ou le péché vous fera abandonner la prière, ou la prière vous fera abandonner le péché. Jamais, non jamais, ô croyant, tu ne pourras être à la fois vaillant dans la prière et vaillant dans le péché. Aussi longtemps que tu caresseras un mauvais penchant, un interdit, une convoitise quelconque, la puissance de la prière te sera ôtée, et quand tu chercheras à t’approcher de Dieu, tes lèvres seront fermées. — Il en est de même pour l’activité extérieure. Après que tu as volontairement offensé ton Père céleste, va au milieu du monde et essaie de faire du bien. Tu n’en feras aucun, absolument aucun, te dis-je ! Tu as perdu tout pouvoir d’aider les autres à se purifier, étant toi-même impur.
Eh quoi ? Je pourrais, avec des doigts souillés, laver le visage de mon prochain ? J’irais labourer le champ d’autrui, tandis que le mien est en jachères, et que les chardons et les ronces le couvrent ? Non, c’est impossible ! La première condition pour faire du bien aux autres, c’est de ne pas souffrir de mal en soi. Un pasteur peu diligent à travailler à sa propre sanctification, sera toujours un pasteur peu béni dans son ministère, et un chrétien infidèle sera toujours un chrétien stérile. C’est pourquoi, mon cher auditeur, à moins que tu ne souhaites que tes nerfs ne se relâchent et que la moelle de tes os ne se dessèche au dedans de toi ; à moins que tu ne désires que la sève de ta vie spirituelle ne tarisse dans sa source, je t’en supplie, hais le péché,car le péché peut tellement te détruireet t’affaiblir, que ton âme deviendra un vrai squelette spirituel, et qu’elle traînera une misérable existence, au lieu de fleurir, joyeuse et prospère,dans les sentiers du Seigneur. Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal.
Haïssez-le encore, par la raison que si vous vous y complaisez, vous aurez à en porter la peine. Jamais Dieu ne mettra à mort ses enfants ; il a déposé pour toujours, en ce qui les concerne, l’épée de sa justice, depuis l’heure mémorable où cette épée vengeresse s’enfonça tout entière dans le sein de Jésus. Mais Dieu a une verge, et il frappe de cette verge ses enfants rebelles, tellement que parfois les oreilles leur en tintent. Le Seigneur ne sera jamais courroucé contre ses élus au point de les rejeter, mais il peut l’être assez pour qu’ils aient lieu de s’écrier, tout éperdus : « Guéris-moi, ô Éternel ! Et que les os que tu as brisés se réjouissent ». Ah ! Vous connaissez sûrement la verge du Seigneur, chrétiens déchus, chrétiens si infidèles qui m’écoutez ; car lorsque les brebis de Christ s’enfuient loin du berger, le berger ne les laisse point périr, mais il permet à l’épreuve et à la douleur de fondre sur elles, afin que, meurtries et haletantes, elles retournent se réfugier dans son sein. Un véritable croyant, je le répète, ne sera jamais détruit, mais il peut tomber si bas qu’il se croira lui-même aux portes de l’enfer. La vie divine ne s’éteindra jamais complètement dans son âme, mais il peut se sentir tellement brisé et défaillant, qu’il saura à peine s’il respire encore. Oh ! Chrétien, je te le dis, à moins que tu ne recherches l’affliction, hais le mal. Si tu veux semer de ronces ton sentier et garnir d’épines ton lit de mort, alors, vis dans le péché ; mais si, au contraire, tu désires que ton âme habite dès ici-bas les lieux célestes et que ton cœur retentisse par avance des mélodies éternelles du paradis, alors marche jusqu’à la fin dans les voies de la sainteté. — Oui, chrétiens, mes frères, dans votre propre intérêt, haïssez le mal.
Mais jusqu’à présent je ne vous ai présenté, pour ainsi dire, que des considérations égoïstes.
Je vous ai exhortés à haïr le péché en vous signalant quelques-unes des funestes conséquences pour vous si vous ne les haïssiez. Maintenant j’arrive à un argument d’un ordre plus élevé. Chrétiens, vous dirai-je, haïssez le mal ; haïssez-le en vous-mêmes, parce qu’il fait du mal aux autres. Et d’abord, il en fait aux enfants de Dieu. Les infidélités d’un seul croyant nuisent à tout le corps de Christ. Les douleurs les plus cruelles qui aient assailli l’Église de Dieu lui sont venues de ses propres enfants. Je la vois, l’Épouse de l’Agneau, je la vois qui s’avance, couverte de boue et les vêtements déchirés. Ses mains sont ensanglantées et ses épaules couvertes de cicatrices. Ô Église du Dieu vivant, toi la plus belle des femmes, comment t’es-tu réduite à un si triste état ? D’où te viennent ces blessures ? Qui t’a fait subir ces indignes traitements ? Est-ce l’incrédule qui t’a craché au visage ? Est-ce l’Arien qui a lacéré ta robe ? Est-ce le Socinien qui a souillé de fange la blancheur de tes vêlements ? Sûrement c’est l’impie ou le profane qui a ainsi meurtri tes mains ? J’entends ta réponse. « Non, ces blessures m’ont été faites dans la maison de mes amis. Une secrète armure me met à l’abri des coups de mes adversaires, mais contre mes amis, je suis sans défense ; leurs traits pénètrent jusqu’à mon cœur… » Ah ! Malheur à vous, prétendus chefs des armées de l’Éternel, indignes pasteurs des troupeaux de Christ, disciples infidèles du Rédempteur ! Malheur à vous, car vous faites plus de mal à l’Église que ne lui en ont jamais fait ses ennemis déclarés ! Si le christianisme n’était point une religion divine, protégée par la puissance de Dieu, sans contredit, il aurait cessé d’exister, simplement à cause des misères et des inconséquences de ceux qui se réclament de son nom. Je ne m’étonne nullement, pour ma part, que l’Église de Dieu ait survécue à la persécution et au martyre ; mais ce qui m’étonne, je l’avoue, c’est qu’elle ait survécu aux criantes infidélités, aux chutes scandaleuses de ses fils et de ses filles. Oh ! Chrétiens, vous ne savez pas combien le nom de Dieu est blasphémé, combien vous affligez son corps et déshonorez son étendard, lorsque vous commettez l’iniquité ! Vous qui aimez l’Éternel, haïssez donc le mal !
Mais ne le haïssez pas seulement par amour pour l’Église, haïssez-le aussi par amour pour les pauvres pécheurs. Hélas ! Qui pourrait dire combien d’âmes inconverties sont éloignées chaque année de toute pensée sérieuse par la conduite des chrétiens ? Et n’avez-vous pas remarqué, mes chers auditeurs, quelle vive jouissance le monde éprouve à enregistrer les manquements de ceux qui font profession de piété ? Pas plus tard qu’hier je lisais sur un journal quelques lignes relatives à un misérable, traduit devant les tribunaux pour cause d’adultère, et le rédacteur de l’article remarquait plaisamment que cet homme « avait un air de haute sainteté ». Voilà bien, pensai-je, un de ces coups détournés que la presse incrédule aime tant à nous lancer. Je ne sais trop, soit dit en passant, si, en matière de sainteté, l’opinion des journalistes mérite une grande confiance. En tous cas, j’imagine que ces messieurs auraient longtemps à chercher dans leurs rangs avant de pouvoir nous montrer un saint … Quoi qu’il en soit, au dire de l’un d’entre eux, le vil criminel dont je viens de parler, avait « un air de haute sainteté », et il va sans dire que ces paroles étaient un trait dirigé contre tous les chrétiens, puisqu’elles semblaient donner à entendre que cet homme était un des leurs. Mais tout en protestant contre de semblables attaques, nous devons reconnaître, mes chers amis, que le monde a bien des sujets de mal parler de nous. Que de chrétiens de profession ne voit-on pas, en effet, tous les jours, déshonorer le christianisme de la manière la plus grave ? Il s’accomplit des choses au nom de Jésus-Christ qu’il serait honteux de faire, je ne crains pas de le dire, au nom de Belzébul ; il y a des actes si abominables commis par des gens, qui se disent membres de l’Église de Dieu, qu’en vérité je me demande si les démons eux-mêmes n’en rougiraient point ! Oui, les gens du dehors ont eu de graves motifs pour attaquer l’Église. Enfants de Dieu, soyez donc sur vos gardes. Le monde a un œil de lynx. Quoi que vous fassiez, il apercevra vos chutes, bien plus, il les grossira, et s’il ne peut vous surprendre en faute, il aura recours, à la calomnie. Mais puisque vous ne pouvez espérer d’échapper à sa malice, efforcez-vous du moins de ne point y donner prise. Que vos vêtements soient blancs en tout temps (#Ec 9:8). Marchez dans la crainte de l’Éternel, et que la prière du psalmiste devienne votre prière de chaque jour : « Soutiens-moi, et je serai en sûreté » (#Ps 119:117).
Enfin, j’ai à vous présenter un dernier argument, qui ne peut manquer, ce me semble, de toucher vos cœurs et de vous inspirer une haine profonde à l’égard du péché. Vous avez un ami, le meilleur ami que vous n’ayez jamais eu. Je le connais, je l’ai aimé et il m’a aimé. Un jour que j’errais, seul et pensif, dans la campagne, je me trouvai tout à coup dans un endroit qui restera pour toujours gravé dans mon souvenir, car là, je vis cet ami — mon meilleur, mon unique ami — étendu mort à mes pieds ! Le cœur plein d’un douloureux effroi, je me baissai et le regardai … Il avait été lâchement assassiné !
Je vis que ses mains et ses pieds avaient été percés de clous. Sur son visage glacé par la mort, était empreinte une angoisse si terrible, que je pouvais à peine en supporter la vue. Son corps était amaigri par le jeûne, son dos était sillonné de plaies sanglantes. Une ligne de blessures ceignait son front : évidemment de cruelles épines l’avaient meurtri. Je frémis d’indignation, car je savais tout ce que valait cet ami. Jamais il ne s’était trouvé aucun mal en lui. Il était pur parmi les purs, saint parmi les saints. Qui donc avait osé lever la main sur lui ? Il n’avait jamais nui à personne. Pendant toute sa vie il était allé de lieu en lieu en faisant le bien ; il avait guéri les malades, rassasié les affamés, ressuscité les morts : pour laquelle de ces œuvres lui avait-on ôté la vie ? Son existence tout entière n’avait été qu’amour. Et tout en considérant ce pâle et morne visage, si plein à la fois de poignante douleur et d’ineffable amour, je me demandais avec étonnement quels pouvaient être les misérables assez vils pour avoir osé le frapper ? « Où demeurent ces traîtres ? » m’écriai-je ; « qui me dira où je pourrai les trouver ? Où se cachent-ils les infâmes qui ont percé les mains d’un être tel que celui-là ? Eussent-ils mis à mort un tyran, on aurait pu leur pardonner. Eussent-ils tué un de ces êtres dégradés qui se plongent dans le vice et l’infamie, on aurait pu avoir quelque indulgence pour leur forfait. Eussent-ils choisi pour leur victime un meurtrier, un rebelle, un conspirateur, on aurait pu dire : « Enterrez son corps : justice a été faite ! » Mais lorsque tu fus mis à mort, toi, mon plus cher, mon unique ami, oh ! Quel attentat ! Quel crime sans pareil ! … Où sont-ils les monstres qui ont fait couler ton sang ? Que ne puis-je m’emparer d’eux et leur faire expier leur forfait ! » Oh ! Quelle jalousie, quelle indignation, quelle colère je ressentais ! Mais voici, comme je me penchais de nouveau sur ce corps inanimé, un bruit de pas frappe mon oreille. Étonné, je me relève, j’écoute : le même bruit se fait entendre … Plus de doute, le meurtrier est près ! J’avançai en tâtonnant (car il faisait sombre), espérant à tout moment mettre la main sur le traître. Mais, chose étrange ! Quoique je distinguasse toujours le son des pas, de quelque côté que j’étendisse la main, je ne rencontrais que le vide … . Alors la vérité se fit jour dans mon âme ; mes yeux s’ouvrirent, et plaçant la main sur ma propre poitrine, « Ah ! Je te tiens enfin ! » M’écriai-je avec amertume, car je venais de découvrir, hélas, que le meurtrier était dans mon cœur, qu’il habitait les replis les plus secrets de mon être ! … Oh ! Alors, comme je pleurai ! Comme je me frappai la poitrine en contemplant les restes sanglants de mon Maître et en songeant que son bourreau c’était moi, c’était mon péché ! Quels remords, quelle profonde componction n’éprouvai-je pas lorsque, agenouillé près de son corps, je chantai cet hymne plaintif :
« Ô Jésus, mon ami fidèle,
C’est moi qui te brisai le cœur !
C’est moi qui d’une main cruelle
Perçai la main de mon Sauveur !… »
Vengeance ! Vengeance ! Ô vous tous qui craignez l’Éternel et qui aimez son nom, vengez-vous du péché et haïssez le mal !
Et maintenant, mes chers auditeurs, je désire vous donner quelques avis relativement à cette lutte constante que le chrétien est appelé à soutenir contre le mal. Il s’agit, vous le savez, de faire mourir en nous le vieil homme et ses convoitises : mais quel moyen employer pour atteindre ce but ? Voici le glaive de la loi : aurons-nous recours à lui ?
Hélas ! Les coups de Moïse seront toujours impuissants pour mettre à mort le péché. La loi et ses terreurs, bien loin d’amollir l’âme ne font, en général, que l’endurcir. J’ai souvent essayé, pour ma part, de triompher du péché en pensant au châtiment qui en est la suite ; mais je déclare que cette considération n’a pu que très rarement m’arrêter dans la voie du mal. Je suis persuadé que les menaces de la loi, toutes formidables, qu’elles soient, ne possèdent que fort peu de puissance pour dompter, le cœur et le faire renoncer à ses convoitises. Il y a plus : j’affirme que trop souvent ces menaces ont pour effet de cautériser la conscience, et que le pécheur finit par trouver je ne sais quelle âpre volupté à braver le châtiment. Aussi, ne conseillerai-je jamais à une âme qui désire être délivrée de ses péchés, de méditer continuellement sur la peine qui l’attend.Qu’elle essaie plutôt d’une autre, méthode. Qu’elle aille s’asseoir au pied de la croix et qu’elle puise dans la contemplation du sacrifice expiatoire que Christ a accompli pour elle une repentance selon l’Évangile. Je ne connais point d’autre remède contre le péché qu’une communion habituelle avec Jésus. Vivez avec lui, et il vous sera impossible de vivre avec le mal.
Quoi ! Mon Seigneur Jésus, se pourrait-il que je me prosternasse au pied de l’arbre maudit, que je visse ton sang couler goutte à goutte pour expier mes transgressions, et qu’ensuite j’allasse de nouveau me plonger dans l’iniquité ?
Hélas ! Oui, cela se pourrait, car il n’est aucune énormité dont une créature aussi vile que moi ne soit capable ; toutefois, s’il est un moyen par lequel je puisse arriver à surmonter les tentations, s’il est une entrave que je puisse opposer efficacement dans mon âme au courant fatal du péché, c’est de me nourrir constamment de cette pensée : Jésus a vécu et il est mort pour moi.
Un second avis que je vous donnerai, est celui-ci : si vous voulez combattre victorieusement le péché, ne craignez point que le grand jour règne dans votre cœur. Quand la ménagère nettoie sa maison, si les rideaux sont baissés elle croit que tout est propre autour d’elle ; mais si elle entrouvre la fenêtre et qu’un rayon de soleil se glisse dans la chambre, aussitôt elle voit dix mille grains de poussière tourbillonner çà et là. « Ah ! », pense alors la maîtresse du logis, « ma chambre n’est point aussi propre que je l’imaginais ; voici de la poussière que je n’avais pas vue » ; et elle se remet au travail avec une nouvelle ardeur. Faites de même, mes bien-aimés. Ne vous contentez pas d’être éclairés par le misérable lumignon de votre propre jugement, mais ouvrez votre cœur ; au brillant soleil du Saint-Esprit, afin qu’à sa vive lumière vous puissiez découvrir tous vos péchés. Souvenez-vous qu’un péché connu est un péché à moitié vaincu. Recherchez donc le grand jour, et faites en sorte qu’aucune des taches de votre âme ne reste dans l’ombre.
Observons, en outre, que celui qui désire être débarrassé du mal, ne doit pas se borner à le contenir dans certaines limites, mais qu’il doit aspirer à ce que le Saint-Esprit l’extirpe entièrement de son cœur. Vous savez, que les simples moralistes s’efforcent de réprimer leurs passions, absolument comme on interrompt le cours d’une rivière à l’aide de digues et de chaussées ; l’eau est en effetrefoulée pendant quelque temps, il est vrai, mais elle grossit, grossit toujours jusqu’à ce qu’enfin elle déborde avec furie. Je le répète, ne vous bornez pas à comprimer votre corruption naturelle, car, quoique vaincue en apparence, elle pourrait tout à coup éclater avec une nouvelle force ; mais plutôt demandez à Dieu de la tarir dans sa source. Et quoique, hélas, de ce côté-ci de la tombe, le lit de ce torrent dévastateur qui a nom péché restera toujours ; creusé dans votre âme, cependant le torrent lui-même peut être desséché, comme les eaux de l’Euphrate, devant la face de l’Éternel notre Dieu.
Un autre conseil. Lorsque vous avez commis une faute quelconque, confessez-la à Dieu tout d’abord ; puis, que cette faute vous porte à vous examiner vous-mêmes et à rechercher tous vos autres manquements. Jamais David n’écrivit une confession aussi humble et aussi complète de ses transgressions qu’après sa lourde et mémorable chute (#Ps 51). Ce fut pour lui une occasion de sonder son cœur, et ayant reconnu à quel point ce cœur était vil, corrompu, misérable, il exhalât des sentiments d’humiliation en faisant un aveu général de ses iniquités. Quand tu découvres un péché en toi, mon cher auditeur, sois sûr que d’autres ne sont pas loin, car Satan n’envoie jamais ses émissaires que par bandes. Quand donc tu t’approcheras de Dieu pour lui confesser un péché spécial, n’oublie point de dérouler en même temps devant lui toutes les misères de ton âme, et tandis que tu regardes principalement à celui-ci, aie soin d’avoir aussi l’œil ouvert sur celles-là. Ne te contente pas de terrasser une convoitise ou une tentation, mais efforce-toi de blesser mortellement tous tes péchés et de les mettre en déroute.
C’est ici le lieu d’observer qu’il est certains péchés par lesquels le chrétien se laissera sûrement séduire, à moins qu’il n’ait le soin de les dépouiller de leurs déguisements. Quelquefois, le mal se présentera à vous enveloppé dans une robe de Scinhar, comme le lingot d’or dérobé par Achan : déployez cette riche enveloppe, et vous verrez l’interdit qui y était caché (#Jos 7:1). D’autres fois, comme dans le cas du roi Saül, il se déguisera habilement en respect pour le Seigneur et en zèle pour son service ; mais arrachez-lui son masque, et vous reconnaîtrez qu’aux yeux de Dieu la résistance est autant que les idoles, et la rébellion autant que le sortilège (#1S 15). Le péché fait comme Jézabel : il oint sa tête et farde son visage, afin de trouver grâce auprès de nous. Que dis-je ? Il se déguise parfois en ange de lumière. Chrétien, ne te laisse point prendre à ses artifices. Démasque-le, vois sa laideur, contemple sa difformité, méprise le salaire que peut-être il fait briller à tes yeux, dépouille-le de ses appas trompeurs, et lorsqu’il t’apparaîtra dans toute sa hideuse nudité, tu auras moins de peine à te défendre contre lui.
Un mot encore à mes frères en la foi. Dans vos moments de plus haute spiritualité, de plus intime communion avec Dieu, leur dirai-je, essayez de vous faire une juste idée de toute l’énormité du péché. Ce n’est point lorsque vous êtes dans un état de relâchement et d’infidélité que vous pouvez juger sainement le mal. Un plongeur pourrait avoir mille tonnes d’eau au-dessus de sa tête qu’il n’en sentirait pas le poids, parce que l’eau l’environne ; mais qu’il revienne à terre et qu’on lui mette seulement quelques seaux d’eau sur les épaules, et il en sera écrasé. De même, si vous êtes, pour ainsi dire, plongés dans le péché, vous ne sauriez en sentir le poids ; mais quand vous serez sortis de cet élément impur, que le sang de l’aspersion aura purifié votre âme, et que l’Esprit de sainteté vous, aura relevés de votre chute, alors efforcez-vous de réaliser le poids énorme de votre culpabilité. Cela vous aidera à haïr et à surmonter le mal.
À l’égard de péchés d’une certaine nature, le meilleur conseil que je puisse vous donner, est celui-ci : si vous voulez les vaincre, fuyez-les. Les convoitises de la chair, entre autres, ne doivent jamais être combattues, si ce n’est à la manière de Joseph ; or, vous savez ce que fit Joseph, il s’enfuit. Un célèbre philosophe met dans la bouche de Mentor ces mots bien connus : « Fuis, fuis, Télémaque ! Tu n’as d’autre salut que dans la fuite ! » À mon tour, je te dirai, mon cher auditeur : fuis ! Car dans le cas particulier qui nous occupe, la fuite est le premier des devoirs. Les vrais soldats de la croix lutteront corps à corps avec tout autre péché ; mais, en présence de celui-ci, ils tournent le dos et s’enfuient, en sorte qu’ils sont plus que vainqueurs. FUYEZ la fornication (#1Co 6:18) dit la sagesse divine. Si donc une tentation de ce genre t’assaille ; ferme tes yeux ; bouche tes, oreilles, et enfuis-toi au plus vite ; car tu ne seras en sûreté que lorsque tu seras loin.
Enfin, vous qui aimez l’Éternel, si vous désirez être victorieux du mal, recherchez sans cesse une nouvelle onction du Saint-Esprit. Qu’un seul jour ne se passe pas, sans que, vous alliez puiser à la source des eaux vives la nouvelle mesure de grâces dont vous aurez besoin pour accomplir les devoirs de la vie active. Nous ne sommes jamais en sûreté qu’entre les mains du Seigneur. Il n’est pas un seul chrétien — si avancé qu’il soit dans la piété, ou si renommé qu’il puisse être par sa vigilance et son esprit de prière — non, je l’affirme, il n’est pas un seul chrétien dans le monde qui puisse subsister un seul jour sans faire de lourdes chutes, à moins que l’Esprit de Dieu ne soit son protecteur. Un ancien écrivain a dit excellemment : « Ferme ton cœur tous les matins par la prière et remets-en la clef à ton Père céleste, en sorte que rien n’y puisse entrer ; puis, le soir venu, ouvre-le, et il s’en exhalera un doux parfum d’amour, de joie et de sainteté ».
Croyant, retiens, bien ceci : ce n’est que par l’Esprit de Dieu que tu peux triompher du péché.
Une dernière remarque. Évitez les prédicateurs qui s’efforceraient en quelque manière d’excuser ou de pallier le mal. Évitez soigneusement aussi toute conversation et toute lecture qui tendrait à vous présenter les péchés des enfants de Dieu comme étant de peu d’importance. Je connais de soi-disant chrétiens qui parlent de leurs chutes, de leurs infidélités, de leurs transgressions comme s’ils en étaient fiers, et qui semblent en vérité les considérer comme leurs expériences les plus bénies. Semblables à ce chien de la fable, auquel on avait mis une cloche au cou parce, qu’il était dangereux et qui paraissait en tirer vanité, ces personnes s’enorgueillissent de ce qui est leur confusion. Les orties sont de trop partout, mais nulle part elles ne sont plus mal placées qu’au milieu d’un parterre ; de même, le péché est odieux partout, mais nulle part autant que chez le chrétien. Si, en rentrant aujourd’hui dans vos demeures, vous voyiez un enfant qui s’amusât à casser les vitres à coups de pierre, assurément vous lui adresseriez des remontrances ; mais si le jeune coupable était votre propre fils, n’est-il pas vrai que vous le châtieriez sévèrement, justement parce qu’il est votre fils ? Ainsi agit le Seigneur à l’égard de son peuple. Quand les mondains font le mal, il les reprend ; mais quand ses enfants pèchent, il les frappe. Il ne fermera jamais les yeux sur les fautes de sa propre famille ; il ne les laissera point impunies. Ô vous qui craignez l’Éternel, gardez-vous de tolérer le péché en vous-mêmes, car Dieu, lui, ne le tolérera point. Haïssez le mal, car il le hait, lui, d’une parfaite haine.
II.
J’arrive à la seconde partie de mon sujet. Si le chrétien doit haïr le péché en lui-même, il doit aussi, avons-nous dit, le haïr CHEZ LES AUTRES. Notez bien que je ne vous dis pas de haïr les autres, mais de haïr leurs péchés, ce qui est tout différent. Comme je me suis longuement étendu sur le premier point, je dois me borner à vous présenter sur celui-ci deux ou trois réflexions pratiques.
Et d’abord, si vous haïssez le mal chez autrui, vous ne devez jamais le traiter légèrement, encore moins avoir l’air de l’approuver. Souvent un chrétien fait plus de mal qu’il ne pense par un simple sourire. Un jeune homme a peut-être raconté devant vous quelques incidents plus ou moins scandaleux de sa vie. Vous étiez en chemin de fer ou dans un lieu public par conséquent vous ne pouviez éviter de l’entendre. Il a été fort spirituel, et vous avez souri à ses traits d’esprit. Ce jeune homme vous connaît ; il sait que vous faites profession de piété ; aussi pense-t-il avoir obtenu un beau triomphe : n’a-t-il pas réussi à faire rire un chrétien en lui parlant du péché ? — Ou bien, vous avez entendu des incrédules tenir des propos malséants, libres, profanes. Dans le secret de votre cœur, vous en avez été révolté ; ces discours ont blessé vos oreilles, mais vous êtes resté tranquillement à votre place, et les personnes présentes se sont dit entre elles : « Ah ! Voilà bien ces prétendus dévots ! Avez-vous vu comme il écoutait ? Il ne perdait pas un mot de la conversation. Évidemment, il y prenait plaisir. » Et, sur-le-champ, on place ces entretiens malhonnêtes sous le sceau de votre approbation … Oh ! Mes frères bien-aimés, je vous en supplie, veillez sur vous-mêmes à cet égard. Où que vous soyez, conduisez-vous de manière à faire comprendre à tous que non seulement vous n’aimez pas le péché, mais que vous l’avez en horreur. Que les mondains ne disent pas simplement à votre sujet : « Ils semblent ne pas avoir de goût pour nos entretiens et nos plaisirs ». Mais qu’ils sachent positivement que vous les détestez, que vous les haïssez, que vous n’avez ni sourire, ni indulgence pour le mal, mais seulement de l’indignation. Au siècle dernier, il était de bon ton de se livrer à certains vices qu’aujourd’hui nous regardons avec dégoût, et dans cent ans, je l’espère des actes dont on n’a pas honte aujourd’hui seront flétris par l’opinion publique comme étant souverainement odieux et méprisables. Mais, en attendant, montrez que vous du moins, enfants de Dieu, vous n’excusez aucun péché et que vous ne traitez légèrement aucune violation de la loi divine.
Mais là ne se borne pas votre devoir. Lorsque vous y serez appelés (et cela peut arriver très souvent), ne manquez pas de protester ouvertement contre le mal. Un silence coupable vous fait participer en quelque mesure aux mauvaises actions des pécheurs. Si un soir, en rentrant chez moi, je voyais un malfaiteur forcer votre maison, et qu’au lieu de donner l’alarme, je m’esquivasse tout doucement, laissant le voleur exécuter en paix ses coupables desseins, ne serais-je point, en quelque sorte, complice de son crime ? … De même, si vous trouvant dans une société où il se tient de mauvais discours et où l’on blasphème le nom de Christ, vous ne dites pas un mot en faveur de votre Maître, je vous le demande, ne commettez-vous pas un péché des plus graves, et par votre silence, ne devenez-vous pas en réalité complices des blasphémateurs ? Croyants, qu’une telle lâcheté ne soit point la vôtre. Parlez hardiment pour votre Seigneur et Maître. Peut-être le monde vous traitera-t-il de puritains ? … Mais qu’importe, je vous prie ? C’est un grand et beau nom que celui-là : honneur à ceux qui le méritent ! — Peut être dira-t-on que votre piété est trop rigide ? Et qu’importe encore ? Il est fort heureux, en vérité, qu’il y ait des chrétiens trop rigides, quand il y en a tant de trop relâchés. — Il se peut aussi que les mondains ne vous reçoivent plus dans leur société ; mais tout bien compté, au lieu d’être une perte, ne serait-ce pas un grand gain pour vous ? Et quand même on vous calomnierait, mes bien-aimés, quand même on vous abreuverait d’injures et d’outrages, ne savez-vous pas que nous devons nous réjouir et tressaillir de joie lorsqu’on dira faussement contre nous toute sorte de mal, à cause du Fils de l’Homme ? (#Mt 5:11,12). Arrière donc toute lâche timidité !
Quand nous devons parler, parlons hardiment, et forçons le péché à rougir en notre présence.
Mais cette protestation ouverte et publique ne suffit pas ; nous devons aussi, quand l’occasion s’en présente, avertir en particulier le pécheur.
On m’a raconté dernièrement un fait bien digne de l’imitation de tous les chrétiens. Un homme pieux qui se trouvait dans un établissement public, entendit un étranger prendre le nom de Dieu en vain. Aussitôt il va l’accoster et lui demande poliment s’il pourrait lui dire quelques mots en particulier. « Certainement, répond l’étranger, passons dans cette salle. » Dès qu’ils furent seuls, l’homme pieux dit à l’autre : « J’ai remarqué avec peine, cher monsieur, que vous prenez le saint nom de Dieu en vain. Je suis assuré à l’avance que vous excuserez mes remarques sur ce sujet. Je n’ai pas voulu les faire en présence de témoins, mais je tiens à vous dire que c’est un grand péché de prononcer ainsi le nom du Seigneur à la légère et que certainement il ne peut vous en arriver que du mal. Ne pourriez-vous pas dorénavant renoncer à cette coupable habitude ? » L’avertissement fut reçu avec reconnaissance. L’étranger remercia son interlocuteur, parla de sa première éducation qui avait été fort défectueuse, et exprima l’espoir que cette leçon lui serait utile. — Ne pensez-vous pas, mes frères, que si nous agissions tous comme le digne chrétien dont je viens de parler, nous pourrions faire beaucoup de bien ? Et, ne croyez-vous pas qu’en négligeant le devoir de la répréhension individuelle, nous laissons échapper de précieuses occasions de témoigner notre haine contre le péché ? Ah ! Si nous étions plus fidèles, Satan trouverait en nous de plus rudes adversaires, et partout où nous le découvririons, nous serions trop heureux de l’assaillir de nos traits.
Mais avant tout, mes chers amis, n’oubliez pas, comme je vous l’ai déjà dit dans une autre partie de ce discours, que si vous haïssez le mal chez les autres, vous devez prendre garde de ne point le chérir en vous-mêmes ; car à quoi bon, je le demande, signaler au prochain la paille qui est dans son œil, tandis qu’on a soi-même une poutre dans le sien ? Vous connaissez le vieux proverbe : « Médecin, guéris-toi toi-même ».
Commencez tout d’abord par vous guérir de vos propres infirmités, après quoi vous pourrez chercher, tant qu’il vous plaira, à guérir les infirmités d’autrui. Reprenez votre prochain, rien de mieux ; mais efforcez-vous auparavant de régler votre conduite d’après la loi de l’Évangile.
Et maintenant, mes frères bien-aimés, vous tous qui aimez le Sauveur, laissez-moi vous exhorter en terminant à former contre le mal une sainte alliance et à travailler d’un commun accord au renversement de son empire. Pour cela, joignez-vous de cœur et de main à tout homme (sous quelque dénomination qu’il se range) qui hait et combat le péché. Encouragez toute société qui, d’une manière ou d’une autre, s’efforce de faire du bien. Que ce programme soit le vôtre : « Ne rien élever que Christ, ne rien abaisser que le mal ». Aidez tous ceux qui cherchent à étendre le royaume du Rédempteur. Le meilleur moyen de renverser le mal est de le remplacer par le bien : si donc vous haïssez réellement le mal, prouvez-le par votre activité à faire du bien. Aidez le ministre de l’Évangile ; priez pour lui ; soutenez ses mains défaillantes, cherchez à le fortifier. Quant à vous-mêmes, devenez évangélistes, distributeurs de traités, ou moniteurs dans une école de dimanche. Répandez largement la Parole de Dieu au près comme au loin. Envoyez des missionnaires chez les païens, envoyez-en aussi dans les faubourgs et les ruelles de nos cités. Allez au milieu des haillons et de la misère de nos grandes villes et cherchez à relever quelque pauvre âme, précieux joyau du Seigneur, cachée peut-être dans la fange de la corruption et du vice. C’est ainsi que par votre moyen Christ triomphera, tandis que Satan sera confus. Et comment ce glorieux, ce magnifique résultat serait-il définitivement obtenu, si ce n’est par les efforts combinés de toute l’Église du Seigneur Jésus ? Aujourd’hui, grâce à Dieu, nous ne manquons pas d’hommes en état de combattre pour le nom de Christ … Si seulement ils voulaient combattre ! Nos Églises augmentent dans une proportion considérable. Il y a en ce moment un nombre immense de chrétiens répandus sur tout le globe ; mais pour ma part, je crois en vérité que les cent vingt disciples, réunis dans la chambre haute de Jérusalem le jour de la première Pentecôte, valaient plus, à eux seuls, que la totalité des chrétiens de nos jours ! Oui, je dis ceci très sérieusement, je crois que dans ces cent vingt personnes, il y avait plus de sang divin et d’ardeur chrétienne, qu’il n’y en a chez cent vingt millions de pauvres créatures lâches et dégénérées, telles que nous. Ah ! Qui nous rendra les jours bénis de la primitive Église ? Alors chaque chrétien était un missionnaire. Les femmes ne prêchaient pas, il est vrai, mais elles faisaient mieux : elles vivaient l’Évangile. Les hommes, eux, l’annonçaient continuellement. Ils ne se déchargeaient pas, comme vous, de ce soin sur leur conducteur spirituel, et ne se bornaient pas à servir Dieu par procuration. Ils n’établissaient pas des diacres, afin de leur laisser faire toute l’œuvre de Dieu pendant qu’eux-mêmes se croisaient les bras. Ils ne choisissaient point dans leur nombre (comme cela se pratique aujourd’hui) un ou deux combattants qu’ils plaçaient au plus fort de la mêlée, laissant les autres se reposer pendant la lutte, et puis se partager les dépouilles. Oh ! Non ; tous les soldats de Christ marchaient au combat ; chacun faisait son devoir, et grande était la victoire. À l’œuvre donc, chrétiens, mes frères bien-aimés ! À l’œuvre en tout temps ! À l’œuvre jusqu’au dernier ! Ô Esprit du Dieu vivant ! Viens embraser les cœurs, en sorte que tous les soldats de la croix, pleins d’un saint zèle pour ton service, s’élancent à la victoire ! Quand les enfants de Sion sentiront la responsabilité qui pèse sur chacun d’eux, alors viendra pour elle le jour du triomphe. Alors les murs de Jéricho s’écrouleront et à tout soldat du Dieu vivant sera donnée la couronne des vainqueurs. Ô vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal, dès maintenant et à jamais !
160 - ON NE SE JOUE POINT DE CHRIST.
Mais eux, n’en tenant compte, s’en allèrent, l’un à sa métairie et l’autre à son trafic
(#Mt 22:5); lisez toute la parabole des noces : #Mt 22:1-14).
L’homme n’a point changé depuis les jours d’Adam. Dans sa conformation physique, il est absolument le même, comme le prouvent les squelettes humains qu’on retrouve après des siècles et qui offrent une identité parfaite avec ceux de notre époque. Son être moral n’a subi non plus que de très légères modifications, en sorte que ce qui est écrit de l’homme dans les annales du passé pourrait s’écrire de l’homme d’aujourd’hui. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. À part quelques différences extérieures et superficielles, on retrouve les mêmes types, les mêmes caractères que ceux qui existaient dans les âges les plus reculés. C’est ainsi qu’il a encore des hommes exactement semblables à ceux dont le Sauveur nous a tracé le portrait dans les paroles de mon texte : ils s’en vont, l’un à sa métairie et l’autre à son trafic, ne tenant aucun compte des glorieuses réalités de l’Évangile. C’est de ce grave sujet, mes bien-aimés, que j’ai à cœur de vous entretenir aujourd’hui. À mon avis, l’indifférence pour les choses spirituelles, le mépris de Christ et de son œuvre, constitue le péché le plus énorme dont l’âme humaine puisse se rendre coupable. C’est pourquoi, dussé-je être accusé par ceux qui veulent être plus sages que la Parole écrite, d’exalter outre mesure la liberté de l’homme et de me placer sur le terrain de la légalité, je désire vous mettre en garde contre ce péché et vous avertir, avec toute l’énergie dont je suis capable, que nul ne saurait impunément se jouer de Christ et de sa grâce.
J’ai devant moi en cet instant, je n’en saurais, douter, beaucoup d’âmes auxquelles s’appliquent les paroles de mon texte : puissé-je m’adresser, à elles d’une manière incisive et pénétrante ! Et vous tous, mes frères en Jésus, qui connaissez l’art céleste de la prière, joignez-vous à moi, je vous en supplie, pour demander au Seigneur de donner efficacité à mes paroles, en sorte qu’elles puissent porter des fruits de justice, pour le salut de beaucoup d’âmes.
Relisons notre texte : Mais eux, n’en tenant compte, s’en allèrent, l’un à sa métairie, et l’autre à son trafic.
I.
Et d’abord, demandons-nous : DE QUOI LE PÉCHEUR NE TIENT PAS COMPTE ?
Les sujets du roi ne tinrent compte ni de la gracieuse invitation de leur souverain, ni du festin qu’il avait préparé en l’honneur des noces de son fils, ni des mets délicats qui leur étaient offerts, et dont ils se privaient volontairement. Le sens spirituel de cette parabole est aisé à découvrir. Les âmes qui ne répondent pas aux appels de Christ, qui ne profitent pas du salut accompli par lui, méprisent ouvertement le glorieux banquet de la grâce auquel le Père céleste les convie. Nous touchons, je le sais, à des questions brûlantes : puisse le Saint-Esprit être lui-même notre Guide !
Prenant la parabole pour base de nos remarques, observons en premier lieu que les pécheurs ne tiennent pas compte du messager qui vient leur dire de la part de son Maître : « Venez, car tout est prêt ». Ceux qui avaient été conviés aux noces méprisèrent les serviteurs du Roi, puisque au lieu de les suivre avec empressement, ils s’en allèrent l’un à sa métairie, et l’autre à son trafic. De même, tout homme qui néglige le grand salut apporté au monde par Jésus-Christ, méprise le ministre de l’Évangile chargé de lui annoncer ce salut : or, mes chers auditeurs, ce n’est pas là, sachez-le, une légère offense aux yeux de Dieu. Notre grande nation se considérerait à bon droit comme insulté si, l’on manquait de déférence envers l’un de ses ambassadeurs ; et de même, soyez-en sûrs, le Roi du ciel se tient pour insulté chaque fois que vous traitez avec dédain les ambassadeurs qu’il vous envoie. Mais, après tout, ceci est comparativement de peu d’importance. Les ambassadeurs sont des hommes comme vous, et si vos dédains et vos injures n’atteignaient que leurs personnes, ils vous pardonneraient de grand cœur, et le mal ne serait pas grand.
Mais les invités de notre parabole méprisèrent aussi le festin. Quelques-uns s’imaginèrent apparemment que les bêtes grasses et les autres mets de la table royale ne seraient pas meilleurs que les provisions qu’ils avaient chez eux. « Bien insensés serions-nous, se dirent-ils sans doute, si, pour un souper, nous suspendions les affaires de notre négoce ou les travaux de nos champs ! » Et toi, pécheur, quand tu négliges le grand salut de Dieu, sais-tu bien ce que tu fais ? Tu outrages l’Évangile du salut, tu tiens pour une chose vaine la foi qui justifie, tu foules aux pieds le sang de Jésus, tu repousses le Saint-Esprit, tu te détournes du chemin du ciel. Promesses de l’alliance éternelle, douceurs de la communion de Christ, bien ineffables que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment, rassasiements de joie réservés à ceux qui, seront venus au banquet des noces de l’Agneau, rien de tout cela ne vaut dans ton estime un seul désir, un seul effort, un seul renoncement ! Ah ! C’est une chose grave, c’est une chose sérieuse que de se jouer ainsi de l’Évangile ; car dans cette bonne Nouvelle, dans ce Testament de Dieu est concentré tout ce dont la nature humaine a besoin, tout ce que les âmes glorifiées elles-mêmes sont susceptibles de recevoir. Eh quoi ? Mépriser le saint Évangile de notre grand Dieu : quelle aberration ! Quel acte de démence ! Méprise les étoiles que la main de l’Éternel a semées dans l’espace, et je plaindrai ta folie. Méprise cette terre, que Dieu a créée, ses belles montagnes, ses limpides ruisseaux, ses prairies verdoyantes, et je t’appellerai un pauvre insensé. Mais si tu méprises l’Évangile de Christ, si tu ne tiens aucun compte des invitations de la grâce, en vérité, je te le dis, tu es mille fois plus insensé que celui qui ne saurait voir aucun éclat dans le soleil, aucun charme dans l’astre des nuits, aucune splendeur dans le firmament étoilé. Oui, foule aux pieds, si tu le veux, les magnificences de la création ; mais souviens-toi, je t’en conjure, qu’en méprisant le salut de l’Évangile tu méprises le chef-d’œuvre du Créateur : ce qui a coûté plus de travail à son âme que de créer des myriades de mondes, ce qu’il n’a pu accomplir qu’au prix du sang de son Fils !
Mais il y a plus. Les invités de la parabole ne tinrent pas compte du Fils du Roi. C’étaient ses noces qu’on célébrait, et leur refus de participer au souper était une injure adressée à celui en l’honneur duquel le souper était préparé. Ils n’eurent ni égard ni respect pour le Fils bien aimé du Père. Et toi, pécheur, en repoussant l’Évangile, tu te joues également du Fils du Roi. Tu te joues de Christ, de ce Christ devant qui les chérubins se prosternent avec adoration, — de ce Christ aux pieds duquel l’archange lui-même considère comme un honneur de jeter sa couronne, — de ce Christ dont les louanges font retentir continuellement les voûtes des cieux, de ce Christ que son Père honore au-dessus de toute créature puisque Il l’appelle Dieu sur toutes choses, béni éternellement. Ah ! Si c’est une chose sérieuse que de se jouer de l’Évangile, c’est une chose terrible que de se jouer de Christ ! Outrage le fils d’un monarque de la terre, et tu sentiras les effets de la colère du roi ; outrage le Fils du Monarque du ciel, et le Père saura bien venger sur un vermisseau tel que toi l’insulte faite à son Fils. Pour ma part, mes chers auditeurs, il me semble que c’est un péché, non pas irrémissible sans doute, mais plus monstrueux qu’on ne saurait dire, de traiter le Seigneur Jésus-Christ avec une dédaigneuse indifférence. Jésus ! Cher Sauveur de mon âme, lorsque je te vois luttant en Gethsémané, suant des grumeaux de sang, je me prosterne et je m’écrie : « Ô divin Rédempteur, navré pour nos forfaits, se peut-il bien qu’il y ait au monde un pécheur assez vil pour ne pas tenir compte de toi ? » Quand je te contemple, meurtri et sanglant, sous les fouets maudits des soldats de Pilate, je me demande : « Est-il une âme assez endurcie pour mépriser un tel Sauveur ? » Et lorsque tu m’apparais sur le Calvaire, cloué au bois, mourant dans les tortures et poussant ce cri lugubre : « Eloi, Eloi, lamma sabachtani ! », je me dis encore : « Est-il possible, ô sainte victime, de se jouer de ta croix !… » Hélas ! Oui, cela est possible ; mais malheur à ceux qui méprisent ainsi le Prince de Paix, le Fils du Roi de gloire ! Oui, malheur à eux : car n’eussent-ils commis d’autre crime que celui-là, il suffirait, à lui seul, pour attirer sur leurs têtes la condamnation éternelle. Ô toi qui méprise Jésus, considère tes voies, je t’en supplie, songe que tu insultes le seul Être qui puisse te sauver, le seul qui puisse te soutenir au milieu des flots du Jourdain, le seul qui puisse ouvrir devant toi les portes du paradis et t’accueillir dans son ciel.
Que nul prédicateur complaisant, que nul diseur de choses agréables ne te persuade qu’on peut sans crime se jouer de Christ. Tremble, pécheur, tremble, te dis-je ! Car, si tu ne te repens, tu seras enveloppé dans la terrible destruction réservée aux ennemis du Fils unique de Dieu.
Mais il y a plus encore. Les invités de la parabole ne tinrent pas compte du Roi qui les conviait au souper. Et toi, pécheur, quand tu refuses les invitations de la grâce, sache que tu fais injure à Dieu lui-même. Il y a dans le monde beaucoup de gens qui disent : « Nous ne croyons pas en Christ, mais nous vénérons le Dieu créateur et conservateur de l’humanité. Nous faisons peu de cas de l’Évangile. Nous ne tenons pas, il est vrai, à être lavés dans le sang de Jésus, ni sauvés à la façon des disciples de la grâce ; mais nous sommes loin de mépriser Dieu. Nous sommes déistes : notre religion est la religion naturelle. » Ma réponse à ces hommes est celle-ci : en tant que vous niez le Fils, vous insultez le Père. Qui méprise l’enfant, méprise celui dont il est issu : qui méprise le Fils unique de Dieu, méprise l’Éternel lui-même. Hors de Christ, il n’y a point de religion digne de ce nom. Votre prétendue religion naturelle est une illusion et un mensonge. C’est le refuge de l’homme qui n’est pas assez loyal pour avouer qu’il hait Dieu ; mais c’est un refuge de néant, car celui qui ne reconnaît pas en Christ le Fils de Dieu et le Sauveur des hommes, insulte le Très-Haut et se ferme la porte du ciel. On ne peut aimer le Père que par le Fils, et on ne peut rendre au Père un culte qui lui soit agréable, si ce n’est par Jésus-Christ, le grand Médiateur de la nouvelle Alliance. Vous donc qui avez méprisé l’Évangile, vous avez méprisé du même coup le Dieu de l’Évangile. Vous qui vous êtes raillés des doctrines de la Révélation, vous avez raillé l’Auteur de cette Révélation. Vous qui avez dénigré le message du salut, vous vous êtes insurgés, contre le Roi du ciel. Vos blasphèmes et vos sarcasmes ne sont pas tombés seulement sur l’Église de Christ : ils sont tombés sur Dieu lui-même. Oh ! Souvenez vous, pauvres insensés, souvenez-vous que Dieu est un Dieu puissant, que Dieu est un Dieu jaloux ! Il peut punir, il veut punir ses adversaires. Ne pas tenir compte de lui, c’est être le meurtrier de sa propre âme, c’est signer son arrêt de mort, c’est se précipiter tête baissée vers la perdition … Ô déplorable aveuglement des âmes qui vivent et meurent sans tenir compte de Dieu, et qui préfèrent leur métairie et leur trafic aux trésors de l’Évangile !
Songe aussi, je te prie, mon malheureux auditeur, qu’en ne tenant compte ni de Dieu, ni de Christ, ni de l’Évangile, tu prouves, par cela même, que les solennelles réalités du monde à venir sont pour toi comme si elles n’existaient pas. Celui qui se joue de Christ se joue de l’enfer : il croit que ses flammes ne sont qu’un mot, et ses tourments qu’une métaphore. Il se rit des larmes brûlantes qui sillonnent à jamais le visage des réprouvés ; il se moque des cris et des malédictions, des pleurs et des grincements de dents : lugubre et dissonante harmonie, seule musique des âmes perdues … Ne pas tenir compte de l’enfer ? Oh ! N’est-ce pas le comble de la folie en même temps que le comble de l’endurcissement ?
De plus, considère, pauvre pécheur, qu’en fermant l’oreille aux appels divins tu méprises le ciel : le ciel, objet des aspirations des enfants de Dieu, le ciel où règnent une gloire que n’obscurcit aucun nuage et un bonheur que ne trouble aucun soupir ! Tu repousses avec dédain la couronne de vie ; tu foules d’un pied profane les palmes du triomphe ; tu tiens peu à être sauvé, peu à être glorifié. Ah ! Quand tu seras en enfer, et que les verrous d’une inflexible destinée auront été tirés sur toi, alors tu trouveras qu’il n’est pas si facile de rire des peines éternelles. Et quand tu auras perdu le ciel et sa félicité, quand les chants des bienheureux, comme un écho affaibli et lointain, parviendront à ton oreille, augmentant s’il est possible ton désespoir, alors tu reconnaîtras, mais trop tard, que le ciel vaut la peine qu’on y pense … Voilà ce dont il ne tient pas compte, l’homme qui méprise la religion de l’Évangile ; il méconnaît la valeur de son âme et l’importance de sa destinée éternelle.
« Mais, diront peut-être quelques-uns, prédicateur, tu nous fais injure ! Nous ne sommes point hostiles à la religion de Christ ; nous ne blasphémons point contre Dieu ; nous respectons ses ministres ; nous observons ses sabbats. » C’est possible, mes amis ; je veux croire qu’il en est ainsi ; mais, au nom de mon Maître, je ne vous en accuse pas moins d’avoir commis le grand péché que nous venons d’étudier ensemble, c’est-à-dire de n’avoir tenu compte ni de Christ ni de son Évangile. Écoutez !
II.
COMMENT TÉMOIGNE-T-ON QU’ON NE TIENT PAS COMPTE DE CHRIST ?
On peut le faire de bien des manières.
En premier lieu, et dans le sens le plus simple, on ne tient pas compte des choses du salut quand on assiste à la prédication de l’Évangile, mais qu’on ne l’écoute pas. Que de gens qui semblent fréquenter nos temples et nos chapelles dans le seul but de se livrer aux douceurs d’une agréable sieste ! Quelle insulte envers le Roi des rois ! Oseraient-ils entrer dans, le palais d’un monarque terrestre, lui demander une audience, et puis s’endormir en sa présence ? Et ce qu’ils rougiraient de faire à l’égard d’un roi de la terre, ils le font, sans le moindre scrupule, quand il s’agit du Roi du ciel ! D’autres ne dorment point, il est vrai, mais ils ne font pas mieux, car ils écoutent le serviteur de Dieu avec distraction et indifférence, comme si ses paroles ne les concernaient en rien. Ce qui frappe leurs oreilles n’atteint point leurs consciences ; ce qui pénètre dans leur cerveau n’arrive point jusqu’à leur cœur. Chaque fois que vous écoutez l’Évangile sans attention et sans recueillement, dites-vous bien, mes chers auditeurs, que vous vous jouez de Christ. Hélas ! Que ne donneraient pas les âmes perdues pour entendre une fois encore les appels de la miséricorde divine ! Que ne donnerait pas ce moribond, parvenu au bord du sépulcre, pour voir luire de nouveau un de ces dimanches dont il faisait autrefois un si mauvais usage ! Que ne donnerais-tu pas toi-même, pauvre pécheur, quand tu seras sur le bord du Jourdain, pour recevoir encore une invitation de la grâce, pour entendre une dernière fois le ministre de Dieu te parler d’espérance et de pardon ! …
Mais quelques-uns diront peut-être qu’ils écoutent avec sérieux, quelque fois même avec émotion. Je l’admets ; mais autre chose est de prêter une certaine attention à l’Évangile, autre chose est d’en tenir réellement compte. J’ai vu des hommes trembler à l’ouïe d’une puissante prédication, comme si les foudres du Sinaï eussent grondé à leurs oreilles ; j’ai vu les larmes se succéder rapides et abondantes sur leurs visages : larmes bénies qui trahissaient les vives émotions de leurs cœurs.
Alors, tout étonné, je me suis dit à moi-même : « Ô merveilleux effet de la Parole de Dieu sur les âmes ! » Mais il est une chose qui m’a souvent étonné plus encore que de voir pleurer mes auditeurs, c’est de voir avec quelle promptitude le plus grand nombre sèchent leurs larmes et les oublient … Si donc, mon frère, tu étouffes les solennelles impressions que tu peux avoir reçues dans la maison de Dieu, sache que tu te joues de Christ et de son Évangile, tout autant que le moqueur et que l’impie. Songes-y, je t’en conjure, de peur que tes propres vêtements ne soient teints du sang de ton âme, et qu’au dernier jour il ne soit dit à ton sujet : « Tu t’es perdu toi-même, ô Israël ! »
Mais il y a des personnes qui écoutent la parole ; elles paraissent même la recevoir ; mais hélas ! Leur cœur est partagé. Or, quiconque ne place pas Christ au centre même de son cœur, témoigne évidemment, qu’il ne tient pas compte de lui. Celui qui ne donne à Christ qu’un petite partie de ses affections, le méprise et l’offense, car Christ veut tout ou rien. Celui qui partage son cœur entre Christ et le monde, insulte Christ de la manière la plus grave, car il prouve qu’à son avis, Christ n’est pas digne d’avoir le tout. Ô toi, homme charnel, toi qui es à moitié religieux et à moitié profane ; toi qui es quelquefois sérieux, mais plus souvent frivole, qui parais quelquefois pieux, mais plus souvent mondain, homme charnel, je te le dis, tu te joues de Christ ! Et toi, qui pleures le dimanche, et qui le lundi retournes à tes péchés ; toi qui fais passer le monde et ses plaisirs avant Christ et sa loi sainte, que fais-tu, je te le demande, si ce n’est outrager le Seigneur de gloire ? Mes chers auditeurs, j’adjure en cet instant chacun de vous de se demander comme en présence de Dieu : « Ne suis-je point cet homme-là ? Ai-je tenu compte de Christ ? » — Quant à l’homme à propre justice, qui prétend se mettre de compte à demi avec le Seigneur dans la grande affaire du salut, je n’en dirai qu’un mot. Malgré toutes ses vertus de clinquant, malgré tous ses oripeaux de bonnes œuvres, je le regarde comme le dénigreur par excellence de l’Évangile, et je dis à tous ceux qui lui ressemblent : tremblez ! Car Dieu ne tiendra point pour innocent celui qui aura tenté d’amoindrir l’œuvre de son Fils.
On ne tient pas compte non plus du Seigneur Jésus quand on fait profession de piété, et que par sa conduite on déshonore cette profession. Membres de nos Églises, vous avez grand besoin d’être criblés comme on crible le blé, car il y a beaucoup de balle parmi vous. Que dis-je ? Il y a pis que cela, et en vérité l’on ferait trop d’honneur à certains membres de nos Églises en les comparant à de la balle, car ils n’ont jamais eu rien de commun avec le froment : ils ne sont autre chose que de l’ivraie. Ils font partie d’une assemblée chrétienne comme ils feraient partie d’une association commerciale, parce qu’ils espèrent en retirer quelque profit. Ils s’acquittent avec zèle des devoirs extérieurs de la religion afin d’être vus des hommes. Ils communient afin de gagner la considération générale. Ils paraissent suivre Jésus-Christ, mais en réalité ils n’ont en vue que les pains et les poissons. Ah ! Hypocrite, tu te joues de Christ si tu ne vois en lui qu’un moyen de t’élever dans le monde. Tu te séduis étrangement si tu t’imagines pouvoir te servir du Fils de Dieu comme d’un instrument pour améliorer ta position ou arriver à la fortune. Christ ne s’est jamais chargé de faire parvenir ses disciples ailleurs qu’au ciel. La religion est destinée à nous procurer le bonheur, non pour le temps, mais pour l’éternité ; à faire du bien, non au corps, mais à l’âme. Tous ceux donc qui veulent s’en servir dans des vues charnelles et utilitaires, ravalent honteusement l’œuvre de Christ. Aussi, quand au dernier jour le Roi du ciel enverra ses armées pour punir ses ennemis, qui ont foulé aux pieds son autorité souveraine, seront-ils mis en pièces comme les autres.
III.
Mais il est temps, mes chers auditeurs, que nous nous posions une troisième question : POURQUOI LES INVITÉS DE LA PARABOLE NE TINRENT-ILS AUCUN COMPTE DU MESSAGE DU ROI ?
Ils agirent ainsi par divers motifs.
Les uns le firent par ignorance. Ils ignoraient combien le souper était exquis ; ils ignoraient combien le roi était affable et le prince bienveillant ; l’eussent-ils su, leur conduite eût peut-être été différente. De même, il est dans le monde, il est sans doute dans cet auditoire une foule d’âmes qui ne tiennent pas compte de l’Évangile parce qu’elles ne le comprennent point. Beaucoup de gens se moquent de la religion, mais demandez à la plupart des moqueurs ce qu’est cette religion, et vous vous apercevrez bientôt qu’ils ne savent guère plus sur la matière que l’animal qui broute dans nos champs. Ils tournent l’Évangile en ridicule simplement parce qu’ils n’en connaissent pas le premier mot : c’est un sujet au-dessus de leur portée. — J’ai entendu parler d’un sot qui, chaque fois qu’on lisait du latin devant lui, riait de tout son cœur, prétendant que c’était un badinage, et que des sons aussi étranges ne pouvaient avoir aucun sens. C’est ainsi qu’agissent beaucoup d’hommes à l’égard de l’Évangile ; ils ne le comprennent point, c’est pourquoi ils en rient. « Les chrétiens sont des fous ». disent-ils. Des fous ? Pourquoi, cela, je vous prie ?
Serait-ce parce que vous ne les comprenez pas ? Seriez-vous donc assez infatués de votre propre mérite pour croire qu’en dehors de vous il ne peut y avoir ni sagesse, ni science ? Prenez garde ! La folie pourrait bien être de votre côté. Que si, au contraire, vous me dites comme Festus à Paul : « Ton grand savoir te met hors de sens », je vous ferai remarquer qu’il est tout aussi facile d’être hors de sens en ne sachant rien qu’en sachant beaucoup. Je le répète : l’ignorance en matière religieuse est une des causes principales de ce mépris pour l’Évangile qui ne règne que trop dans les masses. Oh ! Chers amis, si vous saviez quel bon Maître est Jésus ; si vous saviez quelle douce chose est l’Évangile ; si vous compreniez que notre Dieu est un Dieu d’amour ; si vous pouviez goûter, ne fut-ce que pendant une heure, les ineffables jouissances de la vie chrétienne ; si une seule des promesses divines était appliquée à votre cœur par le Saint-Esprit, oh ! Alors, je l’affirme, vous tiendriez compte de l’Évangile que nous prêchons ! Vous ne l’aimez pas, dites-vous ; mais ne l’avez-vous jamais goûté ? Est-il raisonnable de mépriser le breuvage dans lequel on n’a jamais trempé ses lèvres ? Il peut être plus doux qu’on ne pense. Oh ! Goûtez et voyez que l’Éternel est bon ! Goûtez et aussi vrai que vous goûterez, aussi vrai vous savourerez d’inexprimables délices ! Pour ma part, j’espère beaucoup de ces pauvres âmes qui ne tiennent pas compte de l’Évangile, simplement à cause de leur ignorance. Oui, j’espère que lorsque la vérité leur sera clairement annoncée, le Seigneur daignera dans son amour se révéler à elles. Mes bien-aimés, fuyez l’ignorance, recherchez l’instruction ; souvenez-vous qu’une âme sans prudence n’est pas un bien (#Pr 19:2). Appliquez-vous à connaître Celui qui est la vie éternelle, et quand vous le connaîtrez, bien loin de le traiter avec indifférence ou dédain, vous le serrerez dans votre cœur comme votre plus cher trésor.
Mais probablement il y eut aussi des invités qui refusèrent de se rendre à l’appel du Roi par orgueil. « Qu’avons-nous besoin du souper de ton Maître ? » dirent-ils avec hauteur au messager. « Entre dans nos maisons et nous te ferons voir que la bonne chère ne nous manque pas. Regarde nos tables sont aussi bien servies que celles de qui que ce soit. N’en déplaise à Sa Majesté, elle ne saurait nous offrir des mets plus savoureux que les nôtres. Pourquoi donc irions-nous chercher au dehors ce que nous avons chez nous ? » Ainsi l’orgueil les empêcha d’accepter l’invitation royale. Il en est de même de quelques-uns d’entre vous. Quoi ! Aller à Dieu pour être lavés de vos péchés ? Mais vous n’avez jamais été souillés, dites-vous. Quoi ! Accepter des offres de pardon ? Mais vous n’avez rien à vous faire pardonner. Quoi ! Rechercher la grâce de Dieu ? Mais n’est-ce pas une insulte que de parler de grâce à des hommes tels que vous ?
À vous en croire, vous êtes doués d’une excellence si extraordinaire, qu’en vérité l’ange Gabriel lui-même aurait lieu de rougir en votre présence. « Allez vers l’intempérant ! Vous écriez-vous avec dédain ; allez vers la femme de mauvaise vie ! Qu’ils acceptent un salut gratuit, rien de mieux : ils en ont grand besoin ; mais, pour moi, je suis un homme juste intègre, honorable. Je suis riche, je n’ai besoin, de rien (#Ap 3:17). Je m’acquitte scrupuleusement de mes devoirs religieux. Parfois, il est vrai, je me permets quelques écarts, mais j’ai soin de les réparer aussitôt. Parfois mon zèle se ralentit, mais je regagne le lendemain le terrain que j’ai perdu la veille. À tout prendre, je n’ai rien à me reprocher ; aussi, n’ai-je pas de doute que la porte du ciel ne soit grande ouverte pour me recevoir. » En vérité, mon cher auditeur, je ne m’étonne pas que tu méprises l’Évangile, car ses doctrines sont en complet désaccord avec les pensées de ton cœur. L’Évangile t’enseigne que tu es entièrement perdu, que tes justices mêmes ne sont que souillure, en sorte qu’il te serait tout aussi impossible de parvenir au ciel à l’aide de tes mérites que de traverser l’océan sur une feuille desséchée. Quant à te faire de tes bonnes œuvres un vêtement avec lequel tu puisses comparaître devant Dieu, autant vaudrait-il que tu te présentasses à la cour drapé dans une toile d’araignée. Pauvre âme ! Je te le dis, c’est ton orgueil, ton déplorable orgueil qui fait que tu te joues de Christ. Puisse le Seigneur t’en dépouiller lui-même ! Autrement, cet orgueil, sache-le, deviendra le brandon fatal qui allumera pour toi le feu qui ne s’éteint point. Prends donc garde à l’orgueil, déteste-le, repousse-le de toutes tes forces. Par l’orgueil tombèrent les anges ; par l’orgueil l’homme, créé à l’image de Dieu, tombera aussi dans l’abîme de perdition, réservé à ceux qui auront méprisé le Fils du Roi.
Une autre cause qui empêcha sans doute bon nombre des invités de la parabole de tenir compte du message de leur Souverain, ce fut leur incrédulité. — « Que penser de tout ceci ? » se demandèrent-ils les uns aux autres. « Quoi ! Le Roi a préparé un grand souper ? Franchement, c’est bien étrange. Quoi ! Le jeune Prince se marie ? La chose est fort douteuse. Quoi ! Nous sommes tous conviés à ses noces ? Messager tu te moques de nous : ton histoire est incroyable ! » C’est ainsi que trop d’âmes accueillent la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. « Quoi ! » s’écrient-ils à leur tour, « Jésus-Christ est mort pour expier les péchés des hommes ? Nous ne le croyons pas. Quoi ! Un ciel ? Qui l’a jamais vu ? Un enfer ? Qui peut être sûr de son existence ? Une éternité ? Quelle âme ne revint jamais du monde des esprits ? Quoi ! La religion serait la source du bonheur ? Nous affirmons, au contraire, qu’elle rend triste et morose. Quoi ! Les promesses de Dieu sont pleines de douceur ? » Vaines paroles que tout cela !
« Nous croyons aux joies du monde : nous ne croyons point à celles que vous prétendez puiser aux sources de l’Évangile. » Et de la sorte, les hommes repoussent dédaigneusement le salut de Dieu à cause de leur incrédulité. S’ils ajoutaient la moindre foi aux vérités que l’Écriture nous révèle, évidemment leur conduite serait tout autre. Du moment où je serai persuadé dans mon cœur que si je meurs inconvertis je tomberai infailliblement dans l’abîme de la perdition, croyez-vous que je ne tremblerai pas et que je ne serai pas éperdu ? Dès le jour où je croirai de toute mon âme qu’il y a un ciel préparé pour ceux qui aiment le Seigneur Jésus, pensez-vous que je pourrai donner du sommeil à mes yeux et du repos à mes paupières jusqu’à ce que j’aie pleuré parce que ce ciel n’est pas à moi ? Oh ! Mes amis, l’incrédulité peut vous empêcher maintenant de tenir compte de Christ, mais bientôt elle ne le pourra plus. En enfer il n’y a plus d’incrédules : il n’y a que des croyants. Beaucoup de réprouvés furent des incrédules pendant leur vie terrestre, mais ils ne le sont plus à présent. Le feu de l’enfer est trop ardent pour qu’on puisse mettre en doute sa réalité. Il serait difficile à un homme tourmenté par les flammes de nier l’existence du feu. Il serait malaisé pour le sceptique qui tremble sous le regard consumant de Jéhovah de ne pas croire enfin qu’il y a un Dieu. Incrédules, convertissez-vous ! Où plutôt, Dieu veuille lui-même chasser l’incrédulité de votre cœur, car c’est elle qui vous fait mépriser Christ ; et qui méprise Christ perd son âme.
Une autre classe d’invités (et c’était peut-être la plus nombreuse), ne tint pas compte du souper royal, parce qu’ils étaient trop absorbés par leurs affaires. Au lieu de suivre le messager, ils s’en allèrent, qui à sa métairie et qui à son trafic. Il en est de même aujourd’hui à l’égard de l’Évangile. — On me parlait dernièrement d’un riche armateur qui reçut la visite d’un homme pieux. « Eh bien ! Mon ami, lui dit celui-ci, où en êtes-vous quant à votre âme ? » — « Mon âme, vraiment ! » S’écria l’armateur, « comme si j’avais le temps de penser à mon âme ! J’ai bien assez à faire de penser à mes vaisseaux ! » Une semaine environ après cet entretien, l’homme riche dut trouver le temps de mourir. Le Seigneur l’appela à comparaître devant lui, et le malheureux, nous le craignons, entendit ces solennelles paroles : « Insensé, cette même nuit ton âme te sera redemandée ; et ce que tu as amassé, pour qui ce sera-t-il ? » (#Lu 12:20). Ô commerçants, gens d’affaires, riches de ce monde ! Combien parmi vous qui sont penchés jour après jour sur leur grand livre, et qui ne lisent jamais la Bible ? On dit que le Dieu de l’Amérique est « le tout-puissant Dollar ». Je ne sais si je me trompe, mais je crois que de ce côté de l’Atlantique, les adorateurs de Mammon ne sont pas plus rares ; et que beaucoup de gens rendent un culte assidu au tout-puissant billet de banque. Le livre qu’ils portent si religieusement à la main est, non leur livre de prières, mais leur livre de comptes. Même le dimanche, il est tel de mes auditeurs, dont la piété passe cependant pour exemplaire, qui, au lieu de se rendre dans la maison de Dieu, emploient volontiers leur matinée à calculer leurs bénéfices de la semaine ou à vaquer à leurs affaires. « Prier ? » disent-ils, sinon tout haut du moins en eux-mêmes ; « prier ? Nous n’en avons pas le temps : il faut gagner avant tout. Quoi ! Lire la Bible ? Non, c’est impossible : je dois vérifier ma caisse, examiner mes livres, aller à la Bourse. Je lis le journal, il est vrai ; mais lire la Bible, je ne le puis. » — Il est vraiment bien dommage, mes chers, amis, que cet hôte inattendu qu’on appelle la mort puisse venir d’un moment à l’autre déranger tous vos calculs et tous vos projets. Si vous aviez passé un bail pour votre vie ; si Dieu s’était engagé, par exemple, à vous laisser sur la terre 98 ans à partir de tel jour, vous seriez déjà fort répréhensibles de passer la moitié de ce temps sans songer à votre âme.
Mais, considérant que vous pouvez, chaque jour et à chaque heure du jour, recevoir l’ordre de partir, et que la durée de votre vie dépend entièrement du bon plaisir de Celui qui vous l’a donnée, n’est-ce pas, je vous le demande, faire preuve d’une inqualifiable ineptie, d’une folie sans pareille que de vivre uniquement en vue des misérables intérêts de la terre ? Qui pourrait dire le nombre d’âmes que le démon de la mondanité a tuées ? Dieu veuille que nous ne périssions point par notre mondanité !
Il est une autre classe d’auditeurs de l’Évangile que je ne saurais mieux caractériser que par ces mots : ils sont la légèreté même. Si vous leur demandez ce qu’ils pensent de la religion, vous n’aurez pas de peine à reconnaître qu’ils n’y pensent pas du tout. Ils ne sont point hostiles à la vérité, ils ne s’en moquent pas ; mais jamais il ne leur vient à l’esprit de la prendre au sérieux. Mobiles et inconstants comme le papillon, ils consument leur vie à voleter ici et là, effleurant toutes choses, ne s’arrêtant à aucune, ne faisant jamais rien ni pour eux-mêmes ni pour les autres : leur existence est une sorte de tourbillon perpétuel. Et ces personnes, il faut en convenir, sont en général d’un aimable naturel ; elles souscrivent de bonne grâce aux œuvres de bienfaisance ; et soit qu’on leur demande pour la construction d’une église ou pour une fête mondaine ; elles donneront volontiers leur pièce d’or. — Pour ma part, je n’hésite pas à le dire si je devais recommencer la vie, et qu’il me fût permis de choisir le caractère avec lequel je voudrais naître, le dernier que je choisirais serait celui que je viens de décrire. Je crois fermement que les natures légères et irréfléchies sont celles qui, humainement parlant, ont le moins de chances d’être sauvées. Il ne me déplaît point, je l’avoue, d’avoir affaire de temps à autre à un audacieux ennemi de l’Évangile, car son cœur est dur comme un caillou, et je sais qu’au premier choc, le puissant marteau de la Parole de Dieu peut faire voler ce caillou en éclats. Mais les personnes dont je parle semblent, en vérité, avoir un cœur de gomme élastique. Vous les touchez, et elles cèdent ; vous les touchez de nouveau, et elles cèdent encore : impossible de produire sur elles la moindre impression durable. Sont-elles malades, et allez-vous les visiter ? Elles répondent : « Oui » à toutes vos exhortations. Cherchez-vous à leur faire sentir l’importance de la piété ? Elles disent : « Oui. » Leur parlez-vous de l’enfer qui les menace, du ciel qui leur est offert ? Elles disent : « Oui. » Lorsqu’elles sont mieux, les engagez-vous à se souvenir des bonnes résolutions qu’elles peuvent avoir prises sur leur lit de maladie ? Elles disent : « Oui », toujours : « Oui ». Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, leur réponse est invariablement la même. Elles écoutent le ministre de l’Évangile avec politesse et convenance, mais aussitôt ses paroles glissent sur leur cœur sans y laisser de trace. Essaie-t-il d’appeler leur attention sur leur propre travers, sur leurs péchés particuliers, elles acquiescent à tout, mais ne s’appliquent rien, approuvent tout, mais restent insensibles. Ah ! Je tremble pour de telles âmes. Je tremble plus pour elles, je le répète, que pour les incrédules déclarés eux-mêmes. Voici, par exemple, un rude matelot qui, de retour de ses lointains voyages, entre par curiosité dans un lieu de culte. Il a été jusqu’à présent un jureur, un blasphémateur, un impie, mais à peine l’amour de Christ lui a-t-il été annoncé, que le cœur de cet homme se réveille et se brise sous l’action puissante de l’Esprit de Dieu. À côté de lui, se trouve peut-être un jeune homme qui fréquente régulièrement le culte. Il passe pour religieux ; sa conduite est honnête, mais il dit en lui même : « Je sais à l’avance tout ce que le ministre va nous dire. Ma mère m’a instruit, et mon vieux père m’a fait apprendre la moitié de la Bible par cœur. Si je viens ici, je l’avoue, c’est uniquement par respect pour leurs désirs ou leur mémoire. Sans doute, la religion est bonne : elle est bonne pour les malades, les mourants et les vieilles femmes ; elle est bonne pour les jours d’épreuves et les années de choléra ; mais à mon âge, on ne peut s’en occuper. J’ai du temps devant moi, plus tard j’y songerai… » Malheur à vous, âmes frivoles et si insouciantes, car les incrédules et les péagers vous devancent au royaume des cieux ! Je vous compare dans mon esprit à la réserve de l’armée de Satan ; vous êtes ses troupes d’élite, ses soldats de prédilection. Il vous ménage, il vous garde autour de sa personne. Il ne vous envoie pas, comme le blasphémateur, au fort, de la bataille ; il vous dit : « Restez auprès de moi, et si l’ennemi vous menace, je vous revêtirai d’une impénétrable armure ». Aussi, les traits de l’Évangile ont beau siffler à vos oreilles ; ils ont beau vous heurter et vous atteindre : aucun ne pénètre la cuirasse de votre indifférence. Votre cœur est invulnérable … ou plutôt, il est absent. Vous ressemblez à une chrysalide que l’insecte a désertée ; et quand vous venez dans la maison de Dieu, quand les sons de la Bonne Nouvelle frappent les oreilles de votre corps, vous n’en tenez aucun compte, car votre esprit est trop léger pour tenir compte de rien.
Il faut aussi que je dise quelques mots d’une autre classe de personnes, non moins insensées que les précédentes. Il y a des hommes qui se jouent de l’Évangile, par esprit de bravade, par pure témérité. Ils ressemblent, non à l’homme bien avisé dont parle Salomon, qui sait que le mal se tient caché, mais aux malavisés qui passent outre, et en souffrent le dommage (#Pr 22:3). Ils marchent dans une voie périlleuse et obscure ; ils le savent, mais ils avancent toujours … Ici, leur pied pourra peut-être se poser : ils le posent.
Là, le terrain leur paraît sûr : ils s’y hasardent. Plus loin un gouffre ténébreux s’ouvre devant eux : n’importe, ils font encore un pas. Et comme après ce pas ils se trouvent sains et saufs, ils ne voient pas pourquoi ils n’en tenteraient point un autre. Et comme leur sécurité a duré de longues années, ils supposent qu’elle durera toujours. Et parce qu’ils vivent encore, ils se flattent qu’ils ne mourront jamais. C’est ainsi que par une témérité qui tient du vertige, croyant tous les hommes mortels excepté eux-mêmes, ils continuent de jour en jour, d’année en année, à jouer avec le péril et à repousser les invitations de la grâce. Tremblez, âmes présomptueuses ! Car le jour vient où vous recueillerez les fruits de votre folie.
Enfin (chose étrange !), il est des gens qui n’apprécient pas l’Évangile, parce qu’il est à la portée de tout le monde. Il est prêché à peu près en tous lieux. Les occasions de l’entendre ne manquent pas. De nos jours, la Bible est largement répandue ; chacun peut la lire dans sa maison ; et c’est justement parce qu’elle est à leur portée que plusieurs ne s’en soucient pas. S’il n’existait qu’un seul exemplaire de la Bible au monde, n’est-il pas vrai, mes chers amis, que vous seriez curieux de le lire ? Et s’il n’y avait dans le pays que vous habitez qu’un seul ministre de l’Évangile, n’est-il pas vrai que ce ministre n’aurait pas une sinécure, et qu’il devrait, du matin au soir, annoncer le salut à des foules avides de l’entendre ? Mais (ô inconséquence de l’esprit humain !), parce que vous avez des bibles en abondance vous négligez de les lire ; parce que les traités religieux sont si communs, vous n’en faites aucun cas ; parce qu’on prêche l’Évangile de toutes parts, vous n’écoutez plus les sermons. Hé quoi ! Appréciez-vous moins le soleil, parce qu’il répand au loin ses rayons ? Ou le pain, parce que c’est la nourriture que Dieu donne à tous ses enfants ? Ou l’eau, parce que chaque source vous procure l’onde fraîche qui vous désaltère ? Ah ! Si vous aviez soif de Christ, vous vous réjouiriez de ce que son Nom est proclamé par toute la terre, et bien loin de le mépriser à cause de cela, vous l’en aimeriez davantage.
Mais eux, n’en tenant compte, s’en allèrent l’un à sa métairie et l’autre à son trafic.
Combien d’âmes ai-je en cet instant devant moi qui agissent comme les invités de la parabole ? Hélas ! Leur nombre est grand, sans nul doute. Avant de nous séparer, qu’elles me permettent de leur adresser un dernier avertissement.
Pécheur, qui te joues de Christ, l’heure approche, sache-le, où tu maudiras ta folie. Quand tu seras sur ton lit de mort, quand le roi des épouvantements t’aura saisi de sa main glacée et te traînera près du sombre fleuve, que deviendras-tu, je te le demande ? Quand les fibres de tes yeux se briseront, quand les sueurs de la mort couvriront ton visage, que feras-tu ? Souviens-toi de ta dernière maladie : comme tu tremblais alors à l’idée de comparaître devant Dieu ! Et lors du dernier orage, quel trouble, quelle terreur secrète agitait ton âme, tandis qu’éclair après éclair illuminait ta chambre, et que la grande voix de Dieu retentissait dans l’espace ! Ah ! Pauvre âme, si tu as tremblé pour si peu, que sera-ce de toi quand tu verras la mort se dresser à ton chevet, quand tu sentiras que tu ne saurais échapper à son étreinte ? Que sera-ce de toi, si tu n’as point de refuge pour t’abriter, point de Sauveur pour te protéger, point de sang expiatoire pour laver ton âme impure ? … De plus, songe, je te prie, qu’après la mort suit le jugement. Heure solennelle que celle-là, heure redoutable entre toutes, pour quiconque s’est joué de Christ ! — Vois cet ange qui vole d’un bout du ciel à l’autre : ses ailes sont de flamme, et dans sa main il porte une épée à deux tranchants. Dis, esprit céleste, où se dirige ton vol rapide ? …
Écoutez ! … Un son se fait entendre, son plus éclatant et plus terrible que la langue humaine ne peut l’exprimer. C’est le son de la dernière trompette ! Voyez ! Les morts s’élancent hors de leurs sépulcres. Sur les nuées, apparaît un char de triomphe, traîné par des chérubins ; et sur ce char est assis le Prince, le Roi … Dis, ange du ciel, que deviendra en ce jour terrible l’homme qui s’est joué de Christ, qui n’a point tenu compte de ses appels ? … Regardez : l’ange lève sa menaçante épée. « Comme la faucille coupe l’ivraie avec le froment, s’écrie-t-il, ainsi cette vaillante épée retranchera tous les ennemis de Christ. Et comme le moissonneur amasse l’ivraie et la lie en faisceaux pour être brûlée, ainsi ce bras robuste précipitera les dénigreurs de l’Évangile dans ce lieu de ténèbres éternelles où le ver ne meurt point, et où le feu ne s’éteint point ! »
Mes bien-aimés, je vous en supplie, prenez enfin ces choses au sérieux. Peut-être allez-vous, en sortant de ce temple, vous moquer des paroles du serviteur de Dieu, ou tout au moins les oublier … Hélas ! Qu’y puis-je, si ce n’est, vous avertir encore de votre danger ? Pécheur, je te le demande une dernière fois, que feras-tu au jour du jugement si tu es trouvé au nombre de ceux qui se seront joués de Christ ? Que feras-tu si le juste Juge t’adresse cette terrible sentence : « Retirez-vous, maudits ? » Que feras-tu si l’abîme du désespoir se referme sur ton âme, et que tu doives mêler tes gémissements aux épouvantables lamentations de la multitude des réprouvés ? Ô pensées accablantes ! Se trouver en enfer et savoir que l’on y est pour l’éternité ! … Pécheur ! En ce moment encore, je viens t’annoncer l’Évangile du salut. Je viens t’inviter, de la part de mon Maître, au banquet d’amour qu’il a préparé pour les fils des hommes. Entends son appel, et Dieu veuille t’accorder la grâce de le recevoir, en sorte que tu sois sauvé ! Il est écrit : celui qui croira … (qui se confiera en Jésus) — et qui sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira point sera condamné (#Mr 16:16). Oh ! Puisses-tu ne jamais connaître par expérience le sens de ce dernier mot : CONDAMNÉ !
161 - L’ADMIRABLE !
On appellera son nom : l’Admirable !
(Ésaïe 9:5).
Il y a quelques jours à peine, je me rendis au bord de la mer. C’était le soir, et la tempête mugissait avec furie. La voix de l’Éternel était sur les eaux ; et qui étais-je pour rester tranquillement chez moi, quand la voix de mon Maître m’appelait au dehors ? Je sortis donc, et, debout sur le rivage, je me tins en présence du Créateur, contemplant les sinistres lueurs de ses éclairs, et admirant la magnificence de son tonnerre. L’océan et la foudre semblaient se disputer la prééminence : celui-là essayait, par ses clameurs infinies, de dominer les éclats retentissants du tonnerre ; mais bien au-dessus du mugissement des vagues, cette voix de Dieu se faisait entendre, parlant avec des flammes de feu et ouvrant les fontaines de l’étendue.
La nuit était sombre ; de lourds nuages couvraient le ciel, et c’est à peine si l’on voyait poindre çà et là, dans les trouées que la tempête laissait sur son passage, la timide lueur d’une étoile. Je contemplais depuis quelque temps ce magnifique spectacle, quand tout à coup j’aperçus bien loin à l’horizon une vive lumière, brillante comme de l’or. C’était la lune, qui, voilée pour nous par les nuages, laissait tomber ses rayons sur un point de la vaste mer où aucun obstacle n’interceptait sa douce clarté. En relisant hier soir le 9e chapitre d’Ésaïe, j’ai pensé à cette nuit d’orage. Tout autour de lui et jusque dans les profondeurs de l’avenir, le regard inspiré de l’homme de Dieu ne rencontrait qu’obscurs nuages. Il entendait les grondements des tonnerres prophétiques ; il voyait briller par avance les éclairs menaçants de la colère divine. L’histoire de l’humanité, pendant une longue suite de siècles, se déroulait devant lui, pleine de troubles et de ténèbres. Mais soudain, au fond des âges, il découvre un point lumineux, un point tout resplendissant d’une clarté qui vient du ciel.
Alors il s’assied et il écrit ces mots triomphants : le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et la lumière a lui sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre de la mort (#Esa 9:1).
Et quoique des scènes d’oppression et de violence, de tumulte et de carnage (#Esa 9:3,4) se pressent confusément sous les yeux du prophète, il n’en tient pas moins son regard fixé avec espérance sur ce point brillant qui illumine l’avenir, et il annonce qu’une ère de paix, de prospérité et de bénédictions se lèvera enfin sur le monde, « Car l’enfant nous est né, s’écrie-t-il, le Fils nous a été donné, et l’empire a été posé sur son épaule, et on appellera son nom l’Admirable ! »
Mes chers auditeurs, nous vivons aujourd’hui sur les confins de ce point lumineux. Le monde a traversé de sombres tempêtes, de profondes obscurités ; maintenant la lumière commence à poindre, comme paraissent au matin les premières lueurs de l’aurore. Nous marchons vers des temps plus beaux, et, sur le soir, il y aura de lumière (#Za 14:7). Les ombres et les ténèbres seront roulées comme un manteau dont on n’a plus besoin, et Dieu apparaîtra dans sa gloire pour régner sur son peuple. Mais, remarquez-le, mes, frères, le brillant avenir qu’entrevoyait Ésaïe devait être la conséquence du grand événement qu’il nous annonce par ces paroles : l’enfant nous est né, le Fils nous a été donné ; et si nous-mêmes nous discernons quelque lumière, soit dans nos propres cœurs, soit dans l’histoire de l’humanité, souvenons-nous que cette lumière ne procède que de Celui-là seul dont le nom est l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant.
La personne dont il est parlé dans notre texte est sans nul doute le Seigneur Jésus-Christ. Au point de vue de son humaine nature, il est bien, en effet, cet enfant qui nous est né ; il est né de la vierge Marie. Évidemment l’essence divine qui habitait en lui, ne pouvait pas naître d’une femme, car cette essence est éternelle ; mais comme enfant, il naquit, comme fils de l’homme, il fut donné. — L’empire a été posé sur son épaule et on appellera son nom l’Admirable. Il y a dans le monde une infinité de personnes et de choses qui ne mérite pas le nom qu’elles portent ; mais Jésus-Christ n’est point dans ce cas. Mon texte ne renferme ni panégyrique ni flatterie. Si Christ est appelé l’Admirable, c’est parce qu’il l’est, Dieu le Père ne aurait jamais donné à son Fils un nom auquel il n’aurait point eu droit. C’est simplement le titre, que Jésus mérite, et ceux qui le connaissent le mieux seront les premiers à proclamer que, bien loin d’exagérer sa valeur, ce titre, emprunté à notre pauvre langage humain, reste infiniment au-dessous de la glorieuse réalité. Et observez, je vous prie, mes chers auditeurs, qu’il n’est pas dit seulement que le Père lui ait décerné le nom d’Admirable ; sans doute cette idée est sous-entendue dans mon texte ; mais, de plus, il est affirmé qu’il sera appelé de ce nom, c’est-à-dire qu’il le sera de siècle en siècle et de génération en génération. Aujourd’hui il est appelé l’Admirable par son peuple croyant, il l’a été dans le passé, et tant que le soleil et la lune dureront (#Ps 72:5), il y aura des hommes, des anges et des esprits glorifiés qui réaliseront la prédiction du prophète : on appellera son nom l’Admirable.
Avant d’aller plus loin, je dois dire que le mot hébreu qu’on a traduit par admirable est susceptible de diverses interprétations. Dans d’autres passages de l’Écriture, ce même mot a quelquefois été traduit par étonnant ou merveilleux ; un savant critique allemand lui donne même le sens de miraculeux. Christ est, en effet, la merveille des merveilles, le prodige des prodiges. « Il sera appelé le Miraculeux » car il est le suprême miracle de Dieu son Père. Grand est le mystère de piété ! Dieu manifesté en chair (#1Ti 3:16)… — On peut aussi donner à ce mot le sens de séparé, mis à part. Et Jésus-Christ occupe bien, en effet, un rang à part au milieu de l’humanité. De même que Saül dépassait de la tête tous les guerriers d’Israël (#1S 10:23), de même Christ dominent infiniment tous les enfants d’Adam. Il a été oint d’une huile de joie au-dessus de tous ses semblables ; il est plus beau qu’aucun des fils des hommes ; la grâce est répandue sur ses lèvres ; c’est pourquoi « on appellera son nom le Séparé, l’Unique, l’Incomparable ».
Tout en reconnaissant la valeur de ces diverses interprétations, je prends mon texte tel qu’il se trouve dans nos versions les plus répandues (la version anglaise porte l’Étonnant au lieu de l’Admirable, ce qui nous a obligé de modifier légèrement certains passages de ce discours — note du traducteur), et je vais essayer de vous démontrer, mes chers auditeurs, que Jésus-Christ est véritablement L’ADMIRABLE, dans le sens le plus absolu du mot. Pour cela, je n’aurai recours à aucun argument de la sagesse humaine ; je me bornerai à vous rappeler très rapidement d’abord, CE QUE JÉSUS A ÉTÉ DANS LE PASSÉ ; en second lieu, CE QU’IL EST DANS LE PRÉSENT, et enfin CE QU’IL SERA DANS L’ AVENIR.
I.
CE QUE JÉSUS À ÉTÉ DANS LE PASSÉ : tel est donc le premier point sur lequel je vous invite à fixer votre attention. Recueillez vos souvenirs, mes bien-aimés, et concentrez-les un moment sur la glorieuse personne de Christ. Considérez, avant tout, son existence éternelle. « Engendré du Père avant tous les siècles, engendré et non pas créé, Dieu venu de Dieu, vrai Dieu issu du vrai Dieu, il est d’une même substance que le Père » (Symbole de Nicée), son égal en toutes choses. Rappelez-vous que le faible enfant qui naquit à Bethléem n’était autre que le Roi des siècles, le Père d’éternité, qui était au commencement et qui sera jusqu’à la fin. Quel mystère, quel admirable mystère que cette éternelle existence de Christ ! — Quand nous rencontrons un vieillard chargé d’années, n’est-il pas vrai que nous éprouvons un mélange de respect, de curiosité et de surprise, en songeant à la longue carrière qu’il a fournie ? Et s’il ouvre devant nous le riche trésor de ses souvenirs, avec quel intérêt nous l’écoutons ! — Mais qu’est-ce, après tout, que la vie du vieillard comparée à la vie du chêne séculaire qui lui prête son ombrage ? Longtemps avant que cet homme, aujourd’hui courbé par l’âge, eût ouvert les yeux à la lumière, l’arbre étalait au loin ses verdoyants rameaux. Combien d’orages n’a-t-il pas essuyés ! Combien de rois ont paru et disparu, combien d’empires se sont écroulés depuis le temps où ce vieux chêne sommeillait encore dans le gland qui lui servit de berceau ? — Mais qu’est-ce que l’arbre lui-même comparé au sol sur lequel il croît ?
Quelle longue, quelle intéressante histoire ce coin de terre pourrait nous dire ? Combien de vicissitudes n’a-t-il pas subies durant ces périodes diverses qui se sont succédées depuis le jour où Dieu créa les cieux et la terre ? À chaque atome de ce riche terroir, qui fournit au chêne sa nourriture, est lié peut-être quelque étonnant souvenir. — Mais qu’est-ce que l’histoire du sol, comparée — à celle de la couche de granit sur laquelle il repose, du rocher qui la soutient ? Oh ! Qui dira les révélations que le roc pourrait nous faire, les secrets cachés dans ses entrailles ? Il existait déjà sans doute à cette époque mystérieuse où la terre était sans forme et vide, et où les ténèbres étaient sur la face de l’abîme. Peut-être a-t-il assisté à ce matin et à ce soir qui furent le premier jour, et pourrait-il nous expliquer par quelles voies inconnues le Créateur accomplit ce grand, ce sublime miracle que nous appelons le monde. — Mais qu’est-ce que l’histoire du rocher, comparée à celle de la mer qui baigne sa base, de cet océan aux impénétrables profondeurs, que tant de navires ont sillonné depuis des siècles sans laisser une seule ride sur son front d’azur ? — Mais qu’est-ce que l’histoire de la mer elle-même comparée à celle de ce radieux firmament, étendu, comme un pavillon, au-dessus des eaux profondes ? Quelle histoire que celle de l’armée des cieux, des éternelles évolutions du soleil, de la lune et des étoiles ! Qui racontera leur genèse ? Qui écrira leur biographie ? — Mais qu’est-ce encore que l’histoire du firmament comparée à celle des anges, de ces esprits célestes qui entourent le trône de Dieu ? Quel passé que le leur et quelles annales que les annales gravées dans leurs souvenirs ! Ils pourraient sans doute nous parler du jour où notre jeune terre leur apparut enveloppée dans des langes de brouillards ; de ce jour à jamais mémorable où les étoiles du matin poussèrent ensemble des cris de joie, et où tous les enfants de Dieu chantèrent en triomphe (#Job 38:7), parce qu’un nouveau monde venait de naître à l’Éternel. — Mais qu’est-ce que l’histoire même des anges puissants en force, comparée à l’histoire de notre Seigneur Jésus-Christ ? L’ange n’est que d’hier et il ne sait rien ; Christ, le Verbe éternel, fait des anges ses ministres et reçoit leur adoration. Oh ! Chrétiens, approchez-vous donc avec respect et un saint tremblement du trône de votre grand Rédempteur ; et vous souvenant qu’il existait avant toutes choses, que toutes choses ont été faites par lui et que rien de ce qui a été fait n’a été, fait sans lui (#Jn 1:3), écriez-vous avec le prophète : on appellera son nom l’Admirable !
En second lieu, mes frères, considérez le grand fait de l’incarnation, et dites-nous si, à ce point de vue également, Christ n’a pas droit à toute notre admiration. Ô prodiges inouïs ! Quel spectacle s’offre à mes regards ? L’Éternel, le Dieu des siècles, l’Ancien des jours, Celui dont les cheveux sont blancs comme de la laine blanche et comme la neige (Apocalypse l : 14) devient un petit enfant ! Est-il bien vrai ? Anges du ciel, n’êtes-vous point confondus ? Quoi ! Cet enfant qui repose sur le sein d’une vierge, et qui se nourrit de son lait, c’est le Fils de Dieu ? Oh ! Crèche de Bethléem, tu renfermes le miracle des miracles ! Quand je t’ai contemplée, rien ne peut plus me surprendre. Parlez-moi du soleil et des grands phénomènes dont il est la source ; décrivez-moi les cieux, l’ouvrage du Très-Haut, la lune et les étoiles qu’il a agencées : toutes les merveilles de la nature m’apparaissent comme rien, lorsque je les compare au mystère auguste de l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. Assurément ce fut un grand spectacle que celui de Josué ordonnant au soleil de s’arrêter sur Gabaon (#Jos 10:12) ; mais combien plus grand encore est le spectacle que nous présente le Fils de Dieu, paraissant s’arrêter, lui aussi, dans sa marche éternelle à travers les siècles, et voilant sa splendeur divine sous le nuage de notre pauvre humanité ! Il y a, dans les divers domaines de la science, de ces faits étranges et inexplicables dont les meilleurs esprits sont obligés de dire, après des années de méditation : « Ce sont les hauteurs des cieux, nous ne saurions y atteindre ; ce sont les profondeurs des abîmes, nous ne saurions les sonder ».
Mais tous ces problèmes, je le demande, ne ressemblent-ils pas à des jeux d’enfant, quand on les compare à la venue en chair du Fils de Dieu ? Les anges eux-mêmes ne se lasseront jamais de se pencher avec extase sur cet ineffable mystère, et de redire, avec une admiration toujours croissante, la merveilleuse histoire du Fils de Dieu, qui naquit de la vierge Marie et devint le fils de l’homme. Ô Jésus, toi notre Dieu et notre frère, oui, tu es l’Admirable, et tu le seras jusqu’à la fin ! Tout ensemble Créateur et créature, Être infini et faible enfant, disposant de la toute-puissance et suspendu au sein d’une femme, soutenant le monde par ta force souveraine, et ayant besoin d’être soutenu par la main de ta mère ; Roi des anges et fils méprisé de Marie, héritier de toutes choses et humble charpentier, ta grande figure m’apparaît environnée d’une éblouissante, d’une inimitable auréole ! On appellera ton nom l’Admirable !
Mais suivez le Sauveur dans sa vie terrestre, et vous verrez combien, dans les diverses phases de cette vie de douleur, il justifie le nom que le prophète lui décerne. N’est-il pas admirable, en effet, quand il se soumet aux dédains et aux injures de ses ennemis ? Admirable quand, jour après jour, il permet aux taureaux de Basçan de l’environner, et à l’assemblée des gens malins de le poursuivre de leur rage ? Admirable quand, aux blasphèmes dirigés contre Sa personne sacrée, il n’oppose qu’une douce et grave sérénité ? Mes frères, si vous ou moi avions possédé sa toute-puissance, n’est-il pas vrai que nous eussions mille fois pulvérisé nos ennemis ? Au lieu d’endurer en silence leurs insultes et leurs crachats, quel regard foudroyant n’eussions-nous pas laissé tomber sur eux, regard qui eût précipité leurs âmes dans les tourments éternels ! Mais lui, il entend tout, il sait tout, et il reste maître de lui-même. À la fois digne et humble, courageux et débonnaire, lion de la tribu de Juda, et agneau muet devant celui qui le tond, il réunit dans son individualité les traits en apparence les plus opposés. Je crois de toute la puissance de mon âme que Jésus de Nazareth est le Roi du ciel, et que pourtant il fut un homme sujet aux mêmes infirmités que moi, un homme pauvre, méprisé, persécuté, calomnié. Je ne puis comprendre ce mystère, mais je le crois ; ma raison est confondue, mais je bénis mon Sauveur, je l’aime, je l’adore à cause de sa condescendance infinie ; je désire exalter à jamais son amour ; je désire répéter avec le prophète, jusque dans les profondeurs de l’éternité : on appellera son nom l’Admirable.
Mais voyez-le mourir … Venez, ô mes frères ! Enfants de Dieu, assemblez-vous autour de la croix. Voyez votre Maître. Il est là suspendu au bois maudit. — Comprenez-vous cette étonnante énigme : « Dieu a été manifesté en chair et crucifié par les hommes » ? Mon Maître, mon adorable Maître, non, je ne puis comprendre comment tu courbes ta tête auguste sous le poids d’un tel supplice ! Je ne puis comprendre comment tu as consenti à échanger le diadème d’étoiles qui, de toute éternité, ceignait ton front puissant contre la couronne d’épines ! Je ne puis comprendre comment tu as pu te résoudre à déposer le manteau de ta gloire, le sceptre de ton empire, et surtout, oh ! Surtout, comment tu as souffert qu’on te revêtît de la pourpre dérisoire, puis qu’on te dépouillât de tes vêtements, comme un vil esclave ! Mais si tu es incompréhensible pour ma raison, tu es admirable pour mon cœur. Plus grand mille fois que l’amour des femmes (#2S 1:26) est l’amour dont tu m’as aimé. N’y eut-il jamais un amour comme ton amour, une douleur comme ta douleur, un dévouement comme ton dévouement ? En toi, ô mon Sauveur crucifié, je vois tout ensemble une incomparable charité qui te porta à mourir pour moi, une incomparable puissance qui te rendit capable de soutenir le poids de la colère divine, une incomparable justice qui te fit acquiescer à la volonté du Père et satisfaire pleinement à toutes les exigences de la loi, une incomparable miséricorde qui s’étend même aux plus grands des pécheurs. On appellera son nom l’Admirable.
Mais il est mort ! Il est mort ! Les filles de Jérusalem pleurent au pied de la croix sanglante où vient d’expirer le Fils de l’homme. Joseph d’Arimathée reçoit son corps inanimé. On l’emporte au sépulcre ; on l’ensevelit dans un jardin. Qui oserait encore l’appeler Admirable ? Est-ce donc là le Sauveur dès longtemps promis, le Sauveur dont les prophètes ont salué la venue avec tant de joie ? Et il est mort ! Soulevez ses mains : elles retombent inertes à ses côtés. Regardez ses pieds : n’y voyez-vous pas la marque des clous ? — « Où est maintenant votre prétendu Messie ? » s’écrie le Juif d’un ton insultant ; « où est celui que vous nommiez pompeusement l’Admirable, le Conseiller, le Dieu fort et puissant ? La mort en a fait sa proie ; dans quelques jours, il sentira la corruption. Sentinelle ! Sois vigilante, de peur que ses disciples n’enlèvent son corps. » — Mais attendons. Quoi qu’en dise le Juif, Dieu ne laissera point l’âme de son Fils dans le sépulcre, et il ne permettra point que son Saint sente la corruption. Oui, Jésus est admirable jusque dans sa mort. Ce cadavre glacé est admirable. Que le Prince de la vie, le vainqueur de Satan et de l’enfer se soit laissé lier pour un peu de temps par les cordeaux du sépulcre, c’est là peut-être, dans l’histoire de Christ, ce qui confond le plus mon intelligence. Mais voici le grand, le suprême miracle qui devait couronner tous les autres. Le triomphe de la mort ne fut que passager. Ces chaînes fatales qui retiennent captifs dans la tombe des milliers innombrables de fils et de filles d’Adam, et que nul être humain n’a jamais brisées, si ce n’est par une intervention surnaturelle de la puissance divine, ces chaînes furent pour Jésus comme des liens d’étoupes. La mort croyait avoir terrassé notre Samson.
Elle disait : « Je le tiens en ma puissance ; je lui ai coupé les tresses de sa force ; sa gloire s’est évanouie ; maintenant il est à moi ». Mais le Sauveur s’est ri du roi des épouvantements.
Le troisième jour, il se dégage de son étreinte et sort victorieux du sépulcre, pour s’élever ensuite, triomphant et plein de gloire, vers le ciel, menant après lui une multitude de captifs et distribuant des dons aux hommes (#Ep 4:8). — Ô Sauveur tout-puissant, Agneau de Dieu vivant aux siècles des siècles, je t’admire dans ta mort, je t’admire dans ta résurrection, je t’admire dans ton ascension ! Oui, toujours et partout, tu es digne d’être appelé l’Admirable !
Mais arrêtons-nous un moment, mes chers auditeurs, et recueillons nos pensées. La rapide esquisse que je viens de faire passer sous vos yeux est bien pâle, il est vrai, et bien imparfaite ; mais ne sentez-vous pas cependant qu’il y a en elle quelque chose de souverainement admirable ? Quelles merveilles pourriez-vous comparer à celles-ci ? Peut-être vous est-il parfois arrivé, lorsque vous contempliez avec ravissement quelque grand phénomène de la nature, d’entendre quelqu’un s’écrier à vos côtés : « Ceci vous étonne-t-il ? J’ai vu des choses bien autrement surprenantes. » Ou, quand après une longue et pénible ascension, vous étiez enfin parvenus au sommet de l’un de ces pics sublimes qui semblent se perdre dans les nuages, et que regardant à vos pieds, vous laissiez éclater votre enthousiasme, peut-être l’un de vos compagnons a-t-il murmuré à votre oreille : « J’ai vu de plus beaux spectacles que celui-ci ; des panoramas autrement vastes, autrement grandioses, sont déroulés sous mes yeux ». Mais lorsque nous parlons de Christ, nul n’a le droit de tenir un langage de ce genre. La personne et la vie de Jésus constituent, passez-moi l’expression, le point culminant de tout ce qui se peut admirer. Il n’y a point de mystère égal à ce mystère point de prodige égal à ce prodige, point d’admiration égale à l’admiration que toute âme humaine devrait ressentir en contemplant notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’il nous apparaît, environné des gloires du passé.
Mais il y a plus. En général, l’admiration s’use vite : c’est un sentiment fugitif et passager ; c’est une fleur qui ne vit qu’un jour. Mais celle qui a Christ pour objet se distingue au contraire par son caractère permanent. Vous pouvez admirer Christ pendant soixante, ou quatre-vingts années ; mais au terme de cette longue période, vous l’admirerez plus qu’au commencement. Mieux on connaît Christ, plus on l’admire. Abraham l’admira sans nul doute, quand il vit son jour à travers les voiles de l’avenir ; mais je ne pense pas qu’Abraham lui même pût l’admirer autant que le fait aujourd’hui le plus petit dans le royaume des cieux. Et cela parce que le moindre croyant de la nouvelle alliance connaît mieux le Sauveur que ne le connaissait le patriarche, et que l’admiration pour Christ grandit en raison de la connaissance qu’on a de lui.
Observez encore, mes chers auditeurs, que l’admiration à laquelle Jésus a droit est une admiration sans réserve. Ici-bas, vous le savez, il n’est rien qui ne présente un côté faible, vulgaire, défectueux ; les plus nobles âmes, comme les plus belles productions des arts ou des sciences, ont leurs imperfections et leurs taches. Mais en Christ, tout est grand, tout est parfait, tout commande l’étonnement et l’admiration. Sous quelque aspect qu’on l’envisage, il est l’Admirable, et il l’est dans un sens unique, exceptionnel, absolu.
De plus, on peut dire de l’admiration dont Jésus est l’objet qu’elle est universelle, en ce sens qu’elle n’est circonscrite à aucune classe, aucune catégorie de personnes. On nous répète souvent, il est vrai, que la religion de Christ n’est bonne que pour les vieilles femmes et pour les ignorants. Je reçus un jour un singulier compliment au sujet de mon genre de prédication. On me dit (avec une intention peu bienveillante, cela va sans dire) que mes sermons conviendraient parfaitement à une assemblée de noirs. — « Dans ce cas, répondis-je, je ne doute pas qu’ils ne conviennent aussi aux blancs ; car entre les blancs et les noirs il n’y a qu’une différence de peau ; or, je ne prêche pas à la peau des gens, mais à leurs cœurs. » Et ce que je disais de moi-même, je puis le dire avec bien plus de raison de mon adorable Maître : il s’adresse à tous indistinctement, parce qu’il s’adresse avant tout au cœur. Qu’on ne nous dise donc plus que Jésus-Christ n’est admiré que par les femmes, les petits esprits et les moribonds : les plus nobles intelligences, les plus grands génies eux-mêmes se sont inclinés devant lui. Au pied de sa croix, les Locke et les Newton ont reconnu qu’ils n’étaient que des enfants. Il est certaines natures qu’il est fort difficile d’émouvoir. Les profonds penseurs et les rigides mathématiciens sont de ce nombre ; ils ne se laissent pas souvent dominer par l’étonnement ou l’enthousiasme. Et pourtant on a vu de tels hommes se prosterner jusque dans la poussière, en confessant que la grande figure de Christ les avait plongés dans une religieuse extase, dans une solennelle admiration. On appellera son nom l’Admirable.
II.
Mais j’ai hâte d’arriver à mon second point. Si Jésus-Christ, comme nous venons de le voir justifie le titre d’Admirable parce qu’il a été dans le passé, le justifie-t-il par ce QU’IL EST DANS LE PRÉSENT ? Telle est la question que nous allons examiner. Seulement, comme ce sujet est aussi complexe qu’immense, je ne l’aborderai que, sous une seule de ses faces, et me plaçant sur le terrain de l’expérience personnelle, je me bornerai à demander à chacun de vous mes bien-aimés : « Jésus est-il Admirable pour votre âme ? »
À ce sujet, souffrez que je vous raconte une page de ma vie intime, et, en décrivant ce qui s’est passé en moi, je suis assuré que je décrirai aussi en quelque mesure, ce qu’ont éprouvé tous les enfants de Dieu. Il fut un temps où je n’admirais pas Christ. J’entendais louer ses charmes, mais je ne les avais point vus ; j’entendais exalter sa puissance, mais je ne la connaissais point ; tout ce qu’on me disait de lui était pour moi comme le récit de ce qui se serait passé dans un pays éloigné je n’y prenais aucun plaisir. Mais voici qu’un jour un personnage à l’aspect sinistre et menaçant frappa à ma porte. Je m’empressai d’en tirer les verrous, puis je la tins de toutes mes forces. Peines inutiles ! L’étranger frappe à coups redoublés jusqu’à ce qu’enfin la porte cède. Il entre, et m’appelant d’une voix sévère, il me dit : « Je suis porteur d’un message pour toi de la part de Dieu ; je viens te dire : tu es condamné à cause de tes péchés ». Je le regardai avec étonnement et lui demandai son nom. « Je m’appelle La Loi », me répondit-il ; ce qu’ayant ouï, je tombai à ses pieds, comme mort. Quand j’étais sans la loi, je vivais, mais quand le commandement est venu, le péché a commencé à revivre, et moi je suis mort (#Ro 7:9). Mon sombre visiteur commença alors à me frapper. Il me frappa si impitoyablement, que tous mes os en furent meurtris. Mon cœur se fondit comme de la cire ; il me sembla que j’étais étendu sur un chevalet, qu’on me brisait tous les membres, qu’on me labourait les chairs avec un fer rouge. Une inexprimable angoisse régnait au-dedans de moi. Je n’osais lever les yeux ; cependant, je me disais : « Tout espoir n’est pas perdu. Le Dieu que j’ai offensé se laissera peut-être fléchir par mes larmes et mes bonnes résolutions ». Mais chaque fois que cette pensée traversait mon esprit, les coups de mon ennemi redoublaient de violence. Enfin mes souffrances devinrent intolérables, et le désespoir, s’empara de mon âme.
Il me sembla que d’épaisses ténèbres m’enveloppaient de leurs ombres et que des voix lugubres, des pleurs et des grincements de dents parvenaient à mon oreille. « C’en est fait ! » pensai-je alors ; « le Seigneur m’a rejeté pour toujours ; je suis en abomination, devant ses yeux ; il m’a foulé de pieds dans sa juste colère… » Mais soudain une autre figure m’apparut, figure triste et douloureuse, mais où se peignait une tendre compassion. Je la vis se pencher sur moi, et j’entendis ces douces paroles : « Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts, et Christ t’éclairera » (#Ep 5:14). Je me levai tout surpris ; alors, me prenant par la main, l’inconnu me mena dans un lieu sombre, où s’élevait une croix ; puis il disparut de devant mes yeux. Mais, ô surprise ! Je le revis un instant après, je le revis, attaché à la croix ! Oui, c’était bien lui dont le sang ruisselait sur l’arbre maudit … Il fixa sur moi un regard si plein d’un ineffable amour, que mon cœur en fut comme transpercé. Je le regardai à mon tour, et au même moment toutes les plaies de mon âme furent guéries. Mes blessures furent cicatrisées, les os brisés se réjouirent ; les haillons dont j’étais couvert furent enlevés ; mon âme devint aussi pure que les neiges immaculées des lointaines régions du Nord ; mon esprit éclatait en chants de louange, car j’étais lavé, purifié, pardonné, sauvé ! Oh ! Combien j’admirai l’amour de Celui qui s’était ainsi immolé pour les pauvres pécheurs ! Combien sa grâce me parut merveilleuse ! Et ce qui me confondait plus que tout le reste, c’est que cette grâce se fût étendue jusqu’à moi. C’est que mon céleste Ami eût été capable d’effacer des péchés aussi nombreux, des crimes aussi noirs que les miens ; c’est qu’aux orages d’une conscience accusatrice il eût fait succéder dans mon sein une paix sans mélange, et que mon âme, troublée jusque-là comme une mer en tourmente, fût devenue tout à coup aussi tranquille que la surface d’un lac, dont aucun souffle ne vient rider le limpide miroir. — Ce fut alors que pour la première fois Jésus m’apparut comme l’Admirable. — Frères et sœurs qui m’écoutez, vous qui avez éprouvé quelque chose de pareil à ce que je viens de décrire, rappelez vos souvenirs et dites si, à cette heure bénie où Jésus vous fit entendre une parole de pardon, vos cœurs ne furent pas, comme le mien, transportés d’étonnement et d’un saint enthousiasme ?
Et depuis lors, mes bien-aimés, que de fois votre Sauveur ne s’est-il pas montré admirable envers vous ? Vous avez eu à traverser des jours de tristesse, de maladie et de deuil ; mais vos souffrances ont été légères, car Jésus s’est tenu au chevet de votre lit de douleur ; vos soucis ont été calmés, car vous avez pu vous en décharger sur lui. L’épreuve qui menaçait de vous accabler n’a servi qu’à vous rapprocher du ciel, et vous vous êtes écriés : « Qu’il est admirable Celui qui a pu répandre dans mon cœur une telle paix, une telle joie, de telles consolations ! » Permettez-moi de vous faire part encore de mes expériences personnelles. Il y a quelques années, je fus appelé à boire une coupe plus amère que je ne saurais dire. Le seul souvenir des angoisses intérieures auxquelles je fus alors en butte me glace d’épouvante … Jamais personne ne vit peut-être d’aussi près que moi la brûlante fournaise de la démence sans y laisser sa raison … Il me semblait que je marchais au milieu des flammes. Une multitude de pensées affreuses torturait mon cerveau. Je n’osais regarder vers Dieu, car la prière, qui jusque-là avait été mon refuge dans la détresse, ne faisait qu’augmenter ma souffrance. Jamais je n’oublierai le moment où la paix me fut rendue. Je me promenais, rêveur et solitaire, dans le jardin d’un ami, méditant tristement sur mes douleurs, et me disant que mon fardeau était plus lourd que je ne pouvais le porter, quand tout d’un coup le nom de Jésus traversa mon esprit. Je m’arrêtai. La personne de Christ se présenta vivante aux yeux de ma foi. Au même instant, les torrents de lave qui bouillonnaient dans mon âme se refroidirent. Mes angoisses furent apaisées. Je me prosternai dans la poussière, et ce jardin qui m’avait paru un Gethsémané devint pour moi un paradis. Je ne pouvais me lasser d’admirer la puissance du nom de Jésus. Deux choses me surprenaient surtout : la première, c’était la miséricorde de mon Maître envers moi, la seconde, mon ingratitude envers lui.
Aussi puis-je dire qu’à dater de ce jour j’ai mieux compris tout ce qu’il y a en lui d’admirable, et je suis heureux de déclarer publiquement ce qu’il a fait pour mon âme.
Et à vous de même, frères et sœurs, n’en doutez pas, Jésus se manifestera comme l’Admirable, aux jours de vos tribulations et de vos douleurs. Pareilles à la sombre feuille de métal que le joaillier place sous le diamant afin d’en rehausser l’éclat, vos épreuves sont destinées par le Seigneur à faire ressortir le glorieux éclat de son nom. Vous ne connaîtriez jamais les choses magnifiques de Dieu, si vous ne descendiez dans les bas-fonds de l’adversité.
Vous vous souvenez des paroles du psalmiste : Ceux qui descendent dans la mer, sur les navires, et qui font commerce sur les grandes eaux, voient les œuvres de l’Éternel et ses merveilles dans les lieux profonds (#Ps 107:23,24). Ces paroles sont aussi vraies ; dans un sens spirituel que dans le sens littéral.
Oui, c’est dans les lieux profonds que nous voyons le mieux les trésors de la sagesse et de l’amour divin ; c’est dans les grandes eaux de la souffrance que le fidèle reconnaît combien Jésus est admirable et puissant à sauver.
Un mot encore avant de quitter cette partie de mon sujet. — Il est des moments où l’enfant de Dieu peut s’écrier avec ravissement : « Oui, le nom de Jésus est admirable, car ce nom m’a transporté, pour ainsi dire, au milieu des réalités du monde invisible » (je vous plains, mes bien-aimés, si vous ne connaissez rien de ces joies extatiques que je vais essayer de décrire). Il est des moments où il semble au chrétien que les mille charmes de la vie présente n’exercent plus aucun empire sur lui : libre et heureux, il déploie ses ailes et prend son essor vers les cieux. Il monte, il monte toujours, et bientôt les douleurs de la terre ne lui apparaissent plus que comme un point à l’horizon. Il monte encore, et les joies de la terre s’évanouissent à leur tour à ses regards ; il plane au-dessus d’elles, comme l’aigle qui vole à la rencontre du soleil plane au-dessus des plus hautes cimes. L’image de son Sauveur brille devant ses yeux, et vers cette vision ineffable tendent tous ses désirs. Jésus remplit son cœur tout entier ; son âme le contemple, et le nuage qui voilait pour lui la face de son Maître semble dissipé. Alors le chrétien peut s’écrier avec saint Paul : « Si c’est en mon corps ou sans mon corps, je ne sais, Dieu le sait ! Mais je suis ravi jusqu’au troisième ciel » (#2Co 12:2-4). Et qu’est-ce qui a produit ce ravissement ? Est-ce le son de la flûte, de la harpe, de la sambuque, du psaltérion et de toute sorte de musique ? (#Da 3:5, etc.). Non. Qu’est-ce donc ? Seraient-ce les richesses, la renommée, les honneurs, les enivrements de la prospérité ? Pas davantage. Serait-ce une brillante intelligence, une imagination vive ? Non plus. Ces heures d’extase ont été causées uniquement par le nom de Jésus. Ce seul nom a la vertu de transporter l’âme chrétienne à des hauteurs de béatitude, voisines de ces régions fortunées où les anges jouissent d’une félicité sans nuage.
III.
On appellera son nom l’Admirable. Quel thème inépuisable que ces paroles du prophète ! Mais le temps me presse, et je dois, ayant de terminer, considérer mon texte sur un troisième point de vue. CHRIST SERA APPELÉ L’ADMIRABLE DANS L’AVENIR : telle est, mes chers auditeurs, la solennelle vérité sur laquelle je désire appeler, pendant quelques instants, votre attention.
Le grand jour est venu, le jour de la colère, le jour de la justice. Le temps n’est plus. Le dernier siècle, comme la dernière colonne d’un temple qui s’écroule, vient de tomber avec fracas. L’horloge de l’humanité va frapper son dernier coup … C’en est fait ! L’heure est venue où les choses visibles doivent disparaître. Je vois les entrailles de la terre qui s’ébranlent. Les terres des cimetières rendent les morts, qui sommeillaient sous leur gazon. Les champs de bataille, engraissés par le sang humain, ne sont plus revêtus, d’opulentes moissons ; une moisson d’un autre genre les couvre : une grande multitude s’élance de leur sein. L’océan lui-même, semblable à une mère féconde, enfante à une nouvelle vie ceux qu’il avait engloutis dans ses flots. L’humanité tout entière est debout devant Dieu. Pécheurs ! Vous êtes sortis de vos tombeaux. Les piliers des cieux chancellent ; le firmament s’affaisse ; le soleil, cet œil de l’univers, roule dans son orbite comme l’œil d’un insensé, et ne jette plus que de sinistres lueurs ; la lune est changée en sang.
Des signes et des prodiges, tels que l’imagination ne peut les concevoir, frappent d’épouvante le cœur des hommes. Soudain, sur une nuée, apparaît quelqu’un semblable au Fils de l’homme. Pécheurs ! Essayez de vous représenter votre consternation à cette vue. Où es-tu, Voltaire ? Tu as dit : « Écrasons l’infâme ! » Viens et écrase-le, maintenant. « Ah ! » répond Voltaire, « je ne savais pas qui j’insultais » … Et toi, Judas, avance donc ! Viens imprimer sur sa joue un baiser de traître. « Ah ! » répond Judas, « je ne savais pas qui je baisais. Je pensais baiser le fils de Marie et non le Fils du Dieu tout-puissant. » — Approchez, aussi, ô vous, princes et rois de la terre, qui avez consulté ensemble contre l’Éternel et contre son Oint, disant : « Rompons leurs liens et jetons loin de nous leurs cordes » (#Ps 2:3). Consultez-vous maintenant contre lui et foulez, aux pieds ses lois ! … Oh ! Mes chers auditeurs, essayez de vous représenter l’indicible, mélange d’admiration de surprise et d’effroi qui saisira les incrédules, les sociniens, les indifférents, les formalistes, quand ils verront Jésus de leurs yeux, quand ils seront témoins de sa gloire.
« Tu es véritablement, l’Admirable ! » s’écrieront ils en se frappant la poitrine ; « honte à nous qui t’avons méconnu. Rochers ! Tombez sur nous et cachez-nous de devant la face de l’Agneau. » Mais Jésus leur dira : « Vous avez cru que j’étais semblable à l’un de vous et vous n’avez pas voulu me recevoir comme votre Roi ; maintenant, je suis venu dans la gloire de mon Père, pour juger les vivants et les morts ».
Un jour, Pharaon conduisit son armée au milieu de la mer Rouge. Le chemin était sec, et des deux côtés s’élevaient, ainsi qu’une paroi d’albâtre, les eaux claires et étincelantes. On eût dit, qu’un souffle glacial, passant sur la mer, en avait cristallisé la surface. L’armée de Pharaon s’avance dans cet étrange défilé ; mais qui dira la stupeur et l’épouvante de cette multitude, lorsqu’elle vit ces murailles d’eau s’abattre sur elle pour l’engloutir ? Tel, et plus grand encore, sera votre désespoir, ô pécheurs, lorsque ce Christ que vous méprisez aujourd’hui, ce Christ que vous repoussez comme Sauveur, ce Christ dont vous ne lisez point la Parole, dont vous profanez les sabbats, dont vous rejetez l’Évangile, lorsque ce Christ apparaîtra dans la gloire de son Père et tous ses saints anges avec lui. Alors vous reconnaîtrez qu’il est l’Admirable ; mais vous le reconnaîtrez en pâlissant d’effroi, vous le reconnaîtrez à votre éternelle confusion.
Mais il y aura peut-être, au jour du jugement, quelque chose de plus étonnant encore que la condamnation des pécheurs. Regardez là-bas. Tout est paisible, calme, serein. Quel contraste avec les scènes lugubres que nous venons de contempler ! Au lieu de gémissements, de lamentations, de cris de terreur, nous entendons une suave harmonie. Quelle est cette multitude que personne ne saurait compter ? Ce sont les rachetés de l’Agneau. Voyez-les : ils s’assemblent autour du trône. Ce même trône qui vomit la mort et la destruction sur les impies devient le centre de la lumière et du bonheur des élus. Des chants de triomphe et non des cris d’épouvante sortent de leurs bouches. La joie et non la terreur se peint sur leurs visages. Les voyez-vous qui s’avancent, vêtus de longues robes blanches et portant des palmes à la main ? Les entendez-vous qui s’écrient : « Saint, saint, saint est l’Éternel, Dieu des armées ! Seigneur, tu es digne de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance, car tu as été immolé et tu nous as rachetés à Dieu par ton sang » (#Ap 4; 5) ? Ah ! Pour eux aussi, pour eux surtout, Jésus est l’Admirable ; mais c’est avec transport, avec extase, avec amour, qu’ils le proclament tel, et non point comme les autres avec regret et avec effroi. Saints du Seigneur ! Vous connaîtrez pleinement les merveilles de son nom, quand vous le verrez tel qu’il est et que vous serez rendus semblables à lui, au jour de son avènement. Ô mon âme, réjouis-toi d’une allégresse éternelle, car le triomphe de ton Rédempteur sera aussi le tien. Je suis indigne, il est vrai ; je suis le premier des pécheurs et le moindre de tous les saints ; toutefois, mon œil le verra et non point un autre. Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’il demeurera le dernier sur la terre, et qu’après que ma peau aura été détruite, je verrai Dieu de ma chair ! (#Job 19:25-27).
Ô vous tous, enfants de Dieu, tressaillez de joie, car votre délivrance approche. Vierges, tenez vous prêtes ! Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Voici l’Époux qui vient ; sortez au-devant de lui. Il vient, — Il vient, Il vient ! Et tout œil le verra ; et lorsque vous irez à sa rencontre, vous répéterez avec transport : « Oui, Seigneur Jésus, tu es l’ADMIRABLE, et tu le seras d’éternité en éternité. Alléluia ! Alléluia ! Alléluia ! »
162 - QU’AI-JE FAIT ?
« Qu’ai-je fait ? »
(Jérémie 8:6).
Il n’est pas d’image qui nous représente Dieu d’une manière plus saisissante et qui nous fasse mieux comprendre sa miséricorde, que ces figures de langage qui nous le montrent se penchant vers nous du haut de son trône, et descendant jusqu’à nous pour répondre aux cris de détresse de l’humanité souffrante et pour contempler ses douleurs. — Comment ne pas ressentir de l’amour pour ce Dieu qui, alors que Sodome et Gomorrhe souillaient la terre de leur iniquité, ne voulut pourtant pas détruire ces cités coupables, quoi qu’il ait connu toute l’étendue de leurs crimes, avant de les avoir visitées et d’avoir séjourné quelque temps dans leurs murs ! Nous ne saurions, il me semble, nous empêcher, dans un sentiment de profonde gratitude, d’ouvrir et de répandre nos cœurs devant ce Dieu qui, du sein de sa gloire, incline son oreille sur les créatures les plus abjectes et les plus méprisées, pour faire naître en elles ce bon désir qu’il se propose d’exaucer. Comment ne pas l’aimer quand nous apprenons que son attention est fixée sur tout ce qui nous concerne, qu’il compte jusqu’aux cheveux de notre tête, qu’il ordonne à ses anges de guider nos pas, de peur que nous nous heurtions contre la pierre, et qu’il nous marque d’avance notre sentier et chacune des empreintes de nos pas ! Enfin comment ne serions-nous pas émus surtout quand nous considérons à quel point ce Dieu plein de tendresse est attentif non seulement aux intérêts temporels de ses créatures, mais aussi à leurs intérêts spirituels ? L’Écriture nous représente l’Éternel comme attendant le moment où Il pourra faire grâce, et où, suivant le langage de la parabole, semblable à ce père qui aperçoit son enfant prodigue tandis qu’il est encore éloigné, Il pourra s’élancer à la rencontre du pécheur, le presser sur son cœur et lui donner le saint baiser de paix. Il est tellement attentif à tout ce qui est bon, même dans un cœur souillé par le péché, qu’un soupir est pour Lui la plus douce des mélodies, et une larme, le plus précieux des trésors.
Dans le verset que je viens de lire, Dieu se montre à nous comme se penchant sur le cœur de l’homme et prêtant l’oreille, dans l’espoir de découvrir peut-être quelque symptôme heureux. « Je me suis rendu attentif et j’ai écouté. » Et puis, spectacle bien plus touchant encore ! Le voici qui se détourne en quelque sorte avec douleur, en s’écriant : « Je me suis rendu attentif et j’ai écouté, mais nul ne parle selon la justice ; il n’y a personne qui se repente de son péché et qui dise : Qu’ai-je fait ? » — Ah ! Mon cher auditeur, il n’est aucune de vos aspirations vers Dieu qui n’attire aussitôt sa suprême attention et son espérance. Chaque prière qui s’échappe de ton cœur lui est chère, et quoique tes prières n’aient été trop souvent que passagères comme les vapeurs du matin ou comme la rosée de l’aurore, elles ont toujours ému les entrailles de l’Éternel, car Il n’a cessé de prêter l’oreille à tes cris et de surveiller les pulsations de ton cœur. Tu as tout oublié, toi ; tu n’y as pas pris garde ; mais Il se souvient de tout cela, et le souvenir en est maintenant encore gravé dans son immuable mémoire. Et toi qui, en ce jour, peut-être, cherches ton Sauveur, sache que ses yeux sont déjà sur toi. Celui que tu cherches n’est point aveugle. Tu cherches ton Père, et ton Père te voit déjà, quoique tu sois encore éloigné. Tout ton repentir n’a encore pu arracher qu’une seule larme peut-être à ton cœur de pierre ; mais cette larme, Il l’a vue et l’a saluée comme un signe de bon augure. Tu n’as pu jusqu’ici pousser qu’un seul sanglot, peut-être, à la pensée de tes péchés, mais ce sanglot ne lui a pas échappé, et Il s’en est réjoui dans son amour comme d’une preuve que tu n’étais pas encore entièrement endurci par l’iniquité et abandonné par la miséricorde.
Notre texte est : « Qu’ai-je fait ? » Je me propose d’en commencer l’exposition par quelques paroles persuasives et pressantes, dans le but de vous décider à vous poser vous-mêmes cette question ; ensuite j’essaierai de vous aider à y répondre, et enfin je terminerai par de solennels avertissements adressés à ceux qui, par cette réponse, ont été forcés de se condamner eux-mêmes.
I.
Commençons donc par quelques paroles pressantes, afin que tous, et plus particulièrement ceux qui sont encore inconvertis, consentent à se poser solennellement cette question : « Qu’ai-je fait ? »
Peu de personnes trouvent du plaisir à faire la revue de leur vie passée ; la plupart se sentent, à cet égard, si proche d’une complète banqueroute, qu’elles n’osent pas jeter leurs yeux sur leurs comptes. La grande majorité des hommes partagent le ridicule instinct de l’autruche, qui, se voyant poursuivie, cache sa tête dans le sable et ferme les yeux, croyant que puisqu’elle ne voit plus ceux qui la poursuivent, elle est hors de danger. La très grande majorité des hommes, je le répète, ont honte de jeter leurs regards sur leur biographie, et si la conscience et la mémoire pouvaient devenir les historiographes de chacun, elles n’auraient rien de plus pressé que d’acheter et fixer au volume d’énormes fermoirs, munis d’un bon cadenas, afin de ne plus relire cette terrible histoire. Chacun sait que ce livre de sa vie passée est tellement plein de lamentations et de malheur qu’il n’ose pas le lire, et néanmoins chacun continue à marcher dans son train d’iniquité. Ma tâche est donc bien ardue et difficile, si je veux vous amener tous, qui que vous soyez, à ouvrir ce livre, et, que les pages en soient nombreuses ou non, qu’elles en soient noires ou blanches, il me sera bien malaisé de vous les faire lire jusqu’au bout. Que l’Esprit-Saint veuille donc vous persuader en ce moment de répondre à cette question : « Qu’ai-je fait ? » Soyez sûrs que pareille enquête sur votre passé ne pourra jamais vous causer le moindre préjudice. Jamais négociant ne s’est trouvé appauvri de la plus petite somme pour avoir soigneusement examiné ses livres. Il a pu découvrir qu’il était plus pauvre qu’il ne le croyait d’abord, mais ce n’est pas cette inspection de ses livres qui a causé sa pauvreté. Ce qui l’a appauvri, ce sont les spéculations qu’il a accomplies. Il vaut mieux, après tout, connaître à fond ce passé, pendant que vous pouvez encore y porter remède, que de poursuivre votre route tête baissée, espérant rencontrer la porte de l’éternel paradis, et ne vous apercevant de votre erreur, hélas, que lorsqu’elle sera irréparable et que cette porte vous sera à jamais fermée ! Il n’y a rien à perdre à faire son inventaire, et un peu d’examen de vous-même ne peut aucunement vous nuire. Voilà déjà, je pense, une excellente raison pour vous soumettre à faire cet examen.
Mais, prenez-y garde ! Si, d’une part, il ne peut en résulter pour vous aucun mal, il pourrait en résulter un très grand bien. En effet, supposons que vos affaires avec Dieu soient bien réglées, vous ne pourrez que vous en réjouir et vous encourager, car quiconque est en règle avec Dieu n’a aucune raison de s’affliger. Cependant ne vous faites pas illusion ! Il y a cent à parier contre un que vous êtes loin d’être en règle. Il y en a tant dans le monde qui se trompent eux-mêmes que vous courez de grandes chances d’être du nombre. Vous pourriez avoir la réputation d’être vivants, et être morts ; vous pourriez bien ressembler à cet arbre de Bunyan qui était beau à voir et recouvert d’une luxuriante verdure, mais qui au dedans était pourri ! … Vous pourriez être ici, en présence de vos semblables, proprement vêtus et parés de toute sorte de gracieux atours, et être tels que ces pharisiens auxquels Jésus disait : « Sépulcres blanchis ! Car en dedans vous êtes, comme eux, pleins de pourriture et d’ossements humains. » Tenez ! Vous avez beau vouloir conserver vos illusions ; quant à moi, j’aimerais cent mille fois mieux connaître à fond mon véritable état devant Dieu, que de me bercer des plus riantes pensées et d’avoir à découvrir ensuite ma funeste erreur. Que de fois cette prière est sortie de mes lèvres : « Seigneur, fais que je me connaisse moi-même sous mon jour le plus défavorable, et si je suis encore un apostat, un homme sans Dieu et sans Christ, fais qu’au moins je sois sincère vis-à-vis de moi-même et que je me voie tel que je suis »!
N’oublie pas, mon cher auditeur, que le temps que tu as pour cet examen de toi-même est très court. Bientôt le grand secret de cette affaire te sera révélé. Je puis manquer aujourd’hui de paroles assez rudes pour déchirer le masque qui recouvre ton visage, mais bientôt s’en présentera un autre qu’on appelle la Mort ! Et celui-là te parlera avec bien autrement de dureté et de sans façon. Aujourd’hui, tu peux encore te déguiser en enfant de lumière, mais la mort t’aura bientôt arraché ce vêtement usurpé, bientôt elle t’aura placé, nu comme la main, en présence de l’auguste tribunal de Dieu, et là on verra à découvert soit ton crime, soit ton innocence. N’oublie pas, enfin, que si tu peux te tromper toi-même, tu ne pourras jamais tromper Dieu. Tu peux te servir du faux poids en te pesant toi-même, et la balance peut être inexacte ; mais quand Dieu te pèsera, la balance de sa justice sera sans nuance aucune d’erreur. Quand Il aura mis sa loi dans l’un des bassins, et qu’il te saisira pour te déposer dans l’autre, ah ! Malheureuse créature, quel tremblement terrible s’emparera de toi ! À moins que Jésus ne soit alors ton Sauveur, tu seras trouvé trop léger et tu seras rejeté pour jamais loin de sa face.
Oh ! Quel langage emploierai-je pour vous décider tous à vous examiner vous-mêmes ? Je connais d’avance les diverses excuses que vous essaierez de m’opposer. Les uns m’objecteront qu’ils sont membres d’une église et que par conséquent ils sont en règle. — Vous me regardez peut-être depuis cette tribune, et vous me dites : « Monsieur Spurgeon, vous m’avez admis au nombre des membres de votre église, et vous m’avez souvent présenté le pain et la coupe de la sainte cène ». — Eh ! Oui, mon cher auditeur, je le sais, et je crains bien d’en avoir admis dans le sein de l’Église visible plusieurs que Dieu n’a jamais admis dans celle qui est invisible. Si Jésus a rencontré un hypocrite parmi les douze disciples qu’il avait choisis, combien pensez-vous qu’il puisse y avoir d’hypocrites dans ces douze cents membres qui m’entourent ? Ah ! Il est bien aisé, en nos jours, de faire profession de christianisme, et un homme peut bien facilement passer pour chrétien, et néanmoins se trouver en définitive classé parmi les apostats et les réprouvés ! Que cela ne vous autorise donc pas à éluder la question, et surtout ne dites pas que vous êtes trop occupé pour vous consacrer à vos affaires spirituelles, et que vous en aurez bien le temps plus tard. Combien qui ont dit cela et qui, avant d’avoir trouvé le temps, se sont trouvés lancés en dehors du temps dans l’éternité ! Ô toi qui prétends avoir « le temps », si tu savais combien la mort est proche de toi ! Il en est ici qui ne verront pas le premier jour de l’année prochaine ; il en est même un grand nombre qui, selon toutes probabilités, ont moins d’une année à vivre. Oh ! Que le Seigneur Dieu veuille nous préparer tous pour la mort et pour le jugement, en nous apprenant à nous poser cette question : « Qu’ai-je fait ? »
II.
Et maintenant, ma tâche est de vous aider à y répondre.
Chrétien, chrétien de cœur ! J’ai peu de choses à te dire aujourd’hui. Je ne veux pas allonger mon discours, et je préfère déposer cette question sur ta conscience : « Qu’as-tu fait ? » — J’entends ta réponse : « Je n’ai rien fait pour mon propre salut, car dans son éternel amour Dieu a tout fait pour moi. Je n’ai rien fait pour me revêtir de justice devant Dieu, car Jésus a dit : tout est accompli ! Je n’ai rien fait pour gagner le ciel par mes mérites, car Jésus me l’avait mérité par sa mort avant que je vienne au monde. » — Mais, dis-moi maintenant, mon frère, ce que tu as fait pour Celui qui est mort pour le salut de ton âme ? Qu’as-tu fait pour son Église ? Qu’as-tu fait pour le salut de ceux qui périssent ? Qu’as-tu fait pour grandir spirituellement toi-même dans la grâce ? — Ah ! Je pourrais ici vous tancer bien rudement, vous, chrétiens de cœur ; mais je vous laisse en présence de votre Dieu. Il n’appartient qu’au Seigneur de châtier ses enfants. Je veux cependant vous adresser une question : n’y a-t-il pas ici beaucoup de chrétiens qui ne sauraient dire s’ils ont été l’instrument de la conversion d’une seule âme pendant cette année ? Voyons, répondez ! Avez-vous quelque raison d’espérer que vous ayez été, directement ou indirectement, le moyen d’amener une seule âme à Jésus-Christ ? — Je vais plus loin. Je vois parmi vous de vieux chrétiens et je tiens à leur adresser aussi une question : avez-vous quelque raison d’espérer que depuis le moment de votre conversion vous ayez contribué en quelque manière à la conversion d’une seule âme ? … En Orient, au temps des patriarches, on regardait comme un opprobre qu’une femme demeure sans enfants ; mais combien est plus grand l’opprobre d’une âme chrétienne qui est demeurée sans enfants spirituels, qui n’a jamais été en travail d’enfantement pour engendrer une âme au Seigneur ! Et cependant il en est plusieurs parmi vous qui sont demeurés spirituellement stériles, parce qu’ils n’ont jamais contribué au salut de personne, et qui ne porteront dans le ciel qu’une couronne sans étoiles.
Il me semble voir encore le regard radieux de bonheur qu’une fille du Seigneur fixait sur moi il y a quelques jours, tandis qu’on nous apprenait qu’une âme avait été convertie par son moyen. Je lui pris les mains, en lui disant : « Hé bien ! Vous avez de quoi bénir Dieu maintenant ». — « Oh ! oui, me dit-elle, c’est une grande joie et un grand honneur pour moi. Jamais, que je sache, je n’avais servi d’instrument pour conduire une âme au Seigneur. » Et l’humble femme était si heureuse, que ses larmes coulaient en abondance. — Et vous, combien d’âmes avez-vous gagnées à Christ pendant cette année ? Voyons, chrétien, qu’as-tu fait ? Hélas ! Hélas ! Tu n’as pas été précisément comme le figuier stérile, mais bien peu s’en faut, car tes fruits ne se voient point. Un grand nombre d’entre vous ont reçu la vie de Dieu, et sont restés stériles. Serviteurs inutiles et paresseux ! Serviteurs coupables !
Et ne croyez pas qu’en vous reprenant d’une façon aussi sévère, j’entende échapper moi-même à ce reproche. Non, non ! Cette terrible question, je me la pose aussi : « Qu’ai-je fait ? » Et quand je songe à l’activité d’un Whitefield et au zèle dévorant d’une foule de ces grands évangélisateurs de jadis, je demeure comme foudroyé en me voyant si loin de les égaler et je me demande : « Qu’ai-je fait ? » À cette question, je ne puis répondre qu’avec rougeur et confusion de face. Ô chers auditeurs ! Combien de fois ne vous ai-je pas prêché la Parole de Dieu, et combien peu de fois ai-je pleuré sur votre endurcissement, comme doit le faire tout pasteur ! Combien de fois ne vous ai-je pas avertis de la colère à venir sans y avoir apporté toute la sollicitude et toute l’angoisse que j’aurais dû ! Ah ! Je crains que le sang de plusieurs ne se trouve dans les pans de ma robe, au jour où je serai jugé de mon Dieu. Je vous en supplie, priez pour votre pasteur en ce qui concerne cette affaire, et demandez au Seigneur de lui pardonner s’il a manqué de zèle, d’énergie ou d’esprit de prière. Priez surtout pour qu’à l’avenir il lui soit donné de prêcher comme pour la dernière fois, — comme un mourant à des mourants.
Tandis que je questionnais le chrétien tout à l’heure, il me semblait entendre l’homme moral me répondre : « Ce que j’ai fait ? Moi ? Mais … tout ce que j’avais à faire. Il vous est loisible à vous, Monsieur le prédicateur, de monter dans votre chaire et de m’entretenir de péché et du reste. Mais je vous répète que j’ai fait tout ce qu’il était de mon devoir de faire. Je me suis rendu à mon église ou à ma chapelle aussi régulièrement qu’il est possible à une âme vivante. Je n’ai jamais omis de lire la Parole de Dieu à mon culte de famille, ni de faire mes prières le soir en me couchant et le matin en me levant. Je ne dois rien à personne, que je sache, et je n’ai jamais agi durement envers qui que ce soit. J’ai toujours fait une large part aux pauvres, et, si les bonnes œuvres ont quelque valeur aux yeux de Dieu, j’estime avoir fait beaucoup. » — Très bien ! Mon ami ; à merveille, si les bonnes œuvres ont quelque valeur aux yeux de Dieu ; mais le malheur, c’est précisément qu’elles n’en ont aucune ; car, dès que nos bonnes œuvres sont faites pour nous sauver, elles ont exactement la même valeur que nos péchés.
Prétendre gagner le ciel par des bonnes œuvres, autant vaudrait prétendre l’obtenir à force de jurements et de blasphèmes ; car, quoiqu’au point de vue de la morale les bonnes œuvres soient infiniment préférables aux jurements et aux blasphèmes, et quoiqu’il y ait aux yeux de Dieu infiniment moins de péché dans celles-là que dans ceux-ci, ces bonnes œuvres n’en sont pas moins tout aussi dépourvues de mérite devant Dieu que les jurements et les blasphèmes. Veuillez donc vous bien mettre dans l’esprit que tout ce que vous avez accompli pendant tant d’années et jusqu’à ce jour ne vous sert absolument de rien. — « Mais, Monsieur, je me suis aussi confié en Christ. » — Halte-là ! Mon ami. Entendez-vous dire que vous vous êtes confié en partie sur Christ et en partie sur vos bonnes œuvres ? — « Mais, oui Monsieur. » — Hé bien ! Permettez-moi de vous apprendre que le Seigneur Jésus-Christ ne consent pas à jouer le rôle de supplément. Il vous faut accepter Christ pleinement ou vous résigner à vous passer de Lui, car Il ne consentira jamais à partager avec vous la gloire de vous sauver. Ainsi donc, je vous le répète, tout ce que vous avez fait jusqu’ici est de nulle valeur. Vous avez bâti un édifice fondé sur le sable — véritable maison de cartes — dont les vents et l’ouragan feront disparaître jusqu’à la trace. Écoutez donc la Parole du Seigneur : « Personne ne sera justifié par les œuvres de la loi ». — « Maudit est quiconque ne persévère dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi, pour les faire. » Et par cela seul que vous n’avez pas persévéré dans l’accomplissement de toutes ces choses, vous êtes transgresseurs de la loi, vous êtes sous la malédiction, et cette loi n’a qu’un mot à vous dire en réponse à toutes vos allégations : « Maudit ! Maudit ! Maudit ! » Votre moralité ne vous sera d’aucun secours pour votre salut éternel.
Mais deux mots aussi à vous qui me dites : « Hé bien, soit ! Je ne mets aucune confiance dans ma moralité, ni en quoique ce soit ; je m’écrie : laissez-moi, sombres pensées ! Qu’ai-je à m’inquiéter de l’éternité comme vous m’y invitez ? — Mais, Monsieur, je ne suis pas le moins du monde un méchant homme ; si j’ai pu faillir, ce n’est qu’en fort peu de chose : une petite peccadille par ci, par là, à peine une petite folie par hasard ; mais rien, absolument rien qui puisse m’être reproché par mes concitoyens ou mes amis, ni même par ma conscience. Je ne suis pas, il est vrai, de vos saints ; je ne prétends nullement à pareille perfection. J’ai été quelquefois un peu trop loin peut-être, mais ce n’est qu’un peu, et je suis assuré que tout cela pourra se régler à l’amiable avant que la fin vienne. » — Très bien ! Monsieur ; mais j’aurais désiré que vous vous soyez posé la question de mon texte : « Qu’ai-je fait ? » Je suis persuadé que si chacun de vous tous voulait arracher ce voile qui recouvre son cœur et sa vie tout entière, vous apercevriez au-dessous de vos œuvres une hideuse lèpre qui vous ronge.
« Oh ! La belle affaire, en vérité ! » s’écrie quelqu’un. « Parce que j’aurai peut-être pris, à l’occasion, un ou deux verres de trop ! Hé bien ! Après ! » — Un moment, Monsieur ! Comment nommez-vous cela ? … Vous avez beau ouvrir de grands yeux étonnés ; voyons, parlez ! Comment cela s’appelle-t-il ? — « Oh ! Ce n’est qu’un peu de gaîté, Monsieur. » — Non, articulez-moi, vous dis-je, le véritable nom de cette chose-là. Comment l’appelez-vous quand vous l’observez chez quelqu’autre ? Ivrognerie, je pense. Bien ! Et d’une.
Et vous, n’avez-vous rien fait non plus ? — « J’ai parlé un peu légèrement, parfois. » — Et qu’est-ce que cela ? — « Ce n’est qu’un mot de plaisanterie. » — À la bonne heure ! Mais ayez la bonté de l’appeler comme cela doit être appelé : conversation obscène. Prenez-en note. — « Oh ! Non, Monsieur, cela devient trop sérieux. » — En effet, Monsieur ; mais cela ne devient pas plus sérieux que ce ne l’est en réalité.
Dites-moi encore : n’êtes-vous jamais allé en course de plaisir le dimanche ? — « Oh ! Oui, mais seulement de temps à autre, quelques fois à peine. » — Comme vous voudrez ; seulement notons encore ce point, je vous prie, et nous examinerons ensuite la liste. Comment cela s’appelle-t-il ? Violation du dimanche, n’est-ce pas ? — « Arrêtez, Monsieur, vous écriez-vous, je n’ai pas été plus loin ; certainement, je ne suis jamais allé plus loin ! » — Permettez : j’imagine, que dans le cours de votre vie dans telle ou telle occasion, vous vous êtes permis quelquefois de citer dans vos conversations des textes de l’Écriture en plaisantant ; n’est-il pas vrai ? Dans d’autres circonstances, où quelque chose vous étonnait, vous vous êtes écrié : « Dieu me pardonne ! » ou l’équivalent. Je ne veux pas supposer que vous prononciez des jurements ; mais il est aussi certaines manières chrétiennes de jurer que certaines gens adoptent dans la persuasion que ces jurements ne sont pas précisément des jurements. Or, comme personne ne saurait de quel autre nom les désigner, nous les inscrirons : Jurements. — « Mais, Monsieur, ce n’était que lorsque quelqu’un me marchait sur le pied, ou dans un mouvement de colère. » — N’importe ! Notez-le sous son véritable nom. Vous allez voir la belle liste de péchés que nous aurons à vous présenter dans quelques instants !
M’assurez-vous que dans votre commerce vous ne frelatez jamais vos marchandises ? — « Ah ! Pour cela, Monsieur, c’est affaire de commerce, et vous n’avez rien à y voir. » — Cependant j’ai envie de m’en mêler, et, s’il vous plaît, nous le noterons aussi sous son titre légitime : vol.
Je présume que vous ne vous êtes jamais montré impitoyable envers un débiteur. Vous n’avez jamais regretté votre pauvreté, ni même désiré (ou presque désiré) que votre voisin de boutique perde la moitié de sa clientèle pour qu’elle vienne à vous ? Vous ne répondez pas … Hé bien ! Nous le noterons encore en l’appelant par son nom : c’est de la convoitise, qui est une idolâtrie.
La liste me paraît déjà bien noire, en vérité ! … Voyons encore : comment avez-vous passé cette année ? Vous prétendez avoir dit vos prières, mais je vous demande si vous avez réellement prié ? Vous avez quelquefois lu votre Bible et suivi les prédications ; mais, en définitive, n’avez-vous pas laissé tout cela s’évanouir ? En ce cas, je vous demande si cela ne s’appelle pas mépriser Dieu, et sous quel autre nom nous pourrions le noter ?
Bientôt, nous ne pourrons guère aller plus loin, car notre liste offre déjà une somme de péchés effrayante, et bien peu d’entre nous pourront échapper à d’aussi graves reproches, pour peu que nos consciences soient éveillées. Mais voici un homme âgé devenu entièrement indifférent à tout ce qui est moralité ; il se lève et me dit d’un air moqueur : « Ah ! Jeune homme, vous voulez savoir tout ce que j’ai fait pendant cette année ? Je vais vous instruire. » — Pardon, Monsieur, je devine déjà suffisamment, et pour le moment je préfère n’en pas savoir davantage. Vous pourrez vous le raconter à vous-même en rentrant dans votre maison. Nous avons autour de nous des jeunes gens, et le récit que vous alliez faire ne serait peut-être pas propre à les édifier. Certaines gens disent de vous que vous n’êtes pas pire que d’autres, ce qui signifie que vous êtes déjà assez mauvais pour qu’ils préfèrent ne pas dire ce que vous êtes. — Croyez-vous donc que dans cette enceinte nous n’ayons jamais de débauchés et de malheureux qui s’adonnent à toutes les plus viles luxures de la chair ? Il me semble voir voler en ce moment les anges du Seigneur au milieu de cette assemblée et poser leur main sur la conscience de plusieurs pour leur révéler les iniquités dans lesquelles ils se sont plongés jusqu’ici. Ah ! Puisse cette simple allusion à ce genre de crimes suffire, par la grâce de Dieu, pour vous réveiller en sursaut. Oui ! Ces crimes, vous pouvez les cacher, vous pouvez les enfouir dans les épaisses ténèbres du passé et vous rassurer par la pensée qu’on ne les retrouvera jamais ; mais sachez bien qu’au jour des grandes rétributions finales tout ce qu’il y a de plus secret sera proclamé en plein soleil, à la face des hommes et des anges !
Et maintenant je voudrais m’adresser plus spécialement à l’homme inconverti et l’aider à répondre à cette question sous un autre point de vue : « Qu’ai-je fait ? » Ô homme, qui vis dans le péché, qui aimes le plaisir bien plus que ton Dieu, qu’as-tu fait ? Sais-tu bien ou bien aurais-tu oublié que pour damner une âme il suffit d’un seul péché ? N’as-tu jamais lu dans l’Écriture que maudit est quiconque pèche, ne serait-ce qu’une fois ? À quel degré de damnation n’es-tu donc pas descendu par suite de tous les péchés que tu as accomplis dans ta vie ? Rappelle-toi, je t’en supplie, ces myriades de transgressions de ta jeunesse et ces autres myriades de ta puberté et de ton âge mur ; et si une seule transgression pouvait déjà ruiner ton âme, quelle ruine que la tienne en ce moment ! Ô homme ! Si une seule vague pouvait t’engloutir pour jamais, que deviendras-tu au milieu de cet océan d’iniquités ? Il suffit d’un témoin pour te condamner en cette affaire… : contemple les nuées de crimes qui sont déjà rassemblées contre toi autour du trône du jugement et qui sont allées t’y attendre ! Quand Dieu te sommera de comparaître à ton tour, comment échapperas-tu à leur témoignage accusateur ? — Qu’as tu fait ? Ô homme ! Réponds à cette question terrible. Ton péché a engendré une foule de conséquences, et pour répondre convenablement à cette question, il te faut y répondre sur chacune de ces conséquences. Qu’as-tu fait à ton âme ? Tu l’as détruite ; tu as fait tout ce qu’il fallait pour la ruiner éternellement ; tu lui as creusé une prison dont elle ne pourra plus sortir ; tu lui as préparé un bûcher ardent ; tu lui as forgé des chaînes de fer, des chaînes, dis-je, pour la lier éternellement sur ce bûcher et un bûcher pour la brûler aux siècles des siècles !
Souviens-toi que les péchés sont comme la semence qui prépare la moisson : quelle moisson que celle que tu as préparée à ta pauvre âme ! Tu as semé le vent et tu récolteras le tourbillon ; tu as semé l’iniquité et tu récolteras la damnation. — Et puis, qu’as-tu fait contre l’Évangile ? … Combien de fois ne l’as-tu pas entendu prêcher pendant ta vie ! Hélas, depuis ton enfance, c’est par centaines que l’on peut compter les sermons vainement prêchés à tes oreilles. Pendant ta jeunesse, tes parents ont prié pour toi ; ils t’ont fait instruire jusqu’à ta puberté : depuis lors, que de larmes tu as fait verser à ton pasteur ! Que d’appels pressants ont été enfoncés comme autant de dards dans ta conscience ! Mais tu as toujours retiré le fer. Les ministres du Seigneur ont été rongés d’angoisse au sujet de ton salut, tandis que toi-même tu ne t’en inquiétais nullement. — Qu’as-tu fait contre Christ ? … Christ, ne l’oublie pas, a été ici pour nous un doux et tendre Sauveur, et, de même que l’huile, cette plus douce des substances, est celle aussi qui brûle le mieux, de même aussi personne ne sera plus enflammé de sainte colère que l’Homme doux et humble de cœur, alors qu’il viendra pour te juger. L’amour qui a été méprisé est plus terrible que le lion qui fond sur sa proie. Si tu as méprisé Jésus sur sa croix, attends-toi à un jugement terrible de la part de Jésus sur son trône.
Encore un mot. Qu’avez-vous fait pour vos enfants ? … Oh ! Il y en a plus d’un ici qui ont fait tout ce qu’il était possible de faire pour perdre l’âme de leurs enfants ! Qu’elle est grande et solennelle la responsabilité qui pèse sur chaque père ! Et que dire de la responsabilité d’un père qui se livre à l’ivrognerie ? D’un père qui, par son exemple, enseigne à ses enfants à s’enivrer ? — Jureurs et blasphémateurs, qu’avez-vous fait pour votre famille ? N’avez-vous pas, vous aussi, tordu les cordages qui les entraîneront dans l’éternelle destruction ? N’est-il pas à craindre qu’ils ne suivent votre exemple ? — Mère de famille, tu as plusieurs enfants, et tu n’as encore prié pour aucun d’eux ! Tu ne les as jamais entourés de tes bras, le soir, lorsqu’à genoux, devant leur petite chaise, ils disaient : « Notre Père, qui es aux cieux ! » Tu ne leur as jamais parlé de Jésus qui aime tant les petits enfants, et qui autrefois s’est fait petit enfant, semblable à eux. Vous avez donc aussi négligé vos enfants ! … Je me souviens d’une humble mère qui se convertit au Seigneur dans sa vieillesse et qui me disait d’un accent que je n’oublierai jamais : « Dieu m’a pardonnée, mais jamais je ne me pardonnerai moi-même, car j’ai nourri et élevé des enfants, mais sans leur inspirer jamais le respect de la religion. » — Puis, éclatant en sanglots, elle ajoutait : « J’ai été une mère cruelle, Monsieur ; j’ai été un monstre, et non une mère ! » — Mais, lui dis-je, vous les avez élevés cependant. — « Oui, reprit-elle, mon mari mourut alors qu’ils étaient encore bien jeunes, et il m’en laissait six à soigner. Ces mains ont suffi à tous leurs besoins ; ils ont eu du pain et des vêtements ; personne ne peut dire que je ne les aie point aimés sous ce rapport ; mais, voici le crime, voici où a été ma cruauté : j’ai nourri leur corps et n’ai rien fait pour la vie de leur âme ! »
Mais n’y en a-t-il pas ici de plus coupables encore ? Ah ! Jeune homme, non seulement tu as fait jusqu’ici tout ce que tu pouvais pour damner ton âme, mais tu as fait de plus tous tes efforts pour damner celle de bien d’autres ! Souviens-toi de ce jeune garçon que tu conduisis, pour la première fois, il n’y a pas longtemps, dans un cabaret, te moquant de ses scrupules de novice (comme tu les appelais) et l’invitant à boire hardiment comme toi. Souviens-toi de cette nuit où, à la faveur des ténèbres, tu te fis l’instrument du démon pour faire succomber à la tentation cet autre jeune homme, dont la vie jusqu’alors avait été exempte de souillure et qui apprit de toi à connaître la fornication. Tu lui disais : « Viens avec moi, et je te montrerai comment on vit en homme fait ; je te ferai goûter des plaisirs inconnus ». Avant cette funeste rencontre, ce jeune homme allait le dimanche dans la maison de Dieu et semblait prendre le chemin du ciel ; et maintenant tu te vantes d’avoir chassé de son cœur toute pensée sérieuse à force de sarcasmes et de moqueries ! Tu te fais gloire de ce qu’il ne va plus à aucune maison de prière le dimanche, excepté par plaisanterie, et tu dis : « Aujourd’hui il est aussi gai que qui ce soit de nous tous ! » Malheureux ! Malheureux ! Pour toi, l’enfer sera doublement ardent ; tu auras à subir ses tourments et les tiens. À travers les flammes livides du grand abîme, il regardera vers toi et te criera d’une voix stridente : « Qui sait ! Sans toi, je ne serais pas ici ! » Malheureux ! Au milieu des horreurs de la géhenne, subir un pareil regard ! — le regard d’une victime de tes séductions ! — Oh ! Supplice effroyable et qui confond toute pensée ! Ces deux yeux fixés sur toi, comme deux étoiles flamboyantes et dont le funèbre éclat ne fera que grandir toujours ; ces deux yeux dardant la rage et jetant l’épouvante dans ton âme ne seront-ils pas déjà à eux seuls pour toi un double enfer ? — Ah ! Vous qui en avez fait tomber d’autres dans le péché, écoutez et tremblez ! … Moi qui vous parle, j’ai tremblé aussi lorsque pour la première fois je connus le Sauveur, et j’ai prié mon Dieu de m’aider à ramener à Lui ceux que j’en avais éloignés en quelque manière que ce soit. Cela me rappelle que dans sa première prière George Whitefield demanda aussi à Dieu de convertir tous ceux avec lesquels il avait précédemment violé le sabbat en jouant aux cartes. « Et, béni soit Dieu, dit-il, je les ai tous retrouvés et ramenés. »
Ô mon Dieu ! Ne puis-je découvrir sur quelques-uns des visages qui m’entourent l’expression de la terreur et de l’épouvante ? Est-ce que vos genoux ne s’entrechoquent pas ? Est-ce que votre cœur ne défaille point en vous à la pensée de votre iniquité ? Assurément cela est impossible, à moins que vos cœurs ne soient de bronze et vos entrailles du fer le plus dur. Ah ! S’il en était ainsi, c’est bien alors que se trouverait vérifiée cette parole de Dieu : « La cigogne a connu dans les cieux ses saisons ; la tourterelle, l’hirondelle et la grue ont pris garde au temps qu’elles doivent venir, mais mon peuple n’a point connu le droit de l’Éternel » ; — et cette autre parole tirée d’un autre prophète : « Le bœuf connaît son possesseur et l’âne connaît la crèche de son maître ; mais mon peuple n’a point de connaissance ; Israël n’a point d’intelligence. » — Oh ! Seriez-vous donc descendus aussi près de la brute que de laisser de pareilles réflexions passer sur vous sans être glacés d’effroi ? Notre tâche à nous qui sentons nos iniquités est bien certainement alors de plier le genou devant Dieu pour vous, et de le supplier de vous amener à vous connaître vous-mêmes ; car, vivant comme vous vivez et mourant dans de telles dispositions, votre sort ne peut qu’être affreux au-delà de toute conception humaine ! …
Oh ! Que je serais heureux si je pouvais penser que la plupart d’entre vous consentiront à me suivre dans cette humble confession de notre foi ! Que je puisse parler en votre nom, à tous ! Libre à vous d’accepter ou de rejeter ce que je vais dire ; mais j’espère que le plus grand nombre répétera mes paroles en son cœur : « Ô Seigneur ! Je te confesse en ce jour que mes péchés sont trop lourds, sont plus que je ne puis porter. J’ai encouru ta souveraine et éternelle réprobation, ta colère la plus terrible, et c’est à peine si j’ose croire que tu puisses jamais me pardonner ; mais, puisque tu as livré ton Fils unique à la mort de la croix pour les pécheurs, et puisque tu as dit : regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés, Seigneur, en ce moment, je regarde à Toi. Jusqu’ici je n’ai point voulu regarder à Toi, mais je regarde à Toi aujourd’hui. Jusqu’ici j’ai été l’esclave du péché, mais aujourd’hui, Seigneur, daigne m’accepter malgré mon péché, à cause du sang que ton Fils Jésus a versé sur la croix. Ô Père ! Ne me regarde pas dans ta juste indignation, quoique tu aies pleinement le droit de le faire, mais permets-moi d’évoquer devant ta face cette promesse : je ne mettrai dehors aucun de ceux qui viendront à moi. » Seigneur, je viens
« Tel que je suis, sans autre titre
Que le sang qui fut versé pour moi
Et ton ordre qui m’invite à venir.
Ô Agneau de Dieu, je viens ! »
(chant chrétien)
« Seigneur, pardonne-moi ! Seigneur, accepte-moi ! Prends-moi tel que je suis, afin que dès maintenant je sois ton serviteur tant que je vivrai, et afin que je sois compté parmi tes rachetés, au jour de ma mort ! »
Pouvez-vous dire ces paroles ? Est-ce que bien des cœurs ne les ont pas dites avec moi ? N’ai-je pas entendu plus d’une bouche les répéter à demi-voix ? Bon courage, mon frère ! Bon courage, ma sœur ! Si c’est du fond du cœur que vous avez parlé, vous êtes aussi en sûreté que les anges du ciel, car vous êtes enfants de Dieu et vous ne périrez jamais !
III.
Je n’ai plus à vous adresser que quelques mots de solennel avertissement, et j’aurai fini.
Que de réflexions sérieuses surgissent en nous quand nous considérons combien le temps passe vite ! L’année actuelle est de toutes celles que j’ai vécu la plus courte, et plus j’avance dans la vie, plus les années me semblent se raccourcir. Et vous, vieillards, qui embrassez d’un seul regard vos soixante ou soixante et dix ans, vous me dites sans doute : « Bientôt, bientôt, l’année vous paraîtra plus courte encore ! » — Oui, je vous crois. Ô Dieu ! Enseigne-nous donc à tellement compter nos jours, que nous sachions appliquer nos cœurs à la sagesse. Mais n’est-ce pas une chose bien sérieuse que de penser qu’une autre année va bientôt disparaître, et qu’un grand nombre d’entre vous ne sont pas encore sauvés ! Vous êtes exactement au même point que l’année passée, à pareille époque. Je me trompe : vous êtes plus près de la mort, et, à moins que vous ne vous repentiez, plus près de l’enfer. Qui sait même si ce que je vous ai dit aujourd’hui ne vous laissera pas insensibles ? Vous n’êtes cependant pas encore entièrement endurcis, car vous avez pleuré bien des fois à l’ouie de la prédication, et cependant tout cela n’a encore rien produit ; vous êtes restés tels quels. Je vous en prie, répondez à cette question : « Qu’ai-je fait ? » Ah ! Prenez garde ! Un temps vient où l’on se posera cette question, mais où il sera trop tard. — Quel temps, pensez-vous ? — Le lit de mort ? — Non ; au lit de mort il est encore temps.
« Tant que la lampe jette quelque lumière,
Le plus grand pécheur peut se tourner vers Dieu. »
Mais lorsque le dernier souffle de vie aura quitté votre corps alors il sera trop tard pour vous demander : « Qu’ai-je fait ? » — Voici un homme qui veut se détruire, il gravit précipitamment l’escalier d’une tour élevée, avec le projet arrêté de se précipiter du haut en bas. Le voici parvenu au faîte … Croyez-vous qu’après s’être élancé dans l’espace il se demandera : « Qu’ai-je fait ? » Il me semble que quelque esprit invisible lui répondrait en murmurant : « Ce que tu as fait ? Hélas ! Tu as fait ce que tu ne pourras plus défaire ! Tu es perdu — perdu, — PERDU ! » Hé bien ! Souvenez-vous que vous tous qui vivez sans Christ vous gravissez en ce moment cette haute tour. Demain peut-être vous vous trouverez en présence de la mort, au faîte de votre édifice, et quand la mort vous aura étreints de sa main de fer ; quand, du haut de cette tour, vous vous serez précipités dans l’abîme du désespoir, cette question : « Qu’ai-je fait ? » se présentera à vous dans toute son horreur. Quelle réponse faire alors ? Et à quoi servira-t-il d’y répondre, excepté pour augmenter l’horreur de votre situation ? — Il me semble voir une de ces âmes lancées ainsi dans l’éternité ; je l’entends se demander à elle-même : « Qu’ai-je fait ? » Elle voit s’ouvrir devant elle cette éternité qui n’aura jamais de fin, et elle se demande encore : « Qu’ai-je fait ? » Et voici retentir dans les airs la terrible réponse : « Tout ceci n’est que ton ouvrage ! Tu connaissais ton devoir, mais tu ne l’as pas accompli ; tu as été avertie, mais tu as méprisé les avertissements ! » — Entendez, oh ! Entendez le lamentable soliloque de l’âme réprouvée ! Voici : le grand et dernier jour est venu ; le trône du jugement se dresse au milieu des éclairs, et les livres sont ouverts. J’entends frémir les feuillets dans la main qui les tourne, et ce frémissement résonne jusqu’au fond de mes entrailles comme un glas funèbre. Sur un signe du Suprême Juge, je vois les âmes s’en aller les unes à la droite et les autres à la gauche, suivant la teneur du livre. — Ah ! Qu’ai-je fait ? Je sais d’avance que mon péché va être cause de mon éternelle condamnation, car je n’ai jamais cherché le Sauveur … Que vois-je ? Le Juge fixe ses regards sur moi. Mon tour est venu ! … Va-t-il me dire aussi : « Retire-toi de moi, maudit ! » Oh ! Plutôt que d’entendre cette parole, que ne puis-je être écrasé, anéanti pour toujours ! — Un grand silence se fait … Son doigt s’est levé ! … Je me sens arraché du milieu de la foule par une force irrésistible qui me traîne jusqu’à la barre. Me voilà tout seul devant Lui. Il ouvre la page de ma vie, et avant qu’il l’ait lue je me sens défaillir de terreur. « Tout y est encore », dit-il. « Rien n’a été effacé par mon sang. Tu as méprisé les appels de mon amour ; tu t’es moqué de mon peuple, tu as méprisé ma miséricorde, tu as préféré recevoir le salaire de tes iniquités ; eh bien ! Tu l’auras. Le salaire du péché, c’est la mort. » — Ah ! Malheur ! … Et va-t-il donc me dire : « Va-t-en, maudit !… » Oui ! D’une voix plus forte que dix mille tonnerres, il prononce ces paroles : « Va-t-en, maudit, au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges ! » — Oh ! Horreur ! Horreur ! C’était donc vrai ! Je souriais quand le ministre de Dieu parlait de l’enfer, et maintenant j’y suis moi-même ! Je m’étonnais qu’il essaye de m’épouvanter par ces peintures horribles, et la réalité est maintenant devant moi, plus terrible et plus épouvantable que toute peinture possible ! … Ah ! N’aurait-il pu m’effrayer ou me glacer de terreur au point de m’arracher à un sort si affreux ? Mais maintenant me voilà perdu et perdu sans espoir ! Me voilà plongé dans des ténèbres si profondes, que jamais, jamais un seul rayon de lumière ne parviendra plus jusqu’à moi. Je suis dans une prison si étroite et si bien fermée, que jamais, jamais un seul des mille verrous qui la ferment ne sortira de sa place. Oh ! Horreur ! Horreur ! Damné ! … et pour l’éternité ! …
Quel terrible soliloque ! Je ne puis vous le redire en entier. Ah ! Si vous pouviez y être vous-mêmes pendant un instant ; si vous pouviez éprouver ce que cette âme éprouve et comprendre tout ce qu’elle souffre, alors vous ne vous étonneriez plus de ce que je désire vous faire pleurer ; mais vous vous étonneriez, au contraire, que je ne vous prêche pas l’Évangile avec plus de ferveur et que je ne pleure pas davantage moi-même sur vos âmes. Ah ! Chers auditeurs, aussi vrai que l’Éternel mon Dieu, devant lequel je me tiens, est vivant, aussi vrai que je comparaîtrai un jour devant vous là-haut, — et votre conscience me rendra ce témoignage que je vous ai fidèlement annoncé tout le conseil de Dieu, — vous tous qui avez entendu mes paroles aujourd’hui, vous serez sans excuse au dernier jour, si vous ne vous convertissez pas. Vous êtes avertis ; je vous ai avertis avec tout le sérieux dont je suis capable ; tout ce que j’ai de puissance, d’art ou de tendresse pour persuader, je l’ai dépensé pour vous aujourd’hui, et je ne puis ajouter qu’un cri suppliant : Oh ! Réfugiez-vous en Christ ! Je vous en conjure, âmes immortelles, qui êtes destinées ou à une félicité ou à un malheur infini et sans terme, réfugiez-vous en Christ ! Votre pardon est dans sa main ; confiez-vous en Lui et soyez sauvées ! — Si vous rejetez cette supplication, c’est à votre péril. Si vous me rejetez, sachez que ce n’est pas moi que vous rejetez, mais bien Celui qui m’a envoyé. Si vous me méprisez, ce n’est pas moi que vous méprisez, mais bien Celui qui est plus grand que Moïse, savoir : Jésus-Christ, le Seigneur ; et si vous comparaissez devant son tribunal sans vous être rendus à ses appels, ah ! Qu’elle sera terrible sa voix, qu’elles seront effrayantes ses paroles, lorsqu’il vous condamnera pour toujours ! … pour toujours ! … pour toujours ! — Que Dieu nous délivre d’un sort si affreux, par Jésus-Christ ! Amen.
163 - SOUVERAINETÉ ET SALUT ?
« Vous tous les bouts de la terre, regardez à moi, et soyez sauvés ; car je suis le Dieu fort et il n’y en a point d’autre » (#Esa 45:22).
Il y a six ans qu’en ce même jour et presque à cette même heure, en proie à la plus grande amertume et captif encore dans les liens de l’iniquité, je commençais déjà à sentir, par l’effet de la grâce divine, toute la misère et toute l’horreur de ma position, et à pousser des cris de détresse pour maudire ce douloureux et intolérable esclavage. Cherchant du repos, mais ne pouvant en trouver, j’entrai dans la maison de Dieu, et là je m’assis sur un banc, n’osant pas même lever les yeux, de crainte d’être aussitôt consumé par le juste et redoutable courroux du Tout-Puissant. Le pasteur monta en chaire et lut cette parole : « Vous tous les bouts de la terre, regardez à moi, et soyez sauvés ; car je suis le Dieu fort et il n’y en a point d’autre ». Aussitôt je levai les yeux ; la foi me fut donnée en ce moment même, et aujourd’hui je crois pouvoir dire avec vérité :
« Par la foi j’ai vu depuis lors
Le fleuve de vie découlant de ses blessures ;
Depuis lors j’ai chanté l’amour de mon Rédempteur
Et veux le chanter jusqu’à mon dernier soupir. »
Jamais, non jamais, aussi longtemps que j’aurai la faculté de me souvenir, ce jour ne s’effacera de ma mémoire. Chaque fois que cette heure bénie se représente à ma pensée, je ne puis m’empêcher de redire les paroles de ce texte qui m’a fait connaître pour la première fois mon Seigneur. Quelle étrange bonté ! Quelle grâce merveilleusement surprenante et miséricordieuse que celle par laquelle Il a voulu que le même homme, frappé à salut par ces paroles il y a si peu d’années, se trouve aujourd’hui dans cette chaire et vous les annonce avec l’humble mais ferme espérance que quelque pauvre pécheur recueillera dans son cœur la glorieuse nouvelle du salut et échangera en ce même jour les ténèbres de sa vie passée contre la lumière de la foi, le royaume de Satan contre le royaume de Dieu !
S’il était au pouvoir de la pensée humaine de concevoir un temps antérieur au temps lui-même, un temps où Dieu existait seul, avant la naissance d’aucune créature, nous posséderions alors la plus grandiose et la plus sublime conception de la Divinité. Il a été en effet un temps où le soleil n’avait pas encore commencé sa course et où ses rayons n’avaient point encore traversé les espaces, ni réchauffé et réjoui la terre ; il a été un temps où les astres ne scintillaient point dans le firmament et où l’océan d’azur dans lequel ils flottent n’existait pas non plus. Il a été un temps, dis-je, où tout ce que nous voyons de l’immense univers était encore à naître et gisait à l’état de simple pensée dans les mystérieuses et insondables profondeurs de la Pensée éternelle. Néanmoins, Dieu existait déjà et Il était déjà le Dieu béni sur toutes choses éternellement. Quoique les légions séraphiques n’aient pas encore fait les cieux de leurs hymnes ; quoique les chérubins n’aient pas encore déployé leurs brillantes ailes pour voler et accomplir ses suprêmes volontés ; quoique ce Monarque éternel n’ait point encore de cour, néanmoins Il était, déjà alors, assis sur son trône — ce Dieu tout-puissant et éternellement digne de toute adoration, — ce trois fois Saint, Roi des rois ! Enveloppé en silence dans sa gloire ineffable, au sein de l’immensité, faisant des placides nuées sa tente, Il remplissait déjà l’infini de la splendeur de sa face et de l’intarissable éclat de sa majesté divine.
Dieu a été, Dieu est ; Il est Dieu d’éternité en éternité, et Il existait déjà avant l’origine des mondes. S’il est venu enfin un moment où ce Dieu a condescendu à appeler ses créatures à la vie, ne sentez-vous pas combien ces créatures doivent être infiniment au-dessous de leur Auteur ? Si vous êtes potier et si d’un morceau d’argile vous formez sur votre roue un vase quelconque, ce vase pourra-t-il s’enorgueillir au point de contester avec vous comme avec son égal ? À quelle distance au-dessous de vous ne sera-t-il pas au contraire, puisque vous êtes en quelque manière son créateur ! Et quand l’Éternel, le Tout-Puissant a formé ses créatures, n’était-ce pas de leur part le comble de l’impudence que de se comparer à Lui, même de loin ? C’est là pourtant ce qu’a tenté de faire ce roi des traîtres, ce grand chef des rebelles, Satan ! Il a essayé de poser son pied sacrilège sur les marches du trône du Souverain, et aussitôt, précipité de ces hauteurs trop sublimes pour lui, il s’est trouvé plongé dans les enfers, sans pouvoir même, dans ces lugubres profondeurs, échapper à la vengeance d’un Dieu justement courroucé. Il sait bien, lui, que l’Éternel est Dieu et que Lui seul est Dieu !
Peu après la création de ce monde, l’homme a voulu imiter Satan. La créature d’un jour, cet insecte de l’univers, a voulu s’égaler au Seigneur ! Aussi, le but souverain de Jéhovah a-t-il été, depuis lors, d’enseigner à l’homme que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Depuis lors, en effet, telle a été la grande leçon enseignée aux créatures terrestres par le Créateur, et c’est pour cela qu’il n’a cessé de combler les vallées, d’aplanir les coteaux, d’humilier toute pensée présomptueuse et de confondre tout regard orgueilleux.
Notre devoir est donc de montrer ici comment Dieu a enseigné aux hommes cette importante vérité, à savoir : qu’« Il est le Dieu fort et qu’il n’y en a point d’autre » ; et, en second lieu, la manière particulière par laquelle Il l’enseigne en ce qui concerne le salut : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés, car je suis le Dieu fort et il n’y en a point d’autre ».
I.
Et d’abord, comment Dieu a-t-Il enseigné cette leçon aux hommes ?
En la leur enseignant, avant tout, à l’égard des faux dieux et de leurs adorateurs. — L’homme, en effet, dans sa dépravation et son péché, s’est fait des dieux de bois et de pierre, puis s’est prosterné pour les adorer. Il a choisi le tronc d’arbre et il l’a façonné à l’image de l’homme mortel, ou à celle d’un poisson de la mer ou d’un reptile de la terre ; puis il a courbé son front et prostitué son âme devant ce travail de ses propres mains, lui donnant le titre de dieu, quoiqu’il n’eût ni des yeux pour voir, ni des mains pour saisir, ni des oreilles pour entendre.
Considérez maintenant dans quel mépris l’Éternel a enseveli toutes les divinités de l’ancien paganisme ! Où sont-elles aujourd’hui ? Leurs noms même ne sont-ils pas presque tous oubliés ? Où sont-elles ces idoles sans nombre devant lesquelles s’inclinaient les innombrables multitudes qui habitaient Ninive ? Allez le demander à la vermoulure et à la pourriture qui les ont dévorées, ou bien allez les chercher sous ces gigantesques amas de ruines où elles sont ensevelies, ou bien encore venez en voir les restes mutilés dans nos musées, où on les livre aux regards des curieux et des savants et où vous sourirez de pitié en pensant que jadis des hommes ont pu adorer de si hideuses figures. — Et les dieux de la Perse, où sont-ils ? Voici : le feu de leurs autels est à jamais éteint et les adorateurs du feu ont disparu de la face de la terre. — Et les dieux de la Grèce, où sont-ils ? Où sont ces belles et gracieuses divinités toutes pleines de la plus charmante poésie et qui inspirèrent les plus célèbres épopées ? Où sont-elles ? … Elles ont passé ! On n’en parle plus que comme d’un souvenir des temps anciens. Jupiter ? Qui songe aujourd’hui à se prosterner devant lui, ou qui songe à adorer Saturne ? Ils ont fait leur temps et on les a oubliés. — Et les dieux de l’antique Rome, où sont-ils ? Le temple de Janus s’ouvre-t-il et se ferme-t-il encore ? Les vestales entretiennent-elles pieusement quelque part leur feu sacré ? Connaissez-vous quelqu’un qui veuille encore adorer ces déesses ? Non ! Elles ont été culbutées du haut de leur trône.
Savez-vous aussi ce que sont devenus les dieux vénérés autrefois dans les îles de la mer du Sud — véritables démons — devant lesquels de misérables créatures humaines se prosternaient il n’y a pas longtemps ? Ils sont presque entièrement oubliés. — Demandez aux habitants de la Chine et de la Polynésie de vous indiquer ce que sont devenus les dieux devant lesquels ils s’inclinaient. Demandez ! Demandez ! … Et seuls les échos lointains répondront : Demandez ! Demandez ! … Ils ont été arrachés de leurs temples et mis en pièces. Le piédestal de leur statue a été renversé ; leur chariot a été brisé ; leur sceptre est tombé, de leur main, et leur gloire n’est plus. L’Éternel a remporté la victoire sur les fausses divinités et a démontré à leurs adorateurs que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Reste-t-il sur la terre des faux dieux ou des idoles devant lesquelles les nations se prosternent de nos jours ? … Attendez quelque temps, et vous les verrez tomber à leur tour. La cruelle idole de Jaggernaut, dont le char écrase encore les Indous qui se couchent sous ses roues, sera bientôt l’objet de l’universel mépris. Bientôt les plus célèbres divinités de l’Orient moderne, Budha, Brahma et Vischnou, tomberont à terre, seront foulées aux pieds et traînées dans la fange des rues ; car l’Éternel veut enseigner aux hommes cette solennelle vérité que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Observez maintenant comment l’Éternel a su enseigner cette même vérité aux nations. De puissants empires se sont formés sur la terre et ont été comme les dieux de leur époque. Leurs rois et leurs princes se sont arrogé des titres divins, et les multitudes se sont prosternées devant eux. Mais demandez aux empires s’il est d’autres dieux que l’Éternel. Il me semble entendre ici les orgueilleuses paroles de Babylone : « Je suis reine ; je ne suis pas veuve. Je n’aurai point de détresse. Je suis dieu et il n’en est point d’autre que moi. » — Allez, promenez-vous parmi les ruines de la grande cité, et, au milieu de ses innombrables débris, vous verrez se dresser l’esprit prophétique de l’Écriture Sainte — vieux prophète aux cheveux blancs — répétant d’une voix solennelle ces paroles : « L’Éternel seul est Dieu et il n’y en a point d’autre ». — Allez auprès de Babylone, gravissez les monticules de sable qui recouvrent ses cendres ; allez auprès de Ninive, et du haut de ses monceaux de ruines vous entendrez la même voix disant : « Il n’y a qu’un Dieu, et devant Lui les empires se prosternent ; il n’y a qu’un seul Potentat suprême, et devant Lui les rois et les princes de la terre, avec toutes leurs dynasties et leurs trônes, s’inclinent et rentrent dans la poudre au seul bruit de ses pas ». — Allez-vous asseoir dans les temples de l’ancienne Grèce. Vous souvenez-vous des orgueilleuses paroles qu’Alexandre prononçait autrefois ? Où est-il aujourd’hui et où est son empire ? Asseyez-vous sur les arches rompues de l’ancien pont de Carthage, ou bien promenez vos pas dans les théâtres déserts de la vieille Rome, et la brise, en se jouant autour de ces murailles désolées et couvertes de lierre, vous apportera le son de ces paroles : « Je suis Dieu et il n’y en a point d’autre que moi ». — Ô puissante cité ! Tu te disais éternelle ; voici, je t’ai fait fondre comme on fond la cire ; tu as passé comme la rosée au matin. Tu avais dit : « Je suis assise sur sept collines et je vivrai à jamais. » ; voici, je t’ai broyée et réduite en poussière, et tu n’es plus que l’ombre de ce que tu étais. Au commencement, tu étais bâtie en pierre ; plus tard tu t’étais rebâtie en marbre ; voici, je t’ai réduite en poudre et t’ai humiliée jusqu’à terre. Oh ! Avec quelle terrible éloquence l’Éternel a enseigné aux monarchies et aux empires qui essayaient d’usurper sa puissance et sa gloire que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre !
Disons aussi comment Dieu a enseigné cette leçon aux monarques. Plus leur fol orgueil était grand, plus la leçon a été dure. Prenez, par exemple, Nebuchadnetzar. Le voici, la tête ceinte de son diadème et recouvert de sa royale pourpre ; il se promène au milieu des palais de Babylone et s’écrie : « N’est-ce pas ici cette grande Babylone que j’ai bâtie ? » Voyez maintenant, dans ces champs, cette bête qui broute : c’est un homme que vous voyez là ! — Un homme, dites-vous? … Mais ses cheveux sont devenus comme le poil d’un ours et ses ongles sont semblables aux serres d’un vautour ; il marche à quatre pattes et se repaît de l’herbe des champs, comme un bœuf ! Les hommes en ont peur et le pourchassent… — Hé bien ! Oui, c’est là ce monarque qui disait : « N’est-ce pas ici cette grande Babylone que j’ai bâtie ? » Mais bientôt il va être rendu à lui-même et il rentrera dans son palais de Babylone, afin d’y louer, « d’y exalter, d’y glorifier le Roi des cieux, qui peut abaisser ceux qui marchent avec orgueil ».
Prenez un autre monarque, Hérode. Il est assis dans toute sa gloire au milieu de son peuple, et il parle. Entendez-vous le cri impie que mille voix répètent : « Voix d’un dieu, et non d’un homme ! » Le monarque insensé ne donne pas gloire à Dieu. Il affecte l’attitude d’un dieu ; on dirait qu’il va ébranler les cieux et la terre, tant il croit déjà à sa divinité ! Mais voici un ver qui pénètre dans son corps, puis un autre, puis d’autres encore, et avant la fin du jour ces vers rongent déjà le monarque tout vivant. — Pauvre roi ! Tu te croyais un dieu, et les vers rongent tes chairs ! Tu te croyais plus qu’un homme, et qu’es-tu maintenant ? Moins qu’un homme, un cadavre vivant que les vers dévorent. Voilà comment Dieu humilie les orgueilleux et comment Il abaisse les puissants !
Nous pourrions citer d’autres exemples tirés de l’histoire moderne ; mais à elle seule la mort d’un roi ne suffit-elle pas pour enseigner cette leçon à tout homme qui veut la comprendre ? Chaque fois qu’un roi vient à mourir et qu’en grande pompe on confie sa dépouille au silence du tombeau, ce spectacle nous enseigne que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Chaque fois que nous entendons parler de révolutions, d’empires ébranlés ; chaque fois que nous voyons chanceler d’anciennes dynasties, et que des rois déjà couverts de cheveux gris sont chassés de leur trône, on semble voir l’Éternel posant son, pied sur la terre et prononçant avec un geste menaçant ces paroles : « Entendez-le, habitants de la terre ! Vous n’êtes que comme des sauterelles, et c’est moi seul qui suis Dieu et il n’y en a point d’autre. »
Enfin, cette solennelle leçon est enseignée aussi et d’une façon éclatante aux sages de la terre, car si la pompe, la grandeur et la puissance ont usurpé la place de Dieu, la prétendue sagesse cherche aussi à la lui ravir. La sagesse humaine a toujours été l’un des ennemis de Dieu les plus acharnés ; elle ne veut pas le voir, « Se disant sages, ils sont devenus fous. » Hé bien ! En lisant l’histoire, n’avez-vous pas été frappés de la manière dont Dieu confond l’orgueil du savoir ? Dans les temps antiques, il avait donné au monde des esprits d’une rare puissance, qui ont enfanté des systèmes de philosophie qu’ils pensaient devoir durer éternellement. Leurs élèves les croyaient infaillibles et ont transcrit leurs précieuses paroles sur de forts parchemins, en ajoutant cette prédiction : « Ce livre vivra perpétuellement ; d’âge en âge les générations se le transmettront et le légueront au dernier des hommes, comme le résumé de la véritable sagesse ». — « Dans moins de cent ans, a répondu l’Éternel, la folie de ton livre sera reconnue de tous. » Et voilà pourquoi les mémorables et profondes paroles de Socrate et toute la sagesse de Solon sont oubliées aujourd’hui. Si de tels hommes pouvaient encore parler, un simple enfant de nos écoles rirait de voir qu’il en sait plus qu’eux en fait de philosophie.
Mais, au lieu de comprendre le sens de cette leçon, l’homme n’a pas plus tôt découvert le défaut d’un système qu’il s’engoue pour un autre. Si Aristote ne suffit pas, il se tourne vers Bacon, en se disant : « Je finirai enfin par tout savoir ». Il se remet donc à l’œuvre et se berce de l’espoir que cette philosophie nouvelle sera éternelle. Il commence à reconstruire l’édifice de sa pensée avec entrain, convaincu que chacune de ces vérités qu’il admire est une vérité immortelle. Mais, hélas, un nouveau siècle arrive, et tout cet échafaudage se trouve être de paille, de bois ou de chaume ; une autre secte philosophique paraît, qui réfute la précédente. De nos jours encore, nous avons nos grands penseurs, nos esprits forts, qui croient posséder la vérité immuable ; mais dans quelque cinquante années d’ici, que dis-je ! Avant même que mes cheveux se soient argentés par les ans, le dernier champion de cette docte phalange aura disparu, et l’on regardera même comme un insensé quiconque aura jamais trempé dans ses doctrines. Les systèmes des incrédules se succèdent et s’en vont comme les gouttelettes de rosée au lever du soleil, car l’Éternel a dit : « Je suis Dieu et il n’y en a point d’autre ». Cette Bible est une meule qui broie toutes les philosophies ; elle est la catapulte qui démolit les plus magnifiques systèmes ; elle est cette pierre avec laquelle une femme pourra toujours écraser un Abimélec. Ô Église de Dieu, ne crains rien ! Tu feras des choses merveilleuses, tu confondras la sagesse des sages et tu sauras que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Mais, vraiment, dira quelqu’un, l’Église de Dieu n’a pas besoin qu’on lui enseigne cette grande vérité ! — Oui, répondrons-nous, oui, elle en a besoin, car les êtres que Dieu a rendus les objets particuliers de son amour sont les plus enclins de tous à oublier ce principe fondamental de toute vérité, à savoir : que l’Éternel est Dieu et qu’il n’en est aucun autre. L’église de Canaan l’avait bien oublié, alors qu’elle se livrait à l’adoration des faux dieux et s’attirait les plus rudes châtiments. Les enfants d’Israël l’avaient bien oublié, alors que, pour les en punir, Dieu les fit emmener captifs en Babylonie. Et, à l’instar des Juifs de Canaan et des Juifs de Babylone, nous l’oublions aussi, nous qui vivons en ces derniers temps. Nous aussi, nous perdons souvent de vue que l’Éternel est Dieu et qu’il n’y en à point d’autre. Le chrétien qui m’entend ne sait-il pas en ce moment de quoi je veux parler ? Ne l’a-t-il jamais oublié lui-même ? À une certaine époque de sa vie, il a été prospère ; un vent propice et caressant a poussé sa nacelle vers l’objet de ses désirs, et il s’est dit en lui-même : « Maintenant me voilà en paix ; je possède le bonheur. Ce que je désirais depuis si longtemps, ce que je poursuivais avec tant d’ardeur m’appartient enfin, et je puis dire à mon âme : mon âme repose-toi, mange, bois et te réjouis ; je suis pleinement satisfait de ce que j’ai obtenu ; faisons-en nos dieux et adorons-les à notre aise. » Et n’avons-nous pas vu alors la main du Tout-Puissant nous arracher la coupe, répandre toutes les douceurs qu’elle contenait et nous la rendre ensuite pleine de fiel ? Ne l’avons-nous pas entendu nous dire alors : « Bois, bois ! Tu croyais trouver un dieu sur la terre : bois cette coupe jusqu’à la lie et savoures-en toute l’amertume ! » Nous l’avons vidée cette coupe, et nous l’avons trouvée bien amère ; aussi nous sommes-nous écriés : « Assez, assez, Seigneur ! Je comprends maintenant que tu es Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. »
Que de fois aussi nous avons fait des projets pour l’avenir, sans demander la permission de Dieu. Nous avons agi souvent comme les insensés dont parle saint Jacques, qui disaient : « Nous ferons telle et telle chose demain ; nous achèterons, nous vendrons et nous ferons bon profit », tandis qu’ils ne savaient pas ce que le lendemain leur réservait ; car, avant qu’il se soit seulement levé sur eux, ils étaient déjà incapables d’acheter ou de vendre ; la mort les avait atteints, et quelques pieds de terre avaient suffi pour cacher leur dépouille. Tous les jours, par la maladie, par l’affliction, par la tristesse, par les chutes, par les temps de sécheresse spirituelle, par la disparition des joies de sa communion, Dieu nous enseigne qu’il est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Et n’oublions pas qu’il est tel serviteur de Dieu, appelé à opérer de grandes choses, qui n’en doit apprendre que d’autant plus durement cette précieuse vérité. Qu’un homme soit appelé, par exemple, à prêcher l’Évangile, qu’il le prêche avec succès, que Dieu le seconde ; que des milliers viennent s’assembler autour de lui et se suspendre à ses lèvres. Aussi certainement que cet homme est homme, il aura la tentation de s’élever outre mesure, de compter trop sur lui-même et d’autant moins sur Dieu. Que ceux qui en ont fait l’expérience disent si cela est vrai, oui ou non. Ils sont obligés de me répondre : « C’est vrai ! Ce n’est que trop vrai ! »
Si Dieu nous confie une mission particulière, nous ne manquons jamais de détourner à notre profit une partie de cet honneur et de cette gloire. Aussi, n’avez-vous pas observé en lisant la vie des chrétiens éminents de quelle manière Dieu leur enseigne qu’il est seul Dieu et qu’il n’y en a point d’autre ? Le bienheureux Paul de Tarse, qui avait reçu tant de révélations d’En Haut, aurait pu se croire presque une divinité et s’enfler outre mesure, si Dieu, comme il le dit lui-même, ne lui avait mis une écharde dans la chair. Cette écharde était là pour lui rappeler qu’il n’était pas un Dieu, car un dieu ne saurait avoir d’écharde en sa chair. Dans certains cas, le Seigneur enseigne cette vérité à ses ministres en leur refusant son secours dans des circonstances particulières. Nous montons en chaire en nous disant : « Oh ! Que je voudrais avoir aujourd’hui une bonne journée ». Nous commençons notre œuvre ; nous avons prié auparavant avec tout autant d’instance et de persévérance qu’en d’autres temps ; malgré cela, nous voilà tout aussi misérables qu’un cheval aveugle qui fait tourner la meule d’un moulin et semblables à Samson devant Delilah. À notre grande surprise, nous ne réussissons qu’à nous battre les flancs, frappant, mais à l’aventure, et ne remportant point la victoire. Ces humiliantes expériences nous démontrent que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Dans d’autres cas, le Seigneur enseigne cette vérité à ses ministres en leur laissant voir la corruption naturelle de leur nature. Dans de semblables moments, le ministre de Dieu parvient à avoir une révélation si claire et si humiliante du vrai fond de son cœur, qu’il se sent entièrement indigne de gravir les degrés de sa chaire pour prêcher aux autres, et qu’il aimerait bien mieux s’asseoir sur un banc pour écouter et se frapper la poitrine. Quoique les précieuses promesses de notre Dieu fassent toujours palpiter notre cœur de joie, il nous est cependant arrivé plus d’une fois de chanceler sur les degrés de notre chaire, à la pensée que le plus grand des pécheurs ne devrait pas prendre la parole pour exhorter ses frères. Ah ! bien-aimés, je ne pense pas que le prédicateur qui n’est pas descendu ainsi dans les plus sombres profondeurs de son cœur et qui ne s’est jamais écrié : « C’est par grâce que la tâche d’annoncer aux âmes les insondables richesses de Christ m’a été confiée, à moi qui suis le moindre des saints ! » — je ne crois pas, dis-je, que ce prédicateur produise jamais d’heureux résultats, quelle que puisse être d’ailleurs son éloquence.
Au reste, Dieu se sert encore à l’égard de ses ministres d’un autre moyen non moins efficace. S’il ne les travaille pas directement par son Esprit, Il leur suscite une nuée d’ennemis, afin de montrer qu’il est seul Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Ceci me rappelle une belle hymne du célèbre Whitefield, qui montre à quel point il mettait toute sa confiance en Dieu seul. On peut bien dire que Dieu était en lui ! Et, en vérité, quel homme pourrait se résigner à devenir le point de mire des calomnies de la foule, à travailler péniblement chaque jour sans jamais voir de fruits de son labeur, à se présenter chaque dimanche en chaire pour annoncer l’Évangile, et à être sans cesse l’objet de la médisance et de la malignité des autres hommes, si la grâce de Dieu ne le soutenait ? Quant à moi, je puis bien dire que, n’était l’amour de Christ qui me presse, cette heure serait la dernière de mon ministère, tant est grande la charge que je porte ! Mais une impitoyable nécessité nous pousse ; que dis-je ! Malheur à nous si nous ne prêchons l’Évangile ! Or, les contradictions par lesquelles le Seigneur laisse passer parfois ses serviteurs leur apprennent à voir d’une manière évidente que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’en est aucun autre. Si tous applaudissaient, si tous étaient heureux de nous entendre, nous nous croirions bientôt des dieux, tandis que lorsqu’on nous siffle et nous hue nous tournons les yeux vers le Seigneur et nous nous écrions :
« Si l’on me couvre de honte,
Si l’on m’accable de reproches
À cause de ton Saint Nom,
Je bénirai mon opprobre,
Pourvu que tu te souviennes de moi. »
II.
Ceci nous amène à la seconde partie de notre discours. Le salut est la plus grande de toutes les œuvres de Dieu ; aussi est-ce là surtout qu’il nous enseigne cette vérité si importante que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Notre texte nous dit de quelle manière Il nous l’enseigne ; il est dit : « REGARDEZ A MOI, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ». Dieu nous montre ici qu’il est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre, de trois manières :
1. par la personne sur laquelle Il dirige nos regards : « REGARDEZ A MOI » ;
2. par le moyen qu’il nous indique pour trouver grâce : « REGARDEZ » — le simple regard !
3. par les personnes qu’il invite à regarder à Lui : « VOUS TOUS LES BOUTS DE LA TERRE ».
1. En premier lieu, vers qui devons-nous regarder pour obtenir le salut ?
Combien la réponse à cette question est humiliante pour l’orgueil humain : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! » Il n’est pas dit : regardez aux ministres de la religion, et soyez sauvés ; car alors il y aurait d’autres dieux que l’Éternel, et après ceux-là il y en aurait d’autres encore. Il n’est pas dit : regarde à toi-même ; car alors la gloire du salut serait à partager entre Dieu et ses créatures. Mais il est dit : « Regardez à moi ».
Ne vous arrive-t-il pas souvent de regarder à vous-même, vous qui venez à Christ ? — « Ah, dites-vous, je ne me repens pas assez ! » Voilà, vous regardez à vous-même. — « Ah, dites-vous encore, je n’ai pas assez de foi ! » — Voilà, vous regardez à vous-même. — « Ah, dites-vous aussi, je suis trop indigne ! » — Tout cela s’appelle regarder à soi-même. — « Je ne sais, dit un autre, découvrir en moi aucune justice ! » — Que vous ne trouviez aucune justice en vous, c’est très naturel ; mais ce qui est mal, c’est que vous vous obstiniez à l’y chercher. « Regardez à moi », dit l’Éternel. Dieu veut que vous détourniez vos yeux de vous-même et que vous les fixiez sur Lui. Or, ce qu’il y a de plus difficile au monde, c’est d’amener un pécheur à détourner ses yeux de lui-même. Aussi longtemps qu’il vivra, il éprouvera toujours une singulière inclination à tourner ses regards en dedans pour se considérer lui-même, tandis que le Seigneur lui dit : Regarde à moi ! J’entends une voix qui s’échappe du jardin de Gethsémané, où la sueur sanglante de Jésus distille le pardon ; — j’entends une voix qui descend de la croix du Calvaire, où les mains de Jésus, cruellement meurtries, laissent échapper la miséricorde, et cette voix nous crie : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! » Du haut de la colline de funèbre mémoire, où retentirent jadis ces paroles : « Tout est accompli ! », les échos m’apportent encore le son lointain de ces autres paroles : « Regardez et soyez sauvés ! » Mais des profondeurs de notre âme s’élève une autre voix, voix perverse et menteuse, qui répond : « Non, non ! Regarde plutôt à toi-même ! » — Oui ! Mon cher auditeur, oui ! Regardez à vous-même, et vous serez … damné ! Regardez à vous-même, et telle sera très certainement votre fin dernière ! … Ah ! Aussi longtemps que vous regarderez à vous-même, je désespérerai de votre salut. Ce qui peut vous sauver, ce n’est certes pas la contemplation de ce que vous êtes, mais bien, mais uniquement la contemplation de ce que Dieu est et de ce qu’est le Sauveur. Et pour cela, il faut que vous cessiez de vous contempler vous-même et que vous contempliez le Seigneur.
Dans quelle profonde erreur se trouvent la plupart des hommes à l’égard de l’Évangile ! Ils croient que la justice est ce qui nous rend aptes à venir à Christ, tandis que c’est précisément ce qui nous en éloigne. La seule qualification pour venir à Jésus, c’est le péché. Un vieil auteur disait : « La justice m’empêche d’aller au Sauveur, et cependant ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Lorsque je sens mon péché, c’est alors que je viens à Lui, et, une fois à ses pieds, plus je me sens pécheur, plus j’ai de raisons de compter sur sa miséricorde. » -Écoutez ce que disait David (et cette parole est bien digne de remarque !) : « Aie pitié de moi, car mon iniquité est grande ! » Mais, ô roi prophète ! Pourquoi ne disais-tu au contraire : « Car mon iniquité est petite ? » Ah ! C’est parce que David savait que plus ses péchés étaient considérables, plus il avait de raisons de demander son pardon. — Plus un homme se sent vil et condamné, plus je m’empresse de le pousser vers Christ. Comme ses ministres, ce que nous recherchons avant tout, c’est le sentiment du péché. C’est à des pécheurs que nous prêchons, et si nous rencontrons un homme qui se donne à lui-même le titre de pécheur, aussitôt nous lui répondons : regarde à Jésus et sois sauvé ! Le Seigneur ne te demande absolument qu’un regard, et ce regard, Il te le donnera Lui-même. Si tu regardes à toi-même, tu es perdu pour l’éternité ; car dans ce cas, ô homme, tu es un mécréant et un misérable, rempli de souillures et recouvert d’hypocrisie et d’orgueil. La hideuse corruption de ton cœur se répand autour de toi comme une odeur nauséabonde qui corrompt ce qui t’entoure. Or çà, viens ici, malheureux ! Le vois-tu Celui qui pend à cette croix ignominieuse ? Vois-tu sa tête se penchant lentement sur sa poitrine ? Vois-tu ce visage agonisant et tout empreint de douceur ? Et cette couronne d’épines, la vois-tu sur son front auguste, tout sillonné de sang ? Et ses mains percées, et ses pieds presque rompus en deux par les clous et par tout le poids de son corps, les vois-tu ? Les vois-tu ? … Ô pécheur ! Entends-tu ce cri d’une voix déchirante de douleur : Eli, Eli, lamma sabachtani ! Et cette autre parole : « Tout est accompli ! » est-elle descendue jusque dans ton cœur ? Voici maintenant les ombres glacées de la mort qui couvrent son divin visage ; voici sa tête innocente qui se penche sur son sein pour la dernière fois. Un homme sans entrailles, un infâme, vient de le percer au côté d’un coup de lance … Maintenant, on le descend de la croix … Ah ! Viens ici, malheureux ! C’est pour toi que ces mains oui été clouées au bois ; c’est pour toi que ces caillots de sang ont découlé de ces pieds ; ce côté qu’un fer de lance a entr’ouvert a été entr’ouvert pour toi. Et si tu veux savoir maintenant comment tu peux obtenir grâce, le voilà : « Regarde ! Regarde à MOI ! » Ne regarde plus à Moïse, ne regarde plus vers le Sinaï ; mais viens et regarde vers le Calvaire, regarde à la victime du Calvaire, regarde dans le sépulcre neuf de Joseph d’Arimathée. Puis enfin, lève les yeux là-haut, dans le ciel, et regarde cet Homme assis à la droite du trône, à côté du Père et couronné de lumière et d’immortalité. « Regarde à moi, ô pécheur ! » te dit-il en ce moment ; « regarde à moi, et sois sauvé !… »
Voilà la manière dont l’Éternel nous enseigne que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. Il nous l’enseigne en ceci qu’il nous invite à regarder à Lui seul et à détourner nos regards de nous-mêmes.
2. Mais la seconde pensée que nous avons à considérer, c’est le moyen qu’il nous indique pour trouver grâce ; savoir : Regardez à moi, et soyez sauvés.
Vous avez dû remarquer plus d’une fois que les hommes sont avides d’une religion difficile, d’un culte compliqué ; plus ils éprouvent de difficultés à comprendre, plus ils ont confiance dans l’efficace. Notre culte leur parait beaucoup trop simple. Ils aiment à voir un homme tantôt dans certain costume, tantôt dans un autre ; il leur faut un autel et bien d’autres détails mystérieux. Ils aiment à considérer le ministre de Dieu comme un être supérieur et, en somme, plus il y a de complications et de difficultés à tout comprendre, plus ils en sont réjouis. Voilà le monde ! Mais avez-vous remarqué combien est grande et vraiment glorieuse la simplicité de la Bible ? Ce divin livre répudie toutes ces folies et se contente de nous parler des choses les plus simples dans le langage le plus simple : « Regardez ! » Il n’est pas un seul homme inconverti qui entende avec plaisir ces paroles : « Regardez à Christ, et soyez sauvés ! » Au contraire, ils viennent tous à Christ comme Naaman le Syrien venait auprès d’Élisée ; et quand on leur dit : « Va et te lave dans le Jourdain », ils répondent : « Je croyais en vérité qu’il viendrait et qu’il placerait sa main sur la plaie, et qu’il invoquerait le nom de son Dieu. Mais me dire d’aller me laver dans le Jourdain ? Quelle parole ridicule ! Tout le monde aurait pu m’en dire autant. » Si le prophète lui avait ordonné d’accomplir quelque chose de très difficile, il l’aurait fait certainement ; et si je vous disais à mon tour que quiconque marchera cent lieues nu-pieds, ou fera telle autre chose impossible, sera sauvé, vous vous mettriez peut-être en chemin dès demain, à la pointe du jour ! … Quand il me faudrait sept années pour vous exposer le plan du salut, vous seriez tous impatients, j’en suis sûr, de voir commencer cette exposition. S’il n’y avait sur la terre qu’un seul docteur capable de montrer le chemin du salut, oh ! Comme on courrait après lui de toutes parts ! Et quand même il le ferait en vieux langage, avec par ci par là quelques phrases latines ou quelques mots grecs, ce n’en serait que meilleur.
Mais nous n’avons à vous annoncer qu’un Évangile très simple, et toute notre prédication se résume en un seul mot : Regardez ! — « Quoi ? » vous écriez-vous, « n’est-ce que cela ? Ah ! Ça n’en vaut pas la peine ! Et comment serait-il possible que Dieu vous ait chargé de nous annoncer une chose aussi simple ? » — Afin de confondre votre orgueil et de vous enseigner que Lui seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre. — Ô chers auditeurs ! Admirez plutôt combien est simple le moyen que le Seigneur emploie pour sauver : c’est le regard ! Toujours le regard ! Rien que le regard ! « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés. » Tel théologien aura besoin d’un mois entier pour expliquer clairement le plan du salut, mais le Saint-Esprit n’a besoin pour le faire que d’un seul mot ; et non seulement ce moyen est simple, mais calculez aussi combien il est prompt ! Il faut du temps pour mouvoir sa main, tandis qu’on peut regarder instantanément. Aussi, bien souvent, le pécheur croit-il instantanément, et au moment même où il se confie en son Dieu Sauveur pour le pardon de ses péchés, il reçoit son salut, un salut plein et entier, par le sang de Jésus-Christ. Tel qui était entré ce matin en ce lieu non justifié peut s’en retourner justifié plutôt que les autres. Tel qui, il y a un instant, était encore un grand pécheur, peut en ce moment avoir déjà reçu sa grâce. Il ne faut qu’un clin d’œil, un regard : « Regardez ! » Moyen admirable ! Moyen universel aussi ! Car, que je sois près ou que je sois loin, je puis toujours « regarder ». Il n’est pas même exigé que celui qui regarde voie ; pourvu qu’il regarde, c’est tout ce qu’on lui demande. Quand nous regardons un objet dans l’obscurité, nous ne le voyons pas ; mais si nous « regardons » nous obéissons au commandement. Si donc un pécheur regarde à Jésus, même dans les ténèbres, Jésus le sauvera, attendu que dans les ténèbres Il est le même que dans la lumière, et que, soit vu, soit caché au regard, Il est fidèle à sa promesse. Regardez seulement ! « Ah ! » dira quelqu’un, « j’ai cherché à voir Jésus cette année, mais je ne l’ai pas encore vu. » — Il ne vous est pas demandé de le voir, mais simplement de regarder à Lui ; et ceux qui l’ont regardé, est-il écrit, en ont été illuminés. Ne vous inquiétez donc pas des obstacles qui sont encore entre Lui et vous et qui vous le cachent ; regardez seulement de son côté, dans la direction de sa croix ; c’est tout ce qu’il faut. Il ne s’agit pas tant de le voir, comme de le désirer, de le chercher, d’avoir faim et soif de Lui, de se confier en Lui, s’abandonner à Lui. Regardez donc, regardez seulement, et soyez sauvés ! Ah ! Lorsque dans le désert les malheureux qui avaient été mordus par les serpents tournaient leurs pupilles agonisantes et déjà éteintes vers le serpent d’airain, sans pouvoir le distinguer, ils n’en étaient pas moins rendus à la vie. Ce qui sauve donc le pécheur, ce n’est pas la vue, mais le regard.
Quelle humiliante manière de se sauver ! Je le répète. — Voici un homme qui se lève et qui dit : « Bien ! S’il fallait donner 25 000 francs pour mon salut, je les aurais donnés sans regret. » — Mais votre or et votre argent sont pourris, ils ne sont bons à rien ! — « Vous voulez donc que je sois sauvé de la même manière que ma servante ? » — Précisément ! Car il n’y a pas d’autre moyen de vous sauver. — Voilà qui sert à convaincre l’homme que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
L’homme qui se pique de science s’écrie à son tour : « S’il m’avait fallu résoudre quelque problème inextricable ou découvrir quelque mystère étrange, je l’aurais fait. Ne pouvez-vous me donner un Évangile plein de mystères ? N’auriez-vous pas à me proposer une religion obscure ? » — Non ; je n’ai à vous dire que ce mot : « Regardez ! » — « Eh quoi ! Voudriez-vous donc me faire entendre que je doive être sauvé à la manière de ce pauvre écolier déguenillé qui connaît à peine ses lettres ? » — Précisément ! À moins que vous ne préfériez être perdu pour l’éternité …
Un autre me dit : « J’ai mené une vie honnête et exempte de tout reproche ; toujours fidèle à toutes les lois de mon pays, j’ai scrupuleusement rempli tous mes devoirs, et s’il me reste encore quelque chose à faire, je suis prêt. S’il faut jeûner, me priver de certaine nourriture, je m’en priverai, si cela peut me sauver. » — Eh ! Non, Monsieur, cela ne peut point vous sauver ; vos bonnes œuvres ne sont bonnes à rien du tout. — « Eh quoi ! Entendriez-vous donc que je sois sauvé de la même manière que cette femme de mauvaise vie, ou que cet ivrogne éhonté ? » — Précisément ! Attendu qu’il n’y a qu’une seule manière d’être sauvé. Dieu a inclus tous les hommes dans l’incrédulité, afin de pouvoir faire miséricorde à tous. Il a prononcé la condamnation sur tous, afin que sa libre grâce puisse descendre sur quiconque croit. « Regardez ! Regardez ! Regardez ! » Telle est l’unique méthode, tel est l’unique moyen de salut : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! »
III.
Voyez enfin comment Dieu a humilié l’orgueil de l’homme et s’est exalté Lui-même par les personnes qu’il appelle à regarder : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! » Quand le Juif entendait sortir ces paroles de la bouche d’Ésaïe, il s’écriait : « Tu aurais dû dire, ô prophète : regarde à moi, Jérusalem, et sois sauvée ! De cette façon, la parole aurait été bien dite. Mais est-ce que jamais ces chiens de gentils pourraient regarder, eux aussi, et être sauvés ? » — « Oui, dit l’Éternel, et je veux vous montrer, ô enfants d’Israël, que quoique je vous aie accordé beaucoup de privilèges, j’en exalterai d’autres encore plus que vous, et que je suis maître de donner mes biens à qui je veux. » Et qui sont ces bouts de la terre ? Il y a encore, à notre époque, des nations païennes qu’on qualifie de primitives selon les normes de notre civilisation ; mais si je pouvais traverser les mers, et m’enfoncer dans les déserts, si je pouvais atteindre l’habitant de Bushmah dans sa hutte, ou le cannibale dans sa retraite écartée, je dirais à ces hommes : « Regardez à Jésus, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! » Il est quelques-uns de ces « bouts de la terre » auxquels l’Évangile est prêché aussi bien qu’aux Grecs, ce peuple si policé, aux Romains, ce peuple si raffiné, ou aux Bretons, ce peuple si instruit. Mais il me semble que ces mots désignent les peuples qui se sont éloignés le plus de Jésus-Christ ; et je dis à l’ivrogne : c’est de toi qu’il s’agit. Tu as chancelé et tu t’es traîné à terre jusqu’à atteindre aux derniers bouts de la terre ; tu as subi jusqu’aux crise d’épilepsie. Tu ne peux pas descendre plus bas, tu es bien à peu près le dernier des hommes. Crois-tu qu’il y en ait un seul qui te surpasse en dégradation ? Hé bien ! Pour humilier notre orgueil, Dieu te dit, à toi, oui, à toi-même : « Regarde à moi, et sois sauvé ! »
Voici une misérable femme qui s’est vautrée dans toutes les souillures et les infamies de la chair ; non seulement elle a consommé plus de mille fois sa ruine, mais elle est tombée tellement au-dessous de toute dégradation connue, que Satan lui-même semble l’avoir jetée au rebut ; mais Dieu lui dit : « Regarde à moi, et sois sauvée ! » — Eh quoi ! Il me semble entendre une voix qui s’élève du milieu de vous, me disant : « Ah ! Je n’ai pas été du nombre de ces créatures dont vous parlez, mais j’ai été pire encore, car je suis entré souvent dans la maison de Dieu, mais pour y repousser tous les appels, pour expulser de ma pensée tout souvenir de Jésus, en sorte qu’il ne peut plus désormais avoir aucune pitié pour moi ! » — Tu es, toi aussi, l’un de ces bouts de la terre, et autant il s’en présentera à moi avec de semblables sentiments, autant j’en convierai au salut.
« Mais, reprend un autre, mon cas est tout spécial ; si je n’éprouvais pas les sentiments que j’éprouve, encore passe ! Mais je suis une exception, un être à part. » — Tant mieux ! Dieu aussi se forme un peuple à part, et vous pouvez en faire partie.
« Mais, objecte un troisième, il n’y a pas sur la terre deux hommes tels que moi ! Vous n’en trouveriez pas un second qui ait reçu tous les appels qui m’ont été adressés, et je les ai tous rejetés pour me vautrer dans le péché ; bien plus ! J’ai commis des crimes que jamais je n’oserai articuler. » — Encore un des bouts de la terre ! Aussi ne puis-je que répéter les paroles de mon Maître : « Regardez à moi, et soyez sauvé, car je suis Dieu et il n’y en a point d’autre. » — « Mais le péché de mon cœur m’empêche de regarder ! » — Et moi je te dis qu’à l’instant où tu regarderas, ton péché aura disparu. — « Mais je n’ose ; il va me condamner, j’ai peur de regarder ! » — Combien plus terrible sera ta condamnation si tu ne regardes pas ! Crains, oui ; mais regarde ! Que ta crainte ne retienne pas tes yeux. — « Mais il me rejettera ! » — Essaie toujours. — « Mais je ne puis le voir. » — Je t’ai dit qu’il ne s’agit que de regarder ! — « Mais mes yeux sont tellement attachés à la terre, tellement charnels, tellement souillés !... » — Ah ! Pauvre pécheur ! C’est Lui-même qui donne le pouvoir de regarder et de vivre. Il dit : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! » Recevez favorablement cette exhortation, vous qui connaissez déjà le Seigneur, et vous aussi qui n’avez regardé à Lui qu’aujourd’hui pour la première fois. Dans toutes tes tribulations, souviens-toi, ô chrétien, de regarder à Dieu, et tu seras délivré. Dans tes plus cruelles angoisses, ô âme pécheresse, qui succombes sous le poids de la condamnation ; souviens-toi de regarder à Jésus, et tu trouveras le pardon de tes iniquités.
En haut les regards ! En haut les cœurs ! Souvenez-vous que par ce regard vous saisissez une chaîne d’or dont l’autre extrémité est fixée dans le paradis de Dieu. Regardez à Christ et ne craignez rien. Celui qui marche les regards attachés sur Lui ne saurait jamais broncher. Celui qui regardait les étoiles tomba dans le précipice, selon que le dit la fable ; mais celui qui regarde au Seigneur sera préservé de toute chute. En haut donc les regards et les cœurs ! « Regardez à Lui et soyez sauvés ! » N’oubliez jamais que l’Éternel seul est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre.
Et toi, pauvre pécheur timide, qui trembles, que dis-tu de tout ceci ? Veux-tu commencer dès aujourd’hui à. regarder à Jésus ? Tu sens en ce moment combien tu es pécheur devant sa face ; tu sens à quel point tu es souillé, et cependant, avant même de quitter ton banc, tu peux être justifié au même titre que les apôtres eux-mêmes ! Tu peux t’en retourner en ce moment dans ta maison et remettre le pied sur le seuil de ta porte, les épaules soulagées de l’écrasant fardeau sous lequel tu succombes ! Tu peux t’en aller tout joyeux, en chantant dans ton cœur : « Je suis pardonné, oui, pardonné ! Je suis un miracle de la grâce ! C’est aujourd’hui le jour de ma naissance spirituelle. » Oh ! Puisse ce jour être en vérité celui de beaucoup de naissances semblables, et que je puisse me présenter devant Dieu à mon tour, en m’écriant plein d’exaltation : « Me voici, Seigneur, avec les enfants que tu m’as donnés ! »
Écoute cette parole de David, ô pécheur convaincu de péché, de justice et de jugement : « Cet affligé a crié à l’Éternel, et Il l’a délivré de toutes ses détresses ! Ah ! Venez et goûtez combien l’Éternel est bon ! » Aujourd’hui même, croyez en Lui ; aujourd’hui même, remettez-vous en sa miséricorde pour le salut de votre âme coupable ; aujourd’hui même, que votre âme noircie par tant de souillures se lave et se purifie dans le sang de l’Agneau ! Présentez-vous devant sa majesté dépouillé de tout vêtement et de toute ombre de justice. Venez prendre place, vous qui avez faim et soif de Dieu, au merveilleux festin de tous ses biens les plus précieux. Regardez, regardez à Lui, vous dis-je ; regardez en ce moment même ! N’est-ce pas ? Cela vous paraît bien simple ; et cependant c’est à quoi l’homme a le plus de peine à consentir. L’homme refuse obstinément de regarder, jusqu’au moment où la Grâce toute-puissante vient l’y incliner de sa main douce et irrésistible. Contrains-les donc par ton amour, ô mon Dieu, et grave dans tous nos cœurs cette parole : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés ! » Amen.
164 - CIEL ET ENFER.
SERMON PRÊCHÉ EN PLEIN AIR
« Je vous dis que plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob ; et les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors : il y aura là des pleurs et des grincements de dents » (#Mt 8:11,12).
J’ESPERE VOUS encourager aujourd’hui à chercher le chemin du ciel. J’aurai aussi à prononcer des choses dures à entendre sur le sort de ceux qui seront perdus et qui descendront dans l’abîme de l’enfer. Je veux essayer de vous parler sur ce double sujet, et je prie le Seigneur de me venir en aide, afin que je le fasse dignement. Mais, je vous en conjure, si vous tenez au salut de vos âmes, pesez attentivement le pour et le contre ; examinez si ce que je dis est vrai et selon Dieu. S’il ne l’est pas, rejetez-le, oubliez-le entièrement. Mais s’il l’est, prenez garde, car c’est à vos risques et périls que vous le rejetteriez. Aussi vrai que vous comparaîtrez un jour devant ce Dieu qui est le Souverain Juge des cieux et de la terre, aussi vrai il vous en prendra mal d’avoir méprisé la voix de son serviteur et les déclarations de la sainte Parole !
Mon texte se compose de deux parties. La première sourit extrêmement à mon cœur et me remplit de joie. La seconde, au contraire, est terrible au dernier point. Mais, puisque toutes deux sont vraies, toutes deux doivent être prêchées. — La première partie de mon texte est celle-ci : Je vous dis que plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob. — La seconde, celle que j’appelle la partie sombre, terrible, menaçante, est celle-ci : Mais les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors : il y aura là des pleurs et des grincements de dents.
I.
Reprenons la première partie. Nous avons ici une glorieuse promesse : Plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table, au royaume des cieux, avec Abraham, Isaac et Jacob. J’aime ce texte, parce qu’il me parle du ciel et m’en fait un tableau ravissant. Il me dit que le ciel est un lieu où je serai assis avec Abraham, Isaac et Jacob. Oh ! Quelle douce perspective, surtout pour l’homme qui dans ce monde est condamné à un pénible travail ! Que de fois, en s’essuyant le front, ne se prend-il pas à rêver d’un pays où il ne sera plus soumis aux dures fatigues de la terre ! Que de fois ne mange-t-il pas son pain détrempé par la sueur de son visage ! Que de fois en rentrant chez lui, et en se jetant tout brisé sur sa couche — trop harassé de fatigue pour goûter le sommeil, — ne s’est-il pas écrié : « Oh ! N’y aura-t-il donc jamais de repos ? Ne trouverai-je jamais un lieu où il me soit permis de respirer un instant en paix, de m’asseoir et d’accorder enfin quelque relâche à mes membres épuisés ?… » — Oui, oui, enfant du travail et des rudes labeurs, il est une riante contrée, tout là-haut, dans les cieux, où le travail et les fatigues sont inconnus. Au-delà de ce ciel bleu est une grande et glorieuse cité, dont les murs sont de pierres précieuses et dont l’éclat fait pâlir le soleil. Là se reposent tous ceux qui sont fatigués ; là les méchants ne peuvent plus jeter le trouble dans les âmes. Les esprits immortels qui l’habitent n’essuient jamais la sueur de leur front, car ils ne sèment ni ne moissonnent ; ils ne sont plus soumis aux travaux de cette vie.
« Sur la pelouse fleurie de la sainte montagne,
Ils s’assiéront et se reposeront de leurs peines ;
Heureux de se raconter les tristesses du passé,
Leurs sombres jours d’épreuves et de rudes fatigues. »
J’aime à me représenter le ciel comme le lieu du repos. C’est par ce côté surtout que l’humble ouvrier aimera à le contempler. Ceux, à la vérité, qui ont ici-bas une vie exempte de travaux y verront plus volontiers un lieu d’activité. L’un est aussi vrai que l’autre. Mais, pour celui qui est appelé à se fatiguer chaque jour et à vivre péniblement du travail de ses mains ou de celui de sa tête, la pensée que le paradis est un lieu de repos aura toujours un attrait particulier. Bientôt, se dira-t-il, bientôt cette voix ne sera plus appelée à s’exténuer en de trop rudes efforts ; bientôt mes poumons n’auront plus à gémir d’un surcroît de fatigues ; bientôt mon cerveau ne sera plus comme prêt à éclater à force de penser. J’irai m’asseoir à la table du festin de mon Dieu ; oui, je me pencherai sur le sein d’Abraham, comme Jean sur celui de son Maître, et là je demeurerai en paix et en repos pour jamais ! — Ô vous, fils et filles d’Adam, qui êtes las et battus par les orages de cette vie, multitude éprouvée et languissante, qui soupirez et qui souffrez, vous n’aurez pas dans le ciel à tracer de pénibles sillons dans une terre inféconde. Vous n’aurez pas à reprendre le cours monotone de votre incessant travail avant le lever du soleil, pour ne l’abandonner que bien longtemps après son coucher ; mais vous vous reposerez, vous aurez plein relâche, vous jouirez de toute tranquillité ; car dans le ciel tous sont riches, tous sont heureux, tous sont en paix. Travail, labeur, fatigue, lassitude, sont des mots qui n’existent pas dans la langue des bienheureux. Nul ne saurait les prononcer, car tous se reposent, et pour toujours.
Et puis, voyez aussi dans quelle société ils se trouvent. Ils seront assis « avec Abraham, Isaac et Jacob ». Il en est qui croient qu’au ciel nous ne reconnaîtrons personne ; mais ici notre texte déclare que nous serons assis avec Abraham, Isaac et Jacob. Il faudra donc bien que nous sachions qui ils sont. On m’a raconté qu’en mourant une pauvre femme disait à son mari : « Mon ami, crois-tu que nous nous reconnaîtrons quand nous serons au ciel ? » — « Si je te reconnaîtrai, reprit le mari, je t’ai toujours reconnue tant que nous avons vécu ici-bas ; et penses-tu donc qu’en entrant au ciel je sois plus stupide que je ne l’étais en ce monde ?… » — La réponse, selon moi, était excellente puisque nous nous sommes connus, il faut que nous nous reconnaissions.
Je possède là-haut plus d’un être bien-aimé, et je me console bien souvent par la pensée que lorsque je poserai mon pied sur le seuil du paradis (comme j’en ai la ferme espérance), je verrai venir au devant de moi mes sœurs et mes frères, me disant en m’embrassant : « Enfin, te voilà, ô bien-aimé ! »
Prenez courage, vous qui avez perdu des parents et des amis, objets de vos plus tendres affections ! Vous les retrouverez au ciel. L’un de vous a perdu une mère ; elle est allée là-haut ; mais si tu suis les traces de Jésus, tu l’y retrouveras. Il me semble la voir venant à ta rencontre aux portes du ciel, et, quoique les liens du sang doivent être en quelque mesure oubliés dans les lieux célestes, je l’entends dire en se retournant vers son Dieu : « Me voici, avec les enfants que tu m’as donnés ! » — Oui, nous reconnaîtrons ceux que nous avons chéris. Oui, mari, tu reconnaîtras ta femme ! Mère, tu reconnaîtras tes chers petits enfants ! Leurs petits traits tourmentés par les approches de la mort, alors qu’ils gisaient haletants, respirant avec peine, sont restés empreints dans ton douloureux souvenir … Tu te rappelles le moment où, te penchant une dernière fois sur la fosse entr’ouverte, tu entendis résonner la terre qui tombait sur le cercueil et retentir ces lugubres paroles : La terre, à la terre ! La poussière, à la poussière ! La cendre, à la cendre ! Oh ! Mais, ces douces petites voix, tu les entendras encore ; oui, elles feront encore tressaillir ton âme, et tu apprendras alors que Dieu, lui aussi, a aimé ceux que tu aimais.
Un ciel où nous serions incapables de nous reconnaître, où nous serions tous étrangers les uns aux autres, ne serait-il pas une bien triste demeure ? Je ne me sentirais, pour ma part, aucun attrait pour y aller. Je crois que le ciel sera une communion des saints, et que par conséquent nous nous y reconnaîtrons. Souvent je me suis dit que j’aimerais bien voir Ésaïe ; et il me semble qu’en arrivant au ciel je demanderai aussitôt où il se trouve, parce que de tous les prophètes c’est lui qui a le plus parlé de Jésus. Oh ! Que je serai heureux de voir George Whitefield, cet homme, qui prêchait au peuple sans relâche, et qui, avec un zèle plus qu’angélique, a usé sa vie et sacrifié sa santé pour le service de son Maître ! Oh ! Oui, nous trouverons au ciel une société d’élite. Là il n’y aura plus de distinction entre ignorants et savants, entre clergé et laïques ; mais nous circulerons librement les uns au milieu des autres et nous sentirons que nous sommes frères. Nous irons « nous asseoir auprès d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ».
On me racontait qu’une dame qui allait mourir dit au pasteur qui la visitait : « Puisque je vais mourir, je veux vous demander une chose. » — « Dites », répondit le pasteur. — « Oh ! » dit-elle d’un air affecté, « je voudrais savoir si dans le ciel il y aura deux catégories de places, car je répugnerais beaucoup de m’y trouver assise côte à côte avec ma cuisinière qui est si mal élevée. » Le pasteur, se détournant, répondit : « Oh ! Madame, que cela ne vous inquiète pas. Vous ne courez pour le moment aucun danger de la rencontrer, car tant que vous ne serez pas dépouillée de ce maudit orgueil, vous n’entrerez pas dans le ciel. » Oui, il faut que nous nous dépouillions de notre orgueil. Il faut, pour que nous puissions parvenir au royaume de l’éternelle gloire, que nous descendions de notre piédestal et que nous nous placions devant Dieu comme les égaux des autres hommes, les considérant tous comme nos frères. Oui, nous bénissons Dieu et nous le remercions de ce qu’il n’a pas dressé deux tables différentes, l’une pour les uns et l’autre pour les autres. Juifs et païens s’assoiront ensemble ; les grands de la terre et les petits de ce monde participeront à la même nourriture, et nous serons « tous assis avec Abraham, Isaac et Jacob ».
Mais mon texte contient une pensée plus profondément réjouissante encore. Certains bigots à l’esprit étroit voudraient que le ciel soit un lieu très restreint, où ne se rencontrent que ceux qui se rendent à leur église ou à leur chapelle. Pour moi, je n’ai, je l’avoue, aucun désir que le ciel soit un lieu si petit, et je me réjouis au contraire en lisant dans les Écritures qu’il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Que de fois j’entends dire autour de moi : « Ah ! La porte est étroite et le chemin est étroit, et il y en a peu qui le trouvent. Il n’y aura que peu de gens de sauvés ; il y en aura beaucoup de perdus. » — Mon ami, je ne suis pas de votre avis. Christ laisserait-il la victoire au démon ? Permettrait-il au diable d’emmener plus d’âmes en enfer qu’il n’en recueillerait lui-même dans le ciel ? Non ! Cela est impossible ! Car dans ce cas Satan aurait de quoi se moquer de Christ. Il y aura plus d’âmes sauvées que d’âmes perdues. Dieu dit qu’une grande multitude que personne ne saurait compter sera sauvée ; Il n’a jamais dit que nul ne saurait compter ceux qui seront condamnés. Le nombre de ceux qui entreront dans le ciel dépasse donc tout calcul humain. Quelle réjouissante nouvelle pour vous et pour moi ! Car, puisque la multitude des élus sera si grande, qui empêche que je ne sois, moi aussi, de ce nombre ? Qui empêche que vous n’en soyez vous-même ? Qui empêche que cet homme, tout là-bas dans la foule, ne dise : « Et moi aussi, je veux être sauvé ! » Pourquoi cette femme, ici près, ne prendrait-elle pas courage, en se disant : « S’il n’y en avait en tout que six de sauvés, je pourrais craindre de ne pas être d’un si petit nombre, mais puisqu’il doit en venir des multitudes innombrables d’Orient et d’Occident, qui empêche que moi aussi je sois sauvée ? » — Prends courage, toi qui es abattu ! Toi qui es dans le deuil, enfant de l’affliction, prends courage ! Tu peux encore espérer ; tout n’est pas perdu pour toi ! Je ne connais pas d’homme pour lequel il n’y ait plus d’espoir. S’il en est quelques-uns qui sont abandonnés de Dieu, parce qu’ils ont commis le péché qui va à la mort, la plus grande partie de l’humanité est encore à la portée de la souveraine miséricorde, et « plusieurs viendront d’Orient et d’Occident et seront assis à table au royaume des cieux ».
Si vous désirez savoir plus clairement d’où ils viendront, vous n’avez qu’à considérer de plus près mon texte. Il est dit qu’ils viendront « d’Orient et d’Occident ». Les Juifs prétendaient qu’ils devaient tous venir de Palestine ; je dis tous, tant hommes que femmes et enfants ; de telle sorte que, selon eux, le ciel ne devait contenir absolument que des Juifs. Les pharisiens, de leur côté, croyaient que pour être sauvé il fallait être pharisien. Mais Jésus déclare que plusieurs viendront « d’Orient et d’Occident ». Il en viendra donc aussi des foules de ce lointain pays qu’on appelle la Chine, car le Seigneur accomplit une grande œuvre dans cette contrée, et nous avons lieu d’espérer que l’Évangile y sera bientôt victorieux. D’autres multitudes viendront d’Irlande et du grand continent américain, au-delà de l’Océan. Il en viendra des contrées du Sud : de l’Australie et de l’Afrique, — et des contrées du Nord : du Canada, de la Norvège, de la Russie, de la Sibérie. Il en viendra même des bouts les plus reculés de la terre, et ils s’assiéront à table au royaume des cieux.
Mais je ne crois pas que ce texte doive seulement s’entendre géographiquement ; nous devons y voir un sens spirituel. Ces termes d’Orient et d’Occident ne représentent pas tant des nations diverses, comme ils indiquent diverses sortes de gens. Je pense que cet Orient et cet Occident désignent les dispositions morales les plus éloignées de la piété et de la foi, et signifient que, malgré cet éloignement infini, il en viendra néanmoins qui seront sauvés et qui posséderont le ciel. — Il y aura toujours une certaine classe de gens que tout le monde regarde comme perdus et sans espoir de relèvement. J’ai souvent entendu dire de certains individus : « Ah ! Pour celui-là, il ne saurait pas être sauvé ; il est descendu trop bas pour se relever jamais. Il n’est bon à rien ! À quoi bon lui demander d’aller le dimanche dans un lieu de culte ? Il est ivre dès le samedi soir ! À quoi sert de raisonner avec une brute pareille ? C’en est fait de lui ; sa conscience est cautérisée. Vous n’avez qu’à voir tout le mal qu’il a pu faire depuis tant d’années qu’on lui prodigue en vain toutes sortes de remontrances. » Hé bien ! Vous qui croyez votre semblable plus méchant que vous-même, vous qui condamnez les autres, tandis que vous êtes tout aussi coupables, écoutez ce que dit Jésus : « Il en viendra plusieurs de l’Orient et de l’Occident ». Il en viendra plusieurs qui jadis étaient des ivrognes endurcis. Je crois que plusieurs de ceux qui feront partie de la grande famille rachetée auront été autrefois de ces gens qui passaient la moitié de leur vie au cabaret. Mais Dieu les aura visités par la puissance de sa grâce, et ils auront trouvé le courage de briser la coupe de perdition. Ils auront renoncé dès lors aux honteuses joies de l’ivresse et ils auront fui la tentation pour servir l’Éternel. Oui, il y aura dans le ciel plusieurs ivrognes convertis ; il y aura plusieurs femmes de mauvaise vie ; nous y retrouverons plusieurs de ces créatures que le monde lui-même rejette avec dégoût. Vous vous souvenez de ce mot de Whitefield disant que le ciel contiendra plusieurs de ces âmes qui sont « le rebut du diable », c’est-à-dire dont le diable lui-même ne veut plus, tant elles sont corrompues. Un jour, son amie, lady Huntingdon, se risqua à lui dire qu’un tel langage n’était peut-être pas très convenable. En ce moment même, quelqu’un sonna à la porte, et Whitefield descendit. Lorsqu’il remonta : « Madame, dit-il, devinez ce qu’une pauvre femme vient de me dire ? … C’est une grande — grande pécheresse : — « Ô Monsieur Whitefield ! Vous nous avez dit dans votre sermon que Jésus ne rejetterait pas les rebuts du diable ; je suis un de ces rebuts ! » — Cette parole l’avait convertie.
Qui osera maintenant nous blâmer de parler aux plus grands pécheurs, aux pécheurs les plus dégradés et les plus vils ? On m’a accusé d’attirer après moi toute « la canaille » de Londres. Hé bien, admettons ! Je réponds : que Dieu daigne bénir « la canaille » ! Que Dieu daigne sauver « la canaille » ! Admettons, dis-je, que j’attire à moi le rebut de la terre : qui a plus besoin de l’Évangile ? Qui a plus besoin qu’on lui présente l’amour de Christ ? Il ne manque pas de prédicateurs élégants qui prêchent aux belles dames et aux beaux messieurs, et nous avons besoin aussi, en ce siècle dégénéré, de prédicateurs qui s’adressent à la vile multitude. Et voici ce qui me réjouit et m’encourage : c’est que plusieurs sortiront de celle vile multitude « et iront s’asseoir à table au royaume des cieux ».
Oh ! Quel contraste entre les bienheureux et quelques-unes de ces créatures dégradées qui sont encore sur la terre, mais qui parviendront un jour au salut ! Voici un homme dont les cheveux en désordre retombent sur sa figure : il est affreux à voir ; les yeux lui sortent de la tête ; son rire est semblable à celui d’un idiot ; il s’est tellement épuisé par l’usage des boissons qu’il semble avoir bu jusqu’à sa propre cervelle ; il ne lui reste plus d’autre vie que celle de la brute. Hé bien ! Je suis autorisé à vous dire que cet homme peut encore être sauvé. Dans quelques années, peut-être, je vous montrerai là-haut une brillante étoile dans le firmament de l’éternité, et je pourrai vous dire : voyez-vous cet homme dont le front est ceint d’une couronne immortelle ? Voyez-vous ce racheté, vêtu d’une robe de saphir et tout resplendissant de lumière ? C’est le même qui gisait là-bas, plongé dans la dégradation et dans l’idiotisme. Il était bien hideux et bien repoussant ; mais la Souveraine Grâce et la Miséricorde infinie l’ont sauvé ! — Il n’y a que ceux (comme je l’ai déjà dit) qui ont commis le péché impardonnable, qui ne puissent plus recevoir le salut. Mais, à part ce très petit nombre, amenez-moi le pire des hommes, l’homme le plus vil, et je lui prêcherai l’Évangile ; rien ne m’arrêtera, car je me souviens des paroles de mon Maître : « Allez dans les carrefours et le long des haies, et pressez-les d’entrer, afin que ma maison soit remplie ». — « Plusieurs viendront d’Orient et d’Occident, et seront assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob, au royaume des cieux. »
Il est encore un mot sur lequel je dois m’arrêter avant de quitter cette réjouissante partie de mon texte ; c’est le mot : « Ils viendront. » Il n’est pas dit : Ils pourront venir, ils viendront peut-être ; mais ILS VIENDRONT ; ils viendront certainement. Dieu veut qu’ils viennent. Oh ! Combien j’aime à m’arrêter sur ces paroles que Dieu prononce au futur ! Combien il importe de discerner ce que Dieu annonce comme certain de ce qu’il déclare être simplement possible ! Quand l’homme emploie le futur, quelle valeur a ce futur ? … L’homme dit souvent : « Je ferai », mais il ne tient pas sa promesse. Il dit : « J’irai, Seigneur », et il n’y va point. Il n’en est pas ainsi des affirmations que Dieu prononce au futur. Ce qu’il annonce doit inévitablement s’accomplir ; ce qui est au futur est aussi réel que ce qui est au présent. — Le diable dit : « Ils ne viendront pas » ; mais Dieu dit : « Ils viendront. » — Tes péchés te disent : « Tu ne pourras jamais venir » ; mais Dieu te dit : « Tu viendras. » — Toi-même, tu dis : « Je ne veux pas venir » : mais Dieu te dit : « Il faut que tu viennes, et tu viendras ! »
Oui, il en est qui se moquent en ce moment encore de l’Évangile du salut et qui parlent mal de Christ ; mais je vous déclare que plusieurs d’entre ceux-là mêmes « viendront ». — « Quoi ! » vous écriez-vous, « Dieu peut-il m’obliger à devenir chrétien ? » Je vous dis en vérité que oui, car c’est en cela précisément, que consiste la puissance et la gloire de l’Évangile. Dieu ne vous demandera pas votre consentement, mais il vous l’arrachera. Il ne vous dira pas : « Veux-tu accepter ? » Mais, au jour où Il déploiera sa puissance dans votre cœur, Il fera naître en vous la faim et la soif du salut ; Il vous en démontrera la valeur inestimable, et aussitôt vous le désirerez avec ardeur, vous le chercherez avec angoisse, et vous le trouverez. Que de gens qui disaient hautement : « Je ne veux pas de votre religion ! » et qui cependant ont été convertis ! — Je me rappelle l’histoire d’un homme qui n’était entré dans le temple que pour écouter les chants, et qui mettait ses doigts dans ses oreilles pour ne pas entendre le prédicateur. Mais voici qu’un insecte vint se poser sur son visage et le força à faire un geste afin de l’écarter. En ce même instant le prédicateur prononçait ces paroles : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ». L’homme se mit à écouter, et bientôt Dieu toucha son cœur à salut. Lorsqu’il sortit de ce lieu, il était transformé en une nouvelle créature. Lui qui était venu pour se moquer, s’en retourna chez lui pour prier. Lui qui était entré pour se railler, sortit pour plier le genou et se repentir. Lui qui était allé pour tuer le temps et se distraire, revint pour s’occuper à rechercher la présence de son Dieu. Le pécheur fut sanctifié ; le dissolu fut rempli de componction. Qui sait s’il n’y a pas ici quelqu’un de semblable à cet homme ? L’Évangile n’a pas besoin de votre consentement préalable ; il saura bien le prendre. Il expulsera de votre cœur toute inimitié contre Dieu. Vous avez beau dire que vous n’avez pas besoin d’être sauvé ; Christ dit : « Vous serez sauvé ! » Il changera la direction de votre volonté, de telle sorte que vous vous écrierez : « Seigneur, sauve-moi, ou je péris ! » — « Ah ! » pourrait s’écrier le Ciel, « je savais bien que tu finirais par crier grâce ! » Mais aussitôt les anges se réjouiront de ce que le Seigneur aura changé votre volonté et de ce que, par sa puissance, Il vous aura rendus croyants.
Si Jésus lui-même était ce soir ici, dans cette chaire, comment se comporteraient quelques-uns d’entre vous ? « Oh ! », disent les uns, « nous le proclamerions roi. » Je ne le crois pas ; je crois au contraire qu’ils le crucifieraient de nouveau, pour peu que l’occasion s’en présente. S’il venait vous dire, par exemple : « Me voici ! Je vous aime ; voulez-vous que je vous sauve ? » Pas un d’entre vous tous n’y consentirait, s’il était abandonné à lui-même et à sa propre volonté. Alors même que le Seigneur fixerait sur vous ses regards — regards dont la puissance forcerait les lions à s’accroupir ; — alors même qu’il verserait sur vous les torrents de son éloquence divine — torrents d’amour et de célestes compassions, — personne ne s’émouvrait ; personne ne consentirait à devenir son disciple ; personne, non, pas même un seul ! Pour que les hommes viennent à Christ, il ne faut rien moins que le pouvoir de Dieu. Jésus l’a dit lui-même : « Nul ne vient à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire ». Voilà ce qu’il nous faut, et voilà ce que nous avons : « Ils viendront ! ILS VIENDRONT ! » Vous pouvez vous moquer, vous pouvez nous mépriser ; mais Jésus ne saurait être mort en vain. Si quelques-uns le rejettent, d’autres ne le rejetteront pas. S’il en est qui ne seront pas sauvés, d’autres le seront. Christ se verra de la postérité ; Il prolongera ses jours, et le bon plaisir du Seigneur prospérera entre ses mains.
Il en est qui croient que plusieurs de ceux pour lesquels Christ est mort seront néanmoins perdus. Cette doctrine n’a jamais pu satisfaire mon intelligence. Si Jésus, qui est mon garant, a porté mes douleurs et mes iniquités en son corps, je pense être aussi assuré de ma rédemption que les anges du ciel. Dieu ne saurait exiger deux réparations pour mes péchés. Si Christ a payé ma dette, aurais-je à la payer moi-même une seconde fois ? Non !
« Libéré de toute redevance,
Je puis marcher en toute sécurité.
Heureux, je puis me prosterner à ses pieds,
Et le bénir du salut qu’il m’a acquis. »
Ils viendront ! Ils viendront ! Rien de ce qui est dans les cieux ou sur la terre, ou même en enfer, ne saurait les empêcher de venir.
Et maintenant, ô le plus grand des pécheurs, écoute-moi, car je veux t’inviter à venir à Jésus. Il y a aujourd’hui dans cette assemblée quelqu’un qui se croit le plus grand des pécheurs, et qui se dit : « Ce n’est pas à moi, bien certainement, que s’adresse cet appel ; je suis trop loin de le mériter ! » Hé bien ! C’est toi, oui, toi-même que j’appelle ; toi, le pécheur perdu ! Toi, le rebut méprisé des hommes ! C’est toi, dis-je, que j’ai mission d’appeler. Au nom et en l’autorité de mon Dieu, je te somme de venir à Jésus ! — Il y a quelque temps, j’étais entré dans la salle d’audience d’un tribunal, pour voir ce qu’on y faisait : quelqu’un appela un homme par son nom, et au même instant cet homme se mit à crier : « Faites-moi place ! Faites-moi place ! Ils m’appellent ! » Et incontinent il parut sur l’estrade. À mon tour, j’appelle ici le plus grand des pécheurs ; qu’il s’écrie aussi : « Faites-moi place ! Faites-moi place, doutes de l’âme ! Faites-moi place, craintes imaginaires ! Faites-moi place, péchés que j’ai commis ! Christ m’appelle, et puisque Christ m’appelle, cela me suffit ! »
« Je veux me prosterner aux pieds de Celui
Dont le sceptre fait miséricorde.
Peut-être me le présentera-t-il, en disant :
« Touche ! »
Et aussitôt mon âme suppliante
Recevra la vie.
Que risqué-je en allant à Lui ?
Je ne puis que périr …
Je veux donc essayer ;
Car, en restant loin de Lui,
Je sais qu’une éternelle mort m’attend.
Et quand je devrais mourir après avoir
Demandé grâce,
Après avoir éprouvé la fidélité du Roi des Rois,
Ce serait mourir (ô douce espérance !)
Comme jamais pécheur ne saurait mourir ! »
Allez à mon Sauveur, et éprouvez-le ! Oui, vous dis-je, allez et mettez-le à l’épreuve. Et s’il vous repousse après que vous l’aurez cherché de tout votre cœur, allez dans l’abîme annoncer aux esprits des réprouvés que Christ n’a pas voulu vous recevoir. Mais c’est là précisément ce qu’il ne vous sera jamais permis de faire, ce qui est absolument impossible ! Ce serait un éternel déshonneur pour l’Alliance que Dieu a traitée, et Il ne saurait le permettre, aussi longtemps qu’il est écrit : « Plusieurs viendront d’Orient et d’Occident et seront assis à table avec Abraham, Isaac et Jacob, au royaume des cieux ».
II.
La seconde partie de mon texte est navrante. Jusqu’ici j’ai prêché avec grande joie sur ce qui précède ; mais la tâche qui se présente maintenant est douloureuse pour moi, car j’ai à traiter une déclaration terrible. Cependant, comme je vous le disais, triste ou non, tout ce qui est écrit dans la Bible doit être prêché. Il est des pasteurs qui ne disent jamais un mot de l’enfer. J’en ai entendu un qui disait à ses auditeurs : « Si vous n’aimez pas le Seigneur Jésus-Christ, vous serez envoyé dans ce certain lieu que la politesse défend de nommer ». Puisqu’il n’osait pas parler plus clairement, je ne vois pas pourquoi on lui permettait de monter en chaire. Si je voyais une maison en proie aux flammes, pensez-vous que je viendrais vous dire : « Je crois que l’œuvre de la combustion s’accomplit là-bas ? » Eh ! Non, je crierais : « Au feu ! Au feu ! » Et chacun saurait aussitôt ce que je veux dire. Si donc la Bible nous dit nettement : « Les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors », je ne dois pas me présenter devant vous pour atténuer cette vérité. Nous devons prêcher la vérité telle qu’elle est écrite.
Celle que nous examinons est terrible, car elle annonce que « les enfants du royaume seront jetés dehors ! » Et qui sont ces enfants ? Je vais vous le dire. « Les enfants du royaume, ce sont ces personnes qui présentent tous les caractères extérieurs de la piété, mais qui n’en ont pas la réalité intérieure. Ce sont ces personnes que vous verrez prenant leur Bible et leur livre de cantiques et trottant de l’air le plus pieux pour se rendre au temple ou à la chapelle, le visage aussi sérieux qu’une porte de prison, et parfaitement convaincues qu’elles seront sauvées, quoique leur cœur soit parfaitement étranger à l’affaire et que toute leur piété consiste dans leur activité corporelle. Voilà les personnes désignées par ces mots : « Les enfants du royaume ». Elles sont sans vie, sans foi, sans Christ, et elles seront jetées « dans les ténèbres du dehors ».
« Les enfants du royaume », ce sont encore les enfants d’un père chrétien et d’une pieuse mère. Observez ceci, savoir : que rien ne touche plus le cœur d’un homme comme lorsqu’on lui parle de sa mère. Je me souviens d’un matelot qui ne cessait de jurer et de se mutiner contre ses supérieurs ; la police même ne pouvait le dompter et il mettait le trouble partout où il allait. Un jour, il était entré dans un lieu de culte, et là, personne ne savait comment le faire tenir tranquille. Un monsieur s’approcha et lui dit : « Mon ami, tu avais une mère autrefois ». Au même instant, ses larmes coulèrent et il s’écria : « Ah ! Monsieur, oui, oui ! … J’ai fait descendre ses cheveux blancs avec douleur dans la tombe, et j’ai bonne façon, vraiment, de me trouver en ce lieu maintenant ! » Il s’assit alors, immobile et tout pensif, à cette seule mention de sa mère. Parmi vous il y a aussi des « enfants du royaume » qui se souviennent de leur mère. Cette mère vous prenait souvent sur ses genoux et vous apprenait de bonne heure à prier. Votre père, de son côté, vous dirigeait par ses conseils dans le chemin de la sainteté. Et cependant vous êtes là, en ce moment, sans vie spirituelle et sans espérance pour le ciel. Vous descendez vers l’abîme de l’enfer aussi rapidement qu’il vous est possible. Plusieurs d’entre vous ont brisé le cœur de leur pauvre mère. Oh ! Qui pourra dire tout ce que son cœur a dû souffrir quand, vers le soir, vous courriez satisfaire votre soif de péché. « Enfants du royaume », si, après avoir été arrosés des prières et des larmes d’une mère, vous périssez néanmoins, savez-vous combien sera grande votre culpabilité ? Je ne sache pas qu’un homme qui entre en enfer avec les larmes de sa mère sur sa tête et poursuivi par les prières de son père, puisse y entrer sous de plus effroyables auspices. Jeunes gens et jeunes filles, plusieurs d’entre vous subiront cette malédiction et se réveilleront un jour dans « les ténèbres du dehors ». Vos parents, recueillis dans les célestes demeures, vous jetteront un regard de reproche et sembleront vous dire : « Eh quoi ! Après tout ce que nous avons fait pour toi, tout ce que nous avons dit, tu en es venu là ?… »
« Enfants du royaume », ne pensez pas que la piété d’une mère chrétienne puisse vous sauver ! Ne pensez pas que parce que votre père était membre de telle ou telle église, sa foi puisse vous sauver ! Supposons que quelqu’un se présente à la porte du ciel, en disant : « Laissez-moi entrer, laissez-moi entrer ! » — Pourquoi ? » lui sera-t-il demandé. — « Parce que ma mère y est entrée. » — « Qu’y a-t-il de commun entre ta mère et toi ? Si elle a vécu saintement, c’est pour elle-même. Si elle a péché, c’est pour elle-même. » — « Mais mon grand-père a prié pour moi. » — « Qu’importe cela ! Toi, as-tu prié pour toi-même ? » — « Non, je n’ai pas prié. » — « En ce cas, ni les prières de ton grand-père, ni celles de ta grand-mère, ni celles de ton père et de ta mère ne sauraient te servir de passeport pour entrer ici. » — Il faut, en effet, que vous cherchiez Dieu vous-même, ou mieux, que Dieu vous cherche. Il faut que vous possédiez en vous-même la vie nouvelle, autrement vous êtes perdu, alors même que tout le reste de votre famille serait sauvé.
Écoutez le songe terrible qu’une mère fit une fois et qu’elle raconta à ses enfants. Elle rêva que le jour du jugement était venu. Les livres étaient ouverts. Tous étaient présents devant le trône de Dieu, lorsque Jésus dit : « Séparez la paille d’avec le froment ; mettez les brebis à ma droite et les boucs à ma gauche ». Dans son rêve, la mère se trouvait avec ses enfants au milieu de l’assemblée. L’ange vint et dit : « Il faut que je prenne la mère, car elle est une brebis ; elle doit aller à la droite. Les enfants sont du nombre des boucs ; ils iront à la gauche. » Il sembla alors à cette mère qu’au moment de se mettre en marche ses enfants se cramponnaient à elle en criant : « Comment pourrions-nous te quitter ! Faudrait-il nous séparer !… » Alors, les entourant une dernière fois de ses bras, elle leur dit : « Mes enfants, si je pouvais, je vous emmènerais avec moi. » Mais à ce moment même l’ange la toucha : ses larmes disparurent, et transformée dès lors dans ses affections naturelles, rendue supérieure à ces liens d’un autre monde, résignée à la volonté de Dieu, elle reprit : « Mes enfants, je vous ai enseigné fidèlement le chemin de la paix et je vous ai élevés selon le Seigneur ; mais vous avez abandonné les voies de Dieu. Tout ce que je puis ajouter maintenant à votre triste mais juste condamnation, c’est mon Amen ! » Aussitôt ils furent arrachés d’auprès d’elle !
Jeune homme, que deviendras-tu au dernier jour, quand tu entendras Jésus te dire : « Maudit, retire-toi ! » Qu’éprouveras-tu, surtout, quand une voix partant de derrière toi répondra : « Amen ! » et que, t’étant retourné pour savoir d’où elle vient, tu reconnaîtras ta mère ? — Et toi jeune femme, qu’éprouveras-tu si, au moment où tu seras précipitée dans les ténèbres du dehors, tu entends une voix disant : « Amen ! » et que, levant les yeux, tu voies ton père prononçant encore de ses propres lèvres la solennelle malédiction ? Ah ! « Enfants du royaume », les péagers, les femmes de mauvaise vie et les plus grands pécheurs entreront dans le ciel par la porte de la repentance. On y trouvera des ivrognes, des blasphémateurs qui auront été convertis par la souveraine grâce ; tandis qu’un grand nombre d’« enfants du royaume » seront jetés dehors.
Quelle chose étrange, que vous qui avez reçu une éducation si brillante vous soyez perdus, tandis qu’un grand nombre d’entre les plus vils seront sauvés ! L’enfer ne sera-t-il pas doublement torturant pour vous, quand vous verrez un pauvre ouvrier, jadis ivrogne et abject, couché sur le sein d’Abraham ; tandis que vous, qui aviez eu une pieuse mère, vous serez plongés dans l’enfer, uniquement pour n’avoir pas voulu croire en Jésus-Christ, pour avoir mis de côté son Évangile, pour avoir vécu et pour être mort dans l’indifférence ? Ce qui causera vos plus cruels tourments, ce sera de vous voir rejetés, tandis que le plus grand des pécheurs sera admis et sauvé.
Écoutez-moi quelques instants encore. Je ne serai pas long ; mais j’ai à vous montrer ce que deviendront ces « enfants du royaume ». Le Seigneur annonce qu’ils seront « jetés dans les ténèbres du dehors ; il y aura là des pleurs et des grincements de dents ».
Observez d’abord ceci : « Ils seront jetés dehors ». Il n’est pas dit qu’ils s’en iront volontairement, mais qu’ils seront jetés dehors. Au moment où l’hypocrite arrivera à la porte du ciel, la Suprême Justice dira : « Le voici qui vient ! Le voici qui se présente ! Il est resté sourd aux prières de son père, insensible aux larmes de sa mère. Il a méprisé toutes les grâces dont la miséricorde l’avait entouré, et il vient maintenant ! … Gabriel, prends cet homme ! » Et aussitôt l’ange se saisira de vous, vous liera pieds et poings et vous tiendra un instant suspendu au-dessus de l’abîme. Il vous ordonnera alors de regarder en bas… ; mais vous n’apercevrez pas le fond. Seulement, des profondeurs du gouffre béant parviendront à votre oreille de lointains gémissements, des sanglots déchirants, un funèbre concert de douleurs et de cris … Un tremblement s’emparera de vos membres ; vos os se fondront comme de la cire, et vos moelles tressailleront de terreur. Où est maintenant votre courage ? Où sont vos vanteries et votre fierté ? Vous hurlez de désespoir ; vous criez grâce ! Mais, de sa main puissante, l’ange vous lance dans le gouffre, en s’écriant : « Va-t-en ! Va-t-en ! » Et vous descendez, vous descendez, vous descendez toujours dans l’abîme sans fond ; vous descendez encore, vous descendez éternellement et sans jamais vous arrêter de descendre ! … Vous êtes jeté dehors ! »
Mais où donc serez-vous jeté ? — « Dans les ténèbres du dehors », est-il dit ; dans un lieu où il n’y aura plus d’espérance ; car, dans l’Écriture, la lumière est le symbole de l’espérance. Vous serez jetés dans les ténèbres du dehors, c’est-à-dire dans un lieu où il n’y a point de lumière, point d’espérance ! — Y a-t-il quelqu’un ici qui soit sans espérance ? Je ne puis le supposer. L’un de vous se dit : « Je dois une forte somme et je suis menacé d’une vente forcée ; mais j’ai l’espoir de faire quelque emprunt qui me tirera d’embarras ». Un autre se dit : « Mes affaires vont mal, mais les choses peuvent prendre meilleure tournure et j’espère encore ». Un autre se dit : « Je suis dans une cruelle détresse, mais j’espère que Dieu me viendra en aide » ; et un autre : « Je suis endetté, mais j’ai des bras vigoureux, je vais travailler avec ardeur, et j’espère m’en sortir ». L’un de vous a un ami très malade, que l’on croit près de sa fin ; mais vous espérez que la fièvre s’arrêtera peut-être, qu’il se fera quelque heureuse révolution, et qu’il en réchappera. Mais en enfer il n’y a plus d’espérance ; on ne peut pas même espérer de mourir, car l’anéantissement même serait alors une douce espérance. Celui qui est en enfer est perdu ! — Perdu — perdu pour toujours ! Ces mots terribles : Pour toujours ! sont écrits sur chacune des chaînes qui le lient. Lorsqu’il lève ses regards en haut, il lit : Pour toujours ! Ses yeux se fatiguent de les lire partout, et son cœur se brise de désespoir à force de les entendre retentir de tous côtés. Oh ! Si je pouvais vous annoncer ce soir qu’un jour l’enfer lui-même sera brûlé et anéanti, et que ceux qui étaient perdus pourront encore être sauvés, quel jubilé pour les habitants de l’enfer à cette seule pensée ! Mais cela ne se peut pas. Ils seront jetés dans « les ténèbres du dehors » pour toujours !
J’abrège, car qui pourrait supporter plus longtemps de parler ainsi à ses semblables ? Que font ceux qui sont perdus ? Ils pleurent et grincent les dents. Est-ce que vous grincez les dents en ce moment ? Non ; il faudrait pour cela que vous soyez en proie à une douleur ou à une agonie cruelle. Hé bien ! En enfer on grince constamment les dents. Et savez-vous pourquoi ? … En voici un qui grince les dents contre son compagnon de misère, en hurlant : « C’est toi qui m’as conduit ici ! C’est toi qui m’as détourné de la voie ! C’est toi m’as fait boire une première fois ! » Mais son compagnon lui répond en grinçant les dents : « Tu me l’as bien rendu, car plus tard tu m’as fait devenir pire que je n’avais jamais été ! » — Voici un enfant qui lève ses regards sur sa mère, en disant : « Mère, c’est toi qui m’as élevé dans le vice ! » Et la mère répond à son enfant en grinçant les dents : « Que m’importe ton malheur ! Car tu m’as dépassée dans la carrière du crime et tu m’as entraînée à de plus grands péchés ! » — Des pères grincent les dents contre leurs enfants, et des enfants contre leurs pères. — Et, s’il en est qui doivent grincer les dents plus fort que d’autres, ce seront bien certainement les séducteurs à la vue de leurs victimes, lorsque celles-ci leur diront : « Que nous sommes heureux de vous voir en enfer avec nous ! Vous l’avez bien mérité, car c’est vous qui nous y avez précipités ! » — Y en a-t-il ici qui aient à se reprocher d’en avoir séduit d’autres ? … Oh ! Puisse la Souveraine Miséricorde vous faire grâce ! « Nous nous sommes égarés, dit David, comme des brebis perdues. » Mais, dans un troupeau, jamais une brebis ne s’égare seule. Un jour, une brebis sauta par-dessus le parapet d’un pont dans la rivière et toutes les autres la suivirent. De même, quand un homme s’égare, il en entraîne toujours d’autres à sa suite. Il en est parmi vous qui auront à rendre compte des péchés des autres aussi bien que des leurs. Oh ! Qu’ils seront affreux « les pleurs et les grincements de dents » qui résonneront dans l’abîme !
Hâtons-nous de fermer ce livre de sombres présages ! Qui aurait le courage d’en dire davantage ? Ceci suffit pour vous avertir solennellement. Le jour baisse ; le soleil va se coucher. Ah ! Pour plusieurs d’entre vous aussi le jour est sur son déclin. Je vois ici des têtes qui ont commencé de blanchir. Mais ces cheveux blancs sont-ils pour vous une couronne de gloire ou un bonnet de folie ? Êtes-vous sur le seuil de l’éternelle félicité ou sur le bord de l’éternel gouffre ? …
Ô vieillards ! Permettez-moi de vous avertir ! La nuit s’avance pour vous. Faudra-t-il que votre tête blanchie par les ans s’approche en tremblant de la perdition et que par un pas de plus — pas décisif — vous tombiez en trébuchant dans l’abîme ? Permettez à un jeune enfant de se placer devant vous et de vous prier de prendre garde. Voici, la terre manque déjà sous le bâton qui vous sert d’appui. Ce soir donc, ô vieillard, avant que tu meures, réveille-toi ! Que tes soixante et dix ans de péché te glacent d’épouvante ; que toutes tes transgressions passées se dressent devant toi ! Que feras-tu pour rendre compte de soixante et dix années de péché ? Comment auras-tu le courage de les présenter à ton Dieu ? Que le Seigneur te fasse la grâce de te repentir aujourd’hui et de mettre ta confiance en Jésus-Christ !
Et vous, hommes d’âge mûr, vous n’êtes pas en sûreté non plus. Pour vous aussi le jour baisse, car vous pourriez bien mourir ! Il n’y a que peu de temps, je fus appelé au point du jour pour visiter un mourant. Je m’habillai en toute hâte pour me rendre auprès de ce malheureux ; mais je n’arrivai pas à temps : il était mort … Je ne trouvai qu’un cadavre. Tandis que je le considérais, « Ah ! » pensais-je, « cet homme ne s’attendait pas à mourir si tôt ! » Sa femme, ses enfants, ses parents étaient là ; ils ne s’attendaient pas non plus à le voir mourir si promptement, car c’était un homme robuste qui, peu de jours auparavant, était plein de vie et de santé. Nul d’entre vous n’a fait de bail avec la vie. Si vous en avez un, montrez-le ! Allez chez vous, cherchez bien dans vos armoires ; voyez s’il n’y serait point caché quelque part … Vous ne l’avez pas ? Hé bien ! Donc, vous pouvez mourir demain, et dès lors permettez-moi de vous donner un solennel avertissement, au nom des miséricordes de Dieu ; permettez à un frère de vous parler avec toute l’affection dont il est capable, car je vous aime, vous le savez, et j’éprouve le besoin d’insister jusqu’à ce que cette vérité ait pénétré votre cœur. Oh ! Qu’il sera grand le bonheur de celui qui sera mis au nombre des rachetés de Jésus-Christ ! Dieu a déclaré que quiconque invoquerait son nom serait sauvé et qu’il ne mettrait dehors aucun de ceux qui iront à Lui au nom de son Fils.
Un mot pour vous enfin, jeunes gens et jeunes filles. Vous pensez peut-être que la religion n’est pas faite pour vous … « Laissez-nous être gais et contents, dites-vous, et ne nous empêchez pas de jouir de la vie. » — Pendant combien de temps, jeune homme ? — « Jusqu’à ce que j’aie vingt et un ans. » — Es-tu sûr de vivre jusque-là ? Prends garde à ceci : à supposer que tu vives, si tu n’as pas de goût pour les choses sérieuses aujourd’hui, tu n’en auras point alors. Abandonnés à eux-mêmes, les hommes ne deviennent jamais meilleurs. Ils sont comme un jardin : si vous le négligez, si vous y laissez croître les mauvaises herbes, vous ne vous attendez pas à le trouver amélioré au bout de six mois, mais, au contraire, à le trouver dans un état pire. Ah ! Les hommes parlent comme s’ils pouvaient se repentir quand ils veulent. Dieu seul peut produire en nous la repentance. Il en est qui vont jusqu’à dire : « Je me donnerai à Dieu tel jour ». Folie ! … Vous feriez bien mieux de dire : « Je veux aller à Lui et implorer sa miséricorde aujourd’hui même, de crainte que la mort ne me surprenne avant que j’aie obtenu la repentance et trouvé Jésus-Christ mon Sauveur ! »
Je conclus. Je vous ai parlé du ciel et de l’enfer : quel est maintenant le moyen d’échapper à l’enfer et de parvenir au ciel ? Rassurez-vous ; je ne veux pas recommencer aujourd’hui « ma vieille histoire », comme quelques-uns l’appellent. Je n’ai pas oublié qu’à la dernière fois que je vous la disais, un brave homme de la foule s’est écrié : « Allons, dis-nous donc quelque chose de nouveau ! » Mais, vraiment, ce n’est pas en prêchant dix fois par semaine que je puis dire souvent quelque chose de nouveau. Les meilleurs et les plus éloquents sont là. Je n’ai pas d’autre Évangile que le vieux Évangile de Jésus-Christ : « Celui qui croit et qui est baptisé sera sauvé ». Il n’est pas question des œuvres ; il ne dit pas : « Celui qui sera brave et honnête sera sauvé », mais simplement : « Celui qui croit et qui est baptisé ». Hé bien ! Qu’est-ce que croire ? C’est mettre votre confiance uniquement en Christ. Le pauvre apôtre Pierre, un jour, croyait, et Jésus lui dit : « Allons, Pierre, viens à moi en marchant sur les eaux ». Et Pierre vint en marchant sur les vagues de la mer. Mais il se mit à regarder les vagues, il eut peur et trembla ; aussitôt ses pieds s’enfoncèrent. Hé bien ! Pauvre pécheur, Christ te dit : « Marche sur tes péchés et viens à moi » ; et si tu obéis, il te donnera le pouvoir de venir à Lui. Si vous croyez en Christ, vous recevrez la force de marcher sur vos péchés, de les fouler aux pieds, de les vaincre et de les surmonter.
Je me rappelle le moment où tous mes péchés se dressèrent devant moi. Je me crus alors le plus maudit de tous les pécheurs. Ce n’est pas que j’ai commis ouvertement de bien graves transgressions ; mais je me souvenais de tous les soins et de tous les précieux conseils qu’on avait prodigués à ma jeunesse, et mes péchés m’apparaissaient comme comparativement beaucoup plus graves que ceux des autres hommes. Je criais à Dieu pour obtenir mon pardon et je craignais qu’il ne veuille jamais agréer ma repentance. Je restai des mois entiers dans cette triste situation, demandant grâce ; mais Dieu ne m’entendait pas, et je ne savais pas ce que c’était que d’être sauvé. J’étais parfois si las de la vie que je désirais la mort ; mais je me souvenais bientôt qu’après cette vie quelque chose de pire m’attendait, et que je n’avais qu’à perdre en me précipitant entre les mains de Dieu sans y être préparé. D’autres fois, Dieu m’apparaissait comme le plus cruel des tyrans, parce qu’il n’exauçait pas mes prières ; plus tard, je reconnaissais que je méritais sa colère et me disais : « S’il t’envoie en enfer, Il sera juste ». Je me souviens du jour où, entrant dans un lieu de culte, je vis monter en chaire un homme de grande taille et fort maigre. Je ne l’ai pas revu depuis ce jour et ne le reverrai peut-être que là-haut. Il ouvrit la Bible et lut d’une voix grêle ces paroles : « Regardez à moi, vous, tous les bouts de la terre et soyez sauvés ; car je suis Dieu et il n’y en a point d’autre après moi ». Ah ! Pensai-je, je suis bien l’un de ces bouts de la terre. Puis le pasteur se tourna de mon côté et se mit à dire en me fixant comme s’il me connaissait : « Regardez ! Regardez ! Regardez ! » Moi, qui croyais qu’il y avait beaucoup à faire, je découvrais qu’il s’agissait seulement de regarder. Je m’étais imaginé que j’allais avoir à me faire une robe de mérites propres, et je m’apercevais que si je regardais, Christ me donnerait lui-même une robe toute faite. Être sauvé, ô pécheur ! C’est regarder. « Regardez à Lui, vous, tous les bouts de la terre et soyez sauvés ! » C’est là tout ce qu’eurent à faire les Hébreux lorsque Moïse éleva le serpent d’airain dans le désert. Il leur dit : « Regardez ! » et ils regardèrent. Les serpents brûlants avaient beau les enserrer déjà dans leurs replis tortueux et ils avaient beau être presque morts, au premier regard jeté sur le serpent d’airain les reptiles tombaient à terre et les mourants recouvraient la santé. Pécheur, regarde donc à Jésus ! Il n’y a que Lui qui puisse te secourir dans ton impuissance. Nous chantons souvent une hymne qui n’est pas exacte :
« Hasarde-toi, pécheur, à lui confier ton âme.
Ne la confie qu’à Lui seul. »
Or, je pense qu’on ne risque absolument rien en se confiant en Christ. Celui qui se confie en Lui est à l’abri de tout danger. Je me souviens qu’on demandait à un chrétien qui était sur le point de mourir s’il confiait son âme au Sauveur. Il répondit : « Je lui en confierais un million, si je les avais ! » Je suis convaincu que tout chrétien qui se confie réellement en son Sauveur peut répondre : « Amen » à ces paroles. Confiez-vous donc en Lui, et vous ne serez point confus ; mon glorieux Maître ne vous mettra jamais dehors.
J’ai fini. Il ne me reste plus qu’à vous remercier de votre bienveillance. Je n’ai jamais vu une si nombreuse assemblée aussi tranquille et aussi recueillie. Je crois en vérité que, malgré les choses dures que j’ai dû prononcer, vous savez discerner si l’on vous aime réellement et vous attacher à celui qui veut votre vrai bien. Je remercie chacun de vous individuellement et je vous demande surtout, si vous croyez que j’aie parlé selon le bon sens et selon la vérité, de réfléchir à ce que vous êtes ; et puisse l’Esprit Saint bénir vos réflexions ! Puisse-t-il vous révéler que vous êtes morts, que vous êtes perdus, que vous êtes condamnés, — vous faire sentir tout le malheur qu’il y aurait pour vous à tomber en enfer, et diriger vos regards vers le ciel ! Puisse-t-il vous dire ce que l’ange disait à Lot, en le prenant et le poussant hors de Sodome : « Fuis, hâte-toi, sauve ta vie ! Dirige-toi vers la montagne ; ne regarde pas en arrière et ne t’arrête pas dans la plaine. » Et puissions-nous tous nous rencontrer au ciel où nous attend une félicité éternelle !
P. S. Ce sermon a été accompagné de beaucoup de prières de la part des fidèles. Le prédicateur ne s’attendait pas à le voir publié, mais, puisqu’il est imprimé, il ne demandera nullement aux lecteurs d’en excuser les nombreuses imperfections. Il leur demandera plutôt de prier, afin que, malgré ses défauts, ce discours puisse contribuer d’autant plus à la gloire de Dieu par la conversion de ceux qui le liront. « L’excellence de cette puissance est de Dieu et non de l’homme. »
165 - LE PIÈGE DE L’OISELEUR.
« Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur » (#Ps 91:3).
Si Moïse est l’auteur de ce psaume, l’oiseleur pourrait bien avoir été, dans sa pensée, ce roi d’Égypte qui cherchait à le tuer, ou ce peuple des Amalécites qui fondait sur Israël dans la plaine, au moment où il ne s’y attendait pas. Si c’est David qui l’a écrit, cet oiseleur pourrait bien être Saül ; car David dit avoir été traqué par lui « comme la perdrix que le chasseur poursuit sur les montagnes ». Mais, quoique ce verset puisse trouver ainsi son application dans les deux cas, nous croyons que le psalmiste, quel qu’il soit, avait l’intention de l’appliquer, non pas à des circonstances personnelles, mais à tous les temps, et nous pensons qu’il a voulu désigner par l’oiseleur le grand ennemi des âmes, le grand trompeur — Satan, -celui dont il est dit dans un cantique :
« Satan, l’oiseleur qui trahit
De mille manières les âmes distraites. »
Le prince de la puissance de ce monde, cet esprit qui encore maintenant agit sur les enfants de rébellion, est en effet semblable à un oiseleur qui travaille sans cesse à nous détruire. Un auteur spirituel disait un jour que l’ancien diable était mort et que maintenant il y en avait un nouveau ; voulant dire par là que Satan agissait de nos jours autrement que par le passé. Quant à nous, nous croyons qu’il est bien toujours le même ; seulement il a changé de moyens d’attaque. Le diable d’il y a cinq cents ans était une figure noire et grimaçante, assez semblable aux vieilles peintures qu’on en faisait alors. C’était un persécuteur qui jetait les hommes dans une fournaise, et les mettait à mort pour avoir servi Jésus-Christ. Le diable de nos jours est un homme parfaitement comme il faut, qui ne persécute pas, mais, qui cherche plutôt à persuader et à séduire. Il n’est plus ce fanatique furieux des autres fois, mais plutôt cet incrédule captivant, qui cherche à ruiner la religion sous prétexte de la rendre un peu plus raisonnable, et par suite d’autant plus triomphante. Tout son désir serait de pouvoir réconcilier la mondanité avec la foi ; car, en y parvenant, il aurait ruiné cette dernière, tout en prétendant développer la puissance expansive du christianisme et trancher des questions profondes que nos pères comprenaient bien mal.
Mais Satan est toujours oiseleur ! Quelle que soit la tactique qu’il emploie, son but demeure le même. Il veut prendre des hommes dans ses filets. Ces derniers sont comparés à des oiseaux dépourvus d’intelligence, qui ne savent pas voir ni éviter le piège ou qui n’ont pas la force de s’en dégager. Satan est l’oiseleur ; il n’a jamais été et ne sera jamais autre chose. S’il ne nous attaque plus, comme un lion rugissant, par la fureur des persécutions, il nous attaque comme la vipère qui se glisse silencieuse dans le sentier, cherchant à nous mordre de ses dents empoisonnées. Il essaie d’affaiblir en nous le pouvoir de la grâce et à ruiner notre vie intérieure.
Notre texte est très encourageant pour tout enfant de Dieu qui se voit sollicité par la tentation. « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »
Et d’abord, quelques mots sur le piège de l’oiseleur ; — secondement, sur la délivrance ; — troisièmement, sur sa certitude. Nous nous arrêterons surtout sur le mot certainement, car il est ici encadré comme un diamant dans cette précieuse promesse : « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur ».
I.
Parlons donc avant tout du PIEGE DE L’OISELEUR. L’image employée ici suggère trop de développements pour que je m’attende à épuiser le sujet. Je vous laisse donc le soin de la méditer dans vos demeures et de faire l’énumération complète de tous les pièges que l’oiseleur invente pour prendre des oiseaux. Ce travail vous indiquera successivement les moyens que Satan met en œuvre pour séduire les âmes. Permettez-moi, toutefois, de vous présenter quelques observations qui se rapportent en même temps à l’oiseleur et au Malin Esprit.
1. D’abord, le piège de l’oiseleur est toujours calculé de manière à être caché. En vain déroulerait-on un filet sous les yeux de l’oiseau ; aussi l’oiseleur a-t-il grand soin de cacher son piège, ou bien, si le piège ne peut être recouvert, il s’applique à tromper l’oiseau et à le laisser dans la plus complète ignorance sur son but, qui est de l’enferrer. La pauvre créature est loin de soupçonner que cette nourriture qu’on semble lui offrir généreusement pour lui procurer un joyeux repas, est destinée à l’attirer et à la faire mourir. Lorsqu’il s’en va à la chasse, l’oiseleur prend bien garde de ne pas être aperçu. Nous savons, par exemple, qu’à la chasse des canards sauvages le braconnier a dans certaines contrées la précaution de tenir entre ses dents un peu de gazon, afin que ces oiseaux, qui sont très circonspects, ne sentent pas son haleine de loin. Les tentations que le monde présente aux chrétiens sont tout aussi bien dissimulées que celles de ces oiseleurs. Je dis : « celles qu’il présente aux chrétiens », parce que les méchants pèchent avec pleine connaissance de cause. Ils se ruent dans le filet tout en sachant que c’est un piège, saisissant l’iniquité de leurs deux mains à la fois, et cela même en face d’une damnation évidente. Ils commettent des péchés qu’ils savent être punis par les lois humaines, et ils accomplissent des crimes sur la culpabilité desquels personne, ne saurait avoir le moindre doute. Mais il n’en est pas ainsi du chrétien, qui ne saurait être pris que par surprise. « Ah ! » dit l’un d’eux, « si j’étais sûr que telle chose est mauvaise et si j’étais bien convaincu qu’elle est coupable aux yeux de Dieu, je m’en abstiendrais. » Mais c’est là justement qu’est le danger. L’oiseau aussi pourrait dire : « Si j’étais bien sûr que ceci est un piège ; si j’étais parfaitement persuadé que je risque d’être pris dans les mailles de ce filet, je ne volerais pas vers tel lieu, j’aurais garde d’en approcher ! »
Combien de gens qui, tout en professant d’être chrétiens, vous demandent : « Puis-je aller dans tel endroit ? » Quelqu’un des nôtres répondra : « Non ! » Et aussitôt on le taxe de puritanisme et d’exagération. Que ceux qui ont cherché à conserver intacte leur pureté au milieu des plaisirs du monde, viennent confesser ici avec honte que la piété et la mondanité ne sauraient coexister. Ou bien nous servirons Dieu complètement, ou bien nous servirons complètement le Malin. « Si l’Éternel est Dieu, servez-le, mais si Baal est dieu, servez-le. » Choisissez l’un ou l’autre.
Combien est grand le nombre de ceux qui se sont laissé prendre dans les pièges de Satan, en ignorant qu’ils faisaient mal ! En matière de commerce, par exemple, quelqu’un leur aura suggéré de faire certaine chose … « Vous pouvez le faire sans danger, leur a-t-on dit, tous les négociants de cette rue l’ont fait ; ce n’est pas absolument déshonnête ; cela donne meilleure apparence à la marchandise, je vous assure ; et comme vous pourrez par ce moyen vendre l’article plus cher qu’il ne le faudrait rigoureusement, il n’y a pas besoin d’en informer le public ; ça ne le regarde pas. Si l’article n’en est que meilleur, qu’importe qu’on le frelate un peu ! » Et voilà le bonhomme qui s’y laisse prendre ; il n’ouvre qu’un œil et cligne l’autre comme s’il avait peur d’y voir trop clair et de ne pouvoir plus remplir son gousset dans l’ombre ; puis, peu à peu il découvre que par l’acte qu’il a accompli il s’est laissé prendre dans le filet de l’oiseleur, car il a péché contre son Dieu, et son Dieu l’en punit en le frappant de ses verges et en appesantissant sa main sur lui.
Un chrétien se laisse bien plus difficilement entraîner, dans un péché palpable que dans tel péché habilement déguisé et secret. Si je vois venir le diable à ma porte avec ses cornes sur la tête, jamais je ne le laisserai entrer ; mais s’il se présente coiffé comme un homme respectable, je lui ouvre aussitôt ma porte. La métaphore est un peu risquée, mais elle est juste. Bien des gens se laissent aller à quelque mauvaise action uniquement parce qu’elle était recouverte à leurs yeux d’un certain vernis ou accompagnée d’une certaine interprétation qui lui ôtait son vrai caractère. Ils se sont dit intérieurement : « Il n’y a pas grand mal à cela », et ils ont laissé passer ce petit ruisseau qui est bientôt devenu comme une trombe et comme un torrent irrésistible. Ce petit commencement a enfanté une fin effroyable. Chrétien prends garde aux petites choses que tu caches ! Prends garde aux choses que le monde approuve si légèrement et qui peuvent bien convenir pour lui, et encore ! … Nous, ne saurions leur arracher leurs jouissances, puisqu’ils n’en possèdent pas d’autres ; mais elles ne valent rien pour vous, car vous possédez une vie meilleure, une vie d’un ordre trop élevé et d’une nature trop délicate pour qu’elle puisse s’accommoder des immondes joies de la terre. Rappelez-vous de ne pas vous appliquer la mesure dont se mesurent les autres. Les personnes inconverties peuvent, sans se laisser aller au péché, se livrer à bien des distractions et des divertissements. Le chrétien ressemble à l’anglais, qui ne peut éviter d’être victime de certaines fièvres de l’Inde. Les indigènes n’en meurent pas ; les étrangers y succombent. Il en est de même pour vous qui êtes nés deux fois ; votre piété succombera infailliblement là où un homme du monde ne tombera dans aucune aggravation de mal et demeurera tel qu’il était. Vous devez être infiniment plus sévères envers vous-mêmes que ne le sont les autres, et être bien plus rigides dans votre piété que les hommes du monde ne le jugent nécessaire ; car le péché est presque toujours déguisé et le piège n’est jamais apparent. « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »
2. En second lieu, le piège est d’ordinaire parfaitement adapté à la victime en vue de laquelle il est préparé. Jamais vous ne verrez un oiseleur tendre le même piège à des oiseaux d’espèces différentes. Il connaît les instincts de l’oiseau qu’il veut prendre, et il choisit son appât en conséquence. Le chasseur qui voudrait prendre au même piège l’alouette qui s’élève jusque dans les nues et le canard qui vole à la surface des eaux, serait en vérité un bien pauvre chasseur. Le vrai, le bon chasseur est plus rusé que cela ; il adapte son piège à la nature particulière de l’oiseau qu’il veut tromper. Satan, le grand braconnier, fait de même. — Voici un homme : celui-là, il va l’attirer par la boisson. Ce péché est celui auquel il se livrerait le plus volontiers, si la grâce de Dieu n’était pas dans son cœur. Sachant que c’est là son côté faible, Satan cherche à l’amorcer par l’ivrognerie et la gloutonnerie. — Voici un autre homme : celui-là est tout à fait inaccessible à des goûts si matériels ; mais il est tel autre piège qui fera mieux son affaire ; ce sera, je suppose, celui de la luxure. Satan ne manque pas, dès lors, de choisir son amorce en ayant égard à ce tempérament bouillant et à ces prédispositions funestes. — Un autre peut-être aura en profond dégoût toute habitude souillée et sensuelle. En l’abordant, Satan le tentera par conséquent d’une autre manière : il tendra des pièges à son orgueil. — Un autre sera d’un caractère mélancolique, aimant la solitude. Satan s’affublera d’une dignité toute solitaire et viendra le visiter, en lui disant : « Je suis la sainteté ! » Seigneur, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes ! — Si Satan a affaire à quelqu’un qui ne soit pas naturellement enclin à un orgueil extrême, il le prendra par la paresse. Celui-là préfère une vie facile ; le tentateur adaptera son amorce à ce penchant particulier ; il le poussera à se tenir tranquille, les bras croisés, et le fera périr à force d’indolence. Et remarquez que dans les régions glaciales celui qui s’assied tranquillement pendant qu’il gèle et tandis que la terre se couvre de neige, est voué à une mort tout aussi certaine que s’il se perçait la poitrine d’un coup de poignard. Satan, qui le sait fort bien, le prend par son côté faible.
Oh ! Que de fois, mes bien-aimés, il nous arrive de condamner chez les autres ce que nous nous permettons à nous-mêmes, peut-être sans le savoir ! Nous disons à un tel qu’il est d’un orgueil insupportable. Hé bien ! Notre orgueil, à nous, n’a pas précisément la même forme : ce n’est plus le même emballage, quoique ce soit la même marchandise ; il n’y a de changé que l’étiquette. Satan adapte l’orgueil à la tendance naturelle de chacun. Si nous sommes riches, il ne nous tentera pas précisément par l’orgueil des richesses, mais peut-être par celui du pouvoir, et nous fera ainsi devenir des maîtres durs envers nos domestiques. Si ce genre d’orgueil ne nous sourit pas, il nous charmera par l’orgueil de la générosité, et nous voilà disposés à nous vanter de notre bonté et à énumérer tout ce que nous avons donné. À chaque homme son piège ; à chaque oiseau son appât ! Il se garderait bien de vous tenter tous de la même façon que moi, ni de me tenter, moi, de la tentation qu’il présentera tout naturellement à tel autre.
« Le piège de l’oiseleur !… » Quelle ruse que celle de cet ennemi-là ! Il connaît notre côté faible. Voilà six mille ans qu’il travaille les hommes et qu’il les étudie : il les sait par cœur. Intelligence d’une puissance extraordinaire, quoique déchue, il sait où se trouve le point critique de notre position, et nous attaque aussitôt du côté le plus mal défendu. Quand nous ne serions même, à l’instar d’Achille, vulnérables qu’au talon, c’est là qu’il finirait par diriger son dard, et c’est par là qu’il nous tuerait. Il voit instantanément quel est, de tous les péchés, celui qui nous surmonte le plus aisément, et c’est aussitôt en nous travaillant sur ce terrain délicat qu’il consommera, s’il le peut, notre ruine et notre destruction. Ah ! Bénissons Dieu de ce qu’il est écrit : « Certainement Il te délivrera du filet de l’oiseleur ».
3. Considérons aussi que le piège de l’oiseleur est presque toujours déguisé sous l’attrait du plaisir, du profit ou de quelque avantage. L’oiseau ne vole vers le filet que parce qu’il est attiré par le froment épars sur le sol. Cet appât est ce qui le leurre et l’entraîne à la mort. De même, le grand oiseleur, Satan, nous fascine par un appât trompeur. « Oh ! » s’écrie l’un, « je ne puis abandonner telle ou telle chose : elle est si agréable ! Monsieur, si vous aviez connu le charme de tel plaisir, vous ne me presseriez pas de l’abandonner. » — Oui, mon ami ! … Hé bien c’est précisément ce charme que vous y trouvez qui le rend d’autant plus dangereux pour vous. Satan ne vend pas ses poisons à découvert : il les dore avant de les exposer à la vue. Il sait qu’à la faveur de cette simple dorure les hommes les lui achèteront et les avaleront sans défiance. Prenez garde au plaisir ! Prenez garde à ce que vous faites en vous y livrant ! Il en est de beaucoup d’innocents et de salutaires, mais il en est plus encore de mortels. On dit que là où croissent les beaux cactus se trouvent sous chaque plante les serpents les plus venimeux. Il en est de même du péché : vos péchés les plus vifs recouvrent vos péchés les plus noirs. Prenez garde ! Oui vous dis-je prenez garde à vos plaisirs ! C’est dans une corbeille de fleurs que se trouvait l’aspic qui tua Cléopâtre ; c’est dans les brillantes joies d’une fête que Satan nous présente la coupe empoisonnée du péché. Au buveur, il présente les douceurs de cette ivresse qui le remplit de joie lorsqu’il sent son cerveau pirouetter jusqu’à la folie et son âme se soulever dans l’orgueil de l’abrutissement. Il offre à l’homme efféminé les honteux plaisirs et les hideuses jouissances de la chair, l’entraînant dans l’abîme par une amorce séduisante sous laquelle se cache l’hameçon qui le déchirera plus tard. Il nous offre à chacun — à vous et à moi — les plaisirs que nous estimons le plus ; il chatouille nos désirs les plus vifs pour nous saisir et nous maîtriser à son gré.
Je voudrais mettre chaque chrétien en garde contre la chose qui flatte le plus ses penchants naturels. Ma pensée ne serait pas de l’engager à fuir tout ce qui lui plaît, mais à se tenir sur ses gardes. J’agirais comme Job après que ses fils eurent festoyé chez eux. Il ne les empêcha pas de festoyer, mais il dit : « J’offrirai un sacrifice, de peur que mes fils n’aient péché dans leur cœur et n’aient blasphémé l’Éternel dans leur folie ». Il s’occupait de ses enfants plus spécialement pendant leurs moments de gaîté qu’en toute autre occasion. Imitons cet exemple. Souvenons-nous que le piège de l’oiseleur se rattache toujours à quelque jouissance ou à quelque profit et que le but de Satan n’est pas de nous procurer des joies, mais de nous perdre.
4. Parfois l’oiseleur fait usage très habilement de la force de l’exemple. Tous connaissent le parti que l’on peut tirer d’un oiseau de leurre placé dans un filet pour y amener ses camarades. Satan place presque toujours un oiseau de leurre dans son piège pour entraîner les enfants de Dieu dans le péché. Vous rencontrez un homme ; vous croyez qu’il est sincèrement chrétien ; son caractère vous inspire une certaine confiance ; il professe hautement sa foi à l’Évangile ; il peut parler religion aussi longtemps qu’il vous plaira et vous débiter autant de théologie que vous voudrez : vous le voyez commettre un péché ; si vous avez une grande estime pour lui, je parie dix contre un que vous le commettrez avec lui et qu’il vous mènera en laisse. Et remarquez combien Satan est prudent dans le choix des hommes qu’il prend pour leurre. Ne craignez pas qu’il aille choisir un méchant pour surprendre un homme droit et honnête. Satan se servira rarement d’un caractère ouvertement impie pour séduire un chrétien. Non ; il choisit un personnage qui a des prétentions à la piété et qui vous ressemble le plus possible, afin de vous attirer vers le piège. Qu’un fripon me rencontre dans la rue et m’invite à faire une mauvaise action ! Jamais le diable ne sera assez bête pour l’employer à pareille œuvre parce qu’il sait fort bien que je passerais droit chemin. S’il veut que sa commission me soit faite convenablement, il prendra pour son émissaire quelqu’un que j’appelle frère. À la faveur de cette fraternité chrétienne, mon estime lui sera acquise, je luis donnerai ma confiance, et, s’il s’égare, la puissance de son exemple m’entraînera probablement dans le piège avec lui. Prenez garde à vos meilleurs amis ! Prenez garde à ceux que vous admettez dans votre inimité ! Choisissez-les le mieux que vous pourrez, et après cela ne les suivez qu’aussi longtemps qu’ils suivent Christ. Demeurez toujours indépendant de toute influence humaine. Dites comme Josué : « Que d’autres fassent ce qu’ils voudront ; mais, moi et ma maison, nous servirons le Seigneur ».
5. Remarquez enfin que lorsque l’oiseleur ne peut pas prendre l’oiseau par la ruse et la finesse, il lance sur lui son faucon, qui le poursuit et finit par l’abattre. Quand Satan ne peut pas entraîner un chrétien dans le péché, il déchaîne contre lui la calomnie, qui le mord, qui déchire sa bonne réputation et fait tous ses efforts pour l’abattre. Je vais vous donner un avis utile. Je connais un bon pasteur, aujourd’hui parvenu à un âge qui commande la vénération : un temps fut où il était calomnié et déchiré à belles dents par un malheureux qui le haïssait à cause de sa droiture et de son amour pour la vérité. Le pauvre pasteur était désolé ; il menaça le calomniateur des tribunaux s’il ne se rétractait pas. Il se rétracta. La calomnie et la rétractation parurent ensemble dans les journaux, et vous en devinez la conséquence : la calomnie obtint créance dans un cercle bien plus étendu que si l’on n’avait rien dit. J’en ai tiré cette excellente leçon : faire en présence du faucon de la calomnie ce que font les petits oiseaux quand ils sont poursuivis par l’épervier ; ils s’élèvent dans les airs. Le faucon ne peut pas les atteindre aussi longtemps qu’ils se tiennent au-dessus de lui. Ce n’est que lorsqu’ils descendent à son niveau qu’il peut leur faire du mal ; ce n’est qu’alors que, prenant le dessus, il peut fondre sur eux et en faire carnage. Si quelqu’un donc vous calomnie, laissez-le faire, mais ne descendez pas à son niveau. Dites ce que disait David concernant Simhi : « Si l’Éternel lui a commandé de me maudire, qu’il me maudisse ! Et si les fils de Seraja disent : allons trancher la tête de ce chien mort, dites : qu’il me maudisse ! » Et de la sorte vous resterez au-dessus de la calomnie. Si l’un de nous se retournait pour prêter l’oreille à chaque passereau qui se plaît à crier contre lui, il n’aurait bientôt d’autre occupation que celle de leur répondre. S’il me fallait combattre pour chaque doctrine que je prêche, je ne ferais qu’amuser le diable et satisfaire la démangeaison qu’ont certaines personnes pour les discussions religieuses. Par la grâce de mon Dieu, vous pouvez dire contre moi ce qui vous plaira, je ne vous répondrai jamais, mais je passerai outre. Tout finira bien, pourvu que la conscience reste pure. Plus on lancera de boue sur un caractère intègre, plus il brillera, et plus son éclat sera pur. Ne vous êtes-vous pas senti crispé à l’approche d’un homme qui vous dénigre ? J’ai éprouvé cette sensation. Bien souvent je me suis dit : « Pour cette fois, je ne pourrai pas retenir ma langue ; il faut que je réponde à cet homme ». Mais j’ai demandé aussitôt à l’Éternel la force d’imiter Jésus qui « lorsqu’on l’outrageait ne répondait pas », et j’ai laissé cet homme passer son chemin. La meilleure manière de se débarrasser de la calomnie est précisément de la laisser faire et de ne rien dire ; car, si vous persécutez le malheureux qui la vomit, si vous le menacez des rigueurs de la loi ou si vous le forcez à vous faire des excuses, vous n’en serez pas plus avancé, et il restera toujours assez d’insensés et de méchants dans le monde pour y prêter foi. Laissez faire, ne vous en mêlez pas, et le Seigneur vous aidera par cette conduite prudente à réaliser sa promesse : « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur ». Et maintenant, avant d’en finir avec ce point, je veux encore vous faire remarquer que quand l’oiseleur est bien décidé à prendre l’oiseau, il met en usage tous ses pièges à la fois et l’attaque simultanément de tous côtés. Il en agira de même vis-à-vis de vous, mes bien-aimés. Satan n’oubliera aucun effort pour ruiner et perdre votre âme.
« Je demeure debout, au milieu de pièges sans nombre,
Gardé et soutenu, Seigneur, par ta main puissante. »
Un vieil auteur dit :
« Les esprits qui traquent ton âme placent des pièges jusque dans ton être.
Si tu as des besoins, ces besoins ont leurs pièges.
Si tu as du crédit, là encore sont des pièges.
Si tu es en opprobre, d’autres pièges t’attendent.
Si tu es en honneur parmi les hommes, ou s’ils te méprisent, les pièges fourmillent sous tes pas.
Pièges à tes pieds, pièges autour de ta couche !
Pièges sur ta table, pièges dans chaque secrète pensée !
Pièges dans chaque parole que tu prononces !
Pièges dans tes heures de repos !
Pièges dans tes émotions de tout genre !
Pièges dans tes jeûnes, pièges dans tes prières !
Pièges dans tes résolutions, ainsi que dans tes doutes !
Pièges au dedans de ton cœur ; pièges au dehors !
Pièges au-dessus de ta tête et pièges au-dessous !
Pièges dans la maladie et jusque dans la mort !… »
Il n’est pas, j’en suis assuré, un lieu ni un instant de la vie où le chrétien ne rencontre des pièges. Derrière chaque tronc d’arbre on aperçoit un farouche indien, armé de sa flèche barbelée ; derrière chaque buisson se cache un lion rugissant qui guette sa proie ; sous chaque fleur se glisse la vipère venimeuse. Ces pièges sont partout. Soyons sur nos gardes ! Ceignons nos reins de la toute-puissante protection du Seigneur, et alors le Saint-Esprit nous gardera. Avec lui nous marcherons sur la vipère, nous écraserons le lion ; nous mettrons sous nos pieds le jeune lion et le dragon ; nous serons « délivrés du piège de l’oiseleur ».
II.
Abordons enfin le second point : LA DELIVRANCE. Dieu délivre ses enfants du piège de l’oiseleur. Ici, deux pensées se présentent : Il les délivre du piège, premièrement en les empêchant d’y tomber, secondement en les en retirant quand ils s’y sont laissé prendre. L’une de ces deux promesses regardera plutôt les uns ; l’autre concernera les autres.
« Il te délivrera du piège » ; et comment cela ?
Souvent en envoyant l’épreuve. Oui, l’épreuve est un des moyens par lesquels Dieu nous arrache souvent. Vous connaissez l’histoire de ce peintre célèbre qui couvrait de fresques l’intérieur de Saint-Paul, et qui pour regarder son travail, reculait peu à peu sur l’échafaudage où il était, afin de pouvoir l’embrasser d’un coup d’œil dans son ensemble et en juger les proportions. Il avait fini par atteindre ainsi le fin bord, et il reculait encore … Un pas de plus, et il tombait d’une hauteur prodigieuse sur les dalles de l’église ; un instant plus tard, il se serait infailliblement brisé, si, à ce moment suprême, l’un des ouvriers, voyant le danger qui menaçait son maître et voulant le sauver, n’avait imaginé un expédient qui réussit fort heureusement. Au lieu de lui crier : « Maître, vous allez vous précipiter ! » ce qui aurait certainement fait faire au peintre un mouvement de recul fatal à ses jours, il prit un grand pinceau imbibé de couleurs et le lança contre la fresque. Furieux à la vue de cet acte de vandalisme, le bon peintre fit un saut en avant pour châtier le maladroit. Mais lorsqu’on lui eût expliqué le motif, il vit clairement que cet homme venait de lui sauver la vie. Dieu fait de même. Nous avons souvent, vous et moi, travaillé à quelque peinture, et nous nous sommes reculés pour l’admirer à distance. Mais Dieu, voyant que nos mouvements rétrogrades nous rapprochaient de l’affreux précipice de la mort éternelle, a employé alors sa providence pour nous plonger dans l’adversité. Il a dérangé et renversé tous nos plans ; Il nous a enlevé nos enfants ; Il a enfermé dans une tombe la compagne de nos jours ; Il nous a ravi quelque objet trop tendrement aimé ! Alors nous nous sommes précipités en avant comme pour le retenir, nous écriant : « Seigneur, pourquoi ? » Et nous sommes bien loin de nous douter que, sans cette épreuve, nous allions être précipités et engloutis dans une ruine éternelle. Ah ! Je suis bien sûr qu’un grand nombre d’entre vous doivent leur salut à leurs afflictions, à leurs douleurs, à leurs inquiétudes, à leur adversité, à leurs pertes ou à leurs croix ! Entre les mains de Dieu, ces épreuves ont été autant de coups de hache donnés sur le filet qui vous emprisonnait, et vous leur devez la liberté !
Dans d’autres circonstances, Dieu préserve les siens des pièges de l’oiseleur en leur donnant un grand courage et un esprit de force extraordinaire ; de telle sorte qu’au moment où la tentation se présente, ils s’écrient résolument : « Comment pourrais-je commettre une si méchante action et un si grand péché contre Dieu ! » Ah ! Quel noble courage que celui qui arracha Joseph à la tentation ! Avec quelle héroïque énergie son âme s’échappa des filets de l’oiseleur, lorsque la femme de Putiphar le prit par le pan de son manteau pour le retenir ! Et je suis sûr qu’il est encore de nos jours des chrétiens qui ont accompli des actes tout aussi dignes d’éloges que celui de Joseph, — qui ont reçu d’En haut la force de détourner les yeux à la vue du mal, et qui, invités à commettre le péché, ont posé leur pied sur la gorge du tentateur, en disant : « Je ne puis pas ! Je ne puis pas ! Je suis un enfant de Dieu ; je ne puis, ni ne dois le Faire ! »ils ont su résister à l’attrait du plaisir et ils s’en sont refusé à eux-mêmes les coupables douceurs. Vous vous rappelez l’exemple d’Inébranlable dans le Voyage du pèlerin par Bunyan. Dame Folie avait fortement sollicité Inébranlable par ses offres. Voici comment raconte le fait : « Une femme élégamment vêtue, mais âgée, se présenta à moi et m’offrit trois choses, savoir : son corps, sa bourse et sa couche. Or, à vrai dire, j’étais las et j’avais sommeil ; de plus j’étais très pauvre, et la sorcière, sans doute, le savait bien. Je repoussai ses offres à plusieurs reprises ; mais elle souriait et revenait toujours à la charge, en essayant de dissiper mes scrupules. Alors je me fâchai, mais elle n’en tint nul compte. Elle continua à me faire de nouvelles offres, disant que si je consentais à suivre ses conseils, elle me ferait devenir grand et heureux. Car je suis, dit-elle, maîtresse du monde, et c’est moi qui rends heureux tous les hommes. — Je lui demandai alors quel était son nom, et elle me dit qu’elle s’appelait Madame Folie. Cela augmenta ma défiance contre elle ; mais elle ne se relâchait point et me poursuivait de ses invitations. Alors je me jetai à genoux, et, les mains levées vers le ciel, je me mis à prier et à crier à Celui qui m’avait promis son secours. Et comme vous veniez à moi, la femme avait disparu. Voyant cela, je continuai à prier et à rendre grâce de cette grande délivrance, car je crois bien que cette femme avait quelque mauvais dessein et ne visait qu’à m’arrêter dans mon voyage. » Voilà comment Dieu délivre son peuple des filets de l’oiseleur. Il donne à ses enfants l’esprit de prière et de courage, en sorte qu’ils crient à leur Dieu au jour de leur détresse et Il les délivre.
J’ai aussi observé une chose singulière. Quelquefois j’ai été délivré moi-même du piège de l’oiseleur de la manière suivante — je ne saurais trop vous expliquer comment, — mais voici le fait : j’ai eu le sentiment que si la tentation était venue une semaine plus tôt, elle m’aurait trouvé dans une disposition telle que j’aurais été très certainement entraîné. Mais, au moment où elle s’est présentée, mon esprit avait passé par une certaine série de transformations qui le rendaient tout à fait inaccessible. Je me trouvais disposé de telle façon que ce qui aurait pu me perdre à un certain moment donné, n’était plus une tentation pour moi. « Non, me suis-je écrié dans ce cas, si tu m’avais offert cela à telle époque, peut-être l’aurais-je accepté ; mais maintenant, par l’influence mystérieuse de son Esprit, Dieu a tourné mon cœur vers d’autres préoccupations, et ce que tu m’offres ne fixe pas un seul instant ma pensée. » Voilà comment Dieu délivre les siens des pièges de l’oiseleur !
Mais ma seconde idée était que Dieu délivre les siens même alors qu’ils sont tombés dans le piège. Hélas ! Mes chers auditeurs, nous connaissons, vous et moi, ce filet dont il s’agit ; nous y avons été enferrés plus d’une fois, n’est-ce pas ? Nous n’avons pas seulement vu ce filet de loin, mais nous avons séjourné dans ses mailles inextricables. Nous connaissons la cage autrement que par ouï-dire, car nous y sommes malheureusement entrés, même depuis que nous connaissons le Seigneur. La main de l’oiseleur s’est posée sur notre cou, et s’il ne nous a pas entièrement détruits, nous ne le devons qu’à la souveraine grâce de Dieu. Qu’il est réjouissant de savoir que si, en une heure mauvaise, le chrétien se laisse prendre dans le piège de l’oiseleur, Dieu l’en délivrera ! Chrétien et Plein-d’Espoir s’étaient bien laissé tomber dans le filet de l’oiseleur en entrant dans la grande forteresse du géant Désespoir ; mais la clef de la Promesse ouvrit la serrure et ils échappèrent. Ils étaient également pris dans le piège lorsque Flatteur jeta sur eux son filet et les laissa sur la place ; mais quelqu’un se présenta qui, après les avoir bien battus, enleva le filet, en sorte qu’ils poursuivirent leur route, davantage expérimentés qu’avant d’entrer dans le filet.
Je sais quelqu’un qui est en ce moment dans le filet. C’est un oiseau infortuné, c’est même un enfant de Dieu ; il a été pris dans le piège et maintenant il gémit, il crie, parce qu’il a péché : « Hélas ! Hélas ! » J’ai ici une personne — un excellent homme — qui fait profession d’être chrétien ; un homme vraiment respectable. Mais, hélas, il a péché, et en ce moment ses yeux sont remplis de larmes et il s’écrie :
« Le tumulte de mes pensées
Ne fait qu’accroître ma douleur.
Mon esprit est abattu,
Mou cœur est désolé et humilié …
Oh, retourne-toi vers moi !
Hâte ma délivrance et sauve-moi.
Quand viendras-tu délier mes pieds
Et me tirer de ce piège funeste ? »
Ô toi qui es retourné en arrière ! Sois humilié, oui ; mais ne désespère pas. Dieu te relèvera. Quelque loin que tu aies porté tes pas errants, écoute ce qu’il te dit ; « Revenez, ô enfants rebelles ! Et j’aurai pitié de vous. » Mais vous dites que vous ne pouvez pas retourner vers Lui. Hé bien ! Voici cependant une promesse : « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur ». Tu seras encore retiré de tout le mal dans lequel tu t’es plongé, et, alors même que tu devrais passer le reste de ta vie à déplorer tes péchés, Celui qui t’a aimé ne te rejettera point. Il te recevra auprès de Lui, dans les demeures célestes, et Il est déjà maintenant disposé à t’admettre au nombre de ses enfants et à te combler de paix et de félicité. « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »
Les exemples de délivrances éclatantes abondent pour prouver que Dieu délivre les siens des pièges de l’oiseleur. Écoutez : une jeune dame, appartenant à l’une des églises de New York, épousa un jeune homme qui n’était pas chrétien. Ce jeune homme était négociant, attaché à un commerce très lucratif. Les fleuves dorés de la fortune coulèrent sur ses entreprises, si bien qu’il amassa des richesses considérables. Il se retira donc des affaires et s’en alla demeurer à la campagne. Il acheta une superbe habitation, autour de laquelle des forêts d’arbres magnifiques balançaient gracieusement dans les airs leur feuillage luxuriant. D’un côté, c’était un lac poissonneux ; plus loin, c’était le jardin planté des fruits les plus exquis et des fleurs les plus rares. L’intérieur de la maison était meublé avec une élégance et un luxe inouïs, et on peut dire que l’heureux couple possédait tout ce que la terre produit de plus désirable pour l’homme. Au sein de tant de prospérités et au milieu de tant de nouvelles relations avec les riches et les heureux selon le monde, la piété de la jeune dame pâlit et son cœur fut bientôt fiancé à Satan. Il ne faut pas s’étonner qu’en grandissant ses trois enfants, aient imité son exemple et suivi la même voie. « Aux grands maux, les grands remèdes », dit le proverbe. Dieu appliqua donc le grand remède. Un matin, on vint dire que le plus jeune enfant était tombé dans le lac poissonneux et s’y était noyé. Une cruelle affliction pénétra comme un poignard dans le cœur de la mère ; elle versa d’abondantes larmes et ses lèvres murmurèrent contre la Providence de Dieu. Peu après, sa fille, à l’âge le plus riant de la vie — à seize ans — est prise d’une cruelle fièvre qui la couche dans la tombe. Le cœur de l’infortunée mère semblait près de se briser ; mais ce nouveau coup de la verge paternelle du Seigneur, au lieu de la ramener à Lui, paraissait plutôt l’en avoir éloignée. Le seul fils qui lui restait, et qui avait dû revenir du collège pour assister à l’ensevelissement de sa sœur, sortit peu après dans les champs pour chasser. En voulant sauter une clôture, il posa son fusil du côté opposé pour s’en servir d’appui, et comme il prenait son élan, le coup partit et le tua ! Pauvre cœur de mère ! … Dans l’excès de sa douleur, elle tomba à la renverse, se tordant sur le parquet, s’arrachant les cheveux, et, dans son délire, maudissant comme une folle la Providence de Dieu. Le père, dont le chagrin était déjà insupportable, à la vue de ce spectacle affreux et à l’ouïe des cris frénétiques de sa femme, ne put supporter cette nouvelle catastrophe : le fer aigu de l’affliction avait atteint le principe de la vie, et il suivit de près dans la tombe le dernier de ses enfants. La pauvre femme avait donc tout perdu, ses enfants et son mari ! … Peu à peu, le sens lui revint ; elle se mit à réfléchir. Elle aperçut alors sa profonde déchéance, son orgueil et sa révolte ; les larmes de sa douleur se changèrent insensiblement en larmes de repentance. La paix rentra dans son cœur et le moment vint bientôt où, levant les mains au ciel, elle s’écria : « Je te remercie, ô mon Père ! L’Éternel l’a donné, l’Éternel l’a ôté ; que le nom de l’Éternel soit béni ! » Voilà comment les afflictions portèrent paisiblement dans son âme les fruits de justice et comment son Père céleste la châtiait, non pour son plaisir, mais pour la relever et la rendre participante de sa sainteté.
Ainsi délivrée du piège de l’oiseleur, elle recommença à vivre pour le Seigneur, à le servir avec zèle et ferveur, et à faire de nouveaux progrès dans son amour et dans sa crainte. Dieu est fidèle à sa promesse : soit par les épreuves, soit par d’autres moyens, Il délivre toujours les siens du piège de l’oiseleur, alors même qu’ils s’y sont laissé prendre.
III.
En terminant j’ai à m’arrêter quelques instants sur le mot « CERTAINEMENT ». Cette certitude de toutes les vérités de l’Écriture est précisément ce qui en fait le prix infini. Si l’Écriture n’était pas certaine, elle ne serait plus précieuse. Elle n’est précieuse qu’à cause de sa certitude.
Or l’Écriture dit ici : « Certainement Il te délivrera ». Pourquoi ? D’abord, parce qu’il l’a promis ; et les promesses de Dieu sont des engagements auxquels Il fait et fera toujours honneur. Secondement, parce que Jésus a fait serment de délivrer. Depuis dix-huit siècles, Jésus s’est constitué le berger et le sûr gardien des enfants de Dieu. « Si jamais ils périssent, a-t-il dit, tu les redemanderas de mes mains. » Il en est donc responsable ; Il est leur caution divine devant l’Éternel. Il faut qu’ils soient gardés, autrement les promesses de Christ seraient mensongères et son serment de nulle valeur. Il faut qu’ils soient gardés, autrement l’union qui existe entre eux et celle qui les attache au Seigneur ne seraient point réelles. Christ est un avec son Église. Ils ne forment qu’un seul corps. Si un membre de mon corps est retranché, je suis estropié, et si le Christ pouvait perdre un seul de ses membres, nous n’aurions qu’un Christ estropié. « Nous sommes son corps et l’accomplissement de Celui qui accomplit tout en tous. » Si donc l’Église n’était pas sauvée tout entière, Christ ne serait plus qu’un Christ mutilé, incapable d’atteindre à la plénitude de sa vie. Ils doivent tous être sauvés, parce que le Père l’a ainsi déterminé, parce que le Fils s’en est porté garant, parce que le Saint-Esprit s’est chargé de l’accomplir. Aucun enfant de Dieu ne saurait être rejeté ; autrement l’Écriture ne serait plus la vérité. L’alliance que Dieu a faite avec les siens repose sur leur persévérance finale ; elle a pour base ceci :
« Il présentera nos âmes,
Purifiées de toute tache, et de toute ride,
Devant la gloire de sa face,
Au milieu des célestes alléluiahs. »
Voilà pourquoi il faut qu’elles soient gardées des pièges de l’oiseleur. Sans cela, l’alliance de Dieu ne serait plus qu’un vain mot. Si une seule brebis venait à se perdre, le serment serait rompu. Il faut donc que tous soient gardés.
Son honneur et sa gloire sont engagés
Pour le salut de la plus faible brebis.
Ses mains gardent en sûreté
Tous ceux que le Père lui a donnés. »
Je n’ai pas le temps de m’étendre sur ce sujet si glorieux pour le Seigneur notre Dieu, et qui pourrait fournir matière à bien des discours. Je termine en vous adressant cette question : Hommes frères, cette promesse — « Certainement Il te délivrera ? » — est-elle devenue vôtre ? Êtes-vous cet homme auquel Il parle ? — Comment puis-je le savoir ? Demandez-vous ? — Croyez-vous au Seigneur Jésus ? Vous sentant pécheur, vous confiez-vous entièrement en la miséricorde et la mort expiatoire de Jésus, la victime sans tache ? Je ne vous demande pas si vous êtes wesleyen, baptiste, presbytérien, national ou dissident ; je ne vous demande qu’une chose : êtes-vous né de nouveau ? Êtes-vous passé de la mort à la vie ? Êtes-vous une « nouvelle créature » en Jésus ? Avez-vous mis toute votre espérance dans le Sauveur ? Sa vie est-elle devenue votre modèle et son Esprit habite-t-il dans votre corps mortel ? S’il en est ainsi, paix vous soit ! La promesse est à vous. Il se peut que vous ayez été le pire des hommes ; mais, si vous avez foi en Christ, vos péchés sont tous pardonnés et vous pouvez considérer cette promesse comme votre propriété pour jamais. Mais si vous êtes de ceux qui se rengorgent dans leur propre justice et dans l’orgueil de leur vie ; — de ceux qui vivent sans Dieu et sans espérance ; — de ceux qui se livrent à la mondanité et à l’indifférence, cette promesse n’est pas pour vous ; vous êtes dans le piège et vous y périrez, à moins que vous ne vous repentiez ; car il est écrit : « Si vous ne vous repentez, vous périrez tous semblablement ». Que Dieu vous sauve de la perdition en vous ouvrant les trésors du sang de Jésus, auquel, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, soient l’honneur, la louange et la gloire, aux siècles des siècles.
166 - LE DESTRUCTEUR DÉTRUIT.
« Afin que par sa mort il détruisit celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le diable »
(#Hé 2:14).
Dans l’empire de Dieu, tout était, à l’origine, bonheur, joie et paix. Si le mal s’y est introduit plus tard, si les souffrances et le malheur y ont exercé leurs tristes ravages, ceci n’est point l’œuvre de Dieu. Dieu peut le permettre dans de certaines limites et le faire concourir au bien ; mais le mal ne saurait provenir de Lui. Dieu est pur et parfait ; Il est la source d’où jaillit sans cesse une eau limpide et vivifiante. Le royaume du diable ne contient au contraire rien de bon. « Le diable pèche depuis le commencement », et sa domination n’a jamais été qu’une œuvre perpétuelle de tentation, une source constante de misère et de mort. La mort elle-même fait partie de son empire. Lorsqu’il introduisit le péché dans le monde, en entraînant dans la désobéissance notre première mère Ève, il y introduisit aussi la mort. Sans cette funeste intervention de Satan, la mort n’aurait probablement pas existé. Peut-être que si Satan n’avait pas tenté Adam à manger du fruit défendu, l’homme ne serait pas tombé dans la révolte et si l’homme ne s’était pas révolté, il aurait vécu à toujours sans être jamais obligé de subir la hideuse transformation que la mort entraîne. La mort est, selon moi, le chef-d’œuvre du démon. Sans parler de l’enfer, la mort est certainement la plus atroce perfidie, l’invention la plus satanique que le diable ait jamais accomplie. Rien n’a dû réjouir davantage l’âme damnée du roi des enfers comme la découverte que la menace de mort prononcée par l’Éternel s’accomplirait : « Le jour où tu en mangeras, tu mourras de mort » ; et rien n’a dû combler davantage d’un bonheur infernal son cœur plein de malice que la vue d’Abel étendu sur la terre et mortellement frappé par la main de son frère. « Ah ! Ah ! » s’est-il écrié avec un rire affreux, « voici la première fois qu’une créature intelligente meurt. Oh ! Que je suis content ! C’est ici l’heure suprême de mon triomphe ! J’ai troublé, il est vrai, par mon insidieuse tentation la paix de la terre et j’en ai terni la gloire ; la création tout entière, il est vrai, gémit et soupire comme en travail, à cause du mal que j’y ai introduit ; mais ceci, oh ! Ceci couronne dignement mon œuvre. J’ai tué l’homme ; j’ai fait venir la mort sur lui, et voici étendu à mes pieds le premier, oui, le premier des morts ! »
Depuis cette heure fatale, Satan a toujours souri de joie à la mort de chaque homme, et il a eu de quoi se glorifier, car cette mort est devenue universelle. Tous sont morts. Ils ont beau avoir possédé les plus riches trésors de la sagesse, comme Salomon, leur sagesse ne les a pas exemptés ; ils ont beau avoir eu toutes les saintes vertus d’un Moïse, la hache ne les a pas épargnés. Tous sont morts indistinctement, et le démon a pu s’enorgueillir à l’aise de la grandeur de sa victoire : deux fois, cependant, cette victoire lui a été ravie. Deux hommes ont échappé à l’universelle loi et sont entrés dans le ciel sans mourir. Mais, qu’importe ! La masse de l’humanité a senti, sans autre exception, l’aiguillon de la mort, et il s’est réjoui de ce que cette œuvre de destruction s’est étendue sur toute la surface de la terre et s’est élevée plus haut que toutes les vertus auxquelles les pauvres humains peuvent encore atteindre.
Il y a dans la mort quelque chose d’effrayant. Elle est hideuse même pour celui qui possède le plus de foi. Ce qui rend la mort tolérable pour le chrétien, c’est cette lumière lointaine qu’il aperçoit au-delà ; — c’est ce qui vient après ; — c’est le ciel, avec sa harpe et sa couronne de glorieuse immortalité ! Mais la mort elle-même sera toujours pour les fils des hommes une chose odieuse et repoussante au suprême degré. Et, voyez ! Voyez quelle ruine elle entraîne ! Voyez comme elle ternit la brillante pupille des yeux ! Comme elle renverse ce corps, ce mystérieux et « étonnant assemblage » d’organes, cet ouvrage d’une divine architecture ! Elle expulse violemment de sa demeure cette âme immortelle qui y habitait, et la force à prendre son vol vers des mondes inconnus. Au lieu d’un homme plein de vie, elle laisse entre vos bras un cadavre, dont le seul aspect est si minable que vous ne pouvez plus le regarder sans être saisi d’horreur. Et voilà, ce qui comble Satan de joie. Il considère la mort comme son chef-d’œuvre, à cause de ses terreurs et de la destruction qu’elle enfante. Plus le mal est grand, plus il ressent de joie. Comme il doit grimacer de plaisir à la vue de nos maladies, à la vue de nos péchés ! Mais rien ne peut dilater son âme diabolique autant que la mort, — ce thème de ses perpétuelles méditations au sein de sa perpétuelle damnation. Il jette de sauvages cris de réjouissance quand il voit comment il est parvenu, par un acte d’infâme trahison et de méchanceté inouïe, à faire passer sur le monde entier le fléau de la destruction et à précipiter d’un seul coup toute l’humanité dans la tombe.
Aussi la mort est-elle pour lui la source de réjouissantes pensées, parce qu’elle lui offre la possibilité de déployer de la manière la plus extraordinaire sa ruse et sa malice. Le diable est lâche, le plus grand des lâches, comme le sont toujours les êtres méchants. Il n’ira guère attaquer un chrétien plein de santé. Si ce chrétien vit sous le regard de son Maître et si sa foi est grande, le diable le laissera tranquille, parce qu’il sait qu’il aurait affaire à trop forte partie. Si, au contraire, il peut découvrir quelque part un chrétien faible dans la foi ou maladif, il ne manque aucune occasion de l’assaillir de ses obsessions.
Mais c’est lorsque la mort se présente avec tout son cortège de terreurs qu’il se met à l’œuvre avec acharnement. Son habitude à ce moment suprême est de faire un effort terrible pour envahir l’âme. Chez les chrétiens, sinon à cette heure même, du moins peu avant sa venue, il livre d’ordinaire un combat effroyable et décisif à l’âme qui va déloger.
Et puis, cette hideuse mort, il l’aime aussi, parce qu’elle abat l’esprit. À l’approche de la dissolution du corps, en effet, les puissances intellectuelles faiblissent et l’homme perd, pour un temps du moins, cette vigueur et ce courage qui l’ont soutenu en des jours meilleurs. Il est là, triste et abattu, comme évanoui sur sa couche. « Bon, dit le diable, voici mon heure » ; et aussitôt il s’élance vers le pauvre malade. C’est en ce sens que l’on peut dire que Satan a puissance sur la mort, car on ne saurait concevoir qu’elle soit en sa puissance autrement que par le fait qu’il en est l’auteur et qu’il en profite pour exercer plus que jamais sa malice et sa rage. On ne saurait supposer, en effet, que le pouvoir que Satan a sur la mort consiste à causer la mort. Tous les démons de l’enfer ne sauraient ôter la vie au plus faible enfant de toute la terre, et quand nous sommes à notre dernier soupir, épuisés par la douleur et pouvant à peine respirer, au point que le médecin lui-même doute que nous soyons encore de ce monde, ce n’est que par la volonté du Tout-Puissant que nous pouvons expirer, quelque grands que soient notre épuisement et notre faiblesse. Le diable ne saurait donc jamais être la cause de notre mort. Nous croyons avec joie que la main d’un ange ne saurait nous coucher dans le sépulcre, non, pas même celle de l’archange déchu, et nous sommes heureux de savoir qu’après cela une myriade d’anges ne pourrait pas nous y retenir enfermés. Le démon n’a donc aucun pouvoir sur la mort, ni pour ouvrir ni pour fermer les portes de notre tombe.
Il est parmi nous des personnes qui ont accepté et compris la religion comme une vie de bonheur et de plaisir. Ils sont toujours heureux, toujours assis auprès des ruisseaux d’eau courante, — auprès de leur Dieu ; leur sentier est toujours éclairé par les rayons du soleil, et leurs yeux sont toujours brillants de sérénité. Ils supportent les épreuves de la vie avec un courage viril, ainsi qu’il sied au chrétien, et reçoivent les afflictions de la main du Seigneur avec patience et résignation. Alors le diable se dit : « Il n’y à rien à faire avec cet homme-là ; mes doutes ne l’entameront jamais ; il est trop fort pour que je l’entraîne ; il est trop puissant sur ses genoux et il est trop intime avec son Dieu ». — « Arrière-moi ! » crie alors le chrétien au démon. Mais lorsque nous commençons à nous affaiblir, quand, sous l’influence d’un corps maladif, notre âme devient languissante ; quand nous nous sommes soumis à des abstinences ascétiques coupables, ou quand la verge de l’Éternel s’est abaissée et nous a meurtris, alors, profitant de notre tristesse et de notre abattement, l’ennemi nous attaque avec fureur. Et voilà pourquoi le diable aime la mort et a puissance sur elle ; c’est que c’est l’heure à laquelle la nature succombe et où il profite de notre faiblesse, pour nous accabler s’il le peut.
Voici quel est le sujet de notre discours : Le Seigneur Jésus-Christ a détruit par sa mort la puissance que le diable a sur la mort. Nous y ajouterons une seconde vérité qui formera le sujet de notre second point : Non seulement Il a détruit la puissance que le diable a sur la mort, mais Il a détruit la puissance du diable, généralement et entièrement, par la mort qu’il a subie sur la croix.
I.
Commençons par la première de ces vérités : LA MORT DE CHRIST A ENTIEREMENT DETRUIT, POUR LE CHRETIEN, LA PUISSANCE DU DIABLE SUR LA MORT. Ce pouvoir du diable sur la mort s’exerce sur trois points, et nous devons le considérer sous ces trois aspects. Parfois, la puissance du diable sur la mort se fait sentir chez le chrétien en ce qu’il essaie de lui inspirer des doutes sur sa résurrection et de lui dépeindre son état futur sous les sombres couleurs d’un anéantissement éternel. Nous voulons considérer d’abord ce point et montrer que la mort de Christ a entièrement détruit la puissance que le diable exerce de cette manière particulière sur la mort. Quand un pauvre pécheur approche du seuil de l’éternité, si sa foi est chancelante et si le regard de son espérance se trouble, quelle sera alors la perspective qui se présentera à son âme inquiète ? Il verra s’ouvrir devant lui un monde inconnu, et, dans sa terreur, serait-il le plus fidèle enfant de Dieu, il prononcera peut-être des paroles dignes du dernier des incrédules. « Mon âme regarde en avant, dira-t-il, et ne voit rien, sinon une éternité redoutable, un gouffre béant prêt à l’engloutir. » Parlez-lui des promesses de l’Éternel, essayez de le réconforter en lui rappelant les révélations certaines concernant la vie future : il n’y a que la mort de Christ qui puisse agir alors sur lui, et sans elle le chrétien lui-même ne verrait dans la mort qu’une froide et obscure prison, une triste fin couronnant une triste existence. « Qui suis-je, et où vais-je ? » se demande-t-il à ce moment suprême. « Ne suis-je qu’une flèche légère échappée des mains du Créateur et qui traverse l’espace ? Vers quel avenir m’entraîne mon rapide déclin ? » Et, pour toute réponse, il n’entend que ces paroles : « Tu sortis du néant et tu retournes dans le néant. Pour toi, plus d’avenir ; une fois mort, tu n’es plus rien. » Ou si sa raison a été mieux développée et instruite, peut-être lui répondra-t-elle : « Oui, il est une autre vie » ; mais la raison ne la lui annoncera que comme une probabilité. Elle pense qu’il est une autre vie ; elle le suppose et l’espère ; elle le rêve peut-être ; mais dire quelle sera cette vie nouvelle, quelles en seront les splendeurs incompréhensibles ou les insondables mystères, les terreurs, les horreurs peut-être, c’est ce que la raison ne peut dire. .Si un tel homme n’avait aucune connaissance de l’immortalité telle que nous la révèle la mort de Christ, l’accablante pensée qu’il va être anéanti, qu’il n’existera plus, ou, s’il doit exister, l’impossibilité de savoir ni comment ni où il existera : voilà quel serait pour lui le redoutable aiguillon de la mort !
Mais, mes bien-aimés, la mort de Christ dissipe toutes ces incertitudes. Si je suis sur le point de mourir et si Satan vient me dire : « Tu vas être anéanti ; tu sombres dans l’éternel océan des temps ; tu vas descendre pour toujours dans les caverneux abîmes du néant ; ton esprit, ta pensée va pour toujours cesser de vivre et ne sera plus », aussitôt je puis lui répondre : « Non, cela est faux, je n’ai rien à redouter de pareil. Ô Satan ! Tu pouvais me tenter ainsi, mais tu manques entièrement ton but. Vois là-bas mon Sauveur ! Il est mort ; Il est réellement, véritablement mort, puisque son cœur a été percé ; Il a été enseveli ; Il est demeuré trois jours dans le tombeau ; mais Il n’a pas été anéanti, car, le troisième jour, Il est ressuscité des morts ; Il est apparu à plusieurs témoins dans la gloire de sa résurrection et Il a donné d’abondantes preuves qu’Il était bien réellement ressuscité. Et maintenant, ô Satan, je sais que tu n’as pas le pouvoir de mettre fin à ma vie, puisque tu n’as pu anéantir mon Seigneur. De même qu’il est ressuscité, ainsi ressusciteront aussi tous ceux qui l’ont suivi. Je sais que mon Rédempteur est vivant ; aussi, quoique ce corps doive servir de pâture aux vers, cependant je verrai Dieu dans ma chair. Tu me dis, ô Satan, que je vais être englouti et que je vais me perdre dans le gouffre du néant ; et moi je te dis que tu mens ! Mon Sauveur n’a pas été englouti, et cependant Il a été mort. Il a été mort, mais la mort n’a pas pu le retenir longtemps dans le tombeau. Tu peux venir me lier à mon tour, ô mort, mais tu ne peux pas me détruire. Ouvre ta bouche, ô sépulcre, engloutis-moi ; mais un jour vient où je briserai les fers, où je m’échapperai. À l’aurore de ce jour d’immortelle gloire, je me lèverai tout couvert d’une rosée semblable à celle dont se perlent les fleurs au matin, et je vivrai éternellement en sa présence. Parce qu’il vit, je vivrai aussi. » Comme vous le voyez donc, en mettant en évidence, par sa mort, la vie et l’immortalité, Christ a brisé la puissance de Satan dans la mort. Il lui a ravi le pouvoir de nous tenter en nous faisant croire que nous serons anéantis ; car, comme chrétiens, nous croyons que Jésus est ressuscité des morts et que ceux qui dorment au Seigneur seront retirés par Lui de leurs tombeaux.
Mais parlons maintenant d’une tentation bien plus commune, d’une nouvelle phase de cette puissance que Satan exerce au moment de la mort. Déjà, pendant notre vie, il cherche bien souvent à nous persuader que nos péchés l’emporteront contre nous devant Dieu, que les péchés de notre jeunesse et que toutes nos transgressions passées sont encore dans nos os et que, lorsque nous nous serons endormis dans le sépulcre, ils ressusciteront pour nous condamner et nous perdre. « Ils sont, dit Satan, en bien grand nombre, et j’en vois déjà une multitude qui sont allés t’attendre au trône du jugement, et d’autres multitudes qui vont aller rejoindre les premières, pour t’y accabler au grand jour. » Quand le chrétien s’affaiblit et que la santé et le courage lui font défaut, sans la mort de Christ et la doctrine qui s’y rattache, le démon pourrait l’ébranler par les paroles suivantes : « Tu vas mourir ; je n’ose pas t’affirmer qu’il n’y aura point de vie future, parce qu’en ce cas tu me répondrais qu’il y en a une, puisque Christ est ressuscité, et que tu dois ressusciter comme lui ; mais je vais te tenter d’une autre façon. Tu as fait ouvertement profession d’être chrétien, et moi je t’accuse d’avoir été un hypocrite. Tu t’es prétendu l’un des élus du Seigneur ; hé bien ! Regarde tes péchés, rappelle-toi ce certain jour où tes désirs coupables se sont révoltés contre Dieu, et où, si tu ne t’es pas laissé aller à des actes criminels, tu les as cependant conçus et désirés dans ton cœur. Rappelle-toi combien de fois tu l’as provoqué comme les Hébreux dans le désert, et combien de fois tu l’as irrité par tes rebellions. » Le diable prend alors notre journal quotidien et, en le feuilletant, il pose son doigt noirci sur chaque péché. Il lit ironiquement et avec un ricanement de mépris, et s’écrie : « Regarde ceci, toi qui te prétends saint. Saint ! … Ah ! Ah ! … beau saint, vraiment ! Tiens, voici : profanation du dimanche ; voici : mauvaises pensées et incrédulité ; voici : abandon du Dieu vivant. » Puis il tourne les feuillets un à un et s’arrête sur les plus sombres, en disant : « Regarde encore ceci ! » Et avec ces reproches il torture le chrétien. « Ah ! David, dit-il, souviens-toi de Bathsheba ; Lot, souviens-toi de Sodome et de la caverne ; Noé, souviens-toi de la vigne et de ton ivresse. » Et à ces tristes souvenirs l’enfant de Dieu frémit en voyant ces péchés se dresser devant lui, même ses péchés les plus anciens — oubliés depuis longtemps.
Celui qui peut regarder le péché en face sans trembler, et qui peut demeurer ferme en disant : « Le sang de Jésus-Christ me purifie de tout péché », celui-là, dis-je, est vraiment un homme de foi. Mais si la mort de Christ n’était pas là, s’il n’avait pas répandu son sang, vous pouvez comprendre combien serait terrible la puissance du diable à l’heure de la mort, car il ne manque jamais de nous jeter à la figure tous nos péchés au moment où nous approchons de l’éternité. Mais, voyez comment Jésus a détruit par sa mort toute la puissance de l’ennemi ! Quand il vient nous reprocher nos péchés, nous lui répondons : « Tu as raison, ô Satan ! J’ai été rebelle et je ne renie ni ma conscience ni mes souvenirs. Oui, j’ai transgressé ; tu peux, ô Satan, me présenter la page la plus sombre de ma vie ; je confesse que tout est vrai, et quand l’Éternel enverrait mon âme dans les abîmes de l’enfer, Il serait trouvé parfaitement Juste en le faisant. Mais, sache à ton tour, ô être pervers et maudit, que tous mes péchés ont été rejetés sur la tête du bouc Azazel des temps de jadis. Va-t-en vers la croix du Calvaire, ô Satan, regarde mon Sauveur pendu à ce bois infâme et tout couvert de son sang ! Mes péchés ne m’appartiennent plus ; ils ont été placés sur sa tête divine, et Il les a jetés du haut de sa croix dans la mer profonde .Loin de moi, cerbère infernal, et ne viens pas me fatiguer de tes obsessions. Va repaître tes regards du spectacle de cet Homme qui est entré dans les parvis mystérieux de la mort et qui a dormi dans la tombe pendant trois jours. Il a brisé les portes de l’enfer et de la mort et Il a emmené la captivité captive ; Il a démontré par là qu’il était approuvé de Dieu et que je suis justifié en Lui. »
Oh ! Oui, voici bien comment la mort de Christ anéantit le pouvoir du démon ! Elle nous permet de répondre à Satan que nous ne le craignons plus, car tous nos péchés sont ôtés, sont couverts d’un nuage impénétrable et ne pourront plus nous être reprochés. — « Ah ! » disait un saint homme, parvenu à un âge très avancé, et que Satan avait rudement tourmenté, « à la fin, je parvins pourtant à me débarrasser de mes tentations et à jouir d’une pleine paix ! » — « Et comment avez-vous fait ? » lui demanda un ami chrétien qui le visitait ? — « Frère, répondit le vieillard, je lui montrai du sang ; je lui montrai le sang de Christ. » Et c’est là, en effet, ce que le diable ne peut pas supporter. Si vous lui répondez : « Ah ! J’ai prié si souvent », il se moquera de vos prières. Si vous lui dites : « Ah ! J’ai prêché la vérité », il vous rira en face et vous dira que vous avez prêché votre propre damnation. Si vous lui dites que vous avez cependant accompli quelques bonnes œuvres, il les prendra et les déroulera devant vous, en disant : « C’est là ce que tu appelles tes bonnes œuvres ? Haillons que tout cela ! Vils et sales haillons, dont personne ne voudrait, pas même contre récompense. » Si vous lui dites : « Ah ! Mais je me suis repenti ! », il haussera les épaules à votre repentance. Quoi que ce soit que vous lui disiez, il s’en moquera, jusqu’à ce que vous vous écriiez : « Je viens les mains vides, je n’apporte rien ; mais j’embrasse la croix de Jésus ! » Alors tout est fini pour lui et il n’a plus rien à répondre, car la mort de Christ a détruit le pouvoir que le diable avait de nous tenter par le souvenir de nos péchés. « L’aiguillon de la mort, c’est le péché. » Notre Sauveur bien-aimé a arraché l’aiguillon de la mort et l’a désarmée à notre égard, parce que pour nous le péché n’entraîne plus la condamnation.
Supposons encore un chrétien qui croie fermement à une vie future. Le Malin a une autre manière encore de le tenter, Il lui dira : « C’est très possible ; j’admets que tu doives vivre à jamais et que tes péchés soient pardonnés ; mais tu as eu bien de la peine à persévérer jusqu’à maintenant et, aujourd’hui que tu vas mourir, tu es assuré de succomber. Tu sais bien que dans les jours d’épreuve peu s’en est fallu que tu ne reprennesle chemin de l’Égypte. Les frelons qui te piquaient pendant ton pèlerinage ont suffi pour te harasser ; que sera-ce quand la mort, ce roi des vampires, viendra sur toi ! Tu es perdu, bien certainement. Tu sais que lorsque tu t’enfonçais pendant le chemin dans quelque ornière, tu criais d’épouvante, te croyant près d’être noyé. Que feras-tu maintenant que tu vas traverser le Jourdain débordé ? » — « Ah ! » dit-il encore, « tu avais peur des lions alors qu’ils étaient enchaînés : que vas-tu devenir en présence de ces lions déchaînés ? Comment leur échapperas-tu ? Alors que tu étais jeune, que tes os étaient fortement attachés ensemble et que tes muscles étaient pleins de vigueur, tu tremblais cependant devant moi. Et maintenant que je vais fondre sur toi, maintenant que tu vas descendre dans le sépulcre, sans force ni courage, maintenant que, te saisissant avec mes ongles acérés, j’enfoncerai mes dents avec une rage désespérée dans ta chair, et que je te mordrai si cruellement que tu le sentirais même à travers des barres de fer et à travers un triple airain, ah ! Tu seras vaincu, anéanti, perdu ! » Le pauvre chrétien, alors tout découragé, se prend à croire que tout cela est vrai, et s’écrie : « Certainement, je vais périr par la main de ce terrible ennemi ! » — Et voici venir un savant adepte d’Arminius, disant : « Mon ami, vos sentiments sont vraiment convenables, car Dieu peut, suivant les cas, abandonner ses enfants et les répudier ». — À quoi nous répondons : « Tu mens, ô arminien ! Ferme ta bouche et tais-toi, car Dieu n’a jamais abandonné ses enfants et il ne les abandonnera jamais. Il ne le peut pas ! »
Et après avoir répondu à l’arminien, nous répondons au diable : « Ô ennemi des âmes, tu essaies de nous faire croire que tu peux nous vaincre ; mais, sache, ô Satan, que la puissance qui nous a gardés jusqu’ici contre toi ne vient pas de nous ; le bras qui nous a délivrés, ce n’est pas le bras de la chair et du sang ; autrement nous aurions été vaincus depuis longtemps. Regarde, ô pervers, à Celui qui peut toutes choses ; c’est sa toute-puissance qui nous garde jusqu’à la fin ; et, par conséquent, quelque faibles que nous soyons, lorsque nous sommes faibles, c’est alors que nous sommes forts, et à la dernière lutte de notre dernière heure nous te vaincrons et te terrasserons ! »
Mais, remarquez bien que ce qui nous permet de répondre ainsi, c’est la mort de Christ. Jetons les regards sur le tableau suivant. Lorsque le Seigneur descendit des cieux sur notre terre, Satan connaissait le but de sa venue. Il savait que le Seigneur Jésus était le Fils de Dieu et, en le voyant petit enfant dans la crèche de Bethléhem, il pensa que s’il pouvait le faire mourir et l’enfermer dans les liens de la mort, jamais victoire ne serait plus grande ni plus glorieuse. Il excita donc la rage d’Hérode contre Lui et lui suggéra de le faire mourir ; mais Hérode manqua son coup. Bien des fois depuis lors, Satan chercha à mettre en danger la vie de Jésus, dans l’espoir de faire mourir le Christ. Pauvre fou qu’il était, car il ne savait pas qu’au jour où il mourrait sa mort lui écraserait la tête ! Vous vous souvenez qu’une fois, tandis que le Seigneur était dans la synagogue, le diable excita le peuple et l’enflamma de colère. « Oh ! », pensait-il, « quel triomphe si je pouvais tuer cet homme et en finir avec lui ! Mon règne alors serait absolu et irrésistible. » Il poussa donc ces gens à traîner le Seigneur jusque sur la montagne, et il se réjouissait déjà dans l’espoir de le voir précipité du haut des roches. Mais Christ échappa. Il essaya de le faire mourir de faim, de le noyer : au désert, Jésus était sans nourriture ; sur la mer, la tempête se déchaîna contre Lui. Mais impossible de réussir ! Et Satan devait avoir faim et soif de voir couler le sang de cet homme et de le voir mort. Enfin le jour est venu où Jésus consent à mourir ; la nouvelle s’en répand comme l’éclair dans tous les enfers. Les esprits déchus hurlent de toutes parts dans leur joie diabolique. « Il veut mourir, maintenant ! » s’écrie le prince des ténèbres. « Judas a reçu les trente pièces d’argent. Que ces pharisiens et ces scribes se saisissent de Lui ! Ils ne s’en dessaisiront pas plus que l’araignée ne se dessaisit d’une misérable mouche. Nous le tenons, maintenant ! » — Lorsque Satan vit Jésus debout devant Pilate, il ne put contenir son rire infernal, et quand parvinrent à ses oreilles ces paroles : « Crucifie ! crucifie ! » sa joie ne connut plus d’autres bornes que celles qui résultent de son éternelle misère. Il jouissait, autant qu’il était capable de jouir, en pensant que le Seigneur de gloire allait enfin mourir. De même que les anges pouvaient voir Jésus dans sa mort, les démons le pouvaient aussi ; et qui dira l’intérêt satanique avec lequel les démons suivirent des yeux cette foule qui conduisait Jésus du palais de Pilate au sommet du Calvaire ? Et quand Lucifer le vit cloué sur la croix, quelle triomphante exaltation ! quel rire ! … « Ah ! je tiens en mon pouvoir le Roi de gloire ; j’ai le pouvoir de la mort et j’ai par suite obtenu puissance sur le Seigneur Jésus ! » Ce pouvoir, il l’exerça sur le Christ mourant jusqu’à lui arracher ce cri de douloureuse angoisse : « Mon Dieu ! mon Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais, que cette victoire fut courte ! Que ce triomphe fut passager ! Il mourut, et à ces mots : « Tout est accompli ! » les portes de l’enfer chancelèrent. Le conquérant s’élance du haut de la croix et poursuit son ennemi avec les foudres de sa vengeance. Son ennemi se précipite rapide comme l’éclair dans les ténèbres de l’enfer, et le Vainqueur l’y poursuit avec la même promptitude. « Traître ! » lui crie le Sauveur, « ma main te transpercera alors même que pour me fuir tu t’ensevelirais dans les plus inaccessibles profondeurs ! » Le saisissant alors et l’attachant aux roues de son char glorieux, Il est remonté au milieu des alléluiahs des anges. Il a emmené la captivité captive et a reçu des dons pour les hommes. »
Et maintenant, ô Satan, tu prétendais triompher de moi au moment de ma mort ! … Je te défie et je me ris de tes efforts. Mon Maître t’a vaincu et je te vaincrai à mon tour. Tu dis que tu veux terrasser l’enfant de Dieu ? Mais comment le pourrais-tu, toi qui n’as pas pu vaincre son Maître ? Un jour, tu crus avoir vaincu Jésus ; mais grande fut ta déception ! Ah ! Satan, tu as cru pouvoir vaincre une foi qui chancelle, un cœur qui défaille ! … Grande est ton erreur, car bientôt nos pieds se poseront sur ta gorge, et jusqu’à la dernière extrémité, alors que tout semblera contre nous, « nous serons plus que vainqueurs en Celui qui nous a aimés ! »
Vous le voyez, chers frères, la mort de Christ a enlevé à Satan l’avantage qu’il avait sur les saints au moment de leur mort. Nous pouvons donc descendre d’un pas ferme sur les bords du Jourdain, ou même, si Dieu nous appelle à partir soudainement, nous pouvons nous précipiter du haut de la falaise dans ses flots, car Christ est avec nous, et la mort nous est un gain.
II.
Maintenant quelques instants me suffiront pour vous montrer que, par sa mort, Jésus a anéanti le pouvoir du diable, non seulement sur la mort, mais sur toutes choses, et d’une manière universelle. « Il a détruit » ou vaincu « celui qui avait l’empire de la mort, à savoir : le diable. »
La mort était le dernier retranchement du diable ; mais Christ a bravé le lion jusque dans sa tanière et l’a vaincu sur son propre terrain. En lui enlevant la mort et en démantelant cette forteresse jusqu’alors invincible, Il lui a ravi tous les autres pouvoirs qu’il pouvait exercer contre les enfants de Dieu. Satan est donc aujourd’hui un ennemi vaincu, non seulement pour l’heure de la mort, mais dans toute circonstance et à tous égards. Tout cruel et puissant qu’il ait pu être, cet ennemi tremble et se lamente aujourd’hui chaque fois qu’un chrétien entre en lice contre lui, car il sait par expérience que si le résultat de la lutte peut parfois se faire attendre ou pencher un instant en sa faveur, la victoire appartient invariablement à l’enfant de Dieu, parce que Christ, par sa mort, a détruit la puissance du diable.
Mes frères, Satan peut acquérir soudain une grande puissance sur vous et vous tenter de vous livrer aux convoitises de la chair et à l’orgueil de la vie ; il peut se présenter devant vous et vous dire : « Faites telle ou telle chose contraire à la droiture, et je vous enrichirai ; livrez-vous à telle ou telle jouissance, et je vous rendrai heureux. » — « Allons, dit-il, laissez-vous conseiller par moi. Je vous donnerai à boire d’un vin plus généreux que celui qui découle des cuves de la Parole de Dieu, et à manger d’un pain meilleur et que vous ne connaissez point encore. Mange seulement de ce fruit séduisant ; il est exquis, et tu seras comme un Dieu. » — « Ah ! » répond le chrétien, « lorsque mon Maître eut affaire avec toi, ô Satan, Il a dû mourir ; c’est pourquoi je ne veux rien avoir de commun avec toi. Puisque tu as tué mon Maître, tu me tueras aussi, si tu peux, c’est pourquoi, arrière de moi ! Tu me montres des monceaux d’argent, en me disant que si je veux faire quelque action malhonnête tu me les donneras, et moi je te dis que je puis couvrir ton argent avec des monceaux d’or, et en avoir encore de reste. Tu me dis qu’en péchant je pourrai m’enrichir ; mais tous les trésors de l’Égypte ne sont rien en comparaison des trésors de Christ. » Si tu venais, ô Satan, m’offrir même une couronne, et me dire : « Tiens ! Si tu consens à pécher, je te la donne », je te répondrais : « Pauvre couronne que la tienne, ô Satan, j’en possède là-haut une bien plus belle. Je ne saurais pécher pour si maigre récompense. » — Mais, le voici qui apporte ses sacs d’or, disant : « Hé bien donc, chrétien, pèche pour avoir ceux-ci ». — « Cette marchandise, reprend le chrétien, ne vaut pas seulement la peine que je la regarde ; mon héritage est dans une cité dont les rues sont pavées d’or ; et que m’importent ces brimborions que tu me présentes ? Emporte-les ! » — Alors il apporte la beauté et nous tente par elle. Mais nous lui répondons : « Y penses-tu, ô démon ! Que me fait cette beauté ? Mes yeux ont entrevu le Roi de gloire et la patrie lointaine, et, par la foi, je sais que j’irai au lieu où la Beauté suprême surpasse toute autre beauté, où je verrai mon Sauveur qui est le premier entre dix mille et entièrement aimable. Rien de tout cela ne me tente. Christ est mort, et je compte toutes les autres choses comme des ordures, pourvu que je gagne Christ et que je sois trouvé en Lui. » — Vous le voyez : la mort de Christ a détruit le pouvoir de Satan, même dans les tentations.
« Ah ! tu ne veux pas te rendre ! » s’écrie Satan en fureur ; « tu ne veux pas céder à mes invitations amicales ! Hé bien ! Attends ; puisque tu ne veux pas sortir du sentier de la fidélité, c’est moi qui vais t’en faire sortir. Qui es-tu donc pour oser te mesurer avec moi ? Pauvre ver de terre ! Quoi ? J’aurai pu faire tomber des anges et je reculerais devant toi ? Non certes !… » Et le voilà qui se précipite sur nous et qui pousse des hurlements jusqu’à étourdir les échos et les réduire au silence. Il lève sa flamboyante épée et se prépare à nous frapper. Vous savez, mes frères, quel est bouclier qui doit alors parer ses coups. C’est la foi en Christ, mort pour nos péchés. Il fait siffler ses flèches en tous sens, mais ses dards empoisonnés ne nous font aucune blessure, car nous les recevons sur le bouclier impénétrable : Christ et sa croix. Quelque malignes que soient donc ses insinuations, quelque grandes que soient ses fureurs, la mort de Christ a anéanti son pouvoir pour détruire aussi bien que pour tenter. Dieu peut lui permettre de l’essayer, mais il ne saurait jamais réussir ; la mort de Christ a détruit celui qui avait l’empire de la mort, savoir : le diable.
Il y a des gens qui prétendent ne pas croire au diable. Hé bien ! Je leur dis à mon tour que je ne crois pas à leur prétention ; car s’ils se connaissaient tant soit peu eux-mêmes, ils trouveraient bientôt le diable. Mais il se peut, après tout, qu’ils n’aient guère de preuves de son existence, car le diable ne perd pas son temps. Il traverse une rue, voit un homme occupé à ses affaires — avare, ambitieux, avide au gain, ayant ravi la maison d’une veuve et venant d’enlever à un orphelin son dernier arpent de terre. « Bon, dit le diable, poursuivons notre route ; inutile de m’arrêter ici ; celui-là n’a pas besoin de moi ; il ira en enfer sans difficulté. » — Il va donc vers une autre maison. Là, demeure un buveur, qui passe sa vie en orgies. Le diable passe outre : « On n’a que faire de moi ici ! » dit-il ; « tout marche très bien, et je ne veux pas déranger mes meilleurs amis. Pourquoi me mêler de leurs affaires, puisque je suis sûr de les tenir à la fin ? Il ne faut pas les inquiéter. » — Mais voici qu’il rencontre un pauvre enfant de Dieu à genoux, très faible dans la prière : « Oh ! » dit-il, « qu’est ceci ? Voilà une créature qui pourrait bien m’échapper ; approchons-nous promptement. » — Voici un pauvre pécheur qui vient de se détourner de son mauvais train de vie et qui s’écrie en larmes : « J’ai péché et j’ai commis l’iniquité devant ta face ; Seigneur ! Aie pitié de moi ! » — « Encore un homme de moins ! » s’écrie Satan. « Il faut que je le rattrape. Je ne puis consentir à ce que mes sujets m’échappent ainsi. » Et le voilà qui le tourmente.
La raison pour laquelle vous ne croyez pas qu’il y ait un diable, c’est que très probablement il ne s’approche guère de vous, parce qu’il est sûr de vous avoir et ne prend pas même la peine de vous surveiller. Vous ne l’avez pas vu, parce que vous êtes tellement mauvais que vous ne valez pas seulement la peine qu’il vous recherche. « Non, non, dit-il, je n’ai pas de temps à perdre avec cet homme ; ce serait porter de l’eau à la mer ; il est déjà aussi mauvais qu’il peut l’être, et nous le laisserons tranquille. » — Mais si un homme vit pour Dieu, ou si sa conscience commence à se réveiller, alors Satan, s’écrie : « Aux armes ! Aux armes ! Aux armes ! » Et cela pour deux raisons : d’abord, parce qu’il veut essayer de l’étourdir, et aussi parce qu’il ne veut pas le perdre. Hé bien ! Nous bénissons Dieu de ce qu’alors même que Satan déploierait contre le chrétien toutes les puissances de l’opprobre, de la ruse et de la malice, le chrétien qui s’abrite derrière le Rocher qui est Christ est en parfaite sécurité et ne saurait jamais être ébranlé.
Permettez-moi, en terminant, d’adresser un mot d’encouragement pour le peuple de Dieu et un avertissement sérieux à ceux qui ne connaissent point encore le Sauveur.
Ô enfants de Dieu, la mort a perdu son aiguillon pour vous, car l’empire que le démon avait sur elle a été détruit. Ne craignez donc plus la mort. La mort ! … vous savez ce qu’elle est : regardez-la en face et dites-lui courageusement que vous ne la craignez pas. Demandez au Seigneur de vous fortifier par sa grâce, de telle sorte que vous puissiez affronter sans terreur cette heure dernière, étant fortifiés par une connaissance intime de la mort de votre Maître et par une foi inébranlable en son efficace. Comprenez bien que si vous vivez dans ces sentiments, vous envisagerez la mort comme un sujet de joie et vous la saluerez à son approche comme une délivrance. Oui, il est doux de mourir, de s’endormir sur le sein du Seigneur, de sentir son âme se séparer du corps sous l’étreinte de Jésus et s’envoler vers Lui en recevant son baiser de paix !
Vous qui avez perdu des êtres chéris ou qui êtes demeurés seuls sur la terre, ne vous désolez point comme ceux qui n’ont point d’espérance, car l’empire de Satan est détruit. Qu’elle est douce pour le cœur l’espérance que la mort de Christ nous apporte à l’égard de ceux que nous avons perdus ! Ils sont partis, mes frères, mais sont-ils donc allés bien loin ? La distance qui sépare les esprits glorifiés dans le ciel des enfants de Dieu qui combattent encore sur la terre parait grande, mais elle ne l’est pas. Nous ne sommes pas éloignés du foyer paternel. « Un léger soupir suffit pour détacher l’esprit de la matière, et ce soupir on l’entend à peine, que déjà cet esprit racheté et glorifié a pris sa place devant le trône du Très-Haut. » Nous mesurons la distance par le temps, et nous disons que tel lieu est à tant d’heures de tel autre. S’il y a trente lieues entre les deux, et qu’il n’existe pas de chemin de fer pour ce trajet, nous disons : « C’est bien loin ! » S’il y a un chemin de fer, nous disons : « C’est bien près ! » Mais le ciel, à quelle distance est-il ? Il suffit d’un soupir pour y arriver. Chers frères, nos amis sont pour ainsi dire à l’étage au-dessus dans la maison que nous habitons ; ils ne sont pas bien loin ; ils sont au premier, et nous au rez-de-chaussée. Comme l’a dit un poète : « Par dix milliers ils s’envolent en ce moment même vers leurs éternelles demeures, et nous sommes, nous aussi, arrivés sur la plage et sur le point de partir comme eux. Une partie de cette grande armée a déjà passé le fleuve. » Voyez-les ! Ils sont là-bas, sur la plage opposée et l’autre partie de l’armée est encore de ce côté-ci des profondes eaux. Nous sommes déjà sur la rive, prêts à nous embarquer ; mais nous ne formons qu’une même armée, — une chaîne ininterrompue, depuis Abel jusqu’au dernier des saints qui part en ce moment, — un seul et même corps, qui ne sera complet que le jour où les portes du saint lieu se refermeront sur eux pour les protéger à jamais.
« Nos mains peuvent déjà, par la foi, presser les mains chéries de ceux qui nous ont devancés, et saluer les glorieuses phalanges qui se pressent sur les rives éternelles, et dont les vêtements portent la marque du précieux sang qui les a rachetés. »
Je termine maintenant par quelques mots à l’adresse des pécheurs. Ô toi qui ne connais pas Dieu, toi qui ne crois pas en Christ ! la mort est pour toi une chose terrible. Je n’ai pas besoin de te le dire, car ta conscience te le déclare déjà. Ô homme, tu peux te moquer de la religion à ton aise ; mais tu ne t’en ris pas alors que tu es seul vis-à-vis de toi-même. Les plus grands vantards de la terre sont les plus grands lâches. Quand j’entends quelqu’un dire : « Ah ! je n’ai pas peur de mourir, votre religion m’importe peu ! » je ne m’y laisse pas prendre ; je sais ce que cela signifie. Il ne parle ainsi que pour cacher aux autres et se cacher à lui-même ses propres craintes, comme celui qui chante quand il se trouve seul pendant la nuit. Regardez comme il pâlit lorsqu’une feuille d’arbre vient se heurter le soir contre la vitre ! Observez-le au moment d’un orage, quand le tonnerre ébranle le sol : « Ah ! quel éclair ! » s’écrie-t-il. Ou, s’il a les nerfs robustes, peut-être ne dira-t-il rien, mais une terreur comprimée pèse sur lui pendant que la tempête gronde. Ainsi ne fait pas le chrétien ; ainsi ne fait pas celui qui est animé d’un véritable courage. Moi, j’aime les éclairs ; j’aime la voix du tonnerre de mon Dieu ; jamais je ne me sens aussi heureux que lorsque je contemple les sublimes horreurs de l’orage. Il me semble alors que j’ai des ailes et toute mon âme est en jubilation. Je me plais à répéter ces paroles d’un cantique :
« Ce Dieu terrible est à moi ;
Il est mon Père bien-aimé !
S’il veut que je monte vers Lui,
Il m’enverra ses messagers puissants. »
Oui, je le sais, vous avez peur de mourir ; et voici ce qui me reste à vous dire : vous avez bien raison de craindre la mort, et surtout de redouter de mourir maintenant ! Mais, parce que vous avez souvent échappé au trépas, vous pensez peut-être y échapper longtemps encore ? … Ô tranquillité funeste ! … La mort est là qui vous presse de toutes parts : ne la voyez-vous pas frappant à droite et à gauche ? … Supposons que nous prenions un homme, que nous l’attachions à l’une de ces colonnes et que nous chargions un bon tireur de prendre son arc et ses flèches et de les décocher sur lui : une première flèche pourra bien s’écarter et frapper quelqu’un à sa droite ; une seconde pourra frapper quelqu’un à sa gauche ; une autre pourra passer au-dessus de sa tête, et une autre tomber à ses pieds ; mais, tandis que les flèches volent et déchirent l’air en sifflant à ses oreilles, vous ne supposez pas que cet homme puisse rire et se moquer ? … S’il savait que l’archer continue à le prendre pour point de mire de ses coups, et s’il était parfaitement certain d’être atteint un moment ou l’autre, qui pourrait rendre la terreur qui s’emparerait de lui ! Ah ! Il ne rirait pas ; il ne dirait pas : « Je ne mourrai point. Voyez, cet homme en a tué plusieurs à mes côtés, mais jamais il ne me touchera. » Non, la chance de la mort suffirait pour le mater et le tenir en éveil ; car, au moment où il n’y penserait pas, la flèche pourrait partir et le percer. Hé bien ! Aujourd’hui, cet homme dont je parle c’est vous-même. Dieu a placé la flèche sur l’arc : un de vos voisins est tombé à votre droite et un autre à votre gauche. La flèche va bientôt se diriger sur vous ; elle vous aurait même déjà frappé si Dieu l’avait voulu. Ah ! Ne vous moquez donc pas de la mort et ne méprisez pas l’éternité ; mais demandez-vous plutôt si vous êtes prêt à mourir, de peur que la mort ne survienne et ne vous trouve en défaut. Souvenez-vous qu’elle ne vous attendra pas. Si vous avez renvoyé d’y penser, elle ne renverra pas votre départ pour s’accommoder à vos besoins ; elle ne vous laissera pas même un instant de plus pour vous donner le temps de vous tourner vers Dieu. La mort tue du premier coup qu’elle frappe, et après elle vient la damnation, sans espoir de renvoi. « Quiconque croit et a été baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croit pas sera condamné. » Je vous prêche donc l’Évangile selon que Dieu veut qu’il soit prêché. « Allez, dit-il, par tout le monde, et prêchez l’Évangile à toute créature. Allez, instruisez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Voici, je vous l’ai dit, la foi en Jésus-Christ est la seule chance de salut qu’il reste à toute âme, et cette foi, on en fait profession devant les hommes par le baptême. Telle est la méthode choisie de Dieu. Que le Seigneur daigne vous faire la grâce d’obéir à ces deux grands commandements, pour l’amour de Christ ! Amen.
167 - ACHETEZ !
SERMON PRÊCHÉ À EPSOM PENDANT LES COURSES DE CHEVAUX
« Venez, dis-je, achetez sans argent et sans aucun prix, du vin et du lait » (#Esa 55:1).
Vous le voyez, j’ai, moi aussi, quelque chose à vendre aujourd’hui. J’ai à vous presser d’acheter ce que je vais vous offrir dans l’Évangile. Or, il est d’habitude que lorsqu’un homme a quelque chose à vendre, il fasse mousser sa marchandise, c’est-à-dire qu’il la fasse connaître et qu’il en expose l’excellence ; car, si les acheteurs ne sont pas mis au courant de ce qu’on leur présente, ils ne sauraient en désirer l’acquisition. C’est donc par là que je vais commencer.
Quiconque a quelque chose à vendre cherche en second lieu à faire monter l’acheteur jusqu’au prix de l’article mis en vente. C’est ce que je ferai ensuite ; seulement, en sens contraire. Je chercherai à vous faire descendre jusqu’au prix auquel je vends. « Venez, achetez sans argent et sans aucun prix ! »
En terminant, j’adresserai quelques paroles pressantes à ceux qui méprisent ce salut glorieux que j’ai le privilège d’annoncer et qui repoussent les généreuses conditions auxquelles je l’offre : « sans argent et sans aucun prix ».
I.
En premier lieu, donc, je viens vous offrir aujourd’hui du vin et du lait. « Venez, achetez du vin et du lait. » Ces paroles décrivent la véritable nature de l’Évangile. Le vin est ce qui « réjouit le cœur de l’homme » ; le lait est le seul de tous les aliments connus qui contienne toutes les substances essentielles à la vie. L’homme le plus robuste peut vivre de lait, car ce breuvage contient tout ce dont le corps a besoin, — tout ce qui est nécessaire à la nutrition des os, des muscles, des nerfs, des chairs et de tout le reste. Tout est contenu dans le lait. Nous avons par conséquent ici une double définition de l’Évangile. L’Évangile, comme le vin, rend le cœur de l’homme joyeux. Dès qu’un homme parvient à la connaissance de la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, cet homme est heureux, et plus il se pénètre de l’Esprit de Christ, plus il est heureux. Une religion qui prêche que le chagrin et la tristesse sont un devoir est une flagrante imposture, car lorsque Dieu créa le monde, il le calcula pour la félicité de ses créatures. Quand vous contemplez ce qui vous entoure, vous ne pouvez vous empêcher de voir que Dieu a recherché avec sollicitude, avec une attention persévérante, tout ce qui pouvait être pour l’homme une source de jouissance. Il ne s’est pas contenté de satisfaire nos besoins les plus impérieux ; Il nous a accordé plus que l’indispensable. Il ne s’est pas contenté de nous donner ce qui est utile, mais Il nous a traités avec luxe. Ces fleurs de nos campagnes, ces étoiles dans les cieux, ces beautés de la nature, ces coteaux, ces vallons, toutes ces choses ont été créées, non parce que nous en avions besoin, mais parce que Dieu voulait nous montrer combien Il nous aimait et combien Il tenait à ce que nous soyons heureux. Est-il donc probable qu’un Dieu qui nous a donné une si belle et si riche demeure, nous ait envoyé un si misérable salut ? Non ! Non ! Celui qui a voulu être généreux en créant veut aussi être généreux en rachetant, et tous ceux qui ont goûté combien le Seigneur est bon témoigneront que les voies de la piété ne sont que joie et paix. Alors même que tout serait fini après la mort, et alors même que la tombe serait le terme de toute existence pour nous, — quand le linceul serait la dernière enveloppe de notre éternité, les convictions du chrétien seraient encore une belle et précieuse chose, car, avec la foi, cette vallée de larmes devient lumineuse et les puits de Baca se remplissent et débordent en fleuves d’amour et de félicité.
L’Évangile, en ce sens, est semblable au vin et il est en même temps semblable au lait, car il contient tout ce qui est nécessaire à l’homme. Avez-vous besoin de quelque chose qui vous soutienne au milieu des épreuves ? L’Évangile vous le donnera ; il vous donnera un prompt secours au jour de l’affliction. — Avez-vous besoin de quelque chose qui vous encourage dans l’accomplissement du devoir ? Vous le trouverez dans l’Évangile, car il contient les grâces indispensables pour tout ce que vous avez à surmonter ou accomplir. — Avez-vous besoin d’une lumière qui vienne raviver vos espérances ? Ah ! De l’Évangile s’échappent des éclairs de félicité qui feront briller vos yeux d’un éclat et d’un feu immortel ? — Avez-vous besoin de quelque chose qui vous fasse résister et demeurer inébranlable au sein des tentations ? L’Évangile peut vous rendre victorieux de toutes choses et vous faire abonder dans l’œuvre du Seigneur. Il n’est point d’émotion, d’affection, de pensée, de désir, d’ardeur, que l’Évangile ne puisse satisfaire pleinement. L’Évangile est fait pour rendre l’homme complètement heureux ; il est admirablement adapté à sa nature dans toutes ses parties. Il contient des trésors de connaissance pour la tête, des trésors d’amour pour le cœur, des trésors de sagesse et de lumière pour nous diriger dans notre marche. Il contient, en un mot, « le vin et le lait », — tout ce dont nous pouvons avoir besoin.
Mais je crois que ce « vin » et ce « lait » signifient encore autre chose. Le vin, comme vous savez, est un produit précieux et qui demande beaucoup de temps pour devenir buvable. Il faut une vendange, une fermentation et un temps de repos avant qu’il puisse développer ses parfums. Or, l’Évangile possède toutes ces qualités ; il est une chose extraordinaire pour les jours de grande fête. Il communique à l’homme toute une vendange de pensées, toute une fermentation d’activité, tout un réservoir d’expériences entassées en silence ; tellement que bientôt la piété de cet homme jaillira comme un vin étincelant qui fait bondir le cœur de joie. Voilà, je le répète, ce qui fait de la religion une chose extraordinaire, une chose qui sert dans les grandes occasions et que l’on met sur table quand on traite les princes. — Le lait, à son tour, est un breuvage qu’on peut se procurer chaque jour et en tous lieux. Vous n’avez pour en trouver qu’à descendre dans la cour de votre ferme. Il n’a besoin d’aucune préparation, il est tout préparé par la nature ; c’est un aliment ordinaire. Il en est de même de l’Évangile ; il est d’un usage journalier. J’aime l’Évangile le dimanche ; mais, béni soit Dieu ! Il est tout aussi bon le lundi. L’Évangile va bien dans une chapelle ; il convient également dans un temple ; en cela il est comme le vin. Mais il convient tout aussi bien pour la ferme ; on peut le cultiver en conduisant la charrue ou le méditer derrière son comptoir. La religion de Jésus Christ est une chose qui peut vous suivre dans votre boutique, à la bourse, au marché, partout. Elle est, comme le lait, un plat pour tous les repas, qu’on peut toujours porter avec soi et dont on peut se régaler sans cesse. Oh ! Grâce au ciel, nous avons là un vin précieux pour ce grand jour où nous verrons le Seigneur face à face ; — un vin précieux pour ce jour terrible où nous traverserons à gué le fleuve du Jourdain ; — un vin qui chassera nos terreurs à l’approche de la mort et nous donnera la force de chanter au sein de la sombre vallée. Mais, grâces en soient rendues à Dieu ! Ce vin est aussi un lait non moins précieux, un lait pour tous les instants, pour les actes de chaque jour, un lait dont nous pourrons boire pendant toute notre vie et qui nous fortifiera jusqu’au moment où le grand jour poindra.
J’ai suffisamment expliqué, je pense, la figure employée, dans mon texte ; mais quelqu’un me demandera encore : « Qu’est-ce que l’Évangile ? » Hé bien ! Tel que je le comprends, l’Évangile peut être considéré de diverses manières, mais je me propose aujourd’hui de vous le présenter ainsi : l’Évangile est la proclamation faite au pécheur d’un pardon complet, gratuit, immédiat et éternel, par le sang expiatoire de Jésus-Christ. Si je le comprends bien, il est bien autre chose encore ; mais ceci en est cependant la substance.
J’ai donc pour mission aujourd’hui de vous annoncer que tandis que tous les hommes ont péché, Christ est mort, et qu’Il offre, à quiconque confesse ses péchés avec repentance et met en Lui son unique espoir, un pardon complet et gratuit. Je dis gratuit, en ce sens que vous n’avez aucune œuvre à faire avant de l’obtenir. Le plus chétif pécheur convaincu de péché n’a qu’à répandre devant Dieu l’amertume de son cœur. C’est là tout ce que Dieu exige. Aucune autre préparation n’est nécessaire. Toute la préparation qu’Il requiert, c’est que vous sentiez le besoin de sa grâce ; et ce besoin Il vous le donne par les premières lueurs de son Esprit. Il n’est pas nécessaire que vous passiez des années à faire pénitence, à travailler rudement ou à traverser de grandes épreuves : l’Évangile est gratuit comme l’air que nous respirons. Vous ne payez pas pour avoir le droit de respirer. Vous ne payez pas pour contempler la lumière du soleil. Vous ne payez pas pour avoir le droit de vous baisser et d’étancher votre soif aux eaux du fleuve : il en est de même pour l’Évangile. Il n’y a rien à faire pour l’obtenir ; vous n’avez aucun mérite à fournir en compensation. Le plus grand des pécheurs y trouve son pardon gratuit par le sang de Jésus-Christ.
Je disais un pardon complet ; c’est qu’il l’est en effet. Quand Jésus fait quelque chose, Il ne le fait pas à moitié. Il est disposé en ce moment à effacer jusqu’au dernier péché, à laver jusqu’à la dernière iniquité de tous ceux qui sont ici et qui sont désireux, par la grâce de Dieu, d’implorer sa miséricorde. — Pécheur, si en ce moment Dieu t’a mis au cœur de le chercher, le pardon qu’il veut te donner est un pardon universel, un pardon qui ne s’étendra pas seulement à une partie de tes péchés, mais à leur totalité. « C’est le pardon de toutes tes transgressions passées, quelque noires qu’elles puissent être, et, ô spectacle inouï, c’est aussi le pardon de toutes tes transgressions futures. »
Le pardon que je vous offre donc de la part de mon Maître, c’est le pardon de toutes vos ivrogneries, le pardon de tous vos jurements, le pardon de toutes vos souillures charnelles, le pardon de toutes vos rebellions. C’est le pardon des péchés de votre jeunesse et de ceux de votre vieillesse. C’est le pardon de tous vos péchés, car « le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché ».
Je vous disais encore que le pardon que j’ai mission de vous annoncer est un pardon immédiat. Si vous sentez le besoin d’un Sauveur et si vous avez reçu la force de vous confier en Christ maintenant, vous serez pardonnés en ce moment même. Ceux qui se nourrissent de vaines espérances disent qu’ils espèrent être pardonnés quand ils mourront. Mais ce n’est pas là la religion que nous prêchons. Si vous voulez confesser vos péchés maintenant, chercher le Seigneur maintenant, c’est maintenant que vous serez pardonnés. Tel qui est venu ici aujourd’hui avec tous ses péchés suspendus à son cou comme une meule de moulin (plus qu’il n’en faut pour le faire descendre au plus bas des enfers), peut sortir de ce lieu en ayant l’assurance que tous ses péchés sont effacés et entièrement anéantis. ! S’il peut croire en Christ, il peut recevoir aujourd’hui même des mains de Dieu une complète amnistie. Le pardon d’un pécheur n’est pas une affaire qui se règle à la mort, mais pendant la vie, — mais immédiatement ; et j’espère qu’il en est plusieurs ici — qu’il en est même beaucoup — qui pourront dès aujourd’hui se réjouir d’avoir reçu leur pardon ; Oh ! Dites-moi, n’est-ce pas une chose magnifique et glorieuse qu’un homme puisse fouler de son pied la terre du Seigneur avec ce cantique sur les lèvres : « Je suis pardonné ! Je suis pardonné ! Je suis pardonné ! » Ces paroles sont un cantique, — le plus beau cantique de ce monde, — aussi suave et aussi harmonieux que ceux dont les chérubins entourent le Trône suprême.
« Oh ! Qu’il m’est doux de contempler
Le sang expiatoire qui guérit mes souillures,
Et de savoir d’une manière certaine
Qu’Il a fait venir sur moi
La paix de mon Dieu ! »
Ah ! Que ne donneriez-vous pas pour posséder un pareil salut, ô âmes en deuil ? Il vous est offert sans argent, sans aucun prix, et j’ai reçu l’ordre de crier : « Ah ! Ah ! Vous tous qui êtes altérés, si vous éprouvez le besoin d’un Sauveur, si vous êtes prêts en ce moment à confesser vos péchés, venez et prenez ce salut gratuitement, sans argent et sans aucun prix ! »
Mais le meilleur reste pour la fin. Le pardon que je proclame aujourd’hui est non seulement gratuit, complet et immédiat, mais éternel. Si l’autorité suprême d’un pays pardonne à quelqu’un — pardonne gratuitement, — il ne se peut pas faire que cet homme soit remis en cause pour ce même crime. Il arrive cependant souvent qu’on accorde une commutation ou un adoucissement de la peine, ce qui n’est pas un pardon complet. Il est des cas où la grâce accordée consiste en ce que le coupable ne sera pas décapité, mais demeurera emprisonné pour un temps prolongé. C’est là ce que Notre Seigneur ne fait jamais. Quand Il pardonne, Il fait maison nette ; Il ne laisse pas subsister un seul péché. Quand Il nettoie une âme de ses souillures, Il la rend plus blanche que la neige. Dieu fait parfaitement tout ce qu’il fait, et ce qu’il fait une fois est fait pour toujours. C’est là la gloire de l’Évangile. Si aujourd’hui vous acceptez votre pardon, vous êtes pardonné incontinent et vous ne serez plus jamais condamné. Si un homme croit en Jésus-Christ, son pardon est assuré d’une façon irrévocable et, selon moi, le plus précieux joyau de la couronne du salut, c’est qu’il est irrévocable. Si je confie mon âme au Seigneur c’est pour qu’il la sauve.
« Sa gloire est intéressée à sauver
La moindre de ses brebis.
Ses mains protègent éternellement
Tous ceux que son Père lui a donnés.
Ni la mort, ni l’enfer ne sauraient, le séparer
De ceux qui en Lui se confient ;
Dans son sein pour jamais
Ils se reposeront en paix. »
Dieu ne vous appelle pas ses enfants aujourd’hui pour vous mettre à la porte demain. Il ne vous pardonne pas un jour pour vous punir plus tard. Aussi vrai que l’Éternel est Dieu, ô homme, si aujourd’hui tu obtiens ton pardon, la terre pourra se fondre et s’évanouir comme l’écume qui retombe dans la mer en tourmente ; l’immense univers pourra disparaître comme la blanche gelée à l’aurore, mais tu ne pourras plus être frappé de condamnation. Aussi longtemps que l’Éternel sera Dieu, celui qui aura reçu de sa main les gages de son pardon sera à jamais abrité contre tout danger. Je ne pourrais, je n’oserais même prêcher un autre pardon. Tout autre pardon ne vaudrait pas la peine d’être accepté, ne vaudrait pas la peine que je l’annonce. Mais le pardon de Dieu, le pardon éternel et irrévocable est un placement à bon intérêt et mérite qu’on s’empresse de le posséder. Quiconque se jette dans les bras de Christ, a qui peut le garder d’une manière certaine, quoi qu’il arrive. Viennent après cela les fortes tentations, viennent les affections ardentes, viennent les douleurs profondes, les devoirs difficiles … Celui qui nous a pris à Lui nous portera nous et notre fardeau, et nous rendra même plus que vainqueurs en Lui. Oh ! Être pardonnés une fois, avec la ferme assurance que nous le sommes pour toujours, avec la certitude que rien ne pourra plus nous séparer de l’amour que Dieu nous a manifesté en Christ, quelle pensée ! Quelle espérance !
Voilà donc le salut que je vous prêche. C’est là ce vin et ce lait que je vous propose d’acquérir sans argent, sans aucun prix. Oui, chers auditeurs, et tout cela doit être obtenu par la foi en Christ. — Quiconque croit en Celui qui est mort sur la croix et qui a répandu son âme en offrande ne sera jamais sujet à la condamnation : il est passé de la mort à la vie, et l’amour de Dieu est répandu dans son cœur.
II.
À présent que je vous ai fait connaître mon article, mon affaire va être de le vendre et d’amener les miseurs à me faire leurs offres. Mais la difficulté sera d’obtenir de votre part des offres assez basses. Le vieux Rowland Hill, prêchant un jour dans une foire, entendit la voix d’un marchand qui criait sa marchandise. « Ah ! » dit-il, « pour ces gens-là la difficulté est d’amener leur monde à miser le plus haut possible, tandis que, pour moi, la difficulté est d’obtenir de mes gens la mise la plus basse. »
Tel est donc mon Évangile. Je le prêche dans toute sa plénitude et je l’offre à tous « sans argent, sans aucun prix ». — Voici quelqu’un qui s’approche de la chaire (transformée pour le moment en tréteau d’encan), et qui s’écrie : « Je veux l’acheter ! » — Et que m’en offrez-vous ? — Je le vois qui avance les mains pleines de diverses choses, et il en tire encore d’énormes poignées de son sein ; il en apporte une si grande charge, que c’est tout ce qu’il peut faire que de ne pas succomber sous le faix de ses bonnes œuvres. Il présente des Je vous salue Marie et des Notre Père sans nombre et une multitude de signes de croix faits avec l’eau bénite sur sa poitrine, puis des génuflexions, des prosternations devant l’autel, des saluts à l’hostie, des messes entendues et ainsi de suite. — Singulier fatras que tout cela, pensez-vous ; mais en attendant bien des gens y attachent un grand prix et ne manquent pas de l’offrir à Dieu comme un titre à son ciel.
Ainsi donc, monsieur le catholique, vous venez ici pour acquérir le salut, n’est-ce pas ? Et vous avez pris la peine d’apporter toutes ces belles choses ! Mon ami, j’en suis affligé pour vous, mais il faudra vous en retourner comme vous êtes venu, avec toutes vos belles œuvres, car mon salut s’acquiert « sans argent et sans aucun prix », et aussi longtemps que vous ne vous présenterez pas ici les mains vides, vous ne pourrez jamais l’obtenir. Si tu crois avoir quelque chose en propre, tu ne peux pas le recevoir. — « Mais, dit-il, suis-je donc un hérétique ? Ne suis-je pas fidèle au pape ? Ne vais-je pas me confesser et ne reçois-je pas l’absolution en payant mes vingt sous ? » — Vraiment, mon ami ! Hé bien ! Précisément parce que vous donnez vingt sous pour l’avoir, c’est preuve qu’elle ne vous sert de rien, car ce qui est réellement bon vous pouvez l’obtenir « sans argent et sans aucun prix ». La lumière que nous achetons à prix d’argent n’est qu’une bien pauvre lumière, tandis que celle que le soleil nous donne pour rien est la belle et riche lumière du Bon Dieu ; elle réjouit le cœur. Il en est de — « Oh ! Soyez sans inquiétude ; je ne vous présente ni Je vous salue Marie, ni Notre Père — même du pardon que Jésus donne ; on l’obtient « sans argent et sans aucun prix ».
Mais un autre s’approche et dit : « Je suis heureux que vous ayez renvoyé de la sorte ce catholique Je hais l’Église romaine ; je suis un véritable protestant et je désire être sauvé. » — Et que m’apportez-vous là ? « Ces noms seuls me font horreur. Ce n’est certes pas moi qui prendrai plaisir à tout ce vilain latin. Je lis chaque dimanche ma Bible, je dis mes prières avec une grande attention. Je vais à l’église aussitôt que les portes s’ouvrent », — ou (s’il est dissident) : « Je me rends à la chapelle trois fois par dimanche et je ne manque pas une seule réunion de prière. En outre, je paie exactement tout ce que je dois ; j’aimerais mieux donner trop que trop peu. Je ne veux faire aucun tort à qui que ce soit ; je ne marcherais pas volontairement sur un ver de terre. Je suis toujours généreux et j’assiste les pauvres quand je le puis. Il peut m’arriver quelquefois de faire par ci par là quelque faute ; je puis m’écarter tant soit peu de la ligne ; mais, malgré cela, si je n’étais pas sauvé, je ne vois pas trop qui pourrait l’être. Je vaux bien autant que mes voisins, et je ne doute pas d’obtenir le salut, car je n’ai commis, après tout, que peu de péchés, et encore sont-ce des péchés qui ne causent aucun préjudice à personne, — qui n’en causent qu’à moi seul. Et d’ailleurs, ce ne sont que des peccadilles ; il peut m’arriver une ou deux fois par an, tout au plus, de prendre un peu de liberté, et tout homme, vous en conviendrez, a besoin de quelque amusement. Je puis vous certifier, Monsieur, que je suis un des hommes les plus rangés, les plus honorables, les plus sobres et les plus pieux qu’il y ait dans ce monde. »
Mon ami, je suis attristé de vous voir en mésintelligence avec ce catholique qui était là tout à l’heure, car je n’aime pas que la désharmonie règne entre deux frères jumeaux. Oui, vous êtes frères ; vous vous valez, vous appartenez à la même famille, croyez-le ; car l’essence même du catholicisme c’est le salut par les œuvres et par les cérémonies. Vous ne faites pas, à la vérité, les mêmes œuvres et vous ne pratiquez pas les mêmes cérémonies ; mais vous espérez être sauvé par les vôtres, tout comme il espère être sauvé par les siennes, en sorte que vous ne valez pas mieux l’un que l’autre. Je suis donc forcé de vous renvoyer aussi. Mon salut ne fait pas pour vous, puisqu’on l’acquiert « sans argent et sans aucun prix », et aussi longtemps que vous voudrez m’offrir en échange toutes ces belles œuvres, vous ne sauriez l’obtenir. Faites bien attention que je ne blâme pas vos bonnes œuvres ; elles sont excellentes, pourvu qu’on les laisse à leur place ; mais elles ne peuvent vous servir de rien en ce moment et elles ne vous seront d’aucun secours au dernier jour. Faites des bonnes œuvres ; faites-en le plus que vous pourrez : rien de meilleur. Mais, quand il s’agit du salut, laissez tout cela de côté et venez comme de pauvres pécheurs coupables, les mains vides ; recevez le salut comme un don, « sans argent et sans aucun prix ».
« Eh ! quoi, s’écrie quelqu’un, vous trouvez donc ces œuvres mauvaises ? » — Pas du tout. Supposez que je voie un homme bâtir une maison et, par une étrange folie, en construire les fondements avec des tuiles. Si je m’approche et si je lui dis : « Mon ami, je n’aime pas vous voir mettre ces tuiles dans la fondation », me reprocherez-vous de trouver les tuiles mauvaises ? Non. Vous penserez que si je blâme quelque chose, c’est la place où cet homme les a mises. En effet, que cet homme fasse ses fondations en belle et bonne maçonnerie, et, quand sa maison sera achevée, qu’il la couvre de tuiles tant qu’il voudra, et tout ira bien. Il en est de même des bonnes œuvres ; elles ne valent rien pour les fondations. Il faut que la base de votre édifice, que le fondement de votre salut soit construit de matériaux tout autrement solides. Il faut, ni plus ni moins, que notre espérance repose sur le sang de Jésus et sur sa justice. Après que nous aurons posé ce fondement, nous pourrons ajouter autant de bonnes œuvres que nous voudrons, et plus il y en aura, mieux cela vaudra. Mais, comme fondement, nos bonnes œuvres ne valent rien, et quiconque voudra s’en servir pour asseoir son salut verra certainement son édifice s’écrouler.
Mais voici un autre acheteur qui se tient là-bas, très éloigné, et qui n’ose approcher. — « Ah ! Monsieur, s’écrie-t-il, je n’ose me présenter. À quoi sert que j’essaie de miser votre salut. Je suis ignorant, moi ; je suis sans éducation ; je ne sais pas lire. Plaise à Dieu qu’on me l’ait appris ! Mes enfants vont à l’école du dimanche ; de mon temps on ne connaissait pas cela. Comme je ne sais pas même lire, il est donc impossible que j’aille jamais au ciel. Je vais quelquefois à l’église, mais, hélas, c’est inutile ; celui qui prêche prononce de si grands mots que je n’y comprends rien. Je vais aussi à la chapelle, de temps en temps, mais je ne comprends pas davantage. Je sais quelque peu certaines hymnes que mes enfants chantent entre eux, et où il est dit :
« Bon Jésus, humble et doux Sauveur ! » etc.
Et :
« Oh ! Le beau jour que celui où nous nous rencontrerons pour ne plus nous séparer ! » etc.
« Ah ! Si l’on prêchait toujours ainsi, peut-être y comprendrais-je quelque chose ; mais, ignorant comme je le suis, je ne suppose pas que je puisse être sauvé. »
Cher ami, ne restez donc pas là-bas, approchez-vous sans crainte. Il n’est pas besoin d’être savant pour aller au ciel. En ce monde, plus on sait, mieux cela vaut ; mais tout le savoir imaginable sera de peu de secours dans le monde à venir. Pourvu que vous sachiez lire dans les cieux le nom du lieu de votre demeure, pourvu que vous en sachiez assez pour sentir que vous êtes un pauvre pécheur perdu et pour savoir que Jésus est un puissant Sauveur, cela vous suffit pour aller au ciel. Il y a déjà dans le paradis de Dieu bien des hommes qui n’ont jamais connu les lettres de l’alphabet pendant leur vie terrestre, et qui n’auraient pas pu, même pour sauver leur vie, écrire leur propre nom, mais qui en étaient réduits à faire une croix. Malgré cela ils sont là-haut, parmi les plus, élevés en éclat et en beauté. Saint Pierre lui-même n’occupera pas une place supérieure à celle de tel ou tel pauvre ignorant déshérité qui a regardé à Jésus et qui a reçu de lui la lumière. Écoutez : j’ai à vous annoncer quelque chose de consolant. Ne savez-vous pas que Jésus disait : « L’Évangile est prêché aux pauvres » ? Et qu’Il a dit aussi : « Si un homme ne se convertit et ne devient comme un petit enfant, il ne peut entrer dans le royaume des cieux » ? Que signifient ces paroles, sinon que nous devons croire l’Évangile comme de petits enfants ? Un petit enfant n’a pas beaucoup de science ; il croit tout simplement ce qu’on lui dit, et c’est là tout ce que Dieu demande de vous. Vous n’avez qu’à croire ce que Dieu vous dit. Il dit que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Ce n’est pas bien difficile à comprendre, n’est-ce pas ? Vous pouvez bien croire cela ; et si vous pouvez le croire, quelque grande que soit votre ignorance, vous en saurez toujours assez pour être sauvé, et plus tard vous apprendrez dans les cieux tout ce que vous ne savez pas.
Voici quelqu’un d’autre qui s’approche et qui me dit : « Je veux obtenir, moi aussi, le salut, Monsieur. » J’ai pris mes mesures afin de pourvoir à l’érection d’une ou deux églises et de plusieurs maisons de charité. Je consacre toujours une grande partie de mon bien à la cause de Dieu. Je fais sans cesse des sacrifices pour secourir les pauvres et le reste. L’argent ne me manque pas et je ne le laisse point croupir dans mes coffres. Je suis généreux et libéral ; je cherche à instituer partout des sociétés de secours, et ainsi de suite. Tout cela ne me méritera-t-il pas le ciel ? »
Je suis heureux de faire votre connaissance et je regrette que les hommes de votre trempe soient si rares. Rien n’est beau vraiment dans ce monde comme la générosité et la libéralité, quand elles s’exercent en faveur des malades et des pauvres, des êtres abandonnés et ignorants et surtout en vue de l’œuvre de Dieu. Mais, si vous m’apportez toutes ces bonnes choses comme un mérite qui doive vous valoir une place dans le ciel, mon cher ami, il faut que je vous détrompe. Impossible d’acheter le ciel avec de l’or. Ne savez-vous donc pas que les rues de la sainte cité en sont pavées ? Le livre de l’Apocalypse nous apprend que le pavé de la Jérusalem céleste est d’or pur, semblable au cristal le plus transparent. Vous posséderiez 500 000 livres sterling que vous ne paieriez pas avec cela, une seule des dalles du paradis ! Quand le baron de Rothschild dépenserait toute sa fortune pour acheter un pied carré de terrain dans le ciel, il ne l’aurait pas. Ce lieu est trop précieux pour être payé à prix d’or ou d’argent. Quand on lancerait dans le ciel toutes les richesses des Indes à la fois, on ne paierait pas une minute de séjour dans les parvis du Saint des Saints. Tout l’or de la terre ne vaudrait pas un regard jeté à la dérobée dans ce lieu de délices. Le ciel se donne pour rien. Christ ne le vend pas, — ne le vendra JAMAIS, — JAMAIS, entendez-vous ? Parce que l’homme ne peut rien offrir qui le vaille, même de loin. Ce que Jésus a payé de son SANG ne pourra jamais être payé avec de l’or. « Il nous a rachetés non avec des choses corruptibles, comme l’argent ou l’or, mais avec son Sang précieux. » Voilà le prix qui a été payé pour le ciel, et jamais on ne l’obtiendra à moins. Ah ! Mon riche ami, vous êtes devant Dieu sur le même pied que le moindre de vos fermiers. Vous pouvez vous revêtir d’étoffes fines, tandis qu’il s’habille de mauvaise bure, mais il est tout aussi bien placé que vous pour aller au ciel. — Madame, sachez-le bien, la soie ne fera pas meilleur effet en paradis que le calicot ou le coton.
« Nul n’en sera exclus que ceux qui s’en excluront eux-mêmes. »
La richesse crée des différences dans ce monde, mais ces différences s’évanouissent devant la croix de Christ. Il faudra que vous veniez tous au pied de son trône de la même manière, sous peine d’être perdus.
Un pasteur me racontait qu’on l’avait appelé au lit de mort d’une femme de distinction. « Monsieur Baxter, lui dit-elle, croyez-vous que lorsque j’irai au ciel, ma servante Betzy y sera également ? » — « Quant à vous, Madame, répondit le pasteur, je ne sais trop ; mais pour Betzy, elle y sera bien certainement, car s’il est une fille pieuse et chrétienne, c’est bien elle. » — « Fort bien, reprit la grande dame, mais ne pensez-vous pas qu’il y aura pourtant une certaine différence ? Car je n’aurai jamais le courage de m’asseoir à côté d’une fille de cette classe ? Elle est sans goût, sans éducation, et je ne saurais la supporter. Il me semble qu’il devrait y avoir quelque différence. » — « Ah ! Madame, reprit le pasteur, vous n’avez pas besoin de vous inquiéter à ce sujet, car la différence sera grande entre Betzy et vous, si vous mourez dans de pareilles dispositions ; seulement la différence sera du mauvais côté, car vous verrez votre servante dans le sein d’Abraham, tandis que vous resterez dehors. Tant que votre cœur sera rempli de ce maudit orgueil, vous ne pourrez point entrer dans le royaume des cieux. » — Cette franchise offensa cruellement la pauvre dame, mais je crois qu’elle aura préféré demeurer exclue plutôt que de se trouver en compagnie de sa servante Betzy. Respectons le rang et les titres ici-bas, je vous en prie ; mais n’oublions pas qu’en prêchant l’Évangile toutes ces distinctions cessent. Si je devais prêcher à une congrégation de rois, je leur prêcherais le même Évangile qu’à une congrégation de laboureurs. Pour le roi sur son trône, pour la reine dans son palais, comme pour vous tous, l’Évangile est le même. Quelque humbles et obscurs que nous soyons, la porte du ciel est là devant nous, ouverte à deux battants. La voie royale qui nous y conduit est la même pour tous. Le riche et le pauvre y marcheront côte à côte. Tel est le royaume des cieux : on l’obtient « sans argent et sans aucun prix ».
J’entends là vis-à-vis mon ami le calviniste me dire : « Hé bien ! J’aime cela ; néanmoins je crois pouvoir me présenter ; car quoique je puisse répéter avec vous :
« Je n’apporte rien dans mes mains ;
Je m’appuie uniquement sur ta croix ! »
Cependant je puis dire que j’ai acquis une longue expérience, Monsieur ; j’ai appris à connaître la malice de mon propre cœur et je l’ai sentie rudement. Quand je viens à Christ, je m’appuie beaucoup sur mes sentiments chrétiens. Je ne trouve pas que vous ayez entièrement raison d’appeler toute espèce de pécheur à venir à Christ ; mais vous avez raison de m’appeler, moi, parce que je suis un pécheur de la bonne espèce. Je suis de l’espèce des publicains ; je suis assez pharisien pour le penser. Je crois que je suis invité d’une façon toute spéciale ; car avec l’expérience que j’ai acquise du christianisme, si j’écrivais ma biographie, vous seriez obligé de vous écrier : « Quelle expérience chrétienne ! Cet homme est bien préparé pour recevoir le salut. »
Je suis désolé, mon ami, d’avoir à vous détromper aussi, mais je ne puis faire autrement. Si en venant à Christ, vous lui apportez votre expérience chrétienne, vous êtes aussi loin de compte que le catholique avec ses Notre Père et ses Je vous salue Marie. J’apprécie fort votre expérience, si elle est l’œuvre de l’Esprit de Dieu dans votre cœur, mais si vous l’apportez au Sauveur, c’est une preuve que vous lui reconnaissez une plus grande valeur qu’à Jésus lui-même ; vous la mettez à la place de Christ, vous en faites un Anté-Christ. Laissez cela de côté ; laissez donc, vous dis-je ! Je crains bien que lorsque nous avons essayé de décrire aux pauvres pécheurs le triste état de leur cœur naturel et leurs mauvais sentiments, nous n’ayons travaillé sans le vouloir à engendrer en eux un esprit de propre justice et à leur faire croire qu’ils doivent commencer par éprouver de meilleurs sentiments avant de pouvoir venir au Sauveur. Ah ! laissez-moi prêcher l’Évangile à toute créature de la manière la plus large possible, car ainsi je suis sûr de le prêcher dans son sens le plus vrai. Christ n’a pas davantage besoin de vos sentiments et de votre expérience chrétienne qu’il n’a besoin de votre or. Il ne vous demande rien. Si vous voulez d’ailleurs acquérir une véritable expérience chrétienne, ne vous faut-il pas commencer par venir à Jésus, qui seul peut vous la donner ?
« Il ne vous demande, pour toute préparation,
Que de sentir que vous avez besoin de Lui. »
Et puis, attendez la fin :
« Et cela, Il vous le donne aussi,
En faisant poindre en vos cœurs
L’aurore de son Esprit. »
Il faut que vous veniez à Christ pour recevoir de Lui toutes choses. Vous ne devez pas dire : je vais commencer par croire, et alors je viendrai. — Non, allez à Jésus pour recevoir la foi. La vue de la Croix peut seule vous faire sentir vos péchés. Si déjà nous nous sentons pécheurs, lorsque nous venons au Sauveur, ce n’est toutefois qu’en le contemplant que ce sentiment augmente et devient puissant. Nous commençons par regarder à Jésus, et après cela les fleuves de la repentance jaillissent de nos yeux. Rappelez-vous que toute autre route pour aller à Christ vous égarera inévitablement. Vouloir apporter au Seigneur quoi que ce soit, c’est, pour employer un proverbe vulgaire, « porter de l’eau à la rivière ». Il est riche ; Il n’a pas besoin de vos dons, et, ce qui est pire, c’est qu’au moment où Il aperçoit quelque présent dans vos mains, Il s’éloigne incontinent de vous. Il ne veut avoir rien de commun avec vous jusqu’à ce que vous lui disiez :
« Je n’apporte rien dans mes mains,
Et je m’appuie uniquement sur ta Croix. »
Je me rappelle l’histoire d’un esclave noir qui avait été convaincu de péché en, même temps que son maître. L’esclave noir trouva bientôt la paix, tandis que son maître resta fort longtemps à la chercher sans pouvoir la trouver. À la fin, il dit à son esclave noir : « Je n’y comprends rien ! Je ne sais m’expliquer que tu aies été si promptement soulagé, et que je ne puisse trouver aucun repos ! — Alors il répondit, en priant son maître de lui pardonner son langage grossier : « Voici ce que c’est, Massa ; je crois que lorsque Jésus nous dit : allons ! Viens à moi ! Il ajoute : je te donnerai une justice qui te couvrira de la tête aux pieds. — Moi, pauvre homme, je regarde et je me vois tout couvert de hideux haillons, et je lui réponds : Seigneur, habille-moi, je suis tout nu, et aussitôt mes haillons disparaissent. Mais vous, Massa, vous n’êtes pas si mauvais que moi. Quand Il dit : allons ! Viens ! — Vous regardez votre habit, et vous dites : c’est vrai, cet habit a besoin d’être réparé, mais je crois qu’il peut encore servir quelque temps ; il y a bien plus d’un trou çà et là, mais quelques pièces et un peu de raccommodage arrangeront tout. — Et alors, vous gardez votre vieil habit, Massa ; vous vous morfondez à le raccommoder et à le réparer, et vous ne trouvez ni paix, ni repos. Si vous vouliez tout bonnement le jeter loin, vous seriez tout de suite heureux. » — C’est bien là notre histoire : nous voulons acquérir quelque chose avant de .venir à Christ, et nous demeurons hors de Lui.
Je suis sûr d’avoir devant moi, dans une assemblée comme celle-ci, plus de cent cinquante nuances différentes de cette même aberration humaine, de cette manie de vouloir apporter quelque chose à Jésus-Christ, — « Ah ! » dit l’un, « je voudrais bien aller à Christ, mais j’ai été un trop grand pécheur. » — La voilà encore ! — Vous avez été un grand pécheur ; mais qu’est-ce que cela change à l’affaire ? Christ est un grand Sauveur et, quelques grands que soient vos péchés, sa miséricorde est encore plus grande. Il vous invite en qualité de pécheur. Grand pécheur ou non, Il vous sollicite de venir et de recevoir son salut « sans argent et sans aucun prix ».
Un autre dit : « Ah ! Mais je ne sens pas assez vivement ». — Voilà encore la manie ! — Il ne vous demande pas ce que vous sentez ; Il dit simplement : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre et soyez sauvés ».
« Mais, Monsieur, je ne puis pas prier. » — Encore la manie ! — Ce ne sont pas vos prières qui doivent vous sauver, c’est Christ, et, quant à vous, votre rôle est de regarder à Lui. Plus tard, Il vous apprendra à prier ; pour le moment, commencez par le commencement, — commencez par vous appuyer sur sa Croix.
« Mais, dit un autre, si au moins j’éprouvais les mêmes sentiments que tel ou tel ! » — Toujours la même manie ! — Qu’avez-vous besoin de parler ainsi ? C’est à Christ que vous devez regarder et non à vous-même. — « Oui, dites-vous, mais je pense qu’il accepterait qui que ce soit plutôt que moi. » — Je vous en prie : qui vous a chargé de penser et de décider en cette matière ? Ne vous dit-Il Pas : « je ne mettrai dehors aucun de ceux qui viennent à moi ? » Hé bien ! Vous pensez que votre âme est vouée à une éternelle ruine. Cessez donc de penser et apprenez à CROIRE. Vos pensées sont-elles les pensées de Dieu ? N’oubliez pas qu’autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant ses pensées sont au-dessus des vôtres. — « Mais, dit encore quelqu’un, je l’ai cherché et ne l’ai point trouvé. » Cher ami, pouvez-vous dire réellement que vous êtes venu à Jésus-Christ les mains vides, vous confiant uniquement en Lui, qu’Il vous a repoussé ? Osez-vous soutenir cela ? Non. Si la Parole de Dieu est vraie et si vous êtes sincère, vous ne pouvez pas le dire. — Ah ! Je me souviens de l’impression profonde que ma mère fit sur moi lorsqu’elle me tint ce même langage. J’avais cherché le Seigneur depuis quelque temps et je ne pouvais me persuader qu’il veuille me sauver. Elle me dit alors qu’elle avait entendu bien des gens jurer et blasphémer le Nom de Dieu, mais qu’elle n’avait jamais entendu aucun homme soutenir qu’il avait cherché Christ et que Christ l’avait rejeté. « Je ne crois pas, disait-elle, que Dieu permette jamais à qui que ce soit de dire cela. » — Il me semblait que je pouvais cependant le dire. Il me semblait que je l’avais cherché et qu’il m’avait repoussé, et j’étais déterminé à le soutenir, alors même que ma condamnation en aitété la conséquence. À tout prix, je voulais demeurer fidèle à la vérité. Cependant je me dis : « Essayons encore une fois ! » J’allai donc vers le Maître, sans avoir rien à lui présenter et m’en remettant simplement à sa grâce. Alors je crus qu’il était mort pour moi, et voilà comment je n’ai jamais pu dire qu’il m’ait rejeté ; voilà, grâces lui en soient rendues, comment je ne pourrai jamais le dire. Vous, non plus, vous ne le direz pas. Oh ! Éprouvez-le.
« Éprouvez son amour,
Cette expérience en décidera ;
Elle démontra combien sont heureux
Ceux qui se confient en sa bonté. »
Si vous voulez descendre à ce bas prix : « sans argent et sans aucun prix » ; si vous voulez consentir à accepter Christ pour rien, tel qu’Il est, vous ne trouverez pas en Lui un maître exigeant.
III.
Et maintenant je vais terminer par quelques paroles pressantes, que je supplie le Seigneur d’appliquer à vos âmes.
Je voudrais d’abord m’adresser à ceux d’entre vous qui ne pensent jamais à ces choses. Vous êtes venus entendre la Parole aujourd’hui, parce qu’elle est prêchée dans un lieu inaccoutumé ; sans cela, vous ne seriez jamais allés l’écouter dans un temple. Vous ne vous tourmentez guère des questions religieuses ; vous ne vous examinez guère sur ce point, parce que de pareilles préoccupations cadreraient mal avec tout le reste de votre vie. Vous sentez qu’il vous faudrait aussitôt subir un changement complet, parce que la religion et vos habitudes ne pourraient pas coexister paisiblement ensemble. Mes chers amis, supportez qu’en ce moment j’essaie de vous serrer de très près. N’avez-vous jamais entendu parler de l’autruche ? Quand elle est poursuivie par le chasseur, cette pauvre bête, dépourvue d’intelligence, fuit aussi vite que ses jambes le lui permettent ; puis, quand elle se voit traquée et dans l’impossibilité d’échapper, quelle ressource pensez-vous qu’elle emploie ? Elle enfonce sa tête dans le sable et se croit en sûreté, parce qu’elle ne peut plus voir celui qui la poursuit. N’est-ce pas là exactement ce que vous faites ? Votre conscience ne vous laisse aucun repos et vous essayez de l’ensevelir. Vous enfoncez votre tête dans le sable ; vous ne voulez pas réfléchir à votre situation. Ah ! Si nous pouvions forcer les hommes à réfléchir, quelles choses étonnantes nous accomplirions ! — Réfléchir, voilà, pécheur, ce que tu n’oses pas faire, aussi longtemps que tu restes étranger à Christ ! Réfléchissez-vous jamais ? Nous avons entendu parler de gens qui redoutaient de se trouver seuls pendant une courte demi-heure, parce que les pensées qui les assaillaient alors étaient trop terribles. Je défie qui que ce soit d’entre vous (si Dieu ne l’aide) de passer une heure sous cet arbre, sur ce balcon, ou chez vous, à retourner dans votre esprit, à ruminer, à digérer ces pensées : « Je suis un ennemi de Dieu ; mes péchés ne sont pas pardonnés : si je meurs ce soir, je serai damné pour toute l’éternité. Je n’ai jamais cherché Christ, et Il ne s’est pas encore déclaré mon Sauveur. » Je vous défie d’y employer une heure. Vous n’oseriez pas, votre ombre vous ferait peur. Les pécheurs n’ont qu’une ressource pour échapper au malheur ; c’est l’insouciance. Ils se disent : « Couvrez cela, enterrez mon mort loin de ma vue ». Ils écartent ces funestes pensées. Mais est-ce sage ? La religion est-elle, oui ou non, quelque chose ? Si elle n’est rien, vous feriez mieux de la nier. Mais si cette Bible est la vérité, s’il est vrai que vous possédiez une âme immortelle, est-il raisonnable, logique, prudent de négliger votre âme ? Si vous étiez mourants de faim, faudrait-il de longs raisonnements pour vous persuader de manger ? Mais voici votre âme qui se meurt faute d’aliment spirituel, et il n’est pas de langue assez éloquente sur cette terre pour vous persuader de lui porter secours ! — Oh ! N’est-ce pas un spectacle étrange que de voir tous les hommes s’acheminer, comme ils le font, vers un avenir éternel, sans y penser, sans faire le nécessaire pour s’y préparer ?
Certain roi avait à sa cour un fou très spirituel, dont les bons mots le divertissaient beaucoup. Un jour, le roi lui donna un bâton, en lui disant : « Garde-le jusqu’à ce que tu aies trouvé un plus fou que toi. » Le roi tomba malade et s’en allait mourir ; alors le fou s’approcha et dit : « Maître, qu’est-ce qui vous arrive ? » — « Je vais mourir », dit le roi. — « Vous allez ? … Où allez-vous donc ? » — « Je te dis que je m’en vais mourir ; ce n’est pas le moment de te moquer. » — « Et pour combien de temps vous en allez-vous ? » continue le fou. — « Là où je vais, j’y vais pour l’éternité. » — « Avez-vous une maison à vous dans ce pays-là ? » — « Non. » — « Avez-vous fait vos préparatifs pour le voyage ? » — « Non. » — « Avez-vous au moins de bonnes provisions pour vivre, puisque vous y demeurerez si longtemps ? » — « Non » — « Tenez, continua le fou, voici le bâton, car, tout fou que je sois, moi j’ai fait mes préparatifs. Je ne suis pourtant pas si stupide que de ne pas me pourvoir d’une maison dans un pays où je dois demeurer. » — Christ a préparé des demeures pour les siens, et le langage de ce fou était plein de sagesse. Permettez que je vous parle comme lui et dans le même langage, quoique bien plus sérieusement. Si les hommes sont appelés à vivre éternellement dans le ciel, n’est-il pas étrange, absurde, d’une folie ridicule et intolérable, qu’ils ne réfléchissent jamais à cette vie à venir ? Ils pensent au jour d’aujourd’hui, mais ils ne pensent nullement à l’éternité. Le temps présent, avec ses hochets, ses babioles, ses enfantillages, voilà ce qui remplit leur cœur ; mais l’éternité ! Cette montagne sans sommet, — cet océan sans rivages, — ce fleuve qui n’a point de fin et sur lequel ils vont s’embarquer, ils n’y pensent pas ! Arrêtez-vous un instant et réfléchissez qu’il vous faudra naviguer éternellement, ou bien sur les ondes éclatantes de la félicité, ou bien sur les vagues brûlantes de l’enfer. Lequel des deux sera votre lot ? … Il faudra bien, y penser un jour. D’ici à peu d’années, peu de mois, — à peu de jours peut-être, une voix vous criera : « Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu ! » Et peut-être cet appel viendra-t-il au moment où vous serez aux prises avec la mort, au moment où les eaux du Jourdain commenceront à refroidir votre sang et où votre cœur défaillirade terreur. Et que ferez-vous alors ? Que ferez-vous au milieu de vos péchés amoncelés, lorsque vous serez sur le point d’être dépouillés ? Que ferez-vous quand Dieu vous amènera en jugement ?
J’ai maintenant à remplir une tâche plus douce, en m’adressant à une toute autre classe de personnes. Ah ! Mon ami, vous n’êtes pas insouciant, vous ; vous pensez et vous réfléchissez beaucoup, mais ces pensées vous troublent. Vous voudriez parfois en être délivré, et d’autres fois vous les redouteriez. Vous pouvez dire : « Ah ! Je sens que je serais pleinement heureux si je pouvais me réjouir en Christ, si je pouvais être réellement converti ! » — Mon ami, je suis très heureux de vous entendre parler de la sorte. Quand Dieu a commencé de toucher un cœur, je ne crois pas qu’il laisse une telle œuvre inachevée. Mais il faut que je vous parle très sérieusement aujourd’hui, pendant quelques minutes encore. Vous sentez que vous avez besoin d’un Sauveur. Souvenez-vous que Christ est mort pour vous. Croyez-le ! Le voici, Il se penche du haut de sa croix, Il expire … Observez son visage ; il est plein d’amour, plein des plus tendres compassions. Ses lèvres se meuvent … Il murmure : « Père, pardonne-leur ! » Voulez-vous regarder à Lui ? Pourriez-vous supporter la vue de ce spectacle et vous en détourner ? Il ne vous demande qu’un regard, et ce regard sera votre salut. Vous sentez qu’il vous faut un Sauveur, vous sentez que vous êtes pécheur ; qu’attendez-vous ? — Ne me dites pas que vous êtes indignes. Rappelez-vous qu’Il est mort pour les indignes. — Ne me répondez pas qu’Il ne veut pas vous sauver. Rappelez- vous qu’il est mort pour ceux que le diable rejette. Jésus est mort pour sauver la lie et le rebut de l’humanité. — Regardez à Lui ! Comment pourriez-vous le contempler sans croire en Lui ? Ne voyez-vous pas le sang qui ruisselle le long de ses épaules et qui dégoutte de ses mains et de son côté ? Comment ne croiriez-vous pas en Lui ? … Je vous conjure, au nom de Celui qui vit et qui a été mort, mais qui est vivant, de croire au Seigneur Jésus-Christ ; car il est écrit : « Celui qui croit au Seigneur Jésus sera sauvé ».
Pendant l’une des prédications que Rowland Hill donnait en plein air, lady Ann Erskine se trouva à passer en voiture de ce côté, et, voyant cette immense foule, elle demanda à, son cocher ce qu’il y avait. Il répondit qu’on écoutait Rowland Hill. Comme elle avait entendu raconter bien des choses étranges sur cet homme, qui passait pour le prédicateur le plus original, elle ordonna d’approcher. À peine Rowland Hill l’eut-il aperçue et reconnue qu’il s’écria : « Allons ! Je m’en vais tenir une enchère ; je m’en vais vendre au plus offrant lady Ann Erskine ». — À l’ouïe de ces paroles, la grande dame fit arrêter sa voiture, fort curieuse de voir comment elle allait se trouver vendue. — « Qui veut l’acheter ? » criait Rowland Hill. Voici le monde qui se présente. « Que veux-tu m’en donner ? » — « Je lui donnerai, répond le monde, toutes les pompes et les vanités de cette vie présente. Elle sera la plus heureuse et la plus riche des femmes ; elle aura beaucoup d’admirateurs et elle traversera son existence terrestre au milieu des joies de tout genre. » — « Tu ne l’auras pas. Son âme est une chose immortelle et éternelle ; ce que tu m’en offres n’est qu’une misère, et quand tu me donnerais tout ce qui t’appartient, que lui servirait-il de gagner le monde entier, si elle vient à se perdre ? »
Mais voici un autre acheteur, voici le diable qui s’avance. — « Satan ! Combien veux-tu en donner ? »— « Je lui ferai goûter, dit-il, les plaisirs du péché pendant un temps. Elle possédera tout ce que son cœur pourra désirer, tout ce qui peut plaire aux yeux et aux oreilles ; elle pourra jouir de tous les vices et de tous les péchés, qui lui procureront le moindre plaisir. » — « Ah ! Satan, et que lui assureras-tu ensuite pour l’éternité ? … Non, non ! Tu ne l’auras pas, car je te connais, tu voudrais la payer à vil prix, afin de ruiner son âme pour toujours. »
Encore un acheteur ! Celui-ci je le connais : c’est le Seigneur Jésus. — « Que donnes-tu pour la posséder ? » — « Demande plutôt ce que j’ai déjà donné ! J’ai donné ma vie et mon sang pour elle. Je l’ai rachetée à grand prix et je veux lui ouvrir le ciel pour jamais. Je veux remplir son cœur de joie dans ce monde et la couronner de gloire pour l’éternité. » — « Ô Seigneur Jésus ! Elle sera à Toi … Lady Ann Erskine, vous ratifiez, n’est-ce pas?… »
La grande dame était tout émue et ne put rien répondre.
« C’en est fait ! c’en est fait ! » reprit Rowland Hill, « vous êtes désormais à Christ ; je vous ai fiancée à Lui ; ne violez jamais ce contrat ! »
Et elle ne le viola pas. Depuis lors, la volage et mondaine femme devint sérieuse ; elle fut l’un des soutiens de la cause de l’Évangile et mourut dans la parfaite et paisible espérance de posséder le royaume des cieux. Ah ! Je serais bien heureux si je pouvais réussir auprès de quelqu’un de vous aujourd’hui, comme Rowland Hill auprès de lady Erskine ! Je serais bien réjoui si quelqu’un s’écriait : « Seigneur, je veux te posséder ! » Christ est prêt. S’il vous a préparés à venir à Lui, Il est prêt avant vous. S’il est quelqu’un qui désire le Sauveur, le Sauveur est également désireux de se donner à lui. — Qu’en dis-tu ? Veux-tu aller avec Lui ? Si tu dis oui, que l’Éternel te bénisse du haut des cieux ! Le Seigneur, Lui aussi, dit oui, et tu es sauvé, — sauvé dès maintenant, — sauvé pour toujours !
168 - PROFITS ET PERTES.
« Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier, s’il venait à perdre son âme ? » (#Mr 8:36).
BIEN des négociants ont fait banqueroute pour n’avoir pas tenu leurs livres en règle. Cependant, on n’a rien à perdre à calculer le coût, à connaître sa dépense et à tenir son débit et son crédit à peu près en équilibre. Ce qui a ruiné bien des maisons de commerce, ce sont les tentatives et les spéculations suggérées par l’ardent désir du gain, la négligence des affaires de détail, et surtout une complète ignorance de la position financière. Spirituellement parlant, tout homme est un grand négociant. Il trafique en vue de son bonheur, et son trafic l’intéresse pour le temps et pour l’éternité. Il tient deux comptoirs : le premier est dirigé par un commis subalterne — être grossier et matériel, — qui se nomme le corps ; l’autre comptoir, dont les affaire sont infiniment plus étendues et plus importantes, est tenu par un être, intelligent et spirituel, qui s’appelle l’âme. Ce directeur ne s’attache pas à trafiquer sur les choses de petite valeur ; les marchandises qu’il exploite, ce sont les grandes réalités de la vie éternelle, et les places avec lesquelles il opère ses transactions sont, ni plus ni moins, que le ciel et l’enfer. Un négociant qui, dans une pareille position, se consacrerait exclusivement aux intérêts mesquins de son comptoir le moins important, et qui négligerait pour cela les affaires de sa maison principale, serait bien dépourvu de sens. Cette négligence deviendrait même incompréhensible, si, tout en lésinant sur les dépenses les plus minimes de son intérieur, il abandonnait au hasard de la fortune telle entreprise considérable confiée à son habileté.
Telle est cependant la folie dont la majorité des hommes se rendent coupables ! Ils comptent soigneusement les prétendus profits qu’ils réalisent dans cette petite boutique du coin qui s’appelle le corps, et ne comptent que trop rarement les pertes qu’ils essuient en délaissant les intérêts de l’âme dans la grande affaire du salut. Mes frères, tandis que vous prenez soin du corps, — ce qui est très bien, vu que le corps est pour le croyant le temple du Saint-Esprit, — permettez que je vous supplie de prendre beaucoup plus de soin de vos âmes. Ne perdez pas votre temps à décorer l’habitation, tandis que vous laissez l’habitant mourir de faim. Ne vous amusez pas à peindre le vaisseau, tandis que l’équipage va périr faute de vivres. Prenez soin de votre corps, mais prenez soin surtout de votre âme. Jouissez de la vie, mais cultivez-en la source.
Ah ! Pourquoi les hommes ne veulent-ils pas dresser le bilan des affaires de leur âme, afin de connaître leur véritable situation devant Dieu ! Plaise au Seigneur que vous consentiez tous à vous examiner ! Si vous y consentiez, si vous tous qui m’entendez vous vouliez examiner le fond des choses, combien se trouveraient en pleine faillite ? Quant au corps, vos profits sont assez nets ; vous êtes en train de faire une jolie petite fortune et tout paraît aller au gré de vos désirs. Votre enveloppe mortelle, qui sait, est peut-être toute florissante d’embonpoint et de santé et n’a aucune plainte à formuler contre l’être qui y habite ; mais demandez à votre âme comment elle se trouve, et vous verrez que ses affaires vont mal, qu’elle est presque toujours en perte. Laissez-moi vous déclarer solennellement que si votre âme est au-dessous de ses affaires, vous êtes bien malade, quelque grands que soient, du reste, vos profits quant au corps, et permettez que je vous pose au nom de Jésus-Christ cette question : « Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme ? »
Nous aurons à considérer ici en premier lieu le profit que l’homme ferait s’il venait à gagner le monde entier, et secondement l’immense perte qu’il subirait en perdant son âme. Nous terminerons ces réflexions par quelques mots d’application.
I.
Et d’abord, quel serait le profit d’un homme qui parviendrait à posséder le monde entier ? Bien des personnes chrétiennes, qui manquent parfois de sens commun, croient que l’on peut trancher cette question en deux mots et qu’il n’y a qu’à répondre qu’un tel homme n’aurait rien gagné du tout. Elles peuvent avoir raison au fond ; seulement, je me demande si elles croient sérieusement ce qu’elles affirment. Il en est qui calomnient d’une façon injuste et ridicule les biens de cette terre, et qui se plaisent à appeler, par exemple, les pierres précieuses de brillants hochets et l’or un vil métal. Souvent j’ai admiré avec quel sang-froid certaines personnes de ma connaissance parlaient de l’or comme d’une vile poussière, et je m’étonnais qu’elles ne se hâtaient pas de la balayer soigneusement et de la jeter au fumier. Pour ma part, je n’aurais pas hésité à venir la ramasser, d’autant plus que nous en aurions grand besoin en ce moment pour élever un temple au Seigneur.
Ah ! Plusieurs qui affectent de mépriser les richesses sont précisément ceux qui y tiennent le plus. Je suppose qu’ils en reconnaissent le danger pour autrui, et que, pour lui éviter des tentations, ils lui cachent leurs propres trésors. Grande est leur sollicitude ! Mais elle nous touche peu. Elle nous paraîtrait bien moins contestable, s’ils voulaient consentir de temps à autre à nous faire part de leurs biens. Vous les entendez disant volontiers que « l’argent est la racine de tous les maux ». J’aimerais bien qu’on ait la complaisance de me montrer ce texte dans la Bible. Il ne s’y trouve pas. Je me souviens, il est vrai, d’avoir lu que « l’amour des richesses est la racine de tous les maux » ; mais, quant à ce qui concerne les richesses, j’ai peine à voir ce qu’elles ont de si mauvais. Pourvu qu’on soit disposé à en faire un bon usage, elles me paraissent être un talent que Dieu confie à ceux qu’il enrichit, et je ne pense pas que les talents de Dieu puissent être mauvais. Mes frères, il est absurde de prétendre qu’on soit indifférent aux biens de cette terre, car tout le monde y tient plus ou moins, et chacun est bien aise d’en avoir sa part. Posséder en ce monde une certaine fortune est une chose qui a sa valeur, — c’est un profit, — et je ne veux pas essayer de le nier ni de réduire à néant tous les biens terrestres, pour vous prouver ensuite que vous êtes en perte sur tous les points. Non, je suis prêt à vous faire toutes les concessions que vous voudrez quant aux profits que ce monde vous procure. Si ces profits vous paraissent considérables, je veux admettre qu’ils le soient ; si vous pensez qu’au total ce monde forme un ensemble désirable, je vous l’accorderai, si vous voulez ; mais, ces concessions faites, je vous demanderai : trouverez-vous votre compte à gagner le monde entier, dans le sens le plus étendu du mot, si vous venez à perdre votre âme ?
Voyons un peu ! Je vais tâcher de faire vos additions et d’établir votre bilan. Supposons un cas, qui doit être bien rare, ou qui, du moins, ne s’est jamais présenté. Jamais un homme n’a gagné le monde entier. Certains monarques ont possédé parfois presque tout le monde connu de leur temps ; mais, si vous regardez une carte de l’ancien monde, vous serez frappés de la petitesse, de leurs empires, quand on les compare avec la totalité du globe terrestre. Après tout, le plus grand, de ces anciens empires valait à peu près nos grands empires modernes. Le monde connu des Anciens n’était qu’une petite partie du monde que nous connaissons, et néanmoins nul ne parvint jamais à le posséder en entier. Mais, afin de placer la discussion sur un terrain qui la rende possible, nous admettrons, jusqu’à un certain point, qu’il y a eu trois ou quatre fois dans l’histoire ancienne des hommes qui ont, pour ainsi dire, possédé le monde entier.
1. Ainsi, quand un homme est parvenu à exercer sa puissance sur de vastes empires, on peut dire en un sens qu’il a gagné le monde entier. Prenons ALEXANDRE LE GRAND, si vous voulez. On ne peut pas citer un meilleur exemple en fait d’hommes ayant possédé à peu près le monde entier. Quoique son empire ait, sans doute, ses limites quelque part, il les ignorait lui-même, et aurait été embarrassé de nommer toutes les nations sur lesquelles il régnait. Il pouvait faire des milliers de lieues sur son territoire sans, en rencontrer les frontières. Il avait sous la main des millions d’hommes armés, prêts à le venger de ses ennemis et à défendre ses drapeaux. Il était invincible dans les batailles ; dans ses conseils, sa volonté était la loi suprême ; quand des milliers de soldats mouraient dans les combats, d’autres milliers, sur un ordre de sa bouche, se levaient et venaient prendre leur place. Ô Alexandre ! Je viens t’interpeller maintenant. Quelle est ta pensée ? Trouves-tu que ce soit chose bien profitable que de gagner le monde entier ? Ce sceptre est-il un talisman de félicité ? Cette couronne t’a-t-elle procuré la paix et la joie?… — Voyez ! voyez les larmes qui jaillissent de ses yeux ! Alexandre pleure ! … Oui, il pleure de ne pas avoir un autre monde à conquérir. Ô ambition humaine, que tu es insatiable ! Ce n’est donc pas assez que d’avoir gagné le monde entier ! Travailler à devenir le monarque universel, c’est donc travailler à devenir universellement misérable !
Peut-être pensez-vous qu’il y a une jouissance extrême à posséder une grande puissance. C’est possible. Je suis assuré qu’un homme qui exerce un certain empire sur ses semblables ne niera pas que cet empire flatte sa vanité d’être dèch t [NDE: Mot illisible dans l’original]. S’il en était autrement, comment expliquer que les hommes politiques y attachent un si grand prix, qu’ils se donnent tant de peine, nuit et jour, pour l’obtenir et qu’ils usent toute leur vigueur en incessants débats ? Il doit y avoir une jouissance à dominer, mais cette jouissance est achetée au prix de bien des anxiétés. La popularité dont la tête se cache dans les nues ne pose ses pieds que sur un sable bien mouvant, et tandis que le front d’un homme touche aux étoiles, il tremble pour ses pieds. — Anxiété pour augmenter son influence ; anxiété pour la conserver. Triste, jouissance que celle qu’on ne goûte qu’avec un continuel tourment d’esprit ! — Bacon avait raison de comparer ceux qui se meuvent dans les hautes sphères aux corps célestes qui brillent d’un vif éclat mais ne se reposent jamais. Un homme sage n’a pas besoin d’en faire la triste expérience ; son bon sens lui fait comprendre que la puissance n’est qu’un vêtement couvert d’or, qui éblouit celui qui le contemple, mais qui écrase celui qui le porte. Je crois vraiment qu’au point de vue de la puissance le gain du monde entier laisse un si faible profit, que nous pouvons balancer ce compte et dire que le solde est peu de chose. Nous le pouvons, car Alexandre lui-même en était réduit à envier le paysan sous son chaume, et à reconnaître qu’il y avait plus de bonheur, parmi les bergers de la plaine que dans son palais regorgeant d’or et d’argent.
Ô chers amis, si j’allais maintenant comparer ce mince profit avec la perte de l’âme, vous auriez certainement de quoi être foudroyés. Mais je laisse à l’âme le soin de faire son compte. Je me borne à conclure que le gain du monde entier ne laisse qu’un bien médiocre profit, surtout pour des êtres pécheurs et condamnés de Dieu. Bien plus, s’il est vrai que l’empire du monde entraîne de si effroyables responsabilités qu’il faille renoncer au sommeil et au repos du cœur ; — s’il est vrai que cette puissance, en permettant à l’homme d’accomplir des crimes gigantesques, l’expose à se voir poursuivi jusque dans ses nuits d’insomnie par des visions menaçantes et de redoutables fantômes, j’ose dire que le gain du monde entier au lieu d’être un profit, est une perte, même à part toute autre considération.
2. Il est une autre manière de gagner le monde entier, non plus par la puissance, mais par quelque chose qui s’en rapproche bien, à savoir les richesses. CRESUS sera ici mon exemple. Il avait amassé, vous le savez, un monde de richesses, car ses biens dépassaient toute estimation possible. L’or et l’argent à ses yeux n’avaient plus de valeur, et ses pierres précieuses étaient sans nombre. Il était si riche, si riche, qu’il pouvait acheter un empire et dépenser encore autant après cela. Peut-être pensez-vous qu’il y a un grand gain à être énormément riche ; mais je crains, quant à moi, qu’un tel bonheur soit peu désirable après tout. Demandons-le à Crésus. En mourant, il s’écriait : « Ah ! Solon ! Solon ! » Et quand on lui demanda ce qu’il voulait dire, il répondit que Solon lui avait dit une fois que nul ne pouvait être déclaré heureux avant sa mort. Voilà pourquoi il criait : « Ah ! Solon ! Solon ! » C’est que la mort misérable qu’il allait subir avait totalement effacé et anéanti toutes les joies de sa vie. L’esclavage des richesses est si dur, — les anxiétés qui les accompagnent sont si vives, -l’avarice qu’elles engendrent d’ordinaire est si grande, que l’homme riche est souvent en perte à cause de sa richesse, même à part la perte qu’il fait de son âme. Que de riches qui auraient été mille fois plus heureux en vivant pauvres et couverts de haillons qu’en parcourant dans leurs brillants équipages les rues de la capitale ! Le malheur, dit-on, va plus souvent en voiture qu’à pied, et le poète a eu raison de dire :
« Si tu es riche, tu es pauvre,
Car, tel qu’un âne chargé de lingots,
Tu succombes sous le poids de ton or
Pendant ta vie, et la mort
Vient t’alléger. »
Supposons qu’un homme ait acquis frauduleusement ses richesses : je déclare que ses biens seront pour lui une terrible malédiction, indépendamment de toute vie future. Mes amis, quelque grand que soit le prix que vous attachiez à l’or, je vous assure bien que si, d’autre part, cet or vous fait perdre votre âme, votre perte sera toujours effroyable. Toutefois, même en dehors de cette considération, je prétends que le gain d’une immense fortune constitue au fond une perte, du moins pour la majorité des hommes. Bien peu seraient assez habiles pour manœuvrer l’esquif de leur bonheur au milieu d’une mer si remplie d’écueils. Moins un homme possède, mieux cela vaut en général, parce que ses désirs alors se renferment dans des limites raisonnables. Agur avait raison quand il disait : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse ». L’abondance des biens est rarement un gain.
3. Mais il est un autre homme qui gagna le monde dans un sens plus élevé ; ce fut SALOMON. Ses trésors ne consistaient pas tant dans les richesses et dans la puissance (quoiqu’il ait possédé l’un et l’autre), mais principalement dans sa sagesse et dans tout ce qui peut flatter les sens. Salomon possédait tout ce qui peut charmer l’esprit, plaire à la vue et satisfaire les jouissances corporelles. Il n’avait qu’un mot à dire, et aussitôt des voix harmonieuses psalmodiaient les plus douces mélodies d’Israël ; il n’avait qu’un signe à faire, et des armées se levaient pour le conduire à la victoire et pour jeter à ses pieds les trésors des nations. Les vins les plus délicats étincelaient dans sa coupe, et des jeunes filles choisies parmi les plus belles de la terre étaient soumises à ses moindres commandements. Il était roi et maître sur la terre. Toutes les joies, toutes les félicités, tous les plaisirs étaient pour lui. Il possédait en surabondance tout ce que la chair appelle bonheur, tout ce que l’imagination peut rêver. Tout ce qu’un homme peut essayer, Salomon l’a essayé ; il a mis le monde au pillage pour trouver des joies. Il était rempli de sagesse : il savait où trouver le bonheur terrestre et il en a joui. — Dis-nous donc ce que tu as trouvé, ô prédicateur de la sagesse ! Ouvre ta bouche et parle. — Vanité des vanités ! tout est vanité ! répond le sage. — Ainsi donc, mes, amis, quand nous posséderions tous les plaisirs que la chair peut désirer, je doute que leur possession soit un profit pour nous ; mais une chose demeure certaine, c’est que, s’il fallait la payer de la perte de l’âme, nous serions horriblement en perte. Si nous pouvions nous livrer à toutes les jouissances corporelles dont l’homme est susceptible, nous détruirions notre corps et nous détruirions par cela seul notre félicité. Bien des personnes ont perdu les plaisirs qu’elles recherchaient pour les avoir recherchés avec trop d’ardeur ; bien des lutteurs ont perdu le prix de la lutte pour avoir combattu avec trop de fougue ; plusieurs auraient pu prolonger bien davantage leurs jouissances, — même leurs jouissances corporelles, — s’ils avaient su y apporter plus de modération. C’est une folie que de vouloir griller une livre de beurre. C’est ce qu’essaie cependant de faire le libertin ; il se consume lui-même en voulant jouir trop vite et il abrège sa vie jusqu’à ce qu’elle s’éteigne et qu’il n’en reste plus rien. Ah ! Quand on vous donnerait tous les plaisirs et toutes les joies sensuelles du monde entier, quand on y ajouterait toute la sagesse des hommes, sans vous donner la grâce de Dieu qui seule pourrait vous modérer dans vos jouissances, je crois que vous vous déclareriez bientôt en pleine faillite. Je pense donc pouvoir affirmer que mon texte a raison de demander : « Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme ? »
Vous le voyez, déjà dans ce monde, tous ces grands gains ne sont que de faibles profits. Ils paraissent considérables de loin, mais ils se réduisent à peu de chose quand on veut les saisir avec la main. Ce monde est comme le papillon que poursuit l’enfant (amusant délassement !) et qu’il écrase entre ses doigts lorsque, dans son ardeur, il parvient à le saisir. Il a serré la main et n’a trouvé dedans … qu’une déception.
Mais, si ces grands gains ne sont déjà dans cette vie qu’un très mince profit, — et j’ai parlé cependant des gains les plus extraordinaires, — que servira-t-il à un homme de ne pas gagner le monde et de perdre son âme ? Nous pouvons même poser cette question plus clairement, et dire : que servira-t-il à un homme de perdre ce monde et le monde à venir ? Que servira-t-il à un homme de ne gagner qu’une très petite partie de ce monde — puisque c’est tout ce qu’il peut espérer — et de perdre son âme ? J’ai souvent fait, à l’égard de l’homme riche, cette réflexion : « Cet homme a sa portion dans cette vie ». Mais, quant au pauvre, je ne vois pas ce qui peut ici-bas le rendre heureux, s’il n’a l’espoir de rencontrer le bonheur après la mort. J’ai souvent vu l’homme aux mains calleuses — le triste enfant du travail — gémissant sous celui qui l’opprime, et je me suis écrié : « Ô malheureux ! si tu ne peux espérer une autre vie, tu es le plus misérable des hommes ! Rien dans ce monde, rien dans l’autre ! Tu te traînes péniblement comme une vieille bête de somme, sans pouvoir seulement fixer tes espérances sur un lieu de repos ! » — Le riche, privé de la grâce et de toute part dans l’éternité, se tire encore d’affaire en ce monde, quelque petite que soit sa portion de bonheur terrestre ; mais le pauvre est privé de toute part quelconque, et, pour comble, échangera bientôt sa misère contre la damnation, — sa maigreur contre la perdition, — son hôpital et ses haillons contre les flammes de l’enfer. — Quelle horrible existence, et quelle destinée plus horrible encore ! Mener en ce monde une vie de privations, et découvrir que tout cela n’est que la préface et le prélude d’une vie plus affreuse et plus torturante ci-après. — Oh ! Que vous servirait-il vraiment de gagner une petite parcelle de ce monde et de perdre votre âme ?
Jusqu’ici, comme vous le voyez, nous n’avons arrêté les comptes qu’à cette vie seulement, et maintenant que servira-t-il à un homme, au moment de sa mort, de gagner le monde entier, s’il vient à perdre son âme ? — Le voilà sur sa couche ; il se meurt. Il n’a pas un Dieu qui le console. Apportez-lui donc ses sacs remplis d’or. Eh ! quoi ? Cela ne suffit-il pas à apaiser les angoisses de son cœur ? Quoi ! Tes sacs d’or ne peuvent-ils pas t’aider à traverser les eaux du Jourdain ? Comment, ô homme, tu n’as vécu que pour ces monceaux de brillantes pièces, est-ce qu’elles ne veulent plus rester auprès de toi ? Ne veux-tu pas les emporter avec toi dans le ciel ?… — Non ! — Il branle douloureusement la tête, car les richesses les plus grandes ne peuvent pas secourir l’homme qui s’en va mourir. — Vous connaissez l’histoire de ce matelot qui, en apprenant que le vaisseau allait sombrer, se précipita dans la cabine, fracassa le bureau de son capitaine et en tira tout l’argent qu’il put, se l’attacha autour du corps dans une ceinture, sauta ensuite dans la mer et disparut, — pour, paraître aussitôt devant son Créateur avec le témoignage accusateur de son crime autour de ses reins. Ah ! C’était une triste manière de mourir que d’emporter de l’or gagné de la sorte ! Et croyez-vous que l’or puisse vous être de quelque utilité, comme que vous l’ayez gagné, quand vous serez à votre dernière heure ? Non ! Non ! Malgré toutes vos richesses, il vous faudra courber la tête devant la mort, et, quand vous auriez remporté les applaudissements et les louanges de toute l’humanité, qu’en ferez-vous au lit de mort ?
« Jésus seul peut rendre un lit de mort
Aussi doux qu’un lit de plumes légères. »
Ah ! Quand vous sentirez approcher votre dernier soupir, comme les applaudissements vous paraîtront chose ridicule ! Je me prends à considérer parfois combien nous sommes insensés de nous estimer nous-mêmes en proportion de ce que les autres nous estiment. Quand notre tour de partir sera venu, nous ferons bien peu de cas du retentissement et de la gloire qui nous auront suivis pendant notre vie. Que seront à nos yeux l’honneur et la grande renommée, quand nous en serons à cet article ? — Des bulles de savon ! Ces bulles peuvent-elles nourrir une âme ? Non ! — Nous mépriserons alors ces. vanités. Nous dirons : « Ô renommée, dépose ta trompette ; laisse-moi mourir tranquille, car bientôt il me faudra entendre le son de la trompette de l’archange. Renommée, tu ne sais ce que tu vas disant ! Tu ne fais que troubler mes derniers assoupissements et me tourmenter sur mon lit de mort. — Hélas, le profit sera mince, en vérité, si nous avons gagné des richesses, du pouvoir, des grandeurs ou de la renommée. Ces choses ne nous seront d’aucun avantage quand nous arriverons à la mort, si, avec cela, nous venons à perdre notre âme.
Et que servira-t-il à un homme, au jour du jugement, d’avoir gagné le monde entier, s’il vient à perdre son âme ? Le voici qui vient devant le tribunal de Dieu, revêtu de pourpre et un diadème sur le front. Je vois des nuées d’hommes assemblés autour du trône de Dieu ; mais, monarques et esclaves, tous sont là pêle-mêle. Les paysans et les princes sont au même rang, et toutes les distinctions ont disparu. Dieu dit : « Allez, maudits ! » Et le monarque est damné. Ou bien Il dit : « Venez, vous les bénis ! » Et le monarque est sauvé. Mais la même voix leur parle à tous le même langage. S’ils sont enfants du royaume, il se fait un cri de joie qui les enlève aussitôt et les transporte dans leurs bienheureuses demeures, et s’ils sont perdus, il se fait un cri d’horreur qui les précipite dans l’éternelle damnation. Ah ! L’homme ne tirera aucun profit de tout ce qu’il aura fait, quand il comparaîtra devant Dieu. Supposez qu’il s’avance et qu’il dise à son Créateur : « Seigneur, j’avais sur la terre une grande réputation ; on avait placé une statue sur une haute colonne, où elle recevait toutes les tempêtes ; la populace et les curieux la regardaient avec admiration, et on appelait cela de la gloire. Enverrais-tu donc à la perdition, ô Seigneur, un homme aussi célèbre ? » — « Ah ! » répond la Suprême Justice, « que me fait ta statue, si ton âme n’est pas sauvée, — si tu n’es pas en Christ ? Avec ta statue et avec toute ta gloire, tu descendras dans l’abîme. » — Toutes ces vanités ne serviront de rien au jour du jugement ; tous les hommes seront là sur le même pied d’égalité ; et si Christ a été notre Sauveur ici-bas, nous serons sauvés ; mais si nous sommes trouvés hors de Christ, quelque grands, ou, quelque puissants que nous ayons été, nous serons frappés de la même sentence que le pauvre.
Encore un mot. Que servira-t-il à un homme d’avoir gagné le monde entier quand il descendra en enfer, s’il vient à perdre son âme ? — Ce que ça lui servira ? … Comment ! mais, bien au contraire, cela aggravera sa position. — Il y a bien longtemps, un monarque descendit en enfer. Lorsqu’il entrait jadis dans une ville, les nobles venaient lui rendre hommage et les monarques lui témoignaient de la considération ; mais quand il arriva en enfer, tous les réprouvés l’y attendaient déjà. Chaque monarque qu’il avait enchaîné à son char de triomphe se trouvait là dans sa cellule ardente. Là se trouvaient les hommes qu’il avait massacrés et dont il avait détruit le pays. Lorsqu’il arriva donc en enfer, chacun de ces damnés se dressa sur son séant, dans son lit de flamme, et, le regardant avec mépris, se mit à hurler : « Ah ! ah ! Te voilà enfin devenu comme l’un de nous ! » Il se trouva donc que plus sa gloire avait été grande sur la terre, plus sa torture était cuisante en enfer, et que si, comme tout pécheur ordinaire, il avait gagné sa damnation, — comme pécheur extraordinaire, les damnations se multipliaient pour lui comme les vagues d’un océan furieux. Sa grandeur passée avait servi à empirer son malheur.
Va donc, méchant riche ! amasse tes trésors. Un jour, qui sait, tout cela se transformera en soufre et tu seras obligé de l’avaler tout brûlant. — Va donc, homme célèbre, sonne ta trompe ou commande qu’on la sonne pour toi : le souffle de ta renommée servira à allumer les charbons de la vengeance divine. — Va donc, homme puissant, enveloppe-toi de ta dignité. Plus tu te seras élevé, plus ta chute sera terrible, lorsque la main du Tout-Puissant t’abattra dans la poudre et t’écrasera sous la perdition. Après avoir tout gagné, il se trouvera que tu n’auras rien gagné du tout !
II.
Nous voici à la fin de notre premier point. Nous avons vu ce que c’est que de gagner le monde entier ; — c’est au fond, se constituer en perte, à part toute considération de vie éternelle. Il nous reste à voir maintenant ce que c’est que de perdre son âme.
Je vous demande toute votre attention, car je serai bref. — Perdre son âme ! … perdre son âme ! … Comment donner même une faible idée de ce que cela signifie ? Il est trois points de vue qui peuvent nous amener à concevoir cette perte effroyable. Le premier est celui de la valeur intrinsèque de l’âme ; le second, celui de ses capacités, et le troisième, celui du sort qui l’attend si elle est perdue.
1. Vous pouvez concevoir combien la perte d’une âme est une catastrophe inouïe, en considérant sa valeur intrinsèque. Une âme est un être qui, à lui seul, vaut dix mille mondes ; des millions de mondes amoncelés les uns sur les autres comme les grains de sable de la mer ne sauraient en payer la valeur. Quand chaque gouttelette d’eau qui compose l’Océan se transformerait en une planète d’or, toute cette richesse ne pourrait en compenser la perte. Comprenez bien que l’âme a été créée à l’image de son Créateur, car il est dit : « Dieu créa l’homme à son image ». L’âme est douée de l’immortalité, comme Dieu. C’est là ce qui en fait le prix immense. Oh ! Combien il doit être terrible, par conséquent, de la perdre ! Considérez, d’autre part, combien l’âme doit être précieuse, puisque Dieu et le diable se la disputent. — Vous n’avez jamais entendu dire que le diable travaille à obtenir un royaume. Non. Pas si fou ! Il sait bien que cela n’en vaut pas la peine. Il n’y pense même pas. Mais une âme, c’est bien autre chose ! Il y travaille sans cesse. — Vous n’avez jamais entendu dire non plus que Dieu ambitionne une couronne. Oh ! Non. Il pense peu aux empires. Mais une âme c’est bien autre chose ! Il y travaille sans relâche. Son Saint-Esprit cherche ceux qui sont siens, et Christ a donné sa vie pour eux. Et pensez-vous que ce que l’enfer désire si ardemment obtenir et ce que le Ciel fait de si grands sacrifices pour acquérir soit donc sans valeur ? — Enfin, nous parvenons à comprendre le prix de l’âme par le prix que Jésus a payé pour la racheter. Il nous a rachetés, non avec de l’or et de l’argent, mais au prix de son sang et de sa chair. Ah ! Si, pour sauver une âme, Jésus a donné sa vie, combien la perte de cette âme doit être une chose épouvantable !
2. Mais l’âme est précieuse aussi parce qu’elle est immortelle ; ce qui m’amène à parler de ses capacités. — Voyez-vous là-haut cette couronne de brillantes étoiles ? Voyez-vous ce trône étincelant avec cette palme ? Voyez-vous cette ville éternelle aux portes de perle, avec sa lumière plus resplendissante que le soleil ? Voyez-vous ces rues pavées d’or pur et ces habitants trois fois heureux ? Il est un paradis que jamais œil n’a vu, qui dépasse en beauté tous les plus beaux rêves de l’imagination ; mais si l’âme est perdue, tout cela est perdu ! — Nous voyons bien des objets perdus signalés dans les journaux. Si un homme a perdu son âme, permettez que je signale aussi l’objet qu’il vient de perdre. Il a perdu une couronne ; il a perdu une harpe ; il a perdu un trône ; il a perdu un ciel ; il a perdu une éternité de bonheur ! Quand je considère la félicité dont une âme est susceptible, il me semble que la perte de cette âme est une perte si grande qu’aucune parole ne peut plus l’exprimer. On gagnerait après cela un monde : qu’est-ce qu’un monde contre une âme perdue ? Dans le fait, ces deux choses sont si disproportionnées, que toute comparaison est impossible. C’est comme si je comparais les Alpes à une motte de terre. Comment pourrais-je vous exprimer la grosseur de la terre, si vous ne me donniez pour point de comparaison qu’un grain de poussière ? Je ne puis pas davantage vous donner la valeur du ciel, si vous ne me donnez pour point de comparaison qu’un monde. Ah ! Par cela seul que l’âme est capable de posséder le ciel, sa perte est quelque chose qui dépasse toute conception.
3. Considérez enfin où devra se rendre toute âme perdue. Il est un lieu qui est autant au-dessous de toute conception que le ciel est au-dessus, — un lieu d’épaisses ténèbres, où des flammes livides font seules apercevoir l’obscurité, — un lieu où des lits de feu sont la seule couche réservée aux esprits damnés, — un lieu sur lequel Dieu vomit de sa bouche une malédiction qui descend en pluie de charbons ardents et de soufre sur les âmes réprouvées. — Il est un lieu où le regard ne rencontre de toutes parts que des scènes de terreur et d’horrible désespoir, — un lieu (je ne sais où il est ; il est quelque part, non dans les entrailles de la terre, j’espère, car se serait une triste chose de penser que ce monde porte l’enfer dans ses flancs ; mais quelque part, dans quelque monde éloigné). Oui, il est un lieu où la seule musique possible est une affreuse et discordante symphonie de pleurs et de gémissements qui s’élèvent de la foule des damnés ; où les sanglots, les cris de douleur, les lamentations, les hurlements et les grincements de dents forment un effroyable concert. Il est un lieu où, rapides comme l’éclair, les démons volent brandissant dans leurs mains, des fouets de cordes métalliques, nouées et rougies au feu ; où la langue, rendue ardente par l’excès de l’agonie, brûle le palais et force à crier pour une goutte d’eau qui ne sera jamais accordée. Il est un lieu où l’âme et le corps souffriront ensemble tout ce que la colère infinie peut infliger de torture à l’être fini ; où les condamnations prononcées par la Justice éternelle, accableront l’âme et flagelleront la chair, où l’urne de la colère déversera sans interruption sur l’âme les ardeurs les plus terribles, et où les coups d’épée du courroux de Dieu trancheront profondément dans les chairs de l’homme intérieur. Ô hommes qui m’entendez, je ne puis dépeindre ce lieu ; mais avant qu’une heure se soit écoulée quelqu’un d’entre vous pourrait bien le voir de ses yeux. Si le voile de votre vie se déchirait en deux, tel d’entre vous pourrait bien se trouver face à face avec les réprouvés … Alors, vous sauriez ce que c’est que de perdre son âme ; mais vous ne le saurez qu’alors, car je ne puis vous en donner la moindre idée. Toute parole est impuissante ; tout ce que je dis est trop au-dessous de la réalité. Je ne puis esquisser un tableau si épouvantable, car la terre ne possède pas de couleurs assez sombres, assez brûlantes pour en reproduire les horreurs. Ah ! Pécheur, si tu savais ce que signifie le mot enfer, tu saurais aussi ce que c’est que perdre son âme !
III.
Quelle sera donc LA LEÇON PRATIQUE par laquelle je dois terminer ? Si — comme ce sera immanquablement le cas, même dans les circonstances les plus favorables, — si le pécheur fait une perte déjà immense en gagnant le monde entier, mais en perdant son âme, qu’elle est donc grande en tous temps la folie de celui qui vend son âme pour peu de chose ! Voici un homme qui a vendu son âme pour dix francs. — Quand ? Comment ? Demandez-vous. — Ah ! Qu’il le dise lui-même ! Ils sont nombreux ceux qui consentent à faire un pareil marché. — L’un dit : « Je crois que je gagnerais deux ou trois francs en laissant ma boutique entr’ouverte le dimanche et en vendant quelque peu ». — Ah ! Oui, en vérité, jolie récompense que deux ou trois francs par semaine pour vendre son âme ! — Un autre dit : « Je crois que j’obtiendrai telle ou telle bonne place, si je ne m’enrôle pas avec ces fanatiques », — et le voilà qui cesse d’aller à la maison de Dieu et devient un homme raisonnable, ayant une piété plus à la mode, plus moderne. -Parfait ! Excellente spéculation, à coup sûr ! Ruiner son âme pour l’éternité, en vue d’une bonne place, c’est certainement une bonne affaire ! La jolie place que vous aurez gagnée pour plus tard !
Il est étonnant de voir pour quel minime profit un homme peut vendre son âme ! Je me souviens d’une anecdote. — Je la crois véritable ; j’allais presque dire : « J’espère qu’elle l’est ». — Un pasteur, en traversant les champs, rencontra un campagnard et lui dit : « Hé bien ! Mon ami, nous avons un temps magnifique ! » — « Oui, Monsieur, magnifique ! » — Puis, après avoir un peu causé sur les beautés de la nature, le pasteur reprit : « Combien nous devrions être reconnaissants de tant de bienfaits ! J’espère que vous ne sortez jamais de chez vous sans prier ? » — « Prier, monsieur ! » dit le paysan ; « mais je ne prie jamais, je n’ai rien à demander. » — « Quel homme étrange ! » dit le pasteur. « Et votre femme, ne prie-t-elle pas non plus ? » — « Elle prie, si elle veut. » — « Et vos enfants, ne prient-ils pas ? » — « Je n’en sais rien, je ne m’en inquiète guère. » — « Allons, voyons, continua le pasteur, puisque vous me dites que vous ne priez pas, je vous donne trois francs, si vous me promettez de ne jamais prier de toute votre vie. » — « Très bien ! » reprit le paysan, « seulement je n’en vois pas du tout la nécessité », et il prit les trois francs. — De retour chez lui, cet homme fut frappé d’une pensée : « Qu’ai-je fait-là ? » se dit-il. Et une voix lui disait : « Allons, Jean, tu mourras peut-être bientôt, et tu auras alors besoin de prier ; il te faudra comparaître devant ton Juge, et si tu n’as pas prié, cela ira mal. » Ces pensées et d’autres du même genre se fixèrent dans son esprit et commencèrent à le rendre extrêmement malheureux ; plus il y pensait, plus il était angoissé. Sa femme lui demanda ce qu’il avait. Pendant longtemps il n’osa rien avouer ; enfin il confessa qu’il avait fait accord pour trois francs de ne jamais prier de toute sa vie, et que c’était là ce qui le rongeait. Le malheureux était persuadé que celui qu’il avait vu dans les champs n’était autre que le diable. — « Ah ! Jean, fit la femme, pour sûr c’était le diable, et tu lui as vendu ton âme pour trois francs ! » — Pendant plusieurs jours, le pauvre homme fut incapable de travailler et son angoisse devint insupportable. Il était convaincu d’avoir vendu son âme au démon.
Cependant, le pasteur s’était tenu au courant de ce qui se passait. Près de là était une chaumière où il devait aller prêcher. Il pensa que le paysan ne manquerait pas d’y venir pour apaiser les terreurs de sa conscience, et, en effet, il y était, et des premiers. Quel fut son étonnement en voyant le même homme qui lui avait donné les trois francs prendre pour son texte : « Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier, s’il venait à perdre son âme ? » — « Ah ! oui vraiment, se disait le paysan, que servira-t-il à un homme qui a vendu son âme pour trois francs ? » Aussitôt il se lève en criant : « Tenez, Monsieur, tenez ! Reprenez vos trois francs ! » — « Hé bien ! qu’est-ce ? » fit le pasteur, « ne me disiez-vous pas que vous aviez besoin de cet argent, mais que vous n’aviez pas besoin de prier ? » — « Mais, Monsieur, c’est qu’il faut que je prie, autrement je suis perdu ! » — Après quelques paroles échangées, le pasteur reprit ses trois francs et l’homme se mit à genoux et pria. Ainsi, cette singulière circonstance fut le moyen dont Dieu se servit pour le convertir et le sauver. Maintenant, je ne me propose pas de refaire cette tentative si originale, mais je vous renvoie chez vous avec cette pensée que plusieurs d’entre vous, sans le vouloir sans doute, se sont vendus à Satan en consentant à quelque chose de mal en vue de leur avantage matériel, et qu’à cause de cela seul ils perdront leur âme.
Y a-t-il quelqu’un ici qui désire savoir comment son âme peut être sauvée ? Voici ma réponse : « Croyez au Seigneur Jésus, et vous serez sauvés », et que celui d’entre vous qui se reconnaît pécheur accepte pour sa consolation cette parole : « Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, même le plus grand des pécheurs ». Emporte cette déclaration, ô le plus grand des pécheurs, et réjouis-toi, car c’est toi que Jésus est venu sauver. — Que Dieu accompagne ces paroles de bénédiction, au nom de Jésus-Christ.
JÉSUS, CRÉATEUR ET SAUVEUR.
CANTIQUE.
« La Parole était au commencement, la Parole était avec Dieu, et cette Parole était Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle » (Jean 1:12).
Oui, ces étoiles d’or dont l’espace étincelle,
Ces perles de la nuit, calices de lueur ;
Ces feux du firmament, que le soir nous révèle,
Sont l’œuvre de ce Dieu dont le regard fidèle
Voit chaque bon désir qui naît dans notre cœur !
Oui, cette mer mobile, où le vent se balance,
Avec son bruit tonnant ou son vague soupir ;
Cet abîme sonore, éblouissant, immense,
Est l’œuvre de ce Dieu dont la douce clémence
Recueille chaque pleur de notre repentir !
Oui, ces monts couronnés d’une neige éclatante,
Au sommet desquels seul l’aigle intrépide a fui,
De même que la fleur délicate et tremblante,
Sont l’œuvre, de ce Dieu dont la bonté constante
Veut guider chaque effort tenté pour être à Lui !
Oui, ces vastes forêts, redoutables parages,
Où retentit la foudre aux échos solennels ;
Ces troncs majestueux qu’assaillent les orages,
Sont l’œuvre de ce Dieu qui reçoit les hommages
Et les vœux bégayés aux pieds de ses autels !
Oui, ces masses d’azur, de rameaux, de lumière,
Ces plaines, ces torrents, ces aspects radieux ;
Ces beautés, ces grandeurs de la nature entière,
Sont l’œuvre de ce Dieu qui descendit sur terre,
Pour nous donner sa vie et son sang précieux !
Oui, c’est Jésus qui fit le ciel, la terre et l’onde.
L’éternelle Puissance est l’éternel Amour !
Celui qui le créa vint racheter le monde ;
Celui qui contient tout, ô charité profonde !
Se laissa contenir en un triste séjour !
Sa frêle humanité vint orner une étable ;
Il vécut méprisé, sujet à nos langueurs ;
Il mourut sur la croix, dans un deuil lamentable ;
Et c’était le Dieu fort ! … Et pour moi, vil coupable,
Le Roi des rois souffrit tant d’amères douleurs ! …
Ô mon âme ! Devant ce mystère sublime,
Avec un cri d’amour, abaisse, abaisse-toi !
Adore, en le louant, ton Sauveur magnanime,
Et t’offre à Lui sans cesse en sacrifice intime,
Humble, saint et brûlant de tendresse et de foi !
Émilie Reynaud.
169 - LE LEVAIN DES PHARISIENS.
« Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie » (#Lu 12:1).
Notre siècle est plein d’hypocrisie. Jamais les vaines prétentions ne furent plus en vogue que de nos jours. Bien peu de personnes, je le crains, aiment la vérité toute nue ; nous la supportons à peine dans nos maisons, et vous ne voudriez guère trafiquer avec quelqu’un qui la dit toujours. En vous promenant dans les rues d’une grande ville, ne dirait-on pas, à les voir, que toutes les boutiques sont construites en marbre et que toutes les portes sont faites d’acajou ou d’ébène ? Mais bientôt vous découvrez que c’est à peine si vous rencontrez çà et là quelque peu de ces précieux matériaux : tout n’est que mauvais bois ou mauvaise brique que l’on a soigneusement recouverts de vernis et de peintures. Je ne blâme pas cela, mais j’y vois une image du mal qui existe intérieurement. Ce qui se voit dans nos rues se retrouve partout. En morale et en religion aussi, on emploie force vernis et force peinture. La contrefaçon en toutes choses est devenue si générale et s’est perfectionnée à tel point, qu’on ne peut plus la distinguer que fort difficilement de la réalité. La peinture imite si bien la nature, que le regard de la sagesse a besoin d’une lumière extraordinaire pour découvrir la différence entre le vrai et le faux. Et c’est en religion surtout que l’illusion est facile. Il fut un temps où régnait une intolérance bigote, — un temps où l’on pesait soigneusement chaque homme dans la balance et où on le livrait aux flammes, pour peu qu’il ne soit pas du poids exigé par l’orthodoxie du jour. Mais, dans notre siècle de charité et de charité si bien entendue, la contrefaçon est devenue une monnaie courante, et nul ne parait douter que la simple apparence extérieure puisse avoir moins de valeur que la réalité intérieure. S’il est donc une époque où l’on doive répéter cette parole : « Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie », c’est bien la nôtre. Un pasteur n’a pas besoin de prêcher sur ce texte dans les temps de persécution, quand les bûchers se dressent et quand la roue est en pleine activité : peu d’hommes songent alors à être hypocrites. Les supplices et les tortures sont les plus sûrs moyens de découvrir l’imposture. De simples chrétiens de parade ne s’exposeront jamais aux souffrances et à la mort pour l’amour de Christ. Mais, de nos jours, où l’on nage dans la soie et le velours, — de nos jours, où la religion est à la mode, où il est d’une haute convenance d’honorer quiconque fait profession de christianisme, — où la piété rapporte certain intérêt, il est doublement urgent que le ministre du Seigneur élève sa voix et fasse retentir la trompette d’alarme contre ce péché dominant : « le levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie ».
Je suis bien sûr que tout enfant de Dieu doit parfois se prendre à douter de lui-même et à suspecter jusqu’à sa propre foi.
« Celui qui ne douta jamais de son état,
Pourrait bien, hélas ! … en douter
Un jour, mais trop tard ! »
Toutefois, le chrétien n’appartient pas à cette classe. Il peut être fort alarmé par moments, et craindre que sa piété ne soit, après tout, qu’un beau semblant et sa profession une vaine apparence. Celui qui est sincère se méfiera quelquefois de lui-même et s’accusera de fausseté, tandis que celui qui vit de fausseté se drapera invariablement dans une parfaite confiance en lui-même. Mes bien-aimés frères en Christ, si vous doutez de vous en ce moment, les vérités que je vais prononcer vous aideront, je l’espère, à examiner le fond de vos cœurs et à éprouver vos moelles et vos reins. Vous ne m’en voudrez pas, je le sais, d’être trop sévère, mais vous direz plutôt : « Monsieur ; j’aime mieux traiter les intérêts de mon âme d’une manière rigoureuse. Dites-moi franchement et fidèlement quels sont les caractères de l’hypocrisie, afin que je les cherche attentivement dans mon propre cœur, pour voir si, par hasard, j’en posséderais quelques-uns. Je serai heureux de pouvoir sortir de ce creuset comme un or épuré. »
Nous aurons donc à examiner d’abord les caractères de l’hypocrite ; — en second lieu, nous essaierons de lui régler son compte, pour apprécier ce qu’il gagne et ce qu’il perd ; — enfin, nous offrirons un remède contre l’hypocrisie, qui, si nous le portons partout avec nous, nous préservera certainement de tromperie. Le remède est contenu dans ces paroles qui suivent notre texte : « Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni rien de secret qui ne doive être connu. Les choses donc que vous aurez dites dans les ténèbres seront entendues dans la lumière, et ce que vous aurez dit à l’oreille dans les chambres sera prêché sur les maisons. »
I.
Voyons d’abord les caractères de l’hypocrite. Le chapitre 22 de saint Matthieu nous le décrit d’une manière détaillée, et je ne puis mieux le dépeindre qu’en reprenant les paroles mêmes de Jésus-Christ.
On peut reconnaître l’hypocrite à ceci : que ses paroles sont en flagrante contradiction avec ses actions. « Ils disent et ne font pas », comme s’exprime le Seigneur. L’hypocrite peut parler comme un ange ; il peut citer une armée de textes ; il peut discourir sur toutes les matières religieuses, — doctrines théologiques, questions métaphysiques, difficultés expérimentales. À son propre jugement, il en sait long, et quand il se lève pour parler vous vous sentirez peut-être humilié de votre propre ignorance et effrayé de son grand savoir. Mais examinez ses œuvres : que trouvez-vous alors ? Tout le contraire de ce qu’il a si bien exprimé par ses paroles. Il dit aux autres d’obéir à la loi : s’y conforme-t-il lui-même ? Ah ! Non. Il déclare aux autres qu’ils doivent éprouver telle ou telle chose, puis telle autre, et après cela telle autre encore, et il leur décrit admirablement la marche ascendante de leurs expériences chrétiennes, mieux que ne le ferait peut-être un chrétien véritable. Mais y touche-t-il du bout du doigt ? Oh ! Non, en aucune façon. Il veut bien dire aux autres ce qu’ils doivent faire ; mais se souviendra-t-il de ses propres enseignements ? Non pas ! Suivez-le dans sa maison ; allez avec lui sur la place du marché ; voyez-le à sa boutique, et si vous tenez à réfuter sa prédication, vous n’avez qu’à prendre sa propre vie. — Cher auditeur, est-ce là ton cas ? Tu es membre d’une église, tu es diacre, ancien, pasteur peut-être : est-ce là ton histoire ? Ta vie est-elle le rebours de tes paroles ? Tes mains témoignent-elles contre tes lèvres ? Comment marches-tu ? Nous sommes tous obligés de confesser avec la rougeur au front qu’en quelque degré notre vie est en désaccord avec notre profession chrétienne. Nous en rougissons et nous nous en humilions en gémissant. Mais j’espère qu’il y en a ici quelques-uns qui peuvent dire : « Malgré bien des infirmités, j’ai cependant essayé de tout mon cœur de marcher dans la voie de tes commandements, ô mon Dieu ! Et je n’ai jamais prononcé intentionnellement quelque chose avec mes lèvres sans être bien déterminé à le mettre en pratique. » — Ah ! Croyez-moi, chers auditeurs, il est facile de dire, mais difficile de marcher. Tout homme peut parvenir à bien parler ; il n’est pas si aisé d’agir. Pour que notre vie soit sainte, il faut que la grâce descende dans nos cœurs, tandis que cette grâce n’est plus nécessaire pour obtenir la piété des paroles. — Le premier caractère de l’hypocrite, c’est donc la contradiction qui existe entre ses discours et ses actes. Quelqu’un s’est-il déjà reconnu à ce trait ? S’il en est un seul, qu’il se considère comme déjà convaincu d’hypocrisie, qu’il baisse la tête et qu’il confesse son péché !
Un autre caractère de l’hypocrite, c’est que s’il fait bien quelque chose, c’est afin d’être vu des hommes. L’hypocrite fait sonner la trompette devant ses aumônes et préfère pour son lieu de prière le coin des rues. Pour lui, une vertu qui se déploie dans les ténèbres est presque un vice ; il ne lui trouve quelque attrait que lorsque tout le public peut la contempler ; alors seulement il l’estime quelque peu. Semblable au rossignol, le vrai chrétien ne chante guère que la nuit ; mais l’hypocrite chante au grand jour, à l’heure où tous peuvent l’entendre et le voir. Une conversation louangeuse lui est un véritable élixir, et lorsqu’on le vante, l’adulation lui est plus douce que le vin le plus délicat. Si on blâme quelque action vertueuse qu’il allait approuver, il change aussitôt de manière de voir, car son thermomètre, c’est l’opinion des hommes, — sa loi, c’est la recherche de sa propre gloire. Il n’est vertueux que parce qu’il en retire de l’honneur et de l’estime, et si demain le vice était mis à prime, il serait aussi vicieux que tous les autres. Que de gens qui ne recherchent que l’approbation ! Ils se soucient peu de toute piété secrète et ne vivent que pour être vus des autres. Est-ce là notre cas ? Soyons sincères vis-à-vis de nous-mêmes. Quand nous donnons aux pauvres, aimons-nous à le faire secrètement, de manière à ce que nulle langue ne puisse le dire ? Aimons-nous à présenter nos prières dans le secret du cabinet, où Dieu, qui entend les cris que l’on pousse à l’écart, prête l’oreille à nos supplications ? Oserons-nous dire que nous ne modifierions pas notre conduite, si tous les hommes devenaient à la fois aveugles, sourds et muets ? Oserons-nous prétendre que l’opinion de nos semblables ne soit pas notre guide, et que nous ne servons absolument que notre Dieu et notre conscience, — que la flatterie ne peut rien nous faire faire de mal, — ou que la peur du blâme n’est jamais le mobile qui nous pousse à une bonne action ? Prenez garde ! Car quiconque n’a pas, pour se bien conduire, de motif plus élevé que le désir de l’approbation des hommes, risque extrêmement de n’être qu’un hypocrite ; tandis que celui qui persiste à faire le bien contrairement à l’avis de tout le monde, et par cela seul qu’il le croit bien et qu’il se sent approuvé de Dieu, n’a guère à craindre d’être un hypocrite. Il serait, en tout cas, un hypocrite d’une espèce toute nouvelle. Les hypocrites font leurs bonnes œuvres pour être approuvés. En est-il ainsi de vous ? Si tel est le cas, soyez sincères, et autant vous seriez prompt à convaincre de ce péché votre prochain, autant soyez-le de vous en convaincre vous-même.
Encore un caractère. L’hypocrite aime les titres, les honneurs et les marques de considération. Rien ne dilatait davantage le cœur du pharisien comme de s’entendre appeler Rabbi ; jamais il ne jouissait mieux de sa grandeur que lorsqu’il était huché sur le siège le plus élevé de la synagogue. Comment n’être pas le meilleur des hommes, quand on a une place aussi éminente ? Mais le vrai chrétien ne fait aucun cas des titres. C’est un des caractères de la piété sincère que de considérer les titres de mépris comme les seuls dignes d’être acceptés. — Il fut un temps où le titre de méthodiste était une injure. Que firent les hommes pieux que l’on désignait ainsi ? Ils dirent : « Vous nous appelez méthodistes, comme pour nous insulter, n’est-ce pas ? Hé bien ! Ce sera là notre titre. » — Le titre de momier a été de tous le plus injurieux ; c’est celui qu’employaient les buveurs et les jureurs pour désigner un homme pieux. « Hé bien ! » a dit l’homme pieux, « appelez-moi momier ; si c’est là un nom injurieux, je l’accepte ». — Ainsi ont toujours fait partout et en tout temps les chrétiens ; ils ont accepté le nom que leurs ennemis leur donnaient par malice. Telle n’est pas la tactique de l’hypocrite. Il prend les titres les plus honorables ; il veut appartenir à la secte la plus respectable et y occuper la charge la plus élevée. Hé bien ! Pouvez-vous dire, la main sur la conscience, qu’en religion vous ne recherchez pas les honneurs et les titres ? — Que vous mettez tout cela sous vos pieds, et que vous ne voulez d’autre distinction que celle de pécheur sauvé par grâce, — que celle de vous asseoir aux pieds de Jésus et d’apprendre de Lui ? Êtes-vous résignés à être les adeptes méprisés du Fils du charpentier, comme l’étaient les pêcheurs du lac de Galilée ? S’il en est ainsi, vous n’êtes guère hypocrite, je pense ; mais, si vous ne le suivez que parce que les hommes vous en savent gré, ne songez plus à la sincérité de votre religion. Vous êtes un hypocrite démasqué, et je vous signale comme tel devant cette assemblée.
Mais l’un des caractères les plus saillants, c’est celui-ci : L’hypocrite coule le moucheron et il avale le chameau. De nos jours, les hypocrites ne nous en veulent pas si nous mangeons sans nous être lavé les mains ; mais ils nous attaquent si nous omettons certains détails cérémonials. La stricte observance du sabbat a fourni à l’hypocrisie un de ses plus utiles refuges. L’accomplissement d’actes de première nécessité est devenu pour la parfaite sainteté pharisienne un objet de profonde horreur, et les œuvres de charité, ainsi que les sourires de la joie, sont devenus aux yeux des hypocrites des péchés mortels, par le seul fait que les chrétiens s’y livraient le dimanche. Peu satisfaits de voir que notre Père travaille sans cesse, que Jésus travaillait aussi, et quoique les devoirs de la sympathie, de la miséricorde et de l’amour soient des œuvres obligatoires en tout temps, ils ont accusé le chrétien qui s’y appliquait le dimanche d’infraction coupable contre la loi de Dieu. La moindre déviation des cérémonies religieuses est considérée par l’hypocrite comme un péché de la plus haute gravité. Mais ce pauvre homme qui vous blâmera sévèrement pour une faute de ce genre et qui en cela coulera le moucheron, sera justement celui que vous surprendrez trichant à la vente, fraudant ses marchandises, mentant, exagérant et exploitant les pauvres. J’ai toujours observé que ceux qui s’en vont minutieusement à la recherche des plus petites choses et qui essaient sans cesse de partager, comme on dit, le cheveu en quatre, sont précisément ceux qui négligent les choses les plus importantes de la loi, et qui, tout en étant très stricts pour la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, font une effroyable contrebande des choses les plus importantes et en remplissent hardiment leurs greniers et leurs coffres-forts. Méfiez-vous, de vous-même toutes les fois que vous vous sentirez plus attachés au soin des petites choses qu’à celui des grandes. Si vous vous apercevez qu’il vous pèse davantage de manquer une occasion de prendre la cène que de tromper une veuve, soyez persuadé que cela va mal. Il est certain homme qui ne se fait aucun scrupule de tuer tout ce qu’il rencontre ; mais si une goutte du sang de ses victimes vient à rejaillir sur ses lèvres, il court chez le prêtre de la tribu et lui confesse qu’il a commis un grand péché : le sang a rejailli sur ses lèvres ! Que va-t-il faire pour que ce péché lui soit pardonné ? — Or, il y a bien des gens de cette force parmi nous. S’ils ont fait le moindre ouvrage le vendredi saint ou le jour de Noël, juste ciel ! C’est un crime épouvantable ; mais s’ils ne sont que paresseux pendant les six jours de la semaine, ce n’est pas un péché. Soyez sûr que l’homme qui coule un moucheron et qui avale un chameau est un trompeur. Comprenez-moi bien ! J’aime qu’on coule le moucheron ; ce n’est point cela que je blâme ; seulement, n’avalez pas ensuite le chameau. Soyez aussi sévère que vous voudrez pour les petites choses ; si vous croyez que telle bagatelle est un mal, elle est péché pour vous. « Tout ce qui n’est pas de la foi est un péché. » Si vous croyez qu’il soit mal de la faire, alors même qu’un autre qui n’y met pas la même importance se la permettrait, ne vous la permettez pas. Coulez le moucheron tant que vous voudrez ; les moucherons gâteraient votre vin, et vous faites fort bien. Mais alors n’ouvrez pas la bouche jusqu’aux oreilles pour avaler aussitôt après un chameau ; car, si vous le faites, vous prouvez que vous n’êtes pas enfant de Dieu, mais un infâme hypocrite.
En examinant ce chapitre de saint Matthieu, vous y verrez encore que les hypocrites négligent tout ce que la religion a d’intérieur, pour n’observer que la partie purement extérieure. « Ils nettoient, comme disait Notre Seigneur, le dehors de la coupe et du plat, mais au dedans ils sont pleins de rapine et d’intempérance. » Il est bien des livres supérieurement reliés qui ne contiennent rien qui vaille ; et il est des gens qui ont un extérieur spirituel magnifique, mais dont le cœur est complètement vide. N’en connaissez-vous point de semblables ? — Qui sait ? Si vous vous connaissiez vous-même, vous en connaîtriez un. — Ne connaissez-vous personne de strictement ponctuel et méticuleux en religion, qui, pour rien au monde, ne manquerait un seul moyen d’édification, qui parcourt le rituel, la liturgie et toutes les cérémonies, sans en omettre un iota, et qui ne s’écarterait pas de l’épaisseur d’un trait de lettre dans aucune de ses pratiques religieuses ? Aux yeux du monde, de telles gens passent pour éminemment pieux, parce qu’ils sont exacts et assidus dans tous leurs devoirs extérieurs ; mais, avec tout cela, ils négligent entièrement l’intérieur. Pourvu qu’ils aient reçu le pain et le vin, ils ne s’inquiètent pas de savoir s’ils ont mangé la chair et bu le sang de Christ ; pourvu qu’ils aient été baptisés d’eau, ils ne s’inquiètent guère de savoir s’ils ont été ensevelis avec Christ dans la mort par le baptême. Pourvu qu’ils se soient présentés en chair et en os dans le temple de Dieu, c’est tout ce qu’il leur faut ; quant à savoir s’ils ont été ou non en communion avec Christ, cela ne les préoccupe nullement. Non, ils sont contents pourvu qu’ils aient la coquille de la noix et ne tiennent pas à la noix elle-même. Que le blé aille où il voudra, pourvu que la paille, le chaume soient là : ils leur suffisent. Il est beaucoup de personnes semblables à ces auberges qui ont pour enseigne un ange, tandis qu’un diable habite dans l’intérieur. Ces gens-là prennent grand soin d’avoir à l’extérieur une très belle enseigne ; il faut que tout le monde sache bien qu’ils sont très pieux. Mais, quant au dedans — ce qui est la partie la plus importante, — ils sont remplis de malice et de méchanceté. J’en ai rencontré un grand nombre qui se méprenaient et disaient : « Ah ! Oui, le pauvre homme ! C’est un ivrogne achevé, vraiment ; mais, au fond, c’est un bien bon cœur. » Or, n’est-ce pas une chose parfaitement étrange, comme disait Rowland Hill, qu’on vienne vous dire d’un homme qu’il est mauvais, mais que cependant il est bon au fond ? Jamais les marchands de fruits qui s’en vont au marché ne feront croire à leurs chalands que s’ils ont des pommes pourries dans le haut de leurs paniers, celles du fond seront excellentes. La conduite extérieure de chacun vaut toujours un peu mieux que son cœur. Ils ne sont pas nombreux les négociants qui vendent dans l’intérieur du magasin de meilleure marchandise que celle qu’ils exposent à la vue. Ne vous méprenez donc pas sur mon dire : quand je prétends que nous devons faire plus attention à l’intérieur qu’à l’extérieur, ce n’est pas à dire que je veuille vous voir négliger l’extérieur. « Nettoyez l’extérieur de la coupe et du plat », nettoyez-le le mieux que vous pourrez, mais prenez garde que l’intérieur soit aussi approprié ; commencez même par là. Posez-vous des questions telles que celles-ci : « Suis-je né de nouveau ? — Suis-je passé des ténèbres à la lumière ? — Ai-je été transporté du royaume de Satan dans le royaume du Fils de Dieu ? — Est-ce que je vis en communion intime avec Jésus et sous son doux regard ? — Puis-je dire que mon âme ait soif du Dieu vivant, comme le cerf altéré brame après les eaux courantes ? Car si je ne puis pas répondre affirmativement, quelle que soit ma vie extérieure, je trompe les autres et je me trompe moi-même ; la malédiction de l’hypocrite retombe sur moi. J’ai nettoyé le dehors de la coupe et du plat, mais le dedans est rempli de péché. » Ce langage convient-il à quelqu’un d’entre vous ? Trouvez-vous que je fasse ici des personnalités ? Si telle est votre impression, Dieu en soit loué ! Puisse la vérité donner la mort à toutes vos illusions !
Vous pouvez reconnaître l’hypocrite à cet autre signe : que sa religion est intimement liée à certains lieux et à certaines heures. Il se lève, je suppose, à sept heures, et vous le verrez être religieux pendant un quart d’heure, parce qu’il « fait ses prières » à cette heure matinale. Après cela, vous le verrez redevenir religieux pendant une demi-heure — au moment de son culte de famille ; mais, dès que les affaires ont commencé et qu’il donne des ordres à son monde, je ne garantis pas qu’il obtienne votre admiration. Si l’un de ses domestiques a fait quelque maladresse, je crains bien que vous ne lui entendiez proférer des paroles inconvenantes et pleines de colère. Vous vous apercevrez aussi, quand il se présentera une pratique un peu innocente aux affaires, qu’il la « mettra dedans ». Vous verrez que s’il trouve pendant le courant de la journée une bonne occasion, il ne se gênera pas, malgré sa piété, de « jouer quelque mauvais tour ». Le matin, c’était un saint, parce qu’il n’y avait rien à perdre ; mais sa religion est élastique ; les affaires, pour lui, sont les affaires, et il met sa religion de côté, sauf à étirer sa conscience selon les besoins, car rien n’est si souple que l’étoffe dont la sienne est construite. Vers le soir, cependant, sa religion lui reviendra, à moins qu’il ne soit en voyage, dans quelque lieu où ni sa femme, ni sa famille, ni son église ne puissent le voir, — au théâtre, par exemple. Il n’y paraîtrait pas pour peu que la chose risque de parvenir à la connaissance de son pasteur ; car, dans ce cas, il serait excommunié. Mais si personne, parmi ses connaissances, ne peut le savoir, il se sent tout à fait libre d’y aller, et il y va. Les beaux habits font les beaux messieurs, et les beaux lieux font les beaux hypocrites. L’homme, au contraire, qui est fidèle à son Dieu et à sa conscience, est religieux toute la journée, toute la nuit et en tous lieux. « Quand vous rempliriez ma maison d’or et d’argent, vous dira-t-il, je ne ferais pas une action malhonnête ; quand vous me donneriez les étoiles et toutes les richesses de tous les empires, je ne consentirais jamais à faire ce qui déshonore mon Dieu ou discrédite ma profession. » — Placez le chrétien dans une position où il puisse pécher et où, en péchant, il puisse obtenir une grande somme d’approbation humaine, il ne péchera pas. Il ne hait pas le péché par égard pour ceux qui l’entourent, mais il le hait à cause de lui-même. Il dit : « Comment pourrais-je commettre un si grand péché en présence de mon Dieu ? » Vous trouverez sans doute en lui un homme faillible, mais non pas un homme faux. Vous découvrirez en lui une foule d’infirmités, mais jamais de souillures préméditées ou d’iniquités volontaires. Comme chrétiens, en effet, vous devez suivre Christ à travers le bourbier comme à travers les prairies ; vous devez marcher avec Lui par la pluie comme par le beau soleil ; il vous faut affronter l’orage et le suivre alors aussi bien que par un ciel serein. Celui-là n’est pas chrétien qui ne peut pas demeurer avec Christ, même dans la misère, même sous des haillons, même à travers l’opprobre. Celui-là est hypocrite qui ne peut le suivre qu’en pantoufles brodées d’or et qui le quitte dès qu’il faudrait marcher nu-pieds. La piété de l’hypocrite est comme le caméléon ; elle change de couleur suivant la lumière qu’elle reçoit, tandis, que celle du chrétien est toujours la même. — Ceci est-il vrai de quelqu’un de nous ? Pouvons-nous dire que nous désirions sincèrement être toujours les mêmes ? Ou bien changeons-nous suivant la compagnie dans laquelle nous nous trouvons et suivant les temps ? S’il en est ainsi, nous sommes de fieffés hypocrites ; convenons-en devant Dieu, et que Dieu veuille nous rendre sincères !
Il est encore un signe auquel on peut reconnaître l’hypocrite, et cette fois les étrivières vont frapper mes épaules et celles de la plupart d’entre nous. Les hypocrites, ainsi que d’autres gens aussi, sont en général sévères envers autrui et très charitables envers eux-mêmes. N’avez-vous jamais entendu un hypocrite se décrire lui-même ? Moi je le définis en lui disant : vous êtes un homme avare et mesquin. — « Non pas, répond-il, je suis économe et prudent. » — Je lui dis : vous êtes un tricheur, un voleur. — « Non pas, répond-il, je suis adroit et fin, selon la nécessité des temps. » — Vous êtes orgueilleux et vantard. — « Oh ! Non pas, mais je cherche à conserver ma dignité et ma respectabilité. » — Vous êtes un vil flatteur, un homme bas et rampant. — « Non pas, non pas, répond-il toujours, mais je me fais tout à tous. » — Il trouve toujours moyen de transformer ses vices en vertus ; mais, dès qu’il s’agit des autres, il suit la règle contraire. Montrez-lui un chrétien vraiment humble ; il vous dira : « J’ai en abomination son air rampant ». Montrez-lui un chrétien courageux, qui ose tout pour la gloire de son Maître : « C’est un impudent, s’écrie-t-il, et un orgueilleux ! » Montrez-lui un chrétien généreux, qui fait des sacrifices pour la cause de Christ et qui paie de sa personne : « C’est un imprudent et un vaniteux, dit-il, un extravagant, un fou ! » Montrez-lui, en un mot, une vertu quelconque, et il y verra un vice. Avez-vous observé l’hypocrite lorsqu’il se transforme en docteur et qu’il condescend à morigéner les autres ? Il a une magnifique poutre dans son œil, — assez grosse pour priver son âme de toute lumière du ciel ; mais cela ne l’empêche pas d’être habile oculiste. Il se rend vers l’un de ses malheureux frères dont l’œil est légèrement irrité par la présence d’un grain de poussière tellement petit, que, pour le voir, il faut se mettre en plein soleil. Voyez notre homme avec sa poutre ; il s’approche d’un air entendu et dit : « Permets, mon ami, que je te délivre de ce grain de sable ». Ô hypocrite ! Ôte d’abord la poutre qui est dans ton œil, et après cela tu y verras clair et tu pourras ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère ! Il ne manque pas de ces gens qui transforment en vices toutes les vertus d’autrui, et en vertus tous leurs propres vices. — Or çà, si tu es chrétien, je vais te montrer quel esprit doit t’animer. Tu seras mu par une impulsion diamétralement opposée ; tu trouveras toujours des excuses pour autrui et tu n’en accepteras jamais pour ton propre compte. Quand un vrai chrétien s’aperçoit qu’il pèche, il s’humilie et déplore sa faute ; il la prend au grand sérieux et s’en alarme. Il dit à son frère : « Oh ! Je me trouve un si grand pécheur ! » Et son frère lui répond : « En vérité, je ne vois pas en quoi vous l’êtes ; je ne vois guère de péché en vous. Ah ! Combien je voudrais être aussi fidèle que vous ! » — « Non, reprend l’autre, je suis rempli d’infirmités et de faiblesses. » — Jean Bunyan représente Miséricorde et Chrétienne avec les enfants au moment où ils sortent du bain et reçoivent le sceau éternel ; ils sont beaux et pleins de grâce, et l’une commence à dire à l’autre : « Tu es plus belle que moi ! » Et l’autre lui répond : « Tu es plus pure que moi ! » Chacune ensuite se met à déplorer ses propres taches et à exalter la beauté des autres. Voilà l’esprit du chrétien ! Mais celui de l’hypocrite est tout contraire. Il juge, condamne et punit autrui sans miséricorde, et, pour lui, il est toujours exempt, il est roi, il est au-dessus de toute loi ; sa conscience endormie lui permet de persister en paix dans les mêmes péchés qu’il reprend sans pitié chez ses frères. Ce caractère est l’un des plus saillants et des plus constants chez les hypocrites, et je pense que nous avons probablement tous quelques reproches à nous faire sur ce point.
II.
Maintenant nous allons régler le compte de l’hypocrite. — Allons, Monsieur, apportez-nous votre grand-livre, que nous y jetions un coup d’œil ! Vous êtes un hypocrite. Voyons ce qui figure à votre crédit ? Les articles sont nombreux, j’en conviens ; vous avez gagné de l’honneur et de la considération. Si vous alliez dire à tout le monde brusquement et franchement : « Tu es un voleur, tu es un ivrogne, tu blasphèmes le nom de Dieu aussi bien que tout autre », et si le monde recevait de votre part des compliments de cette nature, vous n’auriez acquis ni honneur ni considération. Mais, comme vous avez fait bonne profession de christianisme ; comme le pasteur vous aime beaucoup ; comme les anciens et les diacres vous ont en grande estime, vous voilà un homme très honorable et très respectable. Vous arrivez à pas comptés à votre place dans le temple, avec votre Bible et votre livre de cantiques, et tout le monde dit : « Voilà un vrai modèle de christianisme ! » Les parents frappent doucement sur la tête de leurs enfants, et disent : « Puisses-tu grandir et devenir un homme de bien, comme Monsieur un tel ! »
Un autre article avantageux qui figure à votre avoir, c’est la parfaite tranquillité de conscience dont vous jouissez. Le pasteur prêche souvent des sermons solennels et remuants contre le péché. Vous vous en tirez sans la moindre émotion. Vous n’êtes pas pécheur ; ce n’est donc pas pour vous qu’il tonne du haut de sa chaire. Pour vous ? … Ah ! Certes non ! Qui pourrait vous soupçonner de péché ? Qui oserait ! … Vous êtes l’un des hommes les plus saints que la terre ait portés ; c’est presque dommage que vous n’ayez pas été au nombre des Douze. Il y en avait un parmi eux qui vous valait presque … , et vous ferez peut-être la même fin que lui. Vous échapperez à toutes les terribles menaces de la loi ; votre conscience demeure imperturbable, et tout ce qui fait trembler les vrais enfants de Dieu ne fait qu’augmenter votre orgueil et votre sécurité. Ce qui l’humilie, ce qui le convainc de péché, est justement ce qui contribue le plus à vous élever dans votre propre estime. Le soleil de l’Évangile qui fond la cire durcit toujours davantage votre cœur de terre, et tout ce que vous entendez de plus effrayant ne fait que vous confirmer dans votre propre justice. Or, c’est là, selon vous (je pense), un grand avantage et un immense profit. Cela fait votre éloge, et ce n’est pas le dernier de vos gains, car, voyez comme votre petit commerce a prospéré par ce moyen ! Cet article de vos bénéfices est probablement celui auquel vous êtes le plus sensible. Depuis le jour où vous avez fait profession de piété, tous ceux qui vont à votre temple ou à votre chapelle ne vous ont-ils pas donné leur pratique ? Certes, les choses n’auraient pas si bien marché, il s’en faut, si on s’était douté le moins du monde de ce qui se passe au fond de votre cœur et de ce que vous êtes en réalité. Mais ce beau manteau, ce bel habillement de sainteté que vous avez endossé, a opéré merveilleusement pour votre prospérité. Quelle jolie petite somme ronde vous avez pu mettre de côté, n’est-ce pas ? Tout ceci, c’est le côté brillant de votre affaire ; et ce n’est pas tout encore. Voyez les honneurs dont votre église vous a comblé ! On vous a nommé diacre, puis ancien ; qui sait ? On a fini par vous appeler au pastorat. Comme c’est agréable ! … Et vous vous rengorgez et vous jouissez. « Quel homme je suis ! » vous dites-vous avec admiration ; « puisque tous m’estiment si fort, il faut bien que je le mérite. Je dévore, à la vérité, les maisons des veuves ; je ne regarde pas de trop près à toutes mes transactions ; mais les pasteurs, les diacres et les anciens, — tout le monde trouve que je suis un homme de bien et l’on me couvre d’applaudissements. Ils ne peuvent pas être tous dans l’erreur ; je dois donc être un homme d’une sainteté exceptionnelle. »
Voilà quels sont les profits nets à votre avoir. Voyons un peu le débit, — la page de gauche. Hum ! Je crains bien, Monsieur, que lorsque nous ferons les additions, le côté le plus fort ne soit pas celui des profits.
D’abord, je trouve ici un article de perte assez considérable ; à savoir : que certaines gens n’ont pas aussi bonne opinion de vous que vous le pensez. La pauvre veuve spoliée ne fait guère votre éloge. Vous aurez à être bien attentif pour éviter que vos vilenies ne viennent aux oreilles de tout le monde. Je vois figurer ensuite une crainte continuelle qu’on ne vienne à découvrir votre hypocrisie. Vous auriez eu la moitié moins de peine et d’inquiétude à être honnête et sincère. Celui qui a l’habitude de dire toujours la vérité n’a pas besoin d’étudier ses paroles, ses gestes, ni le son de sa voix. Il peut dire ce qu’il pense, tandis que l’homme qui ment doit toujours prendre garde ; il lui faut une excellente mémoire pour se rappeler tous ses mensonges, de crainte de se démentir lui-même. Il en est ainsi de vous, mon ami ; votre piété est une piété du dimanche, et vous avez besoin de faire tous vos efforts pour que vos œuvres du lundi se taisent, tandis que le coq chantera le plus haut possible sur celles du sabbat. Rude tâche ! Je ne voudrais pas être à votre place et avoir toutes les inquiétudes qui vous tourmentent. J’aimerais mieux être franchement mondain que d’être toujours menacé comme vous de me voir démasqué, moi et toutes mes iniquités, aux yeux de toute l’église. Mais voici un article pire encore ; voici une continuelle inquiétude de conscience. Les hypocrites peuvent paraître tranquilles, mais ils ne peuvent pas l’être en réalité. Le chrétien sincère — le véritable enfant de Dieu — peut dire, au moins quelquefois : « Je sais que Jésus a lavé mes péchés ». L’Esprit de Dieu lui donne une sainte assurance qui calme ses craintes et il peut se reposer sur Christ. Mais l’hypocrite a beau s’armer de présomption, il ne peut jamais atteindre à ce sentiment de calme que le Seigneur fait naître dans le cœur des siens. Celui-ci peut se coucher, peut même se coucher dans sa tombe en paix ; mais l’hypocrite a peur de son ombre, il s’enfuit quand personne ne le poursuit. Enfin, Monsieur l’hypocrite, je vois figurer un dernier article que vous oubliez souvent, à savoir : qu’en dépit de votre profession Dieu vous abhorre. S’il est un homme dont la seule odeur soit nauséabonde pour Dieu, c’est bien toi, — oui, toi, malheureux avec tes prétentions chrétiennes ! Tu auras parmi les damnés une place réservée. Imagine, ô homme, combien grandes seront ta honte et ta misère, quand tes œuvres les plus secrètes seront lues et proclamées à haute voix, en présence de toutes les nations de la terre et de tous les habitants de l’éternel séjour ! — quand les anges et les hommes feront éclater ensemble un cri universel et unanime d’horreur et de réprobation ! Que feras-tu quand on t’arrachera le masque, quand la mascarade de tes hypocrisies sera terminée, et quand, mis à nu et tout couvert de ta honte, tu seras livré au mépris et à l’abomination de toutes les créatures ? Qu’en dis-tu ? Faudra-t-il que tu quittes ton titre de pasteur, d’ancien ou de diacre, et que tu ailles en enfer parmi les démons ? Faudra-t-il que tu quittes la coupe du sacrement pour aller boire à la coupe de la colère, — pleine de feu et de soufre ? Faudra-t-il que tu échanges les hymnes du sanctuaire et la maison de prière contre la demeure des révoltés et les hurlements des réprouvés ? — Oui, oui, il le faudra ! Aussi certainement que cette Bible est la vérité, il le faudra, si tu continues à vivre dans cette hypocrisie. La mort saura bien te trouver et la condamnation sera ta part, car l’espérance de l’hypocrite est comme la toile d’araignée promptement anéantie par un coup de balai ; et que deviendra-t-il lui-même lorsque Dieu lui aura ôté toute espérance ?
Voilà donc le compte de l’hypocrite réglé par un déficit énorme ! … irréparable !
III.
Voyons maintenant le remède contre l’hypocrisie. Quel accueil lui réservez-vous ? Ô chers auditeurs ! je sens qu’en parlant de l’hypocrite comme je viens de le faire, j’ai essayé d’être sévère ; mais je sais aussi que je n’ai pas pu atteindre vos cœurs comme je l’aurais désiré, car l’homme est ainsi fait que l’hypocrisie est de tous les péchés le dernier dont nous consentions à nous reconnaître coupables, et, de tous, celui dans lequel nous tombons le plus facilement. Que de fois je me suis agenouillé dans mon angoisse, en m’écriant : « Seigneur, rends-moi sincère ! Si je me fais illusion, désillusionne-moi. » Et je ne crois pas qu’on puisse être chrétien sans avoir souvent de semblables doutes et sans être appelé à s’examiner soi-même avec angoisse. Permettez-moi donc de m’adresser à tous en ce moment, et que nul d’entre vous ne s’exempte de prendre mes paroles pour lui-même. Il se peut que vous ayez fait pendant bien des années profession d’appartenir au Seigneur, et que, durant tout ce temps, vous n’ayez été que des hypocrites. Souvenez-vous qu’il y avait un hypocrite parmi les apôtres, et que par conséquent il peut y en avoir aujourd’hui parmi les pasteurs. Il y avait des trompeurs au milieu des églises apostoliques ; à combien plus forte raison peut-il y en avoir dans les nôtres. Ne cherchez pas autour de vous pour les trouver, — ceci, c’est l’affaire de Dieu, et non la vôtre ; — mais regardez à vous-même pour savoir si vous en êtes un. — Comme je passais en voiture, l’autre jour, dans un chemin, par un vent violent, je vis tomber d’un arbre une branche presque à mes pieds. Je remarquai qu’elle était pourrie, et je me demandai combien de temps elle avait pu rester sur cet arbre tout en étant vermoulue. Alors je pensai : « Ah ! Si le vent de la persécution venait à souffler sur l’Église, viendrais-je à tomber aussi comme une branche pourrie ? Un grand nombre de mes auditeurs ne tomberaient-ils pas ainsi ? Ils ont paru pendant longtemps unis à Christ, ils ont parlé en son Nom ; ils ont peut-être prêché en son Nom ; mais si le temps de l’épreuve qui doit venir sur la terre venait nous visiter, combien parmi nous résisteraient à l’effort de la tempête ? »
Ô chers auditeurs, ne vous contentez pas d’une religion toute faite ou de seconde main ; ne traitez pas cette affaire à la légère. Ne pensez pas que, parce que vous m’avez vu, moi et mes anciens, vous considérer comme chrétiens, tout soit terminé. Nous nous sommes trompés bien souvent ; il est si facile de tromper un cœur charitable ! J’ai regardé certains d’entre vous en cherchant à lire dans leurs yeux leur pensée intime, et cependant je me suis trompé. J’ai vu des larmes dans leurs paupières, tandis qu’ils faisaient profession d’aimer le Sauveur, et, malgré cela, ils se sont trouvés, après tout, être des trompeurs et m’ont complètement déçu. Plus, en effet, un homme est bien disposé, plus la nature humaine sera prompte à lui imposer. J’ai pris tous les soins imaginables pour écarter de mon église tous ceux qui étaient suspects d’hypocrisie, et je me propose d’être toujours plus sévère à cet égard. Mais, je vous en supplie, examinez-vous vous-mêmes. Je ne veux pas vous envoyer tête baissée en enfer, si je puis l’éviter ; je ne désire pas être dans l’erreur moi-même, et je ne vous y laisserai pas, si je puis l’empêcher. Oh ! Si vous n’êtes pas réellement chrétiens, cessez de faire une profession quelconque ; si l’édifice de votre foi n’est pas solide, démolissez-le incontinent. Mieux vaut que votre maison s’écroule maintenant que si l’on attend que la pluie descende, que les torrents débordent et que le vent la renverse pour l’éternel malheur de votre âme. Oh, non ! J’aime mieux vous renvoyer tous chez vous le trouble dans le cœur que de risquer de laisser l’hypocrite tranquille sur son banc. J’aimerais mieux blesser le véritable enfant de Dieu que de laisser échapper le pharisien.
Mais, comment le guérir, cet hypocrite ? Que ferons-nous pour nous guérir de l’hypocrisie qui se trouve peut-être encore dans nos cœurs ? D’abord, souvenons-nous qu’avec la meilleure volonté nous ne pouvons rien faire qui demeure secret. Que notre conscience se livre à la puissance du Dieu qui voit toutes choses, et sa seule présence tuera tout germe d’hypocrisie en nous. Comment penserais-je à tromper autrui quand Dieu me voit ? Il m’est impossible d’avoir double face et de nourrir une arrière-pensée quand je songe que je suis en présence du Très-Haut, qu’il lit mes pensées et qu’il voit les plus secrets mouvements de mon cœur. Pour que l’hypocrite puisse être hypocrite, il faut nécessairement qu’il oublie l’existence de Dieu. Souvenons-nous en donc ! Où que je me trouve, soit dans ma chambre, soit sur ma couche, Dieu est là ! Chaque parole intime que je murmure à l’oreille d’un ami est entendue de Dieu. J’aurais beau choisir pour le théâtre de mon péché la partie la moins fréquentée de la ville, Dieu est là ! J’aurais beau m’abriter sous les voiles de la nuit, Il est là encore et Il me regarde. Le sentiment de la présence de Dieu, si nous le réalisions véritablement, suffirait à lui seul pour nous préserver de tout péché. Nous croyons faire en secret bien des choses, mais rien n’est caché aux yeux de Celui avec lequel nous avons affaire. Le jour vient où tous les péchés que nous avons commis seront lus et publiés. Oh ! Quelle rougeur empourprera le visage de l’hypocrite, quand le Seigneur lira le récit journalier de ses iniquités ! Ô vous qui faites comme moi profession de christianisme, croyez-moi ! Pesons toutes nos actions en vue de ce grand jour où tous les secrets seront révélés. Arrêtez-vous avant de faire quoi que ce soit et demandez-vous : « Comment supporterais-je d’entendre crier ce que je fais à son de trompe ? » Mieux encore ! Obéissez à un motif meilleur, et dites : « Puis-je faire cela ? » en répétant ces paroles : « Toi, ô Dieu ! Tu me vois ». Vous pouvez tromper les autres hommes et vous tromper vous-même, mais jamais, non jamais vous ne pourrez tromper Dieu. Vous pouvez mourir avec le nom de Christ sur les lèvres, et les hommes peuvent vous enterrer avec l’assurance parfaite que vous ressusciterez glorieusement ; mais Dieu ne se laissera tromper ni par votre profession, ni par la bonne opinion que les hommes ont eue de vous. Il vous mettra sur la balance, et si vous n’êtes pas de poids, il prononcera votre condamnation. Si vous ne portez pas alors l’anneau de la grâce à votre doigt, Il vous déclarera faussaire ; Il vous arrachera votre masque. La vertu la moins recouverte d’ornements est, au fond, la mieux ornée. Vous serez donc mis à nu, et tout habillement, toute sorte de voile vous sera arrachée, afin que votre fausseté soit mise à découvert. Comment supporterez-vous cette opération ? Vous creuserez-vous une retraite dans les profondeurs de la terre ? Plongerez-vous dans la mer pour trouver quelque issue ? Appellerez-vous les montagnes à votre aide pour qu’elles tombent sur vous et vous cachent ? … C’est en vain que vous crieriez. Le Dieu qui voit tout lira le fond de vos pensées, publiera tous vos secrets, révélera tout ce que vous aurez caché le plus soigneusement, et Il proclamera à la face de l’univers que, quoique vous ayez mangé et bu dans ses rues et quoique vous ayez prêché en son nom, Il ne vous a jamais connu, — que vous étiez un ouvrier d’iniquité et que vous devez être chassé de sa présence pour jamais !
Venez et réfléchissons encore une minute à ceci : que bientôt nous allons nous trouver à notre dernière heure. Encore quelques mois, et nous aurons, vous et moi, à rencontrer la mort, ce terrible et cruel tyran. Il ne sera pas aisé de faire l’hypocrite à ce moment ; quand le pouls s’affaiblira, quand les yeux deviendront hagards, quand la langue s’attachera au palais, il sera vain alors de faire l’hypocrite. Oh ! Que Dieu vous rende sincère ; car si vous mourez en faisant une profession mensongère de christianisme, vous mourrez véritablement. De toutes les morts, la plus mauvaise, je pense, doit être celle de l’hypocrite, et de tous les réveils après la mort, le plus terrible sera bien celui dont le premier moment sera consacré à lire son éternelle condamnation. Ah ! Ne bandez pas vos plaies à la légère. Que Dieu vous donne une foi véritable et sincère, afin que nous puissions nous rencontrer dans les cieux ! Telle est l’ardente prière de mon cœur.
170 - M’AIMES-TU ?
« Simon, fil de Jonas : m’aimes-tu ? »
(Jean 21:15-17).
Mes frères,
Oh ! Combien Christ, après sa résurrection, ressemblait à Christ avant sa crucifixion ! Quoiqu’il ait été couché dans le sépulcre, qu’il soit descendu dans les régions de la mort, et qu’il ait de nouveau foulé la terre des vivants, toutefois quelle merveilleuse identité dans ses manières, quelle immutabilité dans ses dispositions ! Sa passion, sa mort et sa résurrection ne purent jamais changer son caractère comme homme, non plus qu’affecter ses attributs comme Dieu. Jésus est éternellement le même. Et quand il reparut au milieu de ses disciples, il n’avait rien quitté de ses manières aimables, rien perdu de son intérêt pour leur bien-être. — Il leur parla avec la même tendresse qu’autrefois, et les appela ses enfants et ses amis. Et quant à leur condition temporelle, il s’y montra attentif quand il leur dit : « Enfants, n’avez-vous rien à manger ? » Et il était sûrement aussi soigneux de leur état spirituel ; car, après avoir pourvu aux besoins de leur corps au moyen d’une pêche abondante (qu’il avait peut-être créée au moment même), il s’enquit de l’état de la prospérité de leurs âmes, en commençant par celui qu’on devait supposer avoir été dans la situation la plus désespérée, celui qui avait renié trois fois son maître, et qui avait pleuré amèrement, par Simon Pierre. « Simon, fils de Jonas, dit Jésus, m’aimes-tu ? »
Sans préambule, car nous avons peu de temps ce matin, — et plaise à Dieu que nous en fassions un bon usage ! — Nous mentionnerons trois choses : d’abord une question solennelle : « M’aimes-tu ? » Secondement une réponse prudente : « Oui Seigneur, tu sais que je t’aime » ; et en troisième lieu une démonstration requise du fait : Et il lui dit : « Pais mes agneaux », et plus tard « Pais mes brebis ».
I.
Ainsi donc c’était d’abord une question solennelle, que notre Sauveur adressa à Pierre, non pour sa propre information ; car, comme Pierre l’avait dit : « Tu sais que je t’aime », mais pour que Pierre s’examine lui-même. Il est bien que le chrétien sonde sa blessure, principalement après un grand péché ; il est juste qu’il s’examine, car le péché est une cause grave de suspicion, quant à son état spirituel, et cet état serait bien fâcheux s’il ne le portait à s’examiner sur-le-champ lui-même. L’examen de soi-même doit suivre spécialement le péché, quoiqu’il doive être dans les habitudes journalières du chrétien et d’une pratique constante. — Notre Seigneur, dis-je, adressa cette question à Pierre, afin qu’il puisse se demander à lui-même, comme nous supposons qu’il nous est aussi demandé ce matin de la mettre dans nos cœurs. Que chacun donc se demande, au nom de son Sauveur, et dans son propre intérêt : « Aimes-tu le Sauveur ? Aimes-tu le béni Rédempteur ? »
Faites attention à la nature de cette question. Cette question concernait l’amour de Pierre. Jésus ne lui dit pas : « Simon fils de Jonas, me crains-tu ? Ou bien m’admires-tu ? M’adores-tu ? » — Cette question ne regardait pas non plus sa foi ; il ne lui dit pas : « Simon, fils de Jonas, crois-tu en moi ? » Mais il lui demanda : « M’aimes-tu ? » J’insiste sur ce point parce que l’amour est la meilleure preuve de la piété. L’amour est la plus éclatante de toutes les grâces, et c’est pour cela qu’elle est la meilleure des preuves. Je ne crois pas l’amour supérieur à la foi. Je crois que celle-ci est le fondement de notre salut, qu’elle est la mère de la grâce, et que l’amour en procède. — Je crois que la foi est la racine de la grâce, et que l’amour en est le rejeton. — Mais quant à son éclat la foi n’égale pas l’amour. La foi, si nous la possédons, est un signe certain que nous sommes enfants de Dieu, et il en est de même de toutes les autres grâces, mais il en est plusieurs qui ne sont pas si visibles aux yeux des autres. L’amour est la plus brillante de toutes. Si j’ai dans le cœur une véritable crainte de Dieu, je suis alors enfant de Dieu ; mais la crainte étant une grâce plus voilée, qui n’a pas cette auréole de gloire qui appartient à l’amour, ce dernier devient une des meilleures preuves et un des signes les plus faciles à discerner, si nous sommes vivants au Seigneur ; si l’un manque d’amour, les autres grâces font aussi défaut dans la même proportion. Si vous avez peu d’amour, je crois que c’est un signe de la faiblesse de votre foi, car celui qui croit beaucoup aime beaucoup. Si l’amour est faible, la foi le sera aussi, ainsi que l’assurance en Dieu. Et quelques grâces qu’on possède, quoique la foi soit à la racine de toutes, — cependant elles sont si fortement attachées à l’amour, que si l’amour est faible toutes les autres grâces s’en ressentiront. C’est pour cela que notre Seigneur adresse à Pierre cette question : « M’aimes-tu ? »
Observez en outre que notre Seigneur n’adressa aucune question à Pierre sur ses œuvres. Il ne lui dit pas : « Pierre, combien, de temps as-tu pleuré ? — Combien de temps as-tu fait pénitence pour ton grand péché ? Combien de fois as-tu sollicité à genoux ma miséricorde pour le mépris dont tu m’avais couvert, et pour cette terrible malédiction et cette imprécation que tu as prononcée sur toi, lorsque tu renias ton Seigneur, que tu avais déclaré vouloir suivre en prison et même à la mort ? » Non, ce n’était pas en vue de ses actes, mais de l’état de son cœur, que Jésus lui dit : M’aimes-tu ? pour nous enseigner ceci : que, quoique les œuvres doivent suivre un sincère amour, cependant l’amour surpasse les œuvres, et que les œuvres sans l’amour sont des preuves sans valeur. Il peut y avoir des larmes, mais des larmes que Dieu n’acceptera pas. S’il n’y a pas d’amour pour lui, nous pouvons faire quelques œuvres, mais ces œuvres ne seront pas acceptées, si elles ne sont pas accomplies par amour pour sa personne. Nous pouvons pratiquer un grand nombre de cérémonies et d’observances religieuses ; mais si l’amour n’est pas à la base de toutes, ces choses sont vaines et inutiles. Ainsi la question « M’aimes-tu ? » est une question vitale, infiniment plus que toutes celles qui concernent simplement notre conduite extérieure. C’est une question qui arrive au cœur lui-même, et qui amène tout notre cœur à une seule question. — Car si l’amour est mauvais, tout le reste est mauvais. « Simon, Fils de Jonas, m’aimes-tu ? »
Ah ! Bien chers frères, nous avons bien des motifs pour vous adresser cette question : si notre Sauveur n’était qu’un homme semblable à nous, il aurait souvent pu croire que nous ne l’aimions pas du tout. Permettez que je vous remette en mémoire diverses choses qui nous autorisent à vous poser cette question : « M’aimes-tu ? » Je ne parlerai que de la semaine qui vient de finir. Viens donc avec moi, mon frère en Christ, et jette un regard sur ta propre conduite : quand en parlant tu as prononcé une parole de colère, avec un regard hautain, le Seigneur n’aurait-il pas pu te dire : « M’aimes-tu ? » — Quand tu as fait telle ou telle chose, que tu savais très bien dans ta conscience n’être pas d’accord avec son commandement, n’aurait-il pas pu le dire : « M’aimes-tu ? » Ne te souvient-il pas de cette parole de murmure, quand quelqu’une de tes affaires, cette semaine, allait mal ; n’as-tu pas à cette occasion médit de Dieu et de sa providence ? Oh ! Alors ce Sauveur plein d’amour, jetant sur toi un regard plein de pitié et de tristesse, n’aurait-il pas pu te dire : « Pourquoi parles-tu ainsi ? M’aimes-tu ? » Je n’ai pas besoin de m’arrêter ici à détailler les divers péchés dont vous vous êtes rendu coupable. Vous avez assez péché, j’en suis certain, pour que vous vous accusiez, si même vous ne vous appuyez sur ceci, que le sceau auquel se reconnaissent ses disciples, c’est à son amour pour vous et non à votre amour pour lui. Oh ! Ne vous êtes-vous pas dit à vous-même : « Si je l’avais aimé davantage, je n’aurais pas autant péché », et puis-je l’aimer, quand j’ai si souvent violé ses commandements ? Ai-je réfléchi son image dans le monde, comme j’aurais dû le faire ? N’ai-je pas dissipé bien des heures dans cette semaine, que j’aurais pu employer à lui gagner des âmes ? N’ai-je pas perdu bien des moments précieux, en conversations frivoles et légères, que j’aurais pu consacrer à de ferventes prières ? Oh ! Combien de paroles prononcées qui, si elles n’ont pas été licencieuses (ce que j’espère), n’ont pas été telles qu’elles auraient dû être, pour devenir une bénédiction pour ceux qui les écoutaient ! Oh ! Combien de folies elles ont encouragées ! — Sur combien de péchés elles ont fermé les yeux ! Combien de crimes elles ont couverts ! Comme j’ai fait saigner le cœur de mon Sauveur ! Combien j’ai fait tort à sa cause, et déshonoré à quelques égards la profession cordiale de mon amour pour lui ! Adressez-vous ces questions, bien-aimés frères ; demandez-vous : « Est-ce là ta tendresse pour ton ami ? »
Toutefois je veux espérer que cette semaine est une de celles dans lesquelles tu as peu péché manifestement, quant au monde, et même dans ton propre jugement, en te livrant à des actes criminels. Mais permets-moi de te poser une autre question : « Ta propre mondanité ne rend-elle pas ton jugement suspect ? Quelles ont été tes préoccupations mondaines depuis le lundi matin jusqu’au samedi soir ? À peine as-tu eu le temps de penser à lui. Dans quelle cachette as-tu relégué Jésus, pour faire place à tes balles de marchandises ; où l’as-tu logé pour t’occuper de ton grand-livre et de ton journal ? Combien peu de minutes lui as-tu réservées ? Tu as été occupé de ton magasin, de la bourse, de ta ferme, et tu t’es réservé peu de temps pour être en communion avec lui ! Réfléchis à ce que je te dis ! Repasse en ta mémoire chaque jour de cette semaine ! Peux-tu dire que ton âme se soit envolée vers lui, sur les ailes d’un désir passionné ? As-tu langui dans cette semaine après ton Sauveur, comme le cerf brame après les eaux courantes ? — Peut-être a-t-il passé tout un jour près de toi, sans que tu lui aies donné une seule de tes pensées, et alors tu as pu te dire avec un sentiment de reproche : Comment ai-je pu oublier ainsi Christ aujourd’hui ? Je n’ai pas contemplé sa personne, ni marché avec lui. Je n’ai pas imité Énoch ! Je savais qu’il serait volontiers venu avec moi dans mon magasin ! Je savais que ce Christ béni se serait assis avec moi à mon comptoir, qu’il m’aurait volontiers et joyeusement suivi à la bourse ou au marché ; mais je l’ai laissé à la maison et l’ai oublié tant que le jour a duré ! Sûrement ! Bien-aimé, en te rappelant ta mondanité, tu dois te dire : « Oh ! Seigneur, tu as raison de me demander : M’aimes-tu ? »
Considère encore, je t’en conjure, combien tu as été froid cette semaine quand tu t’es approché du trône de la grâce. Tu t’en es sans doute approché, car tu ne saurais vivre sans cela. — Ton cœur s’est élevé en prière, car tu es chrétien et la prière t’est aussi nécessaire que le souffle que tu respires ; — mais, hélas, de quel souffle d’asthmatique tu as vécu cette semaine ! Que tes soupirs ont été faibles ! Te souvient-il comme tes prières étaient précipitées le lundi matin, comme elles étaient distraites le mardi soir ? Te souvient-il combien ton cœur était languissant quand tu étais agenouillé pour prier dans quelque autre occasion ? Tu as eu peu d’occasions de luttes, peu d’accidents, peu de chagrins cette semaine. Tu as eu peu de prières ardentes et efficaces ; tu as à peine touché les cornes de l’autel, tu t’es tenu à distance, tu as vu la fumée qui s’élevait de l’autel, mais tu n’en as pas saisi les cornes. Interroge-toi donc, et demande-toi si tes prières ne te sont point suspectes. Pour moi je dis ouvertement que les miennes m’ont souvent paru telles, et je ne connais rien qui me cause un si grave malaise que ces mots : Quand je travaille je prie ! — Oh ! Quelle pensée de Satan ! Il infiltre dans mon esprit cinquante mille pensées qui m’empêchent de prier, et quand je veux et dois prier, oh ! Quelle absence de désir fervent et brûlant ! — Et quand je voudrais m’approcher de Dieu, quand le repentir devrait m’arracher des larmes, quand je voudrais croire et en recueillir la bénédiction, combien ma foi et mon repentir sont faibles ! Vraiment j’ai pensé que la prière m’avait rendu plus incrédule qu’aucune autre chose ! J’ai plus de foi à la grandeur de mes péchés qu’à la puissance de ma prière, car combien est froide la prière quand elle est froide ! — De toutes les choses qui sont froides la prière est la pire de toutes, — car elle devient alors une véritable moquerie, et au lieu de réchauffer le cœur, elle le rend plus froid qu’il n’était avant ; elle semble même glacer sa vie et son esprit et le laisser en doute s’il est réellement héritier des cieux et un élu de Christ. Oh ! Considère la froideur de tes prières, chrétien, et dis si ton Sauveur n’a pas raison de t’adresser cette question solennelle : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? » Mais encore un mot sur lequel je t’engage à réfléchir. Peut-être as-tu beaucoup prié et cela aura été un temps de rafraîchissement par la présence du Seigneur. Mais peut-être sais-tu que tu n’as pas été cette semaine aussi loin que tu l’aurais pu dans un autre exercice de dévotion meilleur encore que la prière ; — je veux parler de la communion intime avec Christ. — Oh ! Bien-aimé, tu n’as été pendant cette semaine que peu de temps assis sous le pommier et tu as peu goûté les délices de son ombrage. Tu n’as pas beaucoup assisté à son banquet ni été couvert par la bannière de son amour. Viens et juge toi-même combien peu tu as vu ton Seigneur cette semaine ! Peut-être a-t-il été absent la plus grande partie du temps sans que tu en gémisses, sans en pleurer, sans soupirer après lui. Certainement tu ne l’aimais pas comme il méritait de l’être, autrement tu n’aurais pu supporter son absence ; tu ne l’aurais pas endurée avec autant de tranquillité si tu avais eu pour lui cette affection qu’un esprit sanctifié a pour son Seigneur. — Si tu as eu dans la semaine sa visite, pourquoi l’as-tu laissé aller ? Pourquoi ne l’as-tu pas contraint de demeurer avec toi comme les disciples d’Emmaüs ? Pourquoi ne l’as-tu pas saisi par sa robe, lui disant : « Pourquoi es-tu semblable au voyageur et à celui qui s’en va et qui refuse de s’arrêter la nuit ? » Oh ! Mon Seigneur, reste avec moi, je veux te garder, te retenir dans ma compagnie, je ne peux te laisser aller. Je t’aime, et je veux te contraindre à rester avec moi cette nuit et le jour suivant ; aussi longtemps que je le pourrai je te garderai. — Mais non ! Dans ta folie tu l’as laissé partir. Oh ! Mon âme, pourquoi n’as-tu pas saisi son bras et ne lui as-tu pas dit : je ne te laisserai pas aller ? — Mais tu t’es appuyé sur lui si faiblement, tu as souffert son départ avec tant de calme, qu’il a pu se retourner vers toi et te dire comme à Simon : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? »
Je vous ai adressé toutes ces questions, parce que je me les suis faites à moi-même. Je sens que je dois répondre à peu près à chacune d’elles : « Seigneur, j’ai de grands motifs pour me faire cette demande », et je crois qu’il en est de même pour chacun de vous si vous êtes sincères. Je n’approuve pas celui qui dit : « Je sais que j’aime Christ et n’en ai jamais douté », car nous avons souvent lieu de douter de nous-mêmes ; la foi ferme d’un fidèle n’implique pas une foi ferme de son amour pour Christ, mais celle de l’amour de Christ pour lui. Aucune foi ne croit toujours à son amour pour Christ. La foi la plus ferme a ses combats, et le plus vrai croyant aura souvent à lutter contre ses propres sentiments. « Seigneur, si je ne t’ai jamais aimé, si toutefois je ne suis pas un saint, je suis un pécheur. » Je crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité. — Le disciple peut croire quand il ne sent pas d’amour, car il peut croire que Christ aime son âme. Et quand il n’en a aucune preuve, il peut aller sans cela à Christ et s’appuyer sur lui tel qu’il est, avec une foi simple, se tenant ferme attaché à lui. Quoiqu’il ne voie pas les preuves de son amour, qu’il marche dans les ténèbres, privé de toute lumière, cependant il peut se confier au Seigneur et se tenir à son Dieu ; — mais il doit savoir que c’est toute autre chose que d’aimer Jésus, et que sur ce point nous avons un besoin continuel de nous adresser ces questions et d’examiner scrupuleusement l’étendue et la nature de nos preuves.
II.
J’arrive maintenant à mon second point qui est une réponse prudente : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? » Simon fit une très bonne réponse. Jésus lui avait demandé d’abord s’il l’aimait plus que les autres, et Simon n’osa répondre oui ! — Il avait été jadis un peu orgueilleux et même beaucoup, il avait pensé qu’il était meilleur que les autres disciples ; — mais dans cette occasion, il éluda la question et n’osa pas répondre qu’il aimait mieux que les autres, et je suis certain qu’il n’est pas un cœur aimant qui aura une plus haute opinion de son amour que de celui du moindre des enfants de Dieu. Je crois que plus un homme est élevé en grâce, plus petit il est dans sa propre estime, et il sera le dernier à s’attribuer une suprématie sur les autres dans la divine grâce de l’amour de Jésus. Mais remarquez la réponse que fit Simon Pierre : il ne répondit pas de la quantité, mais de la qualité de son amour. Il affirma qu’il aimait Jésus, mais non qu’il l’aimait plus que les autres. — « Seigneur, je ne peux dire combien je t’aime, mais tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime autant que je puis l’affirmer ; mais quant à l’étendue de mon amour, je ne peux pas t’en dire grand chose. »
Mais observez la manière discrète avec laquelle Pierre répondit. Si la question avait été adressée à quelqu’un de nous, il aurait peut-être répondu dans sa folie : « Seigneur, j’ai prêché pour toi tant de fois cette semaine ; Seigneur, j’ai distribué de mon bien aux pauvres cette semaine ; que ton nom soit béni, tu m’as fait la grâce de marcher humblement, fidèlement et justement, et c’est pour cela que je peux dire, Seigneur, que je t’aime » ; nous aurions mis en avant nos bonnes œuvres devant notre Maître comme des preuves de notre amour, nous aurions dit, comme Néhémie le fit autrefois : « Seigneur, tu m’as vu durant cette semaine. N’oublie pas mes bonnes œuvres. Oh ! Seigneur, je te rends grâces ; — je sais que ce sont tes dons, mais je pense qu’ils sont des preuves de mon amour. »
Cela aurait été une bonne réponse si elle avait été faite à un homme qui nous aurait dit : « Vous n’aimez pas toujours votre Sauveur », mais elle aurait été une folie si nous l’avions faite à notre Maître. — La réponse de Pierre était sage : « Seigneur, tu sais que je t’aime ». Si Pierre en avait appelé à ses œuvres, son maître aurait pu lui dire : « Oui, tu peux prêcher et pourtant ne pas m’aimer, — tu peux m’avoir prié suivant la coutume et ne pas m’aimer, — tu peux avoir fait toutes ces bonnes œuvres et cependant avoir été sans amour pour moi. Je ne t’ai pas demandé quelles étaient les preuves de ton amour, — mais ce qu’était ton amour même. »
Il est probable que tous mes chers amis ici présents auraient répondu : « T’aimer, Seigneur ! Quand mon cœur brûle pour toi et que je me sens prêt à aller pour toi en prison ou à la mort. — Quelquefois, quand je pense à toi, mon cœur est ravi en extase, et quand tu es absent, Seigneur, je gémis et crie comme le pigeon séparé de sa compagne. Oui, je sens, ô Christ, que je t’aime. » Mais le Seigneur aurait pu nous répondre : « Ah ! Tu as senti de la joie à parler en mon nom ; — mais il en est plus d’un qui s’y sont trompés, qui avaient une foi fictive, une espérance imaginaire en Christ et que le nom de Christ semblait remplir de joie. — Tu dis que tu étais triste en mon absence, mais cette tristesse n’était-elle pas la suite de quelque cause accidentelle, un mal de tête peut-être ou quelque autre incommodité ? Mais tu ajoutes encore : je me suis senti si heureux quand tu étais présent que j’aurais été prêt à mourir. » — Ah ! Pierre avait tenu autrefois le même langage, mais il fit une triste découverte quand il sonda ses sentiments ; car, quoiqu’il se soit jeté à la mer pour Christ, son âme aurait été éternellement perdue si le Seigneur ne lui avait fait grâce quand il l’avait renié trois fois avec imprécation contre lui-même ; mais non ! Pierre fut prudent, il ne mit point en avant ses sentiments et sa profession, il ne fournit point ses preuves, quoiqu’elles soient bonnes en elles-mêmes, il ne les mit pas devant Christ, il se borna à faire appel à sa toute-puissance. — Il ne lui dit pas : « Mon cœur contient telle ou telle matière, car tel ou tel signe l’indique ; mais, Seigneur, tu peux voir ce qui s’y passe et je n’ai pas besoin de te rien dire de plus. Seigneur, tu sais que je t’aime. »
Maintenant pourrions-nous, chers amis, aujourd’hui même, faire une réponse semblable à cette question ? Si Christ venait dans ce lieu, auprès de ces bancs, oserions-nous en appeler à sa toute science, à sa connaissance infaillible de notre amour pour lui ? C’est là la pierre de touche qui distingue un vrai chrétien d’un hypocrite. Si vous êtes un hypocrite, vous pourriez dire : « Mon pasteur sait que je t’aime. Les diacres le savent aussi, et ils le croient, car ils m’en ont donné une attestation écrite. Les membres de mon Église croient aussi que je t’aime, car ils me voient assis à ta table. Mes amis pensent de même, car ils m’entendent souvent parler de toi. » Mais vous ne pourriez pas dire : « Seigneur, tu sais que je t’aime ». Ton propre cœur est témoin que tes œuvres secrètes protestent contre cette profession, car tu ne pries point dans le secret de ton cabinet et tu ne peux pas prier en public pendant vingt minutes. Tu es chiche et parcimonieux dans ce que tu donnes à la cause de Christ, mais tu peux tromper à cet égard pour être vu. — Tu es un homme colérique et violent, mais quand tu viens dans la maison de Dieu tu sais prendre les allures d’un homme pieux et débonnaire, parler avec une affectation hypocrite comme si tu étais un homme de bonnes manières et qui ne se fâche jamais. Tu peux prendre en vain le nom de ton Maître, mais si tu en entends un autre faire de même, tu es impitoyable pour lui. Tu affectes d’être très pieux, et cependant si les hommes savaient que tu arraches à la veuve sa maison et que tu dépouilles l’orphelin de son patrimoine, ne cesserais-tu pas de parler si haut de tes bonnes œuvres ? Ton propre cœur te dit que tu es un menteur devant Dieu. Mais pour toi, ô chrétien sincère, la question du Seigneur sera bien venue et tu peux y répondre avec une sainte crainte et une confiance dans la grâce. Une telle question n’a jamais été faite à Judas. Le Seigneur aimait Pierre autant qu’il était jaloux de son affection, autrement il n’aurait jamais ainsi réclamé l’assurance de son attachement. Et c’est de cette manière qu’il en appelle à l’affection de ceux qu’il aime le plus. La réponse est rappelée également ici pour toi : « Seigneur, tu connais toutes choses ». Ne peux-tu pas regarder en haut, quoique méprisé par les hommes, — rejeté par ton ministre, — repoussé par les diacres, — mésestimé par plusieurs, — ne peux-tu pas regarder en haut et dire : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je l’aime » ? Ne le dis pas avec vanterie et bravade ; mais si tu peux le dire en sincérité, sois heureux et bénis Dieu de ce qu’il t’a donné un amour vrai pour ton Sauveur, et demande-lui de l’accroître et de faire que l’étincelle devienne une flamme et le grain de sénevé une montagne. « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? Oui, Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime. »
III.
Et maintenant il y a ici une démonstration requise. « Pais mes agneaux, pais mes brebis », telle était la démonstration de Pierre. Il ne faut pas nécessairement que ce moyen de montrer notre amour soit le chemin de tous. Il y a des chemins divers pour les divers disciples. Les uns ne sont pas qualifiés pour paître les agneaux, car ils sont eux-mêmes de petits agneaux. — Il en est d’autres qui ne pourraient pas paître des brebis, car ils ne peuvent pour le présent voir de loin ; ils sont faibles dans la foi, et ne sont pas faits pour enseigner du tout. Ils ont toutefois d’autres moyens pour montrer leur amour au Sauveur. Qu’ils me permettent de leur adresser quelques réflexions sur ce sujet.
« M’aimes-tu ? » Alors, une des meilleures preuves que tu puisses m’en donner c’est de « paître mes agneaux ». Ai-je deux ou trois enfants qui aiment et craignent mon nom ? Si tu as besoin de faire une œuvre qui montre que tu m’aimes véritablement et que tu es plus qu’un orgueilleux prétendant, va et pais-les ; ne sont-ils pas du nombre de ces petits que j’ai rachetés de mon sang dans une école enfantine ? As-tu besoin de faire quelque chose qui mette en évidence que tu es réellement à moi ? Alors ne va pas t’asseoir avec les anciens ni disputer avec les docteurs dans le temple. J’ai fait cela moi-même ; mais toi, va et assieds-toi avec les jeunes orphelins, et montre-leur le chemin du royaume. « Pais mes agneaux. »
Chers et bien-aimés, une réflexion m’a dernièrement rendu très perplexe, savoir, que notre gouvernement d’Église n’était pas selon les Écritures. Il est scripturaire à un certain point, mais il ne l’est pas entièrement selon l’Écriture ; et nous ne mettons pas en pratique beaucoup d’excellentes choses qui devraient être faites dans nos Églises. Nous avons reçu au milieu de nous un grand nombre de jeunes personnes ; dans les anciennes Églises, il y avait ce qu’on appelait la classe des catéchumènes. Je crois qu’il devrait en exister une semblable de nos jours. L’école du dimanche, je crois, est dans l’Écriture, et je pense qu’il devrait y avoir, le dimanche après-midi, une classe de jeunes enfants de cette Église, qui en font déjà partie, qui seraient enseignés par quelques-uns des membres plus anciens. Aujourd’hui, quand,nous conduisons nos agneaux, nous les menons au hasard dans la prairie, puis, nous les y laissons : il y a plus de cent jeunes gens dans cette Église qui positivement, quoiqu’ils en soient membres, ne devraient pas être laissés seuls ; mais quelques-uns de nos anciens, s’il en est parmi nous, ou quelques-uns de ceux qui doivent être ordonnés anciens, devraient faire leur affaire de les enseigner et les pousser plus avant, les instruire dans la foi et les tenir fermes dans la vérité de Jésus-Christ. Si nous avions des anciens comme il en existait dans les Églises apostoliques, ce but pourrait être atteint. Mais maintenant la tâche des diacres est trop forte, ils font beaucoup de choses qui sont du ressort des anciens, et ils ne peuvent rien faire au delà, car ils sont déjà surchargés de travail. Je voudrais que quelques-uns de ceux qui ont reçu le don de Dieu, et ont du temps, veuille consacrer leurs après-midi à tenir une classe de leurs plus jeunes frères, de ceux qui vivent autour d’eux, les attirer dans leur demeure pour prier ensemble et leur donner une instruction pieuse, en sorte que les agneaux du troupeau puissent être nourris.
Je m’efforcerai, avec l’aide de Dieu, de les paître aussi bien que je le pourrai en leur prêchant l’Évangile. Vous qui êtes plus vieux et plus fermes dans la foi, n’avez pas besoin des soins et de la nourriture qu’exigent les agneaux. Mais il y a au milieu de nous beaucoup de bonnes âmes pieuses qui aiment le Seigneur autant que les brebis le font, et une de leurs plaintes, que j’ai souvent entendue, est celle-ci : « Oh ! Monsieur, quand je me suis joint à votre Église, je pensais que tous ses membres seraient pour moi des frères et des sœurs, que je pourrais leur parler, qu’ils m’enseigneraient et seraient bons pour moi. Mais, hélas, personne ne m’a rien dit. » — Je répondais : « Mais pourquoi ne leur avez-vous pas le premier adressé la parole ? » — « Oh ! répondaient-ils, je n’osais pas le faire. » — Soit ; je conviens qu’ils auraient dû l’aimer, mais si nous avions quelques moyens pour nourrir les agneaux, ce serait une excellente chose pour prouver à notre Sauveur et au monde que nous nous efforçons réellement de le suivre. — J’espère que quelques-uns de mes amis recevront favorablement cet avis ; et si, d’accord avec moi, mes chers collègues dans le ministère s’efforcent de travailler dans le même sens et dans le même esprit, je pense que ce ne sera pas une preuve insignifiante de leur amour pour Christ. « Pais mes agneaux » est un grand devoir ; accomplissons-le de notre mieux.
Mais, bien-aimés, nous ne pouvons pas tous faire cela. Les agneaux ne peuvent pas paître les agneaux, ni les brebis paître les brebis. Il doit y en avoir quelques-uns qui soient chargés de ces offices. Et c’est pour cela que je vous demande, au nom du Sauveur, de me permettre de dire à quelques-uns de vous qu’il y a différentes preuves que vous pouvez fournir de votre amour. « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? » Il répond : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Dans ce cas, maintenez telle réunion de prières ; assistez-y ; voyez si elle chemine bien, afin qu’elle ne tombe pas. Veillez sur vos serviteurs, afin qu’ils aillent à la maison de Dieu, et instruisez-les dans la foi. — Il y a là une sœur. — « Aimes-tu Christ ? » Oui, Seigneur. — Peut-être est-ce tout ce que vous pouvez et devez faire, que d’élever vos enfants dans la crainte de Dieu. — Il ne faut pas que vous vous inquiétiez pour des devoirs que Dieu n’a jamais eu l’intention de vous imposer, et que vous songiez à abandonner votre propre tâche domestique pour eux. Prenez soin, d’abord de vos propres enfants : peut-être est-ce là la preuve que le Seigneur attend de vous quand il vous dit : « Pais mes agneaux ». Vous avez votre affaire à laquelle Christ vous a destiné ; ne cherchez pas ailleurs, mais efforcez-vous de servir en cela votre Maître. Mais, je vous en conjure, faites quelque chose pour prouver votre amour, ne restez pas assis sans rien faire, les bras croisés ; car des gens de cette nature, qui sont incapables d’agir, angoissent beaucoup un ministre, et font le plus grand tort à l’Église.
Vous êtes toujours le plus disposé à trouver les autres en faute. Je l’ai remarqué, ici, c’est que les gens qui trouvent des torts en chaque chose sont ceux qui ne font rien et ne sont bons à rien. — Ne faisant rien eux-mêmes, ils ont tout le temps de remarquer les défauts des autres. — Oh ! Chrétien, ne dis pas que tu aimes Christ, quand tu ne fais rien pour lui. — L’action est un signe certain de la vie, et on peut à peine dire vivant celui qui ne fait rien pour Dieu. — Nos œuvres sont une preuve de la sincérité de notre amour pour notre Maître. — Mais, dites-vous, « nous faisons bien quelque chose ». Pouvez-vous faire davantage ? Si vous le pouvez, faites-le. Si vous ne pouvez rien faire de plus, Dieu n’exigera pas de vous davantage. — Si vous faites le plus que vous pouvez, c’est une preuve dont il se contentera ; mais si vous pouvez faire plus, et si vous servez Christ au rabais, défiez-vous alors de votre amour pour lui. Faites donc tout ce qui est en votre pouvoir, servez-le abondamment, même surabondamment. — Cherchez à magnifier son nom, et si jamais vous faites trop pour Christ, venez à moi et dites-le moi. — Si jamais vous faites trop pour Christ, parlez-en aux anges ; — mais c’est ce que vous n’aurez jamais occasion de faire. Il s’est donné lui-même pour vous, donnez-vous à lui.
Vous voyez, mes amis, que j’ai cherché à vous engager à sonder vos propres cœurs ; et j’ai presque peur que quelques-uns de vous se méprennent sur mes intentions. Il y a peut-être ici quelque pauvre âme qui déplore réellement la langueur de ses affections, qui se sera souvent demandé comment elle pourra faire revivre en elle les étincelles mourantes de l’amour. Permettez-moi de vous dire que la pure flamme de l’amour doit être constamment entretenue, quand elle a été une fois allumée. — Quand je vous engageai à vous examiner vous-même, c’était seulement pour découvrir le mal ; voulez-vous trouver le remède ? Vous devez porter vos yeux, non sur votre propre cœur, mais sur le cœur béni de Jésus, notre bien aimé, notre gracieux Seigneur et Maître. Et si jamais tu veux avoir la conscience des douces élévations de ton cœur vers lui, tu ne peux le prouver que par un sentiment constant de ton amour pour lui. Je me réjouis de savoir que le Saint-Esprit est l’Esprit d’amour, et le ministère de l’Esprit ne m’est jamais plus cher qu’en ceci, c’est qu’il prend les choses de Jésus et me les enseigne en répandant l’amour du Sauveur dans mon cœur, jusqu’à ce qu’il règle toutes mes passions, qu’il y réveille les émotions les plus tendres, qu’il révèle mon union avec lui et excite en moi un vif désir de le servir. Que l’amour ne t’apparaisse pas comme un devoir sévère ou un effort pénible. Regarde plutôt à Jésus, abandonne-toi au charme de sa grâce, jusqu’à ce que tu te sentes ravi par sa beauté et son prix immense. — Mais, hélas, si tu te relâches dans les preuves que tu en donnes, je connaîtrai que tu ne marches pas encore avec lui dans sa sainte communion.
Permettez-moi encore de vous suggérer un moyen profitable de perfectionner la célébration de la cène du Seigneur ; le voici, chers amis. Quand vous y participez, renouvelez votre consécration à Christ. Cherchez à vous donner dès ce matin tout de nouveau à votre Maître. Dites dans vos cœurs ce que je dis maintenant de mes lèvres : « Oh ! Mon précieux Sauveur Jésus, je t’aime, tu sais que je me suis donné en quelque mesure à toi et je t’en rends grâces. Que ton nom soit béni, de ce que tu as accepté les œuvres de ton indigne serviteur. Mais, ô Seigneur, j’ai la conscience que je ne me suis pas dévoué à toi autant que j’aurais dû le faire, et que j’ai manqué en beaucoup de choses. Je ne veux pas prendre de résolution de mieux vivre pour ta gloire, mais je veux te supplier de m’aider à le faire. Oh ! Seigneur, je te remets santé, vie, talents, pouvoir et tout ce que je possède. Tu m’as racheté entièrement. Prends-moi donc à toi ce matin, baptise-moi du Saint-Esprit, et fais que je sente une vive affection pour ta bénie personne. — Puissé-je obtenir cet amour qui triomphe du péché et purifie l’âme, — cet amour qui affronte le danger et va au devant des difficultés pour l’amour de toi ; — puissé-je être désormais et à toujours un vaisseau de miséricorde, consacré et choisi par toi dès avant la fondation du monde ! Aide-moi à affermir mon élection, que je désire te renouveler ce matin par la grâce en me consacrant entièrement à ton service. » Et quand vous buvez le sang de Christ et mangez sa chair spirituellement (types et emblèmes de sa mort), je vous conjure alors que le souvenir solennel de son agonie et de ses souffrances pour vous vous anime d’un plus grand amour pour lui et que vous soyez plus que jamais dévoué à son service. Si cela a lieu, ce sera une grande bénédiction pour nos Églises, et assistés par le Saint-Esprit dans l’accomplissement de cet acte, nous serons tous des hommes d’une piété réelle, fermement attachés à lui, et au dernier jour nous ne serons point confus.
Quant à vous qui ne vous êtes jamais donnés à Christ, je ne peux pas vous demander de renouveler un vœu que vous n’avez jamais fait auparavant, ni de faire une promesse que vous seriez incapables de tenir. Je peux seulement prier pour vous, afin qu’il plaise à l’Éternel, votre Dieu Sauveur, de se révéler à votre cœur, et qu’un sentiment de son pardon, acheté au prix de son sang, puisse amollir vos cœurs de pierre ; que vous puissiez être portés à vous donner à lui, sachant, qu’en faisant cela, vous acquerrez la meilleure preuve qu’il s’est donné lui-même pour vous. Veuille le Dieu tout puissant vous bénir ; que ceux de vous qui partent emportent sa bénédiction, et que ceux qui restent reçoivent sa faveur, pour l’amour de Christ ! Amen.
tres bien ,une lecture des plus vrais .mercie
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